
Principe du pollueur-payeur: une application incohérente dans les différentes politiques et actions environnementales de l'UE
À propos du rapportLa pollution coûte cher à la société et se trouve au cœur des préoccupations des citoyens de l'UE. En application du principe du pollueur-payeur (PPP), il est dans l'intérêt des pollueurs d'éviter de causer des dommages environnementaux puisqu'ils sont tenus pour responsables de la pollution qu'ils génèrent. Dans l'ensemble, nous avons constaté que le PPP était pris en compte et appliqué à des degrés divers dans les différentes politiques environnementales de l'UE et que sa couverture et son application restaient incomplètes. Le budget de l'UE est parfois utilisé pour financer des actions de dépollution dont les coûts auraient dû, en vertu du PPP, être supportés par les pollueurs. Nous recommandons d'intégrer davantage le PPP dans la législation environnementale, de renforcer le régime de responsabilité environnementale au niveau de l'UE et de mieux protéger les fonds de l'UE en veillant à ce qu'ils ne soient pas utilisés pour financer des projets qui devraient être à la charge du pollueur.
Rapport spécial de la Cour des comptes européenne présenté en vertu de l'article 287, paragraphe 4, deuxième alinéa, du TFUE.
Synthèse
ILe principe du pollueur-payeur est l'un des principes fondamentaux de la politique environnementale de l'Union européenne (UE). Concrètement, cela signifie que les pollueurs supportent les coûts engendrés par la pollution résultant de leurs activités, y compris le coût des mesures prises pour prévenir, combattre et éliminer la pollution et celui qui pèse sur la société. En application de ce principe, il est dans l'intérêt des pollueurs d'éviter de causer des dommages environnementaux puisqu'ils sont tenus pour responsables de la pollution qu'ils génèrent. C'est également le pollueur, et non le contribuable, qui prend en charge les coûts liés à la réparation.
IILe présent rapport a pour objet de déterminer si ce principe a été correctement appliqué dans quatre domaines de la politique environnementale de l'UE: la pollution industrielle, les déchets, l'eau et les sols. Nous avons examiné si les actions de la Commission liées à la directive sur la responsabilité environnementale régissant les dommages environnementaux causés par l'activité économique avaient donné des résultats. Enfin, nous avons cherché à savoir si la Commission et les États membres avaient protégé le budget de l'UE en empêchant qu'il soit utilisé pour supporter des dépenses qui devraient être à la charge des pollueurs. Au cours de la période 2014‑2020, l'UE a affecté à la politique de cohésion et au programme LIFE un budget d'environ 29 milliards d'euros pour des projets dont l'objectif premier est de protéger l'environnement. Nous avons examiné les dépenses et les actions de l'UE relevant du cadre financier pluriannuel 2014‑2020.
IIINous avons décidé de consacrer un audit à ce sujet pour plusieurs raisons:
- la pollution coûte cher à la société et se trouve au cœur des préoccupations des citoyens de l'UE;
- le principe du pollueur-payeur a un rôle déterminant à jouer pour permettre à l'Europe d'atteindre ses objectifs environnementaux de manière efficiente et juste;
- le rapport met en évidence des pistes exploitables pour parvenir à une meilleure intégration du principe du pollueur-payeur dans la future législation environnementale et dans le financement par l'UE de projets de réparation des dommages environnementaux;
- ses conclusions et recommandations pourront également servir au Parlement et au Conseil dans le cadre du contrôle de toute la législation environnementale et de l'évaluation, par la Commission, de la directive sur la responsabilité environnementale, évaluation qui doit s'achever en 2023.
Dans l'ensemble, nous avons constaté que le principe du pollueur-payeur était pris en compte et appliqué à des degrés divers dans les différentes politiques environnementales de l'UE et que sa couverture et son application restaient incomplètes. En ce qui concerne la responsabilité environnementale, les actions de la Commission visant à soutenir la mise en œuvre, par les États membres, de la directive en la matière n'ont pas remédié à ses principales faiblesses, telles que le manque de clarté des définitions et des concepts clés et l'absence de garantie financière en cas d'insolvabilité. Le budget de l'UE est parfois utilisé pour financer des actions de dépollution dont les coûts auraient dû, en vertu du principe du pollueur-payeur, être supportés par les pollueurs.
VNous recommandons à la Commission:
- d'évaluer les possibilités d'intégrer davantage le principe du pollueur-payeur dans la législation environnementale;
- d'envisager de renforcer l'application de la directive sur la responsabilité environnementale;
- de protéger les fonds de l'UE en veillant à ce qu'ils ne soient pas utilisés pour financer des projets qui devraient être à la charge du pollueur.
Introduction
01La politique environnementale de l'Union européenne (UE) vise à garantir que tous les citoyens de l'UE vivent dans un environnement sain, où les ressources naturelles sont gérées de manière durable et où la biodiversité est préservée1. Au cours des dernières décennies, les émissions de polluants dans l'air, l'eau et le sol ont été réduites de manière significative2, mais la pollution et les dommages environnementaux n'en restent pas moins un enjeu majeur.
02À l'échelle globale de l'UE, 26 % des masses d'eau souterraines doivent encore atteindre un «bon état chimique», et environ 60 % des eaux de surface (rivières, lacs, eaux de transition et eaux côtières) ne sont pas en bon état chimique et écologique3. L'UE compte environ 2,8 millions de sites potentiellement contaminés, principalement par l'activité industrielle et l'élimination des déchets4. La pollution atmosphérique, qui constitue le principal risque sanitaire environnemental en Europe, est également nocive pour la végétation et les écosystèmes5.
D'où vient le principe du pollueur-payeur?
03L'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a instauré pour la première fois le principe du pollueur-payeur (PPP) en 19726. Selon ce principe, le pollueur doit supporter les dépenses liées à la mise en œuvre des mesures de prévention et de lutte contre la pollution prises par les pouvoirs publics pour que l'environnement soit dans un état acceptable. Les décideurs politiques peuvent utiliser ce principe pour réduire la pollution et restaurer l'environnement. Lorsque ce principe est appliqué, il est dans l'intérêt des pollueurs d'éviter de causer des dommages environnementaux puisqu'ils sont tenus pour responsables de la pollution qu'ils génèrent. C'est également le pollueur, et non le contribuable, qui prend en charge les coûts engendrés par la pollution. En économie, on parle d'«internalisation» d'«externalités environnementales négatives». Lorsque les coûts de la pollution sont imputés au pollueur, le prix des biens et des services augmente pour englober ces coûts. Comme les consommateurs préfèrent acheter moins cher, les producteurs sont incités à commercialiser des produits moins polluants7.
04Depuis 1972, la portée du PPP s'est progressivement accrue (figure 1)8. Dans un premier temps, le principe était uniquement axé sur les coûts de prévention et de lutte contre la pollution, mais il a ensuite été étendu aux coûts des mesures prises par les autorités du fait des émissions de polluants. Puis il a été élargi à la responsabilité environnementale: les pollueurs doivent supporter les coûts des dommages environnementaux qu'ils causent, même si la pollution à l'origine du dommage est inférieure aux limites légales («pollution résiduelle tolérable») ou accidentelle9.
Figure 1
Extension du PPP
Source: Cour des comptes européenne.
En 1992, la déclaration de la Conférence des Nations unies sur l'environnement et le développement (communément appelée «déclaration de Rio»10) reconnaît le PPP comme l'un des 27 principes directeurs du développement durable à venir.
Le PPP dans l'UE
Cadre d'action
06Le PPP sous-tend la politique environnementale de l'UE. En vertu de l'article 191, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE)11 de 2007, «la politique de l'Union dans le domaine de l'environnement […] est fondée sur les principes de précaution et d'action préventive, sur le principe de la correction, par priorité à la source, des atteintes à l'environnement et sur le principe du pollueur-payeur». Les législateurs de l'Union ne sont pas liés par ce principe lorsqu'ils adoptent une politique de l'UE dans des domaines autres que celui de l'environnement, même lorsque ces politiques sont susceptibles d'avoir un impact environnemental important, par exemple dans les domaines des transports, de la pêche ou de l'agriculture.
07La Commission européenne est chargée d'élaborer des propositions législatives en matière d'environnement fondées sur le PPP. Les États membres sont quant à eux responsables de transposer, de mettre en œuvre et de faire appliquer les directives et règlements de l'UE dans le domaine de l'environnement. Comme le montre la figure 2, les législateurs de l'Union et ceux des États membres disposent de divers instruments pour appliquer le PPP.
Figure 2
Instruments de mise en œuvre du PPP
Source: Cour des comptes européenne, adaptation du document Principle of EU Environmental Law, The Polluter Pays Principle de la Commission européenne.
Au cours des dernières décennies, l'UE a adopté un large éventail d'actes législatifs dans le domaine de l'environnement. Ses politiques en couvrent divers aspects, comme la biodiversité, la forêt, les sols et leur utilisation, l'eau et l'air. D'autres politiques ciblent des sources de pollution précises, comme les produits chimiques, l'industrie et les déchets. Plusieurs actes relevant de la législation environnementale jouent un rôle important dans l'application du PPP:
- la directive 2010/75/UE relative aux émissions industrielles (DEI) fixe des limites d'émission fondées sur un système d'autorisation pour environ 52 000 grandes installations industrielles dans l'UE. La DEI repose sur une approche intégrée selon laquelle les autorisations doivent prendre en compte la performance environnementale de l'installation dans son ensemble, dont les émissions de polluants, les matières premières utilisées, l'efficacité énergétique et la restauration du site à la fermeture;
- la directive-cadre 2008/98/CE relative aux déchets porte sur la gestion des déchets. D'autres instruments juridiques encadrent spécifiquement certains aspects et types de déchets, comme les déchets d'emballages, les plastiques à usage unique, les équipements électriques et électroniques, les piles et accumulateurs, les véhicules hors d'usage, les déchets miniers, les décharges et les transferts de déchets;
- la directive-cadre sur l'eau 2000/60/CE (DCE) établit la politique de l'eau, avec ses directives connexes, notamment la directive 91/271/CEE relative au traitement des eaux urbaines résiduaires, la directive (UE) 2020/2184 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine et la directive 2007/60/CE «Inondations». D'autres actes législatifs sectoriels portent sur la pollution des eaux, comme la directive 2009/128/CE sur les pesticides ou la directive 91/676/CEE sur les nitrates;
- la directive 2004/35/CE sur la responsabilité environnementale (DRE) définit le cadre de l'UE en la matière. Selon le principe de responsabilité environnementale, les opérateurs économiques sont tenus de payer la réparation des dommages qu'ils causent à l'environnement, ce qui les incite à éviter d'en provoquer. En vertu de la DRE, lorsque des dommages environnementaux significatifs affectant les sols, l'eau et la biodiversité résultent d'une activité économique considérée comme risquée (activités visées à l'annexe III de la DRE), l'exploitant responsable est tenu de prendre toutes les mesures de réparation nécessaires à ses frais. Pour les activités économiques qui ne sont pas considérées à risque pour l'environnement, y compris l'agriculture, la DRE exige des exploitants qu'ils réparent les dommages causés à la biodiversité uniquement s'ils ont commis une faute ou une négligence;
- les entreprises qui stockent des substances dangereuses sont par ailleurs soumises à la directive 2012/18/UE (dite «directive Seveso»), qui vise à prévenir les accidents majeurs impliquant des substances dangereuses;
- la directive 2009/147/CE «Oiseaux» et la directive 92/43/CEE «Habitats», désignées collectivement par le terme «directives «Nature»», forment la pierre angulaire de la politique de l'UE en matière de biodiversité. Les directives «Nature» exigent des États membres qu'ils protègent les habitats naturels, ce qu'ils peuvent faire avec le concours de fonds de l'UE. La directive «Habitats» indique explicitement que le PPP a une portée limitée pour la conservation de la nature. La DRE couvre les dommages significatifs causés aux espèces et habitats protégés.
L'UE ne s'est pas dotée d'une législation unique encadrant la pollution des sols. Toutefois, quelque 35 instruments législatifs, stratégiques et financiers ont été répertoriés comme potentiellement utiles à la protection des sols12.
Le financement de l'UE
10La pollution coûte cher aux citoyens de l'UE. Le coût total de la pollution pour la société n'a jamais fait l'objet d'une évaluation complète. Selon une étude réalisée récemment pour la Commission, les coûts et les bénéfices perdus du fait du non-respect des exigences prévues dans la législation environnementale de l'UE sont estimés à environ 55 milliards d'euros par an13.
11Une part considérable du budget de l'UE est consacrée à la réalisation de ses objectifs liés à l'environnement et à la lutte contre le changement climatique. Pour la période 2014‑2020, l'Union s'est engagée à consacrer au moins 20 % de son budget total à l'action pour le climat. Elle intègre des objectifs environnementaux dans bon nombre de ses programmes de financement. Par exemple, pour la période 2014‑2020, la Commission a classé 66 milliards d'euros de dépenses au titre de la politique agricole commune et 1 milliard d'euros destinés à la pêche dans la catégorie des dépenses consacrées à la biodiversité. Un rapport récent montre cependant que ce chiffre est surestimé14.
12Le budget de l'UE finance des projets de dépollution de sites et de protection de l'environnement, principalement au moyen des fonds relevant de la politique de cohésion (à savoir le Fonds européen de développement régional et le Fonds de cohésion), sous le thème générique «Environnement et utilisation efficace des ressources», et du programme LIFE (LIFE). Ces fonds financent le coût des infrastructures nécessaires au traitement des eaux usées et à la gestion des déchets dans certains États membres, ainsi que des mesures visant à contrôler l'état de l'environnement et à développer des infrastructures vertes15.
13LIFE16 est un programme de l'UE axé sur l'environnement et le changement climatique. Pour la période 2014‑2020, le cadre financier pluriannuel a affecté 2,6 milliards d'euros au sous-programme «Environnement» de LIFE.
14Sur cette même période, le budget de l'UE destiné à la politique de cohésion et au programme LIFE prévoit de consacrer environ 29 milliards d'euros à des projets dont l'objectif premier est de protéger l'environnement (figure 3).
Figure 3
Vue d'ensemble des fonds de l'UE affectés à la politique de cohésion et au sous-programme «Environnement» de LIFE réservés aux projets environnementaux (2014-2020, en milliards d'euros)
Source: Cour des comptes européenne, sur la base de données extraites en avril 2021 de la base de données de la Commission européenne sur les dépenses prévues par l'UE au titre des Fonds structurels et d'investissement européens et du sous-programme «Environnement» de LIFE.
Étendue et approche de l'audit
15La pollution coûte cher à la société et se trouve au cœur des préoccupations des citoyens de l'UE. Le principe du pollueur-payeur a un rôle déterminant à jouer pour permettre à l'Europe d'atteindre ses objectifs environnementaux de manière efficiente et juste. Nous avions déjà fait état, dans des rapports antérieurs, de cas dans lesquels le PPP n'avait pas été appliqué17. Pour autant, nous ne nous étions pas encore penchés sur le PPP proprement dit. Le présent rapport met en évidence des pistes exploitables pour parvenir à une meilleure intégration du PPP dans la future législation environnementale et dans le financement par l'UE de projets de réparation des dommages environnementaux. Ses conclusions et recommandations pourront servir au Parlement et au Conseil dans le cadre du contrôle de toute la législation environnementale et de l'évaluation de la DRE par la Commission, évaluation qui doit s'achever en 2023.
16Nous avons examiné le cadre d'action de l'UE en ce qui concerne le PPP. Nous avons plus particulièrement cherché à savoir si:
- ce principe avait été correctement appliqué dans quatre domaines de la politique environnementale de l'UE: la pollution industrielle, les déchets, l'eau et les sols;
- les actions de la Commission liées à la DRE avaient donné des résultats;
- la Commission et les États membres avaient protégé le budget de l'UE en empêchant qu'il soit utilisé pour supporter des dépenses qui devraient être à la charge des pollueurs.
Nous avons examiné les dépenses et les actions de l'UE relevant du cadre financier pluriannuel 2014‑2020. Notre audit n'a pas porté sur les secteurs de l'énergie et de l'action pour le climat, ni sur la pollution atmosphérique, car nous avons déjà abordé ces thématiques dans plusieurs autres rapports18. Nous avons exclu du périmètre de notre audit les taxes environnementales perçues par les États membres.
18Dans le cadre de nos travaux d'audit, nous avons:
- examiné les rapports de la Commission et des agences compétentes, ainsi que d'autres actions liées à l'application du PPP dans les politiques de l'UE;
- obtenu des explications de la part des autorités nationales chargées de la mise en œuvre de la DRE en Italie, en Pologne et au Portugal. Nous avons sélectionné ces États membres sur la base du nombre de cas signalés au titre de la DRE et de manière à tenir compte de l'équilibre géographique;
- examiné 42 projets de réparation de dommages environnementaux. Pour ce faire, nous avons sélectionné des projets consacrés à la restauration de l'environnement pour un montant de 180 millions d'euros provenant des fonds de la politique de cohésion et du programme LIFE, en Italie, en Pologne et au Portugal, au cours de la période 2014‑2020. Nous avons sélectionné ces projets, car ils finançaient des travaux de décontamination rendus nécessaires par une pollution d'origine humaine.
Observations
Le PPP sous-tend la législation environnementale de l'UE
19Nous avons examiné comment l'UE avait intégré le PPP dans ses actes législatifs majeurs, tels que la DEI pour la pollution industrielle, la directive-cadre relative aux déchets, la directive-cadre sur l'eau pour la pollution de l'eau et les multiples directives et règlements liés à la pollution des sols. Nous avons vérifié s'ils contenaient des dispositions concernant l'application du PPP et déterminé dans quelle mesure les pollueurs étaient tenus de supporter les coûts de leur pollution.
Le PPP s'applique aux installations les plus polluantes, mais le coût de la pollution résiduelle pour la société demeure élevé
20La DEI couvre 33 secteurs industriels (annexe I). Dans certains, elle porte sur l'ensemble des installations, tandis que dans d'autres, elle ne concerne que les plus grandes d'entre elles (par exemple les centrales électriques d'une puissance thermique nominale totale supérieure à 50 mégawatts).
21Les installations concernées doivent disposer d'une autorisation d'exploitation fixant des règles spécifiques et des limites d'émission fondées sur les conclusions sur les «meilleures techniques disponibles» (MTD). Les documents de référence sur les MTD sont des documents connexes, qui fournissent des solutions techniques pour limiter la pollution tout en préservant la viabilité économique des installations industrielles. La Commission révise et met à jour régulièrement les conclusions sur les MTD. Toutes les installations concernées existantes disposent d'une période de transition de quatre ans pour se mettre en conformité, tandis que les nouvelles installations doivent être conformes d'emblée. Les autorités des États membres inspectent les installations relevant de la DEI, sanctionnent celles qui ne sont pas conformes et les ferment dans les cas les plus graves.
22En 2020, la Commission a publié une évaluation de la DEI19, qui a montré que le coût des dommages causés par les émissions atmosphériques de toutes les installations relevant de la DEI avait diminué d'environ 50 % entre 2010 et 2017. La Commission a estimé les coûts et avantages de la DEI pour certains secteurs: par exemple, dans le secteur sidérurgique, le respect de la DEI coûte environ 90 millions d'euros par an, tandis que la prévention de la pollution permet d'économiser 932 millions d'euros chaque année20. Dans sa communication sur le pacte vert pour l'Europe21, la Commission a annoncé qu'elle proposerait un réexamen des mesures prises par l'UE pour lutter contre la pollution causée par les grandes installations industrielles.
23Les propriétaires des installations sont tenus de supporter les coûts liés au respect des conditions fixées dans l'autorisation qui leur a été délivrée au titre de la DEI. Cela suppose notamment de prendre des mesures pour maintenir les émissions dans les limites légales, ce qui signifie qu'ils internalisent les coûts de prévention et de lutte contre la pollution. Des fonds publics peuvent cependant soutenir des actions visant à aller au-delà des normes existantes22. Si les installations causent des dommages environnementaux significatifs, elles tombent sous le coup de la DRE (points 42 à 62), ce qui signifie qu'elles doivent prendre en charge le coût de la réparation. La majorité des États membres (17) ne tiennent pas les installations pour responsables lorsque les dommages environnementaux résultent d'émissions situées dans les limites de l'autorisation qui leur a été délivrée23, et que l'installation n'a pas commis de faute ou de négligence.
24Comme nous le précisions au point 20, la DEI porte sur les installations industrielles les plus polluantes. Elle n'exige pas des installations qu'elles prennent en charge le coût de l'impact de la pollution résiduelle pour la société. En 2014, l'Agence européenne pour l'environnement (AEE) a estimé que le coût pour la société des dommages dus à la pollution atmosphérique résiduelle causée par 14 000 grandes installations industrielles au cours de la période 2008‑2012 se situait entre 329 milliards et 1 053 milliards d'euros24.
25Parmi les 42 projets de réparation de dommages environnementaux que nous avons examinés, nous en avons trouvé un consacré à la lutte contre la pollution générée par une grande installation sidérurgique qui ne respectait pas les dispositions de la DEI (encadré 1).
Encadré 1
Non-respect de la DEI entraînant une pollution significative: le cas d'une grande aciérie en Italie
En 2005, la Cour suprême italienne a jugé qu'une entreprise propriétaire d'une grande installation sidérurgique était responsable d'une pollution atmosphérique, du déversement de matières dangereuses et de l'émission de particules. En 2010, la commune sur laquelle l'usine est implantée a affirmé que la réparation des dommages environnementaux coûterait 2 milliards d'euros et a intenté une action en justice pour être indemnisée. En 2011, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a établi que l'Italie n'avait pas respecté la DEI. En 2015, l'État a repris l'entreprise. En 2017, la procédure pénale engagée par la justice à l'encontre des anciens propriétaires de l'usine a abouti à un règlement extrajudiciaire à hauteur de plus d'un milliard d'euros. Les fonds ainsi obtenus sont utilisés par l'État italien pour financer des activités de décontamination. En 2019, une cour d'appel italienne a accordé une indemnisation à la commune, mais l'entreprise n'a pas été en mesure de payer pour les dommages causés.
Un projet financé par l'UE à hauteur de 375 000 euros visait à répertorier et à traiter la pollution et concernait une autre commune située à proximité de l'installation sidérurgique. Il consistait en une analyse environnementale et en une évaluation des risques portant sur une surface agricole de près de 6 000 hectares. Il a mis en évidence une importante contamination industrielle engendrant des risques graves pour la santé.
La législation en matière de déchets tient compte du PPP, mais ne garantit pas que les pollueurs prennent en charge l'intégralité des coûts de la pollution
Figure 5
Les déchets en bref
Source: Toutes les données proviennent d'Eurostat.
Les déchets constituent une source de pollution de l'air, de l'eau et des sols. Le cadre législatif de l'UE en matière de déchets vise à appliquer une «hiérarchie des déchets» (figure 6) afin de réduire les déchets et d'utiliser ceux qui sont inévitables comme ressource.
Figure 6
La hiérarchie des déchets
Source: Directive-cadre relative aux déchets.
La directive impose aux États membres d'atteindre des objectifs contraignants25. Par exemple, 55 % des déchets municipaux doivent être recyclés ou préparés en vue du réemploi d'ici à 2025, ce chiffre passant à 60 % d'ici à 2030 et à 65 % d'ici à 2035, avec un maximum de 10 % de mise en décharge.
28En vertu de la directive-cadre relative aux déchets, «conformément au principe du pollueur-payeur, les coûts de la gestion des déchets, y compris ceux liés aux infrastructures nécessaires et à leur fonctionnement, sont supportés par le producteur initial de déchets ou par le détenteur actuel ou antérieur des déchets». Les États membres décident si les coûts de la gestion des déchets doivent être supportés par l'utilisateur final (par exemple le consommateur qui jette le déchet) ou, en tout ou en partie, par le producteur du produit devenu un déchet. C'est ce que l'on appelle la «responsabilité élargie des producteurs» (REP). La REP n'est pas la seule manière d'appliquer le PPP. Par exemple, la directive sur les sacs en plastique exige des États membres qu'ils prennent des mesures, comme le recours à des objectifs nationaux de réduction et/ou la mise en place d'instruments économiques (par exemple des redevances ou des taxes).
29Les régimes de REP rendent les producteurs responsables de la gestion de leurs produits lorsque ces derniers deviennent des déchets. Le prix payé par les producteurs et les consommateurs intègre donc le coût de la gestion des déchets et permet ainsi de réduire les coûts supportés par les pouvoirs publics et les contribuables. Ces régimes incitent également les producteurs à mettre au point des produits plus écologiques qui évitent les déchets inutiles. Ils sont obligatoires pour certains flux de déchets, tels que les déchets électriques et électroniques, les piles, les accumulateurs et les véhicules, et le deviendront à partir de 2024 pour tous les déchets d'emballages, les plastiques à usage unique et les engins de pêche.
30Les taxes perçues auprès des citoyens ou des entreprises doivent être proportionnelles aux déchets produits et tenir compte des dommages causés à l'environnement. Dans une étude sur le financement de la gestion des déchets26, les auteurs indiquent que les éléments disponibles suggèrent que les externalités environnementales ne sont que faiblement internalisées dans les taxes payées par les ménages.
31Sur la période 2014‑2020, le budget de l'UE prévoyait de contribuer, principalement au titre de la politique de cohésion, à hauteur de 4,3 milliards d'euros au financement d'infrastructures de gestion (c'est-à-dire de collecte, de tri et de traitement) des déchets.
Les pollueurs ne supportent pas l'intégralité des coûts de la pollution de l'eau
Figure 7
L'eau en bref
Source: Toutes les données proviennent de l'évaluation de l'AEE 2018 European waters assessment.
La directive-cadre sur l'eau établit un cadre commun visant à protéger tous les types d'eau dans l'UE et à prévenir toute nouvelle dégradation de la qualité de l'eau. Elle fixe des objectifs pour les masses d'eau de surface et pour les masses d'eau souterraines.
33L'OCDE estime27 que les États membres dépensent déjà environ 100 milliards d'euros par an pour l'approvisionnement en eau et son assainissement et qu'ils devront (à l'exception de l'Allemagne) consentir une hausse de plus de 25 % de ce montant pour atteindre les objectifs de la législation de l'UE relative au traitement des eaux usées et à l'eau potable. Ce chiffre ne comprend pas les investissements nécessaires au renouvellement des infrastructures existantes ou à la réalisation des objectifs de la directive-cadre sur l'eau et de la directive «Inondations».
34Aux termes de l'article 9 de la directive-cadre sur l'eau, les États membres «tiennent compte du principe de la récupération des coûts des services liés à l'utilisation de l'eau, y compris les coûts pour l'environnement et les ressources, […] et conformément, en particulier, au principe du pollueur-payeur». Les États membres sont tenus de veiller à ce que la contribution des secteurs industriel et agricole ainsi que des ménages à la récupération du coût des services liés à l'utilisation de l'eau soit appropriée au regard de leur utilisation respective. La figure 8 ci-après montre l'utilisation de l'eau secteur par secteur.
Figure 8
Utilisation de l'eau par secteur économique en Europe en 2017
Source: Cour des comptes européenne, sur la base des données de l'AEE pour les pays membres de l'Agence européenne pour l'environnement et les pays coopérants.
Lorsqu'ils établissent leur politique de tarification de l'eau, les États membres peuvent tenir compte des effets sociaux, environnementaux et économiques de la récupération des coûts. Par conséquent, ils disposent d'une marge d'appréciation pour décider qui doit payer, combien et pour quel service. L'arrêt C-525/12 de la CJUE a confirmé que les États membres n'étaient pas nécessairement tenus d'appliquer la notion de récupération des coûts à toute utilisation de l'eau.
36Dans l'UE, les usagers paient en moyenne environ 70 % du coût de la fourniture de services liés à l'utilisation de l'eau (par le biais des tarifs de l'eau), les 30 % restants étant financés par des fonds publics, avec toutefois des différences marquées d'une région et d'un État membre à l'autre28. Les ménages de l'UE paient généralement la majeure partie du coût des services d'approvisionnement en eau et d'assainissement29, alors qu'ils ne consomment que 10 % de l'eau, comme le montre la figure 8. L'agriculture, qui est le secteur qui exerce la pression la plus forte sur les ressources en eau douce renouvelables30, est également celui dont la contribution est la plus faible. Les auteurs d'une étude publiée en 2011 estiment que les dépenses additionnelles des ménages générées par la pollution agricole pouvaient atteindre jusqu'à 494 euros par ménage et par an dans les localités les plus polluées31.
37En 2019, la Commission a constaté32 que les États membres avaient encore des progrès à faire pour intégrer les coûts pour l'environnement et les ressources dans la tarification de l'eau. Bien que des progrès aient été accomplis en ce qui concerne certains polluants, pour de nombreuses entreprises, le prix de l'eau n'englobe pas la totalité des coûts générés par les polluants qu'elles rejettent dans l'eau.
38Le principe de récupération des coûts est difficile à appliquer à la pollution provenant de sources diffuses, par exemple de l'agriculture, où les pollueurs sont difficilement identifiables. Le traitement des eaux usées n'est souvent pas facturé au secteur agricole, car la majeure partie de l'eau qu'il utilise n'est pas rejetée dans les eaux usées (et l'eau n'est donc pas traitée). Dans l'UE, la pollution agricole diffuse par les nitrates et les pesticides est le principal facteur qui empêche les eaux souterraines d'atteindre un bon état chimique. La pollution par les nitrates met gravement en péril l'avenir des masses d'eau souterraines. Des experts ont en effet démontré33 que de grandes quantités de nitrates sont actuellement stockées dans les strates rocheuses situées entre le sol et les masses d'eau souterraines. Étant donné que les nitrates traversent la roche lentement, il peut s'écouler plus d'un siècle avant que les polluants atteignent les masses d'eau souterraines, ce qui retarde l'incidence des changements dans les pratiques agricoles sur la qualité des eaux souterraines.
Aucun cadre législatif global européen ne protège les sols de la pollution
Figure 9
La pollution des sols en bref
Source: Signaux de l'AEE 2019, JRC, Status of local soil contamination in Europe, Eionet National Reference Centre Soil.
De nombreux règlements et directives de l'UE contribuent à prévenir et à atténuer la pollution des sols et portent sur les secteurs qui exercent la pression la plus forte sur ces derniers, comme l'industrie et l'agriculture (voir, par exemple, points 20 à 25 et point 38). En 2006, la Commission a proposé une «directive-cadre sur les sols», qui portait sur la prévention de la contamination et de la dégradation des sols, ainsi que sur le recensement, l'établissement de registres et l'assainissement des sites contaminés. Le Parlement européen a adopté un avis favorable à la proposition, mais pas le Conseil. La Commission a retiré la proposition en mai 2014.
40Il n'existe pas d'objectifs communs à l'échelle de l'UE en ce qui concerne la pollution des sols et l'assainissement des sites contaminés. Une étude34 financée par la Commission a montré que certains États membres disposaient d'une législation nationale très complète, tandis que d'autres n'avaient aucune action coordonnée en matière de protection des sols.
41La décontamination des sols pollués coûte cher: en 2006, la Commission a estimé à 119 milliards d'euros35 le coût total de l'assainissement des sols contaminés dans l'UE. Les budgets publics, y compris les fonds de l'UE, financent à plus de 42 % les activités d'assainissement36: de nombreuses activités polluantes ont eu lieu il y a longtemps, ce qui accroît le risque que les pollueurs n'existent plus, ne puissent pas être identifiés ou soient insolvables. En outre, le PPP est difficile à appliquer en cas de contamination diffuse des sols en raison de la difficulté intrinsèque qu'il y a à imputer la responsabilité à des pollueurs précis.
Le plan d'action de la Commission visant à améliorer le fonctionnement de la DRE n'a pas donné les résultats escomptés
42Nous avons examiné l'évaluation de la DRE effectuée en 2016 et avons cherché à déterminer si les mesures prises depuis lors par la Commission pour remédier aux lacunes constatées portaient leurs fruits.
À la suite de l'évaluation de la DRE, la Commission a adopté un plan d'action visant à remédier aux lacunes constatées
43En vertu de la directive:
- les États membres étaient tenus de soumettre à la Commission, pour avril 2013, des données sur tous les cas de dommages environnementaux réparés au titre de la DRE au cours de la période 2007‑2013, de renouveler l'opération en 2022, puis tous les cinq ans;
- la Commission était tenue de rendre compte au Parlement européen et au Conseil en 2014, puis en 2023, puis selon un cycle quinquennal.
Les États membres ont signalé 1 230 cas traités au titre de la DRE au cours de la période 2007‑201337. Comme le montre la figure 10, le nombre de cas s'est révélé très variable d'un État membre à l'autre, deux pays – la Hongrie et la Pologne – concentrant plus de 85 % de l'ensemble des cas signalés. Dans un document de travail, les services de la Commission ont conclu que des différences aussi nettes s'expliquaient principalement par l'application inégale de la DRE d'un État membre à l'autre38.
Figure 10
Cas relevant de la DRE signalés par les États membres de l'UE pour la période 2007-2013
Source: Cour des comptes européenne, sur la base de l'évaluation réalisée par la Commission en 2016.
Dans son évaluation de la DRE réalisée en 2016, la Commission a conclu que la directive conservait sa pertinence et que les États membres avaient progressé dans la réalisation de ses objectifs. Elle a toutefois constaté que certains éléments, du point de vue de la conception ou de la mise en œuvre des politiques, entravaient l'efficience et l'efficacité du régime de responsabilité:
- l'absence de données cohérentes et comparables sur la mise en œuvre de la DRE;
- la mauvaise connaissance du régime par les parties prenantes;
- le manque de clarté des définitions et des concepts clés;
- la limitation du champ d'application due à l'existence de moyens de défense et d'exonération;
- l'absence de garantie financière en cas d'insolvabilité.
Sur la base de cette évaluation, la Commission, en concertation avec des experts des États membres, a adopté un programme de travail pluriannuel relatif à la DRE pour la période 2017‑202039 afin de remédier aux lacunes constatées. En 2020, la Commission a approuvé un nouveau programme de travail comportant des actions pour la période 2021‑202440.
47L'une des actions portait sur la communication de données. L'évaluation a conclu que la qualité médiocre des données communiquées empêchait la Commission de tirer des conclusions solides concernant la mise en œuvre de la DRE. L'évaluation a révélé que, si certains États membres ont fourni des données détaillées et bien structurées, d'autres n'ont pas communiqué toutes les informations nécessaires à une évaluation complète.
48Afin d'améliorer la cohérence et la qualité des données, la Commission a mis au point en 2017 un système d'information spécifique à la DRE. Celui-ci n'est cependant pas opérationnel. La Commission prévoit d'encourager son utilisation en échangeant avec les États membres sur la manière d'organiser la collecte de données au niveau national. Compte tenu des différences entre les systèmes juridiques, rien ne garantit que ce nouveau système permettra une analyse uniforme pour l'ensemble de l'UE.
Les concepts clés de la DRE ne sont toujours pas définis
49La DRE distingue trois types de dommages environnementaux qui relèvent de son champ d'application: les dommages causés aux espèces et habitats naturels protégés, ceux affectant les eaux et ceux affectant les sols41. La directive s'applique dès lors qu'un «dommage environnemental» est jugé «significatif». La directive n'établit pas de critères au moyen desquels évaluer les dommages ou déterminer le seuil à partir duquel ils sont «significatifs» en ce qui concerne l'eau et les sols.
50Dans son évaluation de 2016, la Commission suggérait que le manque de clarté des concepts clés de la DRE («dommages environnementaux» et «signification») et leur application hétérogène avaient entravé la réalisation de l'objectif de la directive, qui était de parvenir à un niveau élevé de protection de l'environnement dans l'UE42.
51L'interprétation de ce qui constitue un dommage significatif pour l'environnement et auquel s'applique le PPP au titre de la directive varie considérablement d'un État membre à l'autre. Un événement qui déclenche l'application de la DRE dans un État membre ne la déclenche pas nécessairement dans un autre. Dans le cas particulier de la définition des «dommages affectant les sols», la DRE ne fait référence qu'aux dommages qui engendrent un risque d'incidence négative grave sur la santé humaine, omettant les risques pour l'environnement.
52Dans le cadre du programme de travail 2017‑2020, la Commission a fait appel à un contractant pour élaborer un document établissant une «interprétation commune» afin de fournir des éclaircissements supplémentaires sur les concepts clés de la DRE. Ni la Commission ni les États membres ne l'ont approuvé43.
53En 2017, le Parlement européen a fait remarquer que «les différences d'interprétation et d'application du «seuil de signification «des dommages environnementaux constitu[ai]ent les principaux obstacles à une application efficace et uniforme de la DRE»44. Il a invité la Commission à réviser la définition des «dommages environnementaux» et à expliquer le concept de «seuil de signification».
54En 2019, une modification de la DRE45 a imposé à la Commission d'élaborer des lignes directrices sur le terme «dommage environnemental» avant la fin de 2020. Après consultation des États membres, la Commission a publié en mars 202146 une communication sur son interprétation juridique de la définition du terme «dommage environnemental». L'interprétation de la Commission n'est pas contraignante et ne comporte pas de critères ou de seuils spécifiques à partir desquels la DRE devrait s'appliquer, car cela aurait supposé de modifier la législation.
55Le Réseau de l'Union européenne pour la mise en œuvre de la législation communautaire environnementale et pour le contrôle de son application (IMPEL) a souligné la nécessité pour les acteurs de terrain dans les États membres de partager leurs expériences en ce qui concerne la manière dont ils détectent, identifient et établissent l'existence d'un dommage environnemental. Pour répondre à ce besoin, le réseau IMPEL élabore actuellement un manuel destiné aux parties prenantes, détaillant les critères d'évaluation d'un «dommage environnemental». Il prévoit de le publier en 202147. Dans son programme de travail 2021‑2024, la Commission a indiqué qu'elle envisageait de coopérer au projet du réseau IMPEL et d'utiliser ses résultats dans le cadre du renforcement des capacités, mais elle n'y a prévu aucune action spécifique à cet égard.
Certains États membres exigent des entreprises industrielles qu'elles s'assurent contre les risques pour l'environnement
56Lorsque les coûts de réparation des dommages environnementaux sont supérieurs aux actifs d'un exploitant, ce dernier, en cas d'insolvabilité, n'est pas en mesure de mener à bien l'action de réparation, qui doit dès lors être prise en charge par les finances publiques.
57Les États membres n'étaient pas tenus de fournir des informations sur les coûts des mesures de réparation pour le cycle de communication des données 2007‑2013. Douze États membres ont fourni des informations sur ces coûts, et 96 % des projets de réparation de dommages ont coûté moins de 1 million d'euros48. Notre analyse des projets de réparation de dommages dont les coûts ont été supportés par le budget de l'UE a montré qu'il s'agissait souvent de cas dans lesquels les coûts de réparation étaient considérables par rapport à la capacité financière de l'opérateur et où aucune garantie financière n'avait été mise en place (point 68).
58La DRE impose aux États membres d'«encourager le développement […] d'instruments et de marchés de garantie financière […] afin de permettre aux exploitants d'utiliser des instruments de garantie financière pour couvrir les responsabilités qui leur incombent»49. La garantie financière peut prendre la forme, entre autres, d'une police d'assurance, d'une contribution à un fonds pour l'environnement, d'une garantie bancaire, d'un cautionnement ou de réserves propres. Les États membres ne sont pas tenus de rendre cette garantie financière obligatoire.
59Sept États membres (la Tchéquie, l'Irlande, l'Espagne, l'Italie, la Pologne, le Portugal et la Slovaquie) exigent une garantie financière pour tout ou partie des responsabilités environnementales, comme le montre la figure 11.
Figure 11
Garantie financière destinée à couvrir les responsabilités relevant de la DRE dans l'UE
Source: Cour des comptes européenne, sur la base des données d'un rapport de Stevens & Bolton LLP.
Une étude élaborée pour le Parlement européen a conclu que le problème de l'insolvabilité pouvait être résolu au moyen d'une garantie financière obligatoire. Par exemple, le Portugal impose une garantie financière obligatoire pour toutes les activités présentant un risque pour l'environnement répertoriées dans la DRE. Le pays accepte un large éventail d'instruments de garantie financière, notamment les polices d'assurance, les garanties bancaires, les fonds pour l'environnement et les fonds propres. Le Portugal n'a signalé aucun cas d'insolvabilité ayant empêché l'application de la responsabilité environnementale50.
61Dans le cadre du programme de travail 2017‑2020, la Commission a financé une étude sur la disponibilité et la demande de polices d'assurance dans les États membres51. Cette étude a révélé que les polices d'assurance couvrant les responsabilités liées à la DRE n'étaient pas largement disponibles dans l'ensemble de l'UE et n'existaient pas dans certains États membres, alors qu'il s'agit de l'instrument le plus populaire en matière de garantie financière. Elle a également permis de constater que la disponibilité ne correspondait pas nécessairement à la demande et que dans certains pays, la disponibilité était élevée, mais la demande, faible. Toutefois, l'étude a également montré que, dans les États membres où la garantie financière était obligatoire pour les responsabilités découlant de la DRE, cette obligation a stimulé le développement du marché des assurances.
62Dans son programme de travail 2021‑2024, la Commission prévoit de réaliser une étude de suivi afin d'examiner les doublons entre la législation nationale préexistante en matière de responsabilité environnementale et l'application de la DRE dans chaque État membre. Elle prévoit également d'encourager les États membres qui n'ont pas instauré de garantie financière obligatoire pour les responsabilités liées à la DRE à envisager d'étendre les exigences existantes en matière de garantie financière obligatoire afin d'y inclure des exigences concernant les responsabilités découlant de la DRE et d'envisager d'imposer une responsabilité secondaire à d'autres personnes, telles que les administrateurs et les dirigeants, ainsi que les sociétés mères52.
L'UE a financé des projets de réparation de dommages environnementaux
63Les autorités des États membres devraient veiller à ce que, dans la mesure du possible, les pollueurs supportent les coûts de leur pollution. Les lignes directrices de l'UE relatives à l'utilisation de fonds publics pour la protection de l'environnement53 précisent les conditions dans lesquelles un tel investissement est possible dans le contexte du PPP:
- pour réduire la pollution due aux émissions industrielles, un financement public est autorisé lorsque l'investissement vise à dépasser les normes de l'UE ou à augmenter le niveau de protection de l'environnement lorsque de telles normes font défaut (point 23). Il en va de même lorsque l'investissement vise à se préparer aux futures normes de l'Union;
- en ce qui concerne l'assainissement des sites contaminés, un financement public est autorisé lorsque le pollueur n'est pas identifié ou ne peut être tenu pour légalement responsable du financement de l'assainissement;
- pour les projets de gestion des déchets, un financement public ne peut être utilisé pour permettre à un exploitant générant des déchets d'être déchargé du coût de leur traitement.
Afin de vérifier l'application du PPP lorsque des projets sont cofinancés par des fonds de l'UE, nous avons analysé 42 projets (figure 12) pour un montant de 180 millions d'euros provenant des Fonds structurels et d'investissement européens (Fonds ESI) et du programme LIFE. Les projets étaient situés dans huit régions de trois États membres: 19 en Italie, 10 en Pologne et 13 au Portugal. Nous avons examiné si, lors du financement de ces projets, l'autorité responsable avait envisagé d'appliquer le PPP, notamment en cherchant à identifier le pollueur, en exigeant l'endiguement de la pollution et la décontamination de la zone concernée et en engageant des procédures pour recouvrer les fonds publics dépensés.
Figure 12
Projets sélectionnés
Source: Cour des comptes européenne.
Des fonds de l'UE ont été utilisés pour nettoyer la pollution orpheline
65La pollution orpheline est une pollution qui s'est produite par le passé et pour laquelle le PPP ne peut être appliqué parce que le pollueur n'est pas identifié, n'existe plus ou ne peut être tenu pour responsable. La DRE acte cet état de fait et ne s'applique qu'à la pollution survenue après 2007. La pollution orpheline découle principalement d'activités industrielles antérieures, qui ont contaminé les sols avec des métaux, des goudrons et d'autres substances dangereuses54.
66Sur les 42 projets que nous avons examinés, 20 concernaient une pollution orpheline (pour un budget de 62,1 millions d'euros). Dans ces cas, le PPP n'a pas pu être appliqué et des fonds publics ont été utilisés, comme l'illustre l'encadré 2.
Encadré 2
Au Portugal et en Italie, des cas de pollution orpheline auxquels le PPP ne s'applique pas
En 2011, le Portugal a dressé une liste de 175 mines abandonnées qui nécessitaient une décontamination de grande ampleur en raison de la présence de sulfures métalliques ou de minerais radioactifs. Nous avons examiné trois projets financés par les Fonds ESI qui portaient sur des mines aujourd'hui abandonnées, exploitées entre le XIXe et le XXe siècle. La contribution prévue de l'UE s'élève à 9,1 millions d'euros sur la période 2015‑2021. Les projets concernent la réhabilitation des mines et des environs. Les activités minières ayant cessé depuis plusieurs décennies, aucun exploitant ne peut être tenu pour responsable, car soit l'exploitant en question n'existe plus et n'est plus responsable, soit il n'avait pas l'obligation légale de décontaminer les sols à l'époque où il était en activité.
Nous avons examiné un projet financé par les Fonds ESI, à hauteur de 1,9 million d'euros, qui visait à décontaminer un site dans les Pouilles (Italie) précédemment occupé par une centrale à gaz exploitée entre le milieu du XIXe siècle et les années 1960. La centrale a contaminé environ 20 000 m2 de terres et d'eaux souterraines avec des métaux, des hydrocarbures, de l'amiante et d'autres substances nocives. La commune est propriétaire du terrain et détenait une partie de la société qui exploitait la centrale. Les autorités italiennes ont procédé à une analyse environnementale entre 1999 et 2004; elles ont ensuite assaini les sols et elles dépolluent actuellement l'aquifère. Aucune législation environnementale n'empêchait la centrale de polluer à l'époque où elle était en exploitation.
Des fonds de l'UE ont également été utilisés dans des cas où les autorités nationales n'ont pas appliqué la législation environnementale et n'ont pas fait payer les pollueurs
67Nous avons recensé huit projets en Campanie (Italie), qui ont reçu 27,2 millions d'euros de fonds de l'UE pour éliminer une pollution survenue alors que la législation environnementale de l'Union était déjà en vigueur. Les exploitants responsables de décharges pour la collecte de déchets municipaux n'ont pas respecté la législation environnementale applicable. Les autorités publiques chargées de la supervision de ces sites ne les ont pas obligés à nettoyer la pollution qu'ils ont générée. Cette utilisation des fonds de l'UE est contraire au PPP, comme l'illustre l'encadré 3.
Encadré 3
Un défaut d'application de la législation environnementale se solde par un défaut d'application du PPP dans une région italienne
En 2007, la CJUE55 a jugé que l'Italie n'avait pas, pour un certain nombre de décharges, respecté les règles de l'UE relatives aux déchets mis en décharge pendant une période prolongée, causant ainsi des dommages environnementaux significatifs.
Des communes ou des entreprises publiques de services publics exploitaient les huit décharges que nous avons examinées, dont quatre étaient concernées par l'arrêt susmentionné, pour la collecte de déchets solides urbains entre les années 1970 et le début des années 2000. Elles n'ont toutefois pas respecté les exigences environnementales de l'UE en vigueur, ce qui a causé de graves dommages environnementaux. La contribution des Fonds ESI prévue pour l'ensemble des huit projets d'assainissement des décharges en Campanie au cours de la période de programmation 2014‑2020 s'élevait à 27,2 millions d'euros.
À titre d'exemple, l'une des décharges ne disposait pas de l'équipement nécessaire pour protéger les sols, la nappe phréatique ou l'air, de la pollution. L'exploitant n'a pas protégé le site contre la décharge sauvage de déchets, y compris de déchets dangereux, ni pendant son exploitation ni après sa fermeture. Les autorités italiennes ont utilisé 2,2 millions d'euros de fonds de l'UE pour décontaminer le site en 2017 et en 2018, à la suite de quoi la Commission a estimé que l'ancienne décharge respectait la législation environnementale de l'UE.
L'absence de garantie financière pour couvrir la responsabilité environnementale accroît le risque que les coûts soient supportés par les contribuables
68Lorsque les exploitants ne disposent pas d'une garantie financière suffisante, ils peuvent ne pas être en mesure de supporter le coût de l'élimination de la pollution qu'ils ont causée (points 56 à 62). C'est la situation que nous avons rencontrée dans quatre projets de dépollution, représentant un montant de 33 millions d'euros, où l'exploitant, identifié comme responsable de la pollution, avait fait faillite. En conséquence, des fonds publics ont dû être utilisés pour décontaminer les sols et l'eau. Cette pratique est contraire au PPP, comme l'illustre l'encadré 4.
Encadré 4
Exemples d'absence de garantie financière ayant entraîné un défaut d'application du PPP
En 1995, quelques années après avoir cessé la production, une entreprise fabriquant des produits à base d'amiante en Italie a déposé le bilan. Avant l'ouverture de la procédure de liquidation, l'entreprise avait commencé à réparer les dommages environnementaux causés par son activité, à la demande du ministère italien de l'environnement. Toutefois, dès l'ouverture de la procédure de faillite, l'administrateur judiciaire a cessé de financer l'assainissement. Par conséquent, les autorités publiques régionales ont poursuivi la décontamination. Le projet que nous avons contrôlé a bénéficié d'une aide de l'UE de 7,1 millions d'euros. Il consistait à démolir des bâtiments en surface et à sécuriser des matériaux contenant de l'amiante stockés au sous-sol. Les autorités ont achevé les travaux en 2019. Elles ont engagé une procédure judiciaire pour recouvrer les fonds utilisés pour l'opération de dépollution, mais elles n'excluent pas la possibilité de ne rien récupérer, sachant que la société fait l'objet d'une procédure de faillite.
En Pologne, les autorités chargées de l'environnement ont trouvé des substances toxiques dans les eaux souterraines et dans le sol sur un site où se trouvait une usine chimique. La pollution des eaux souterraines constitue un risque pour la santé des riverains et pourrait se propager à une zone Natura 2000. En 2000, les autorités régionales ont engagé une procédure à l'encontre de l'entreprise chimique qui n'a pas décontaminé le site, afin de l'obliger à prendre des mesures de réparation. En 2014, la société a déposé le bilan et engagé une procédure de liquidation. En 2016, les autorités ont produit une créance dans le cadre de la procédure d'insolvabilité, mais l'administrateur judiciaire n'a engagé aucune mesure de réparation et a vendu plusieurs éléments des installations qui empêchaient la libération de substances chimiques.
Selon les autorités, l'infrastructure continue de se détériorer et la pollution continue de se propager. En outre, la décision juridique imposant que des mesures de prévention ou de réparation soient prises pourrait être impossible à mettre en œuvre en raison de la faillite de l'exploitant. Par conséquent, les autorités ont utilisé des fonds publics, dont 17,3 millions d'euros provenant des Fonds ESI, pour réparer les dommages causés à l'environnement sur une première zone de 27 hectares. Elles estiment que la pollution touche plusieurs milliers d'hectares et que le coût total de l'assainissement pourrait dépasser 540 millions d'euros.
Conclusions et recommandations
69Le principe du pollueur-payeur (PPP) sous-tend la politique environnementale de l'UE et exige que les pollueurs supportent les coûts engendrés par la pollution résultant de leurs activités, y compris le coût des mesures prises pour prévenir, combattre et éliminer la pollution et celui qui pèse sur la société.
70Nous avons examiné le cadre d'action de l'UE en ce qui concerne le PPP, en nous intéressant plus particulièrement à son application dans les domaines couverts par la politique environnementale de l'Union et aux actions menées par la Commission en lien avec la directive sur la responsabilité environnementale (DRE). Nous avons également cherché à savoir si une protection efficace empêchait le budget de l'UE d'être utilisé pour régler des dépenses qui devraient être supportées par les pollueurs.
71Dans l'ensemble, nous avons constaté que le PPP était pris en compte à des degrés divers dans les différentes politiques environnementales de l'UE et que sa couverture et son application restaient incomplètes. Les actions menées par la Commission pour soutenir la mise en œuvre de la DRE par les États membres n'ont pas permis de remédier aux principales faiblesses. Le budget de l'UE est parfois utilisé pour financer des actions de dépollution dont les coûts auraient dû, en vertu du PPP, être supportés par les pollueurs.
72Le PPP est appliqué différemment d'un volet de la politique environnementale de l'UE à l'autre. En ce qui concerne les émissions industrielles, nous avons conclu que le PPP était appliqué aux installations industrielles les plus polluantes, qui relèvent de la directive relative aux émissions industrielles (DEI). Les propriétaires des installations sont tenus de supporter les coûts liés au respect des conditions fixées dans l'autorisation qui leur a été délivrée, y compris celle de prendre des mesures pour maintenir les émissions sous le plafond autorisé. La DEI ne s'applique pas aux petites installations et n'exige pas des installations qu'elles prennent en charge le coût de la pollution résiduelle pour la société (points 20 à 25). Même si la législation de l'UE sur les déchets impose aux États membres d'appliquer pleinement le PPP, le déficit de financement reste considérable et des investissements publics importants sont nécessaires pour atteindre les objectifs de recyclage (points 26 à 31). Bien que des progrès aient été accomplis en ce qui concerne certains polluants, pour de nombreuses entreprises, le prix de l'eau n'englobe pas les coûts générés par les polluants qu'elles rejettent dans l'eau. Le principe de récupération du coût des services liés à l'utilisation de l'eau est difficile à appliquer à la pollution provenant de sources diffuses, par exemple de l'agriculture (points 32 à 38). L'UE ne s'est pas dotée d'un cadre général pour protéger les sols, même si de nombreux actes législatifs contribuent indirectement à réduire les pressions exercées sur l'environnement (points 39 à 41).
Recommandation n° 1 – Évaluer les possibilités d'intégrer davantage le principe du pollueur-payeur dans la législation environnementaleLa Commission devrait évaluer les changements réglementaires et administratifs ainsi que le rapport coûts-avantages global d'une meilleure application du principe du pollueur-payeur, en particulier en ce qui concerne:
- l'abaissement des limites d'émissions afin de réduire encore la pollution résiduelle;
- la lutte contre la pollution diffuse de l'eau, quelle qu'en soit la source, y compris l'agriculture.
Quand? D'ici à fin 2024.
73La DRE établit le cadre de l'UE en matière de responsabilité environnementale, fondé sur le PPP. Nous avons constaté que la DRE prévoyait une application partielle du PPP en cas de dommages environnementaux. Les dernières données disponibles sur la mise en œuvre de la DRE, bien qu'incomplètes, révèlent des lacunes dans les États membres (points 44 à 48). La DRE ne définit pas clairement certains concepts clés, ce qui donne lieu à des interprétations et applications divergentes au niveau des États membres (points 49 à 55). L'absence de garantie financière obligatoire au niveau de l'UE signifie en pratique que les contribuables supportent les coûts de réparation lorsqu'un exploitant à l'origine de dommages environnementaux devient insolvable (points 56 à 62). Nous avons conclu que les mesures prises à ce jour par la Commission n'ont pas permis de remédier aux lacunes de la DRE.
Recommandation n° 2 – Envisager de renforcer l'application de la directive sur la responsabilité environnementaleNous recommandons à la Commission d'utiliser l'évaluation de la directive sur la responsabilité environnementale attendue pour avril 2023 pour examiner dans quelle mesure il serait possible:
- d'améliorer les critères utilisés pour définir les dommages environnementaux auxquels la directive devrait s'appliquer;
- d'accroître le recours aux instruments de garantie financière.
Quand? D'ici à fin 2023.
74Nous avons trouvé des projets financés par des fonds de l'UE, qui auraient dû l'être par le pollueur (points 63 à 68). En cas de pollution orpheline, lorsque l'entité qui en est à l'origine n'a pu être identifiée ou tenue pour responsable, le recours à un financement public était justifiable et nécessaire pour remédier à la situation (points 65 et 66). Des fonds publics sont également utilisés lorsque les autorités responsables n'ont pas mis en œuvre la législation environnementale en temps voulu (point 67). L'absence de garantie financière couvrant la responsabilité environnementale a également contraint les autorités à utiliser des deniers publics pour restaurer des zones polluées, lorsque le pollueur était insolvable (point 68).
Recommandation n° 3 – Protéger les fonds de l'UE en veillant à ce qu'ils ne soient pas utilisés pour financer des projets qui devraient être à la charge du pollueurLa Commission devrait:
- en sa qualité de superviseur, veiller à ce que les fonds de l'UE ne puissent être utilisés pour la dépollution qu'à condition que des contrôles, réalisés en coopération avec les États membres, aient établi que les autorités compétentes ont tout mis en œuvre pour que le pollueur prenne en charge la pollution dont il est responsable;
- examiner la possibilité de modifier la législation pour rendre obligatoire le recours par les exploitants à des garanties financières couvrant les risques environnementaux.
Quand? 2025.
Le présent rapport a été adopté par la Chambre I, présidée par M. Samo Jereb, Membre de la Cour des comptes, à Luxembourg le 19 mai 2021.
Par la Cour des comptes

Klaus-Heiner Lehne
Président
Annexe
Annexe I – Secteurs relevant de la directive relative aux émissions industrielles
La directive relative aux émissions industrielles s'applique aux secteurs ci-après. Dans certains d'entre eux, elle se limite aux installations dépassant une certaine taille.
- Industries d'activités énergétiques: combustion de combustibles dans des installations, raffinage de pétrole et de gaz, production de coke, gazéification ou liquéfaction de charbon et d'autres combustibles
- Production et transformation des métaux: grillage ou frittage de minerai métallique, production de fonte ou d'acier et transformation des métaux ferreux et non ferreux
- Industrie minérale: production de ciment, de chaux et d'oxyde de magnésium, production d'amiante ou fabrication de produits à base d'amiante, fabrication du verre, fusion de matières minérales et cuisson de produits céramiques
- Industrie chimique: production de produits chimiques organiques et inorganiques, fabrication d'engrais, de produits phytosanitaires ou de biocides, de produits pharmaceutiques et d'explosifs
- Gestion des déchets: élimination ou valorisation des déchets dangereux, élimination ou valorisation de déchets dans des installations d'incinération ou des installations de coïncinération, élimination des déchets non dangereux et gestion des décharges
- Fabrication de pâte à papier à partir de bois ou d'autres matières fibreuses, fabrication de papier ou carton, ainsi que de panneaux à base de bois
- Prétraitement ou teinture de fibres ou de textiles
- Tannage des peaux
- Abattage d'animaux, traitement et transformation en vue de la fabrication de produits alimentaires issus de matières premières animales et végétales
- Élimination ou recyclage de carcasses ou de déchets animaux
- Élevage intensif de volailles ou de porcs
- Traitement de surface de matières, d'objets ou de produits à l'aide de solvants organiques
- Fabrication de carbone ou d'électrographite par combustion ou graphitisation
- Captage des flux de dioxyde de carbone en vue du stockage géologique
- Préservation du bois et des produits dérivés du bois au moyen de produits chimiques
- Traitement des eaux résiduaires dans des installations autonomes, dans des circonstances particulières
Acronymes, sigles et abréviations
AEE: Agence européenne pour l'environnement
DCE: directive-cadre sur l'eau
DEI: directive relative aux émissions industrielles
DRE: directive sur la responsabilité environnementale
Fonds ESI: Fonds structurels et d'investissement européens
IMPEL: mise en œuvre et contrôle de l'application du droit de l'environnement
MTD: meilleures techniques disponibles
OCDE: Organisation de coopération et de développement économiques
PPP: principe du pollueur-payeur
REP: responsabilité élargie des producteurs
Glossaire
Action pour le climat: mesures de lutte contre les changements climatiques et leurs répercussions.
Engrais: toute substance (synthétique ou organique) contenant un ou plusieurs nutriments des plantes, épandue sur le sol pour en maintenir ou en améliorer la fertilité.
Fonds de cohésion: Fonds de l'UE destiné à réduire les disparités économiques et sociales au sein de l'Union en finançant des investissements dans les États membres dont le revenu national brut par habitant est inférieur à 90 % de la moyenne de l'UE.
Fonds européen de développement régional (FEDER): Fonds de l'UE destiné à renforcer la cohésion économique et sociale au sein de l'Union en finançant des investissements qui réduisent les déséquilibres entre les régions.
Garantie financière: tout instrument financier, tel qu'une police d'assurance, une contribution à un fonds pour l'environnement, une garantie bancaire, un cautionnement ou des réserves propres, qui garantit qu'une entreprise sera en mesure de s'acquitter de ses obligations financières si sa responsabilité est engagée.
Internalisation: mesures prises pour que les avantages ou les coûts non payés soient pris en compte dans la composition des prix des biens et des services.
LIFE: instrument financier soutenant la mise en œuvre de la politique environnementale et climatique de l'UE grâce au cofinancement de projets dans les États membres.
Limites d'émissions: la masse, exprimée en fonction de certains paramètres spécifiques, la concentration et/ou le niveau d'une émission, à ne pas dépasser au cours d'une ou de plusieurs périodes données.
Meilleures techniques disponibles (MTD): technologies industrielles, conception des installations et mesures opérationnelles présentant la meilleure performance environnementale, déterminées au moyen d'une évaluation des meilleures pratiques au fur et à mesure de leur évolution. Elles sont utilisées pour fixer les valeurs limites d'émission et les conditions de délivrance des autorisations.
Politique agricole commune: politique unique et harmonisée de l'UE en matière d'agriculture prévoyant des subventions et une série d'autres mesures visant à garantir la sécurité alimentaire, à assurer un niveau de vie équitable aux agriculteurs de l'UE, à promouvoir le développement rural et à protéger l'environnement.
Principe du pollueur-payeur: principe selon lequel les pollueurs sont tenus de supporter les coûts engendrés par la pollution résultant de leurs activités, y compris le coût des mesures prises pour prévenir, combattre et éliminer la pollution et celui qui pèse sur la société.
Responsabilité élargie des producteurs (REP): approche qui étend les responsabilités environnementales du producteur à la phase du cycle de vie du produit qui fait suite à la consommation, y compris son recyclage et son élimination.
Responsabilité environnementale: principe selon lequel il incombe aux opérateurs économiques qui causent des dommages à l'environnement de supporter le coût de leur réparation.
Équipe d'audit
Les rapports spéciaux de la Cour présentent les résultats de ses audits relatifs aux politiques et programmes de l'UE ou à des questions de gestion concernant des domaines budgétaires spécifiques. La Cour sélectionne et conçoit ces activités d'audit de manière à maximiser leur impact en tenant compte des risques pour la performance ou la conformité, du niveau des recettes ou des dépenses concernées, des évolutions escomptées ainsi que de l'importance politique et de l'intérêt du public.
L'audit de la performance objet du présent rapport a été réalisé par la Chambre I (Utilisation durable des ressources naturelles), présidée par M. Samo Jereb, Membre de la Cour. L'audit a été effectué sous la responsabilité de M. Viorel Ştefan, Membre de la Cour, assisté de: Mme Roxana Banica, cheffe de cabinet, et M. Olivier Prigent, attaché de cabinet; M. Colm Friel, manager principal; M. Frédéric Soblet, chef de mission; M. Georgios Karakatsanis, ainsi que Mmes Katarzyna Radecka-Moroz et Anna Sfiligoi, auditeurs. La conception graphique a été réalisée par Mme Marika Meisenzahl. L'assistance linguistique a été fournie par Mme Cathryn Lindsay.

Notes
1 Sur la base de la vision présentée dans le programme d'action général de l'Union pour l'environnement à l'horizon 2020.
2 Programme d'action général de l'Union pour l'environnement à l'horizon 2020, «Bien vivre, dans les limites de notre planète», p. 14.
3 AEE, EEA 2018 water assessment.
4 AEE, Contamination from local sources, 2020.
5 AEE, Air quality in Europe, 2019.
6 OCDE, Recommandation du Conseil sur les principes directeurs relatifs aux aspects économiques des politiques de l'environnement sur le plan international, 2020.
7 Jans, Jan H. et Vedder, Hans H. B., European Environmental Law, 2008.
8 OCDE, Le principe pollueur-payeur, Analyses et recommandations de l'OCDE, 1992.
9 OCDE, Recommandation du Conseil sur l'application du principe pollueur-payeur aux pollutions accidentelles, 1989.
10 CNUED, Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement, 1992.
11 Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
12 Ecologic Institute, Updated Inventory and Assessment of Soil Protection Policy Instruments in EU Member States, 2017.
13 The costs of not implementing EU environmental law, rapport final, 2019.
14 Rapport spécial n° 13/2020 «Biodiversité des terres agricoles: la contribution de la PAC n'a pas permis d'enrayer le déclin».
15 Informations de la Commission sur l'environnement et l'utilisation efficace des ressources dans le cadre de la politique de cohésion.
16 Règlement (UE) n° 1293/2013.
17 Voir, par exemple, les rapports spéciaux nos 19/2018, 22/2016, 23/2015, 02/2015, 04/2014, 23/2012 et 20/2012 de la Cour des comptes européenne.
18 Voir, par exemple, le rapport spécial n° 23/2018 «Pollution de l'air: notre santé n'est toujours pas suffisamment protégée», le rapport spécial n° 18/2020 «Le système d'échange de quotas d'émission de l'UE: l'allocation de quotas à titre gratuit devrait être mieux ciblée» et le rapport spécial n° XX/2021 sur la PAC et le climat.
19 Commission européenne, Evaluation of the Industrial Emissions Directive (IED), SWD(2020) 181 final.
20 Ricardo Energy & Environment, Ex-post assessment of costs and benefits from implementing BAT under the IED, 2018.
21 Le pacte vert pour l'Europe.
22 Commission européenne, Lignes directrices concernant les aides d'État à la protection de l'environnement et à l'énergie pour la période 2014‑2020, JO C 200 du 28.6.2014.
23 Article 8, paragraphe 4, points a) et b), de la directive 2004/35/CE.
24 AEE, Costs of air pollution from European industrial facilities 2008–2012, 2014.
25 Les grands objectifs contraignants pour les différents flux de déchets sont résumés dans le document d'analyse n° 04/2020 de la Cour des comptes européenne «Les mesures prises par l'UE pour lutter contre le problème des déchets plastiques».
26 Study on investment needs in the waste sector and on the financing of municipal waste management in Member States, 2019.
27 OCDE, Financing Water Supply, Sanitation and Flood Protection, 2020.
28 OCDE, Financing Water Supply, Sanitation and Flood Protection, 2020.
29 Fitness Check of the Water Framework Directive and the Floods Directive, SWD(2019) 439 final, p. 64.
30 AEE, Use of freshwater resources in Europe, 2020.
31 «Coûts des principales pollutions agricoles de l'eau», République française, Ministère de l'écologie, Service de l'économie, de l'évaluation et de l'intégration du développement durable, Collection «Études et documents», n° 52, 2011.
32 Fitness Check of the Water Framework Directive and the Floods Directive, SWD(2019) 439 final.
33 Ascott, M.J., Gooddy, D.C., Wang, L. et al., Global patterns of nitrate storage in the vadose zone, 2017.
34 Ecologic Institute, Updated Inventory and Assessment of Soil Protection Policy Instruments in EU Member States, 2017.
35 Estimation pour l'EU‑25 (Royaume-Uni compris, hors Bulgarie, Croatie et Roumanie), Analyse d'impact jointe à la stratégie thématique en faveur de la protection des sols, SEC(2006) 620.
36 JRC, Status of local soil contamination in Europe, 2018.
37 SWD(2016) 121 final, p. 21.
38 SWD(2016) 121 final, p. 37 et 70.
39 Multi-Annual ELD Work Programme (MAWP) for the period 2017‑2020.
40 Multi-Annual ELD Rolling Work Programme (MARWP) for the period 2021‑2024.
41 Article 2 de la directive 2004/35/CE.
42 SWD(2016) 121 final, p. 60.
43 Rapports de la 18e à la 22e réunion du groupe d'experts gouvernementaux sur la DRE.
44 Considérant 9 de la résolution du Parlement européen du 26 octobre 2017.
46 Communication 2021/C 118/01 de la Commission.
47 Cahier des charges du projet du réseau IMPEL.
48 SWD(2016) 121 final, p. 35.
49 Article 14 de la directive 2004/35/CE.
50 Fogleman, V., Improving financial security in the context of the Environmental Liability Directive, 2020, p. 127-128.
51 Fogleman, V., Improving financial security in the context of the Environmental Liability Directive, 2020.
52 Multi-Annual ELD Rolling Work Programme (MARWP) for the period 2021‑2024, p. 8-9.
53 Communication de la Commission européenne, Lignes directrices concernant les aides d'État à la protection de l'environnement et à l'énergie pour la période 2014‑2020, 2014/C 200/01.
54 AEE, Contamination des sols: l'héritage inquiétant de l'industrialisation, 2019.
55 Arrêt de la Cour du 26 avril 2007 dans l'affaire C-135/05.
56 Identifying Europe’s recovery needs (Définir les besoins de l’Europe en matière de relance), COM(2020) 456.
Calendrier
Étape | Date |
Adoption du plan d'enquête / Début de l'audit | 11.3.2020 |
Envoi officiel du projet de rapport à la Commission (ou à toute autre entité auditée) |
26.3.2021 |
Adoption du rapport définitif après la procédure contradictoire | 19.5.2021 |
Réception des réponses officielles de la Commission (ou de toute autre entité auditée) dans toutes les langues | 14.6.2021 |
Contact
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