Rapport spécial
23 2021

Réduction de la grande corruption en Ukraine:
des résultats encore insuffisants malgré plusieurs initiatives de l'UE

À propos du rapport La grande corruption et la «captation de l'État» minent l'Ukraine depuis de nombreuses années. Dans le cadre de notre audit, nous nous sommes attachés à évaluer si l'aide apportée par l'Union européenne dans ce pays a permis de lutter efficacement contre la grande corruption. Nous avons constaté que ce fléau reste un problème majeur en Ukraine en dépit d'initiatives prises par l'UE pour réduire les possibilités de corruption. Nous formulons plusieurs recommandations visant à améliorer le soutien de l'Union, et préconisons notamment de concevoir et de mettre en œuvre des actions spécifiques non seulement pour s'attaquer à la grande corruption (y compris la structure oligarchique), mais également pour contribuer à lever les obstacles à une concurrence libre et loyale.

Rapport spécial de la Cour des comptes européenne présenté en vertu de l'article 287, paragraphe 4, deuxième alinéa, du TFUE.

Cette publication est disponible, au format ci-après, dans 23 langues de l'UE:
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Synthèse

I

L'Ukraine est minée par la corruption, notamment la grande corruption, depuis de nombreuses années. L'UE soutient plusieurs réformes qui visent à lutter contre ce fléau et à renforcer l'état de droit dans ce pays.

II

Bien que les documents clés de l'UE mentionnent la lutte contre la corruption, ils ne font pas spécifiquement référence à la grande corruption. La «grande corruption» est définie comme un abus de pouvoir de haut niveau, qui profite à quelques-uns et cause des préjudices graves et de grande ampleur aux individus et à la société. Les oligarques et les intérêts particuliers sont à l'origine de ce type de corruption. La grande corruption et la «captation de l'État» entravent la concurrence et la croissance, et nuisent au processus démocratique.

III

La prévention et la lutte contre la corruption en Ukraine figurent parmi les objectifs visés par l'aide de l'UE dans ce pays. La Commission et la mission de conseil de l'Union européenne en Ukraine ont soutenu le renforcement des capacités des institutions engagées dans la promotion de l'état de droit, notamment celles créées récemment pour lutter contre la corruption. Nous avons axé notre audit sur la grande corruption car elle constitue le principal obstacle à l'état de droit et au développement économique de l'Ukraine. Nous avons contrôlé si le Service européen pour l'action extérieure et la Commission ont évalué efficacement la situation spécifique de l'Ukraine en ce qui concerne la grande corruption et s'ils ont pris les mesures nécessaires pour y soutenir les réformes. Nous avons centré notre attention sur les contributions de l'UE à la réforme du système judiciaire et à celles destinées à lutter contre la corruption au cours de la période de mise en œuvre 2016‑2019.

IV

Le Service européen pour l'action extérieure et la Commission ont considéré la corruption comme une priorité transversale et ont acheminé les fonds et orienté les efforts vers divers secteurs. Globalement, nous avons constaté que cette approche n'était pas suffisamment axée sur la grande corruption. L'UE a contribué à diminuer les possibilités de corruption, mais la grande corruption reste un problème majeur en Ukraine. La réforme du système judiciaire connaît des revers, les institutions chargées de lutter contre la corruption sont fragiles, la confiance dans celles-ci reste faible et le nombre de condamnations pour des faits de grande corruption est peu élevé. Bien que le Service européen pour l'action extérieure et la Commission aient considéré la réduction de la corruption comme une question transversale, ils n'ont pas conçu ni mis en œuvre de stratégie spécifique pour s'attaquer à la grande corruption. Les projets auxquels nous nous sommes intéressés n'étaient pas centrés exclusivement sur la lutte contre la grande corruption, mais la moitié d'entre eux comportaient des activités qui traitaient indirectement ce problème.

V

Le soutien apporté par la Commission en faveur de projets de la société civile et du journalisme indépendant répondait à une ligne de conduite pertinente et a aidé non seulement à assurer la transparence, mais aussi à révéler des pratiques de corruption.

VI

La Commission a soutenu les activités du Comité antimonopole d'Ukraine et les réformes de la gouvernance des entreprises publiques, mais la priorité au départ était l'alignement de la législation ukrainienne sur les normes et principes de l'UE plutôt que l'application du droit de la concurrence.

VII

La Commission et la mission de conseil de l'Union européenne en Ukraine ont intensivement appuyé la réforme du système judiciaire. Cependant, l'intégrité d'un nombre élevé de juges, de procureurs et de membres des organes d'administration judiciaire n'a encore fait l'objet d'aucun contrôle. La Commission a aussi soutenu la création et le développement d'institutions spécialement dédiées à la lutte contre la corruption. Cependant, nous avons constaté que l'environnement actuel en Ukraine met en péril la viabilité de ces institutions, étant donné qu'elles reposent toujours sur une justice, des services chargés des poursuites judiciaires et des services répressifs qui ne sont pas encore réformés.

VIII

Les projets de l'UE ont aussi contribué à la conception d'outils numériques destinés à prévenir la corruption, mais plusieurs d'entre eux nécessitaient davantage d'engagement de la part des autorités nationales. L'absence actuelle de bases de données fiables diminue notoirement l'efficience de ces outils en matière de contrôles croisés et de transparence. Les projets de l'UE traitent ces questions.

IX

La coordination entre les conditions imposées par l'UE et celles établies par d'autres donateurs a joué un rôle dans les modifications apportées à la Constitution de l'Ukraine, dans le renforcement du cadre juridique, ainsi que dans la mise en place d'institutions. La Commission aurait toutefois pu recourir davantage à l'imposition de conditions pour soutenir les réformes dans le secteur de la justice.

X

L'UE dispose d'un système pour suivre et évaluer ses projets. Pour la moitié des projets audités, il s'avère néanmoins difficile d'apprécier dans quelle mesure ils ont contribué à la lutte contre les différents types de corruption, étant donné que les effets ne sont pas mesurables (en raison de l'absence de valeurs de référence, de valeurs cibles et d'indicateurs pertinents) et portent sur des réalisations et des activités.

XI

Sur la base de ces conclusions, nous recommandons au Service européen pour l'action extérieure, à la mission de conseil de l'Union européenne en Ukraine et à la Commission:

  • de concevoir et de mettre en œuvre des actions qui ciblent spécifiquement la grande corruption;
  • d'évaluer et d'ajuster l'ampleur du soutien qu'ils apportent aux organisations de la société civile et au journalisme d'investigation;
  • de contribuer à la suppression des obstacles à une concurrence libre et loyale;
  • d'améliorer le suivi et l'établissement de rapports, afin d'informer et de prendre des mesures correctrices au besoin;
  • d'insister sur l'intégrité et sur l'engagement en faveur des réformes lorsqu'ils soutiennent le renforcement des capacités;
  • de soutenir la numérisation des registres;
  • de durcir les conditions d'octroi de l'aide de la Commission.

Introduction

L'Ukraine: un partenaire stratégique pour l'UE

01

L'Ukraine est un partenaire géopolitique et stratégique pour l'Union européenne1. C'est l'un des plus grands pays du continent sur les plans géographique et démographique, et l'un des voisins directs de l'Union. Ces dernières années, de nombreux Ukrainiens ont émigré vers l'UE2.

02

Depuis plus de 20 ans, l'UE soutient l'Ukraine et son programme de réformes sur la voie de l'intégration économique et d'un approfondissement des relations politiques. L'Ukraine participe à la politique européenne de voisinage depuis 2003. En 2007, l'Ukraine et l'UE ont commencé à négocier un accord d'association (AA), y compris l'instauration d'une zone de libre-échange approfondi et complet (ZLEAC). En novembre 2013, l'Ukraine a suspendu la signature de cet accord d'association incluant la ZLEAC, ce qui a déclenché la révolution d'Euromaïdan de 20143. L'AA incluant la ZLEAC a finalement été signé en juin 2014 et est entré en vigueur en septembre 2017. L'AA vise à rapprocher l'Ukraine et l'UE, grâce à l'approfondissement des liens politiques, au renforcement des relations économiques et au respect de valeurs communes.

03

En mars 2014, la Russie a annexé la Crimée et Sébastopol, et un conflit armé a commencé dans l'est de l'Ukraine. L'UE a dès lors adopté des mesures restrictives à l'encontre des responsables des actions qui remettaient en cause l'intégrité territoriale, la souveraineté et l'indépendance de l'Ukraine.

La corruption en Ukraine

04

L'Ukraine est minée de longue date par la corruption et est confrontée à la fois à la petite et à la grande corruption. La petite corruption est généralisée et est acceptée comme un phénomène presque inévitable par une grande partie de la population. Pour justifier leur participation à la petite corruption, les citoyens font souvent remarquer que de hauts fonctionnaires et des oligarques sont impliqués dans des malversations à une bien plus grande échelle4. Les experts estiment que des montants considérables, à savoir des dizaines de milliards de dollars, sont perdus chaque année en raison de la corruption en Ukraine5.

05

Transparency International définit la grande corruption comme un abus de pouvoir de haut niveau, qui profite à quelques-uns au détriment du plus grand nombre et cause des préjudices graves et de grande ampleur aux individus et à la société. En Ukraine, la grande corruption repose sur des liens informels entre des fonctionnaires de l'exécutif, des membres du parlement, des procureurs, des juges, des agents des services répressifs, des dirigeants d'entreprises publiques, ainsi que des individus/entreprises jouissant de relations dans le monde politique (voir figure 1). L'Ukraine compte environ 3 500 entreprises publiques au niveau central et 11 000 au niveau municipal6.

Figure 1

Le système ukrainien facilite la grande corruption

Source: Cour des comptes européenne, sur la base de plusieurs sources7.

06

La «captation de l'État» par des groupes de puissantes élites politiques et économiques à la structure pyramidale et enracinés dans l'ensemble des institutions publiques et de l'économie est considérée comme l'une des caractéristiques spécifiques de la corruption en Ukraine8. Tant le Fonds monétaire international (FMI) que le gouvernement ukrainien ont reconnu que des intérêts particuliers ont généré une résistance aux réformes structurelles9. La grande corruption due à la faiblesse de l'état de droit et à la large influence des oligarques va à l'encontre des valeurs de l'UE et constitue un obstacle majeur au développement de l'Ukraine10. La grande corruption ou la corruption de haut niveau entrave la concurrence et la croissance du pays, nuit au processus démocratique et fait le lit de la petite corruption.

07

De plus, des journalistes d'investigation publient régulièrement des articles sur les flux financiers illicites des oligarques (y compris le blanchiment de capitaux à l'étranger), même dans l'UE11. D'après les estimations figurant dans un rapport, le coût de l'évasion fiscale via des zones extraterritoriales s'élève à au moins un milliard d'euros par an12.

08

De 2016 à 202013, les trois obstacles principaux aux investissements étrangers en Ukraine sont demeurés les mêmes: la corruption généralisée, le manque de confiance dans le système judiciaire, ainsi que l'instauration de monopoles sur les marchés et la «captation de l'État» par les oligarques (voir figure 2). Ces dernières années, les investissements étrangers directs en Ukraine sont restés inférieurs au niveau de 2016 (voir annexe I).

Figure 2

Principaux obstacles aux investissements étrangers en Ukraine pendant la période 2016‑2020

Source: Cour des comptes européenne, sur la base de l'enquête sur les investisseurs étrangers réalisée en 2020 par la European Business Association, Dragon Capital et le Centre pour la stratégie économique.

09

Différentes études, effectuées notamment par le FMI (voir figure 3), ont montré dans leurs projections une corrélation entre, d'une part, une réduction de la corruption généralisée et, d'autre part, la croissance économique et les améliorations connexes de la vie des citoyens. Diverses parties prenantes14 conviennent que de véritables changements ne peuvent se produire en Ukraine sans que l'influence des intérêts particuliers soit contrée.

Figure 3

La diminution de la corruption contribue à accélérer la convergence économique avec l'UE (selon une étude du FMI)

Source: Cour des comptes européenne, sur la base de la figure 6 du rapport par pays n° 17/84 du FMI sur l'Ukraine d'avril 2017 et après consultation de la base de données des Perspectives de l'économie mondiale du FMI, octobre 2020.

Soutien apporté par l'UE à l'Ukraine

10

L'Ukraine fait partie du partenariat oriental de l'UE15. L'UE et l'Ukraine ont pour objectif commun la poursuite de l'intégration économique et de l'association politique. C'est pourquoi l'Union affiche de nombreuses priorités (bonne gouvernance, économie, commerce, énergie, changement climatique, mobilité, société civile et aide humanitaire) qu'elle entend traiter dans le cadre non seulement de la coopération financière, mais aussi d'un dialogue politique. L'Ukraine est le deuxième plus grand bénéficiaire de l'instrument européen de voisinage. Globalement, la Commission a engagé environ 5,6 milliards d'euros en faveur de programmes d'assistance macrofinancière (AMF) et 2,2 milliards d'euros pour des programmes d'assistance depuis 2014. La Commission garantit aussi des prêts octroyés par la Banque européenne d'investissement qui représentent 4,4 milliards d'euros. L'UE est le principal donateur de fonds à l'Ukraine16.

11

Les financements au titre de l'instrument européen de voisinage doivent être octroyés dans le respect de l'état de droit17. C'est l'une des valeurs fondatrices de l'UE18 et un principe directeur de sa politique étrangère19. L'accord d'association (AA) UE-Ukraine, qui inclut l'instauration d'une zone de libre-échange approfondi et complet (ZLEAC), fait en outre figurer l'état de droit et la lutte contre la corruption parmi les éléments essentiels du renforcement de la coopération entre les parties20.

12

Le Service européen pour l'action extérieure (SEAE) et la Commission ont lutté contre la corruption d'une manière pluridimensionnelle au moyen d'un dialogue politique et stratégique, d'activités liées à des projets, ainsi que de conditions imposées dans le cadre de programmes d'appui budgétaire et d'AMF. À la suite de l'abolition des lois anticorruption en 2010, l'UE a conditionné la libéralisation du régime des visas au respect de critères de référence, y compris l'adoption d'une législation anticorruption et la création d'organes chargés de lutter contre ce fléau21.

13

Le SEAE est responsable du dialogue politique et, avec la Commission, de la conception de la stratégie à l'égard de l'Ukraine. Pour faire face à la situation difficile qui prévalait en Ukraine en 2014, la Commission a décidé de lancer «des mesures spéciales» (des trains de mesures d'aide)22 sur une base annuelle de 2014 à 2017. La Commission a aussi créé un groupe spécial de soutien (le groupe de soutien à l'Ukraine) pour assister les autorités ukrainiennes dans la réalisation des réformes économiques et politiques nécessaires, notamment après la signature de l'AA incluant la ZLEAC. Depuis 2018, la coopération est fondée sur une programmation pluriannuelle pour la période 2018‑2020.

14

La mission de conseil de l'Union européenne en Ukraine (ci-après «l'EUAM Ukraine»)23 est une mission civile relevant de la politique de sécurité et de défense commune contrôlée par le SEAE et par les États membres. Elle est devenue opérationnelle sur le territoire ukrainien en décembre 2014. Son mandat consiste à aider l'Ukraine à mettre en place des services de sécurité viables, efficaces et comptables de leurs actes, qui renforcent l'état de droit.

Étendue et approche de l'audit

15

L'objectif de l'audit était d'évaluer si le soutien de l'UE en faveur des réformes en Ukraine a permis de lutter efficacement contre la grande corruption.

16

Pour répondre à la question d'audit principale, nous nous sommes intéressés aux trois sous-questions suivantes:

  • Le SEAE et la Commission ont-ils évalué la situation spécifique de l'Ukraine en ce qui concerne la grande corruption et ont-ils aidé ce pays à y remédier?
  • L'aide qu'ils ont apportée dans le cadre de la réforme judiciaire a-t-elle donné les résultats attendus?
  • L'aide qu'ils ont apportée dans le cadre des réformes destinées à la lutte contre la corruption a-t-elle donné les résultats attendus?
17

En 2016, nous avons établi un rapport sur l'aide de l'UE en faveur de l'Ukraine24. Nous y avions relevé que, depuis 2010, la Commission mettait de plus en plus l'accent sur les risques posés par le système oligarchique et qu'il était nécessaire de poursuivre la consolidation du cadre de lutte contre la corruption, même si des mesures importantes en la matière avaient été prises après la révolution de l'Euromaïdan. Nous avions conclu que l'aide en faveur de l'Ukraine était partiellement efficace dans la lutte contre la corruption.

18

Étant donné que la corruption et la «captation de l'État» par des oligarques constituent des problèmes majeurs pour l'Ukraine (voir points 04 à 08), nous avons axé notre audit sur le soutien apporté par l'UE en faveur des réformes destinées à la lutte contre la grande corruption. Nous avons principalement couvert la période de mise en œuvre 2016‑2019 tout en tenant compte d'événements antérieurs et postérieurs. L'audit a consisté à évaluer les activités du SEAE, de la Commission et de l'EUAM Ukraine, mais pas celles des États membres de l'UE pris individuellement ni celles des autorités ukrainiennes.

19

Dans le cadre de nos travaux, nous avons examiné des pièces justificatives et nous nous sommes entretenus avec des représentants de la Commission, du SEAE ainsi que de la mission de conseil de l'Union européenne sur la réforme du secteur de la sécurité civile en Ukraine. Nous avons aussi interrogé les principales parties prenantes, y compris l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le Conseil de l'Europe, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), le FMI, des responsables de la mise en œuvre de projets, des bénéficiaires, ainsi que des organisations de la société civile (OSC). Aux fins de notre audit, nous avons effectué une analyse détaillée de deux programmes d'assistance macrofinancière (AMF III et IV) ainsi que des activités liées à la lutte contre la grande corruption relevant de 22 projets (voir annexe II). Nous avons consulté la Commission et l'EUAM Ukraine lors de la sélection des projets et avons choisi ceux qui étaient le plus susceptibles de contribuer à la lutte contre la corruption. En ce qui concerne les activités des projets potentiellement utiles pour combattre la grande corruption, nous avons examiné si les enseignements tirés et les mesures d'atténuation prises traitaient les risques relatifs à ce phénomène, si les interventions étaient pertinentes, si elles soutenaient la concurrence et si elles avaient donné des résultats pour ce qui est de la réforme du système judiciaire et des mesures de réforme en matière de lutte contre la corruption.

20

Nous nous sommes rendus en Ukraine pendant la phase préliminaire de nos travaux, lorsque nous définissions l'étendue de l'audit. Étant donné que la pandémie nous a empêché de réaliser une visite sur place en octobre 2020 comme nous l'avions prévu initialement, nous avons procédé à des entretiens par visioconférence avec des responsables de la mise en œuvre de projets ainsi qu'avec un nombre limité de bénéficiaires. Malgré ces contraintes, nous sommes parvenus à terminer cet audit.

Observations

1. La stratégie de l'UE n'était pas spécifiquement centrée sur la lutte contre la grande corruption et il était difficile d'en observer l'impact

21

Dans les sections ci-après, nous examinons si le SEAE et la Commission:

  1. ont établi que l'influence du système oligarchique et la grande corruption constituaient des problèmes généralisés et ont suffisamment ciblé cette dernière;
  2. se sont attaqués à la grande corruption en renforçant la concurrence et la gouvernance d'entreprise;
  3. ont assuré un suivi approprié de l'aide qu'ils ont octroyée.

1.1. Le SEAE et la Commission n'ont pas spécifiquement ciblé la lutte contre la grande corruption

22

Le SEAE et la Commission ont recueilli des informations auprès de multiples sources afin d'élaborer leurs stratégies et leurs interventions en matière d'assistance. Cependant, ils n'ont pas élaboré de document présentant les causes profondes de la grande corruption.

23

La Commission a reconnu que la corruption de haut niveau constitue l'un des problèmes majeurs de l'Ukraine depuis de nombreuses années. En 2014, elle était déjà consciente de la domination exercée par les oligarques sur l'Ukraine, qui se traduisait par des systèmes corrompus, caractérisés par des conflits d'intérêts endémiques et par une verticale du pouvoir25. Dans le cadre du dialogue UE-Ukraine, le SEAE et la Commission ont souligné la nécessité d'accorder la priorité à la lutte contre la corruption et ont souligné que l'absence de poursuites ou de sanctions à l'encontre de personnalités haut placées ayant commis des actes criminels a sapé la confiance des citoyens.

24

La plupart des documents clés de l'UE26 mentionnent la nécessité de lutter contre la corruption en Ukraine, mais ils comportent peu d'objectifs spécifiques à cet égard. Les objectifs du programme d'association UE-Ukraine de 2015 comprennent une priorité à court terme libellée de la façon suivante: «Il convient d'accomplir des progrès décisifs en matière de lutte contre la corruption, notamment par la mise en œuvre du vaste ensemble de mesures juridiques de lutte contre la corruption adoptées le 14 octobre 2014, en commençant par mettre en place le bureau national de lutte contre la corruption et l'agence nationale de prévention de la corruption et en veillant à leur bon fonctionnement27».

25

Le SEAE et la Commission ont alloué un soutien à l'Ukraine sur une base annuelle de 2014 à 2017. Ils ont défini la stratégie pour le pays (le cadre unique d'appui)28 à compter de 2018, en énumérant les priorités suivantes:

  1. le renforcement des institutions et la bonne gouvernance, notamment l'état de droit et la sécurité;
  2. le développement économique et les débouchés commerciaux, y compris le développement du secteur privé et l'amélioration du climat des affaires;
  3. la connectivité, l'efficacité énergétique, l'environnement et le changement climatique;
  4. la mobilité et les contacts interpersonnels, y compris l'inclusion sociale.
26

Bien que les priorités ne fassent pas spécifiquement référence à la lutte contre la corruption, l'un des objectifs sous-jacents exige un renforcement de la prévention et de la lutte contre la corruption, ainsi que des institutions chargées de combattre ce fléau, y compris l'établissement de tribunaux responsables en la matière. Le SEAE et la Commission ont considéré la corruption comme une «priorité transversale»29, pour laquelle une approche pluridimensionnelle s'avérait nécessaire, plutôt que comme un «secteur prioritaire» unique. Cependant, ils n'ont élaboré aucune stratégie ciblée visant la grande corruption et la domination du système oligarchique. Selon certains universitaires, l'adoption d'une approche holistique par une organisation ne la dispense pas de se doter d'une stratégie. En effet, une approche pluridimensionnelle rend l'adoption d'une stratégie d'autant plus nécessaire que celle-ci détermine comment seront atteints les objectifs choisis par une organisation au moyen de l'analyse d'une situation donnée30.

27

Dans le cadre de leur approche, le SEAE et la Commission ont utilisé un large éventail d'instruments, y compris des projets, des conditions et le dialogue politique/stratégique. Leur aide a couvert différents secteurs et réformes (voir point 25 et figure 4). La Commission a engagé 5,6 milliards d'euros en faveur de programmes d'AMF et a décaissé 1,6 milliard d'euros pour les programmes AMF I et II, suivis de 2,2 milliards d'euros pour les programmes AMF III et IV, dont nous avons analysé les conditions liées à lutte contre la corruption. De plus, outre les 2,2 milliards d'euros d'aide engagés, la Commission a dépensé 839 millions d'euros au titre de programmes de renforcement des capacités susceptibles de combattre la corruption. En ce qui concerne cette dernière, ils étaient essentiellement axés sur le renforcement des institutions, notamment moyennant un soutien de la création et du bon fonctionnement d'institutions/organismes chargés de la lutte contre la corruption qui soient à même de mener des enquêtes, d'engager des poursuites et de statuer sur des affaires de corruption de haut niveau.

Figure 4

Paiements versés par l'UE (en millions d'euros) pendant la période 2014-2020 en faveur de secteurs clés susceptibles de lutter contre la corruption

Source: Cour des comptes européenne, à partir de la base de données CRIS (décembre 2020), d'informations transmises par l'EUAM Ukraine et de projets audités.

28

La Commission nous a fourni une liste de programmes et de projets pour la période 2016‑2020. Ils comportaient de multiples activités et bénéficiaires, dont plusieurs combattaient la corruption. Le système de traçabilité de la Commission repose sur un code par secteur pour chaque projet. La Commission n'est toutefois pas en mesure de recenser facilement les activités spécifiquement liées à la lutte contre la corruption ni de calculer le financement octroyé à cette fin à chaque institution bénéficiaire.

29

L'un des projets (le projet n° 12 de l'annexe II) visait à améliorer la mise en œuvre de la politique de lutte contre la corruption en Ukraine. L'objectif global du projet ne mentionnait pas la grande corruption, mais ses activités comprenaient un soutien aux institutions chargées de lutter contre ce phénomène, aux OSC et aux journalistes enquêtant sur des affaires de grande corruption, ainsi que le recensement des risques de corruption.

30

Plusieurs projets (à savoir les projets nos 8, 11, 12 et 15 de l'annexe II) ont permis d'apporter une aide pour repérer les risques de corruption dans les projets de loi. Globalement, ces projets ont permis de détecter et de signaler aux autorités plus de 250 projets de loi présentant des risques de corruption entre 2018 et 2020.

31

Nous avons constaté que 11 projets (à savoir les projets nos 3, 4, 6, 7, 12, 13, 14, 15, 16, 17 et 20 de l'annexe II) comportaient des activités visant à soutenir la mise en place ou le renforcement des nouveaux organismes chargés de lutter contre ce fléau, du cadre juridique, du système judiciaire, des enquêtes ainsi que d'un climat sain pour les entreprises. Si elles sont mises en œuvre de façon efficace, ces activités sont censées contribuer à la lutte contre la grande corruption.

32

À l'exception du développement de la base de données des «personnes politiquement exposées», les projets que nous avons audités ne s'attaquaient pas directement au système oligarchique. Parmi les bons exemples allant en ce sens aurait pu figurer le financement d'analyses réalisées par des experts pour vérifier la propriété des entreprises ainsi que pour détecter les exonérations fiscales ou programmes d'aides d'État devant être abandonnés, les affaires de corruption et de «captation de l'État», les monopoles et leurs inconvénients. Une autre option aurait consisté à financer des audits des entreprises publiques. La lutte contre la grande corruption ne figurait pas au premier rang des priorités visées par les aides en faveur du Parlement de l'Ukraine (ci-après «la Rada» – Рaда), du service national des impôts, ainsi que du Comité antimonopole d'Ukraine (CAMU). Les projets financés par l'UE ne traitaient qu'à la marge la grande corruption au sein des services répressifs (les activités ont porté, entre autres, sur des conseils stratégiques et des sessions de formation concernant les lanceurs d'alerte, sur la législation relative à la lutte contre la corruption et sur l'intégrité).

33

La grande corruption et les flux financiers illicites, y compris le blanchiment de capitaux, sont intrinsèquement liés. Comme la Commission l'a reconnu31, le risque de blanchiment de capitaux à l'étranger, y compris dans l'UE, est élevé. Trois des projets audités comportaient des activités limitées de lutte contre le blanchiment de capitaux (à savoir les projets nos 7, 12 et 13 de l'annexe II). L'un d'entre eux (le projet n° 12) apportait aussi un soutien au service public de suivi financier et allait au delà de la question de la lutte contre le blanchiment de capitaux. Le programme d'AMF incluait une condition imposant à l'Ukraine d'adopter au plus tard en décembre 2019 une loi contre le blanchiment de capitaux, conformément à l'AA et à la quatrième directive de l'UE sur la lutte contre le blanchiment de capitaux. Cette loi a été adoptée et est entrée en vigueur en avril 2020, mais elle doit à présent être mise en œuvre.

34

En 2014, le Conseil a mis en place un régime pour sanctionner les détournements, afin de geler les avoirs de 22 personnes accusées de détournement de fonds publics en Ukraine32. En 2020, seules dix d'entre elles figuraient encore sur la liste relative aux sanctions, car les autres en avaient été retirées par le Conseil après un arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne. Le SEAE avait recueilli des informations qui n'étaient pas suffisamment solides33. Il a recouru au «gel des avoirs» afin d'éviter que des fonds soient transférés vers d'autres pays avant que les décisions de justice soient prises. De plus, contrairement à ce qui se fait aux États-Unis, le SEAE et la Commission n'ont pas encore proposé au Conseil un modèle pour limiter l'entrée sur le territoire de l'UE des ressortissants ukrainiens soupçonnés d'avoir commis des actes de grande corruption. En outre, le SEAE n'a pas recommandé au Conseil d'imposer des interdictions de déplacement dans le cadre du régime de sanctions pour «détournement de fonds».

35

Nous avons constaté que quatre projets (les projets nos 12, 13, 14 et 16 de l'annexe II) ont directement permis de réduire la corruption et d'économiser des fonds. Les bénéficiaires ont perçu des subventions pour réaliser des enquêtes, et les éléments probants recueillis dans le cadre des projets ont été transmis aux services répressifs. Ces projets ont contribué à la mise au jour d'affaires de corruption, à la sensibilisation du public, ainsi qu'au maintien de ce thème dans les programmes politiques et le débat public.

36

En sa qualité d'acteur de premier plan dans la réforme du secteur de la sécurité, l'EUAM Ukraine a fourni des conseils sur la conception et les activités du projet n° 18 (voir annexe II). La Commission a versé 29 millions d'euros, mais le projet n'avait donné lieu qu'à un nombre limité de réalisations au moment de l'audit, en raison de retards et de problèmes de conception.

37

Initialement, le mandat de l'EUAM Ukraine se limitait à fournir des conseils stratégiques en vue de réformer le secteur de la sécurité civile. L'EUAM Ukraine a contribué à la lutte contre la grande corruption au moyen de la législation et en soutenant les réformes des services de sécurité et de ceux chargés des poursuites judiciaires. Elle ne ciblait certes pas principalement la corruption, mais seules deux des 50 activités traitaient directement de ce problème. L'EUAM Ukraine a considéré la lutte contre la corruption comme une priorité transversale. Elle a fourni des conseils, un encadrement et un soutien pour les évaluations des risques et les programmes de lutte contre la corruption. Toutefois, du fait de son mandat, ce soutien se cantonne aux risques recensés au sein des services répressifs, sans aller au delà. En d'autres termes, l'EUAM Ukraine ne peut détecter les cas de corruption impliquant plusieurs parties prenantes.

1.2. Le soutien apporté par l'UE en faveur de la lutte contre les structures et comportements anticoncurrentiels a donné des résultats limités

38

Les oligarques ukrainiens dominent un grand nombre de secteurs de l'économie et de marchés, qui sont étroitement liés aux entreprises publiques34 (voir figure 5). Cette situation fausse la concurrence. Les projets de la Commission n'étaient pas centrés sur la gouvernance et les réformes des entreprises publiques, mais l'UE a encouragé la concurrence par divers moyens (voir annexe VI).

Figure 5

Contacts multi-marchés entre des entreprises privées proches du pouvoir politique et des entreprises publiques

Source: Cour des comptes européenne, sur la base du document de la Banque mondiale intitulé Reducing Market Distortions for a More Prosperous Ukraine, 2019, figures 16, 18 et 19.

39

La Commission a soutenu des réformes dans les domaines de l'énergie, de la lutte contre la corruption, de la justice, des banques, des élections et de l'administration publique, et a fourni une aide en faveur du journalisme d'investigation. Malgré ce soutien et celui apporté par d'autres donateurs, les oligarques et les intérêts particuliers ont continué de saper les efforts de réforme.

40

Des individus/entreprises proches du pouvoir politique, notamment des oligarques, exercent une influence sur le cadre juridique afin d'obtenir une série d'avantages des pouvoirs publics35 et recourent à des sociétés satellites qui bénéficient de liens exclusifs avec les entreprises publiques36 (voir figure 1). Des experts financés par l'UE participant au projet n° 17 (voir annexe II) ont recensé plusieurs moratoires qui ont permis à des entreprises, essentiellement publiques, de poursuivre leurs activités commerciales sans faire faillite ou sans rembourser leurs dettes (voir figure 6). La Commission a contribué au renforcement des capacités, mais n'a pas conditionné l'octroi de l'AMF à l'Ukraine à la suppression de ces moratoires. Ces avantages favorisent la «captation de l'État» et la corruption, limitent la concurrence sur le marché et empêchent les nouveaux entrants d'y accéder37.

Figure 6

Dettes non réclamées en 2019

Source: Analyse effectuée par la Cour des comptes européenne38.

41

Pour faciliter les privatisations, il faut d'abord que les entreprises améliorent leur gouvernance. L'UE y a contribué (voir projet n° 20 de l'annexe II) dans le cadre du compte multidonateurs de la BERD39 (voir figure 7). Quatorze donateurs, y compris l'UE, ont contribué à hauteur de plus de 53 millions d'euros au compte multidonateurs depuis sa création. Plusieurs entreprises publiques (par exemple Naftogaz, Ukrzaliznytsia [chemins de fer], Ukrenergo [un gestionnaire de réseau de transport d'énergie] et Ukrposhta [le service postal]) ont réformé leur gouvernance d'entreprise, notamment par la mise en place de conseils de surveillance indépendants, comme l'a préconisé la BERD. Nous avons relevé que des avancées ont été obtenues en matière de gestion au sein de Naftogaz, une entreprise déficitaire devenue rentable et le deuxième plus grand contribuable en 2019. Cependant, ces avancées sont menacées dans le secteur de l'énergie. Naftogaz a subi des pertes en 2020 et a désigné un nouveau directeur général sans suivre la procédure appropriée, ce qui a été critiqué par l'Agence nationale pour la prévention de la corruption (ANPC).

Figure 7

Exemples de contributions apportées via le compte multidonateurs

Renforcement des capacités en vue de la privatisation d'entreprises publiques • Élaboration du droit primaire adopté par le Parlement et du droit dérivé adopté par les organismes compétents
• Recrutement de spécialistes de la gouvernance d'entreprise et de juristes, afin de conseiller le ministère du développement économique et du commerce sur l'élaboration d'une stratégie et d'un cadre (une holding publique) au moyen desquels l'État pourrait exercer ses droits de propriété sur les entreprises publiques


Notre évaluation succincte


La privatisation de grandes entreprises était au point mort. Seules des privatisations à petite échelle ont été réalisées dans le cadre du système «Prozorro.sale», la plus importante étant celle de l'hôtel Dnipro.
Renforcement des capacités pour améliorer la gouvernance d'entreprise • Cadre juridique pour la mise en place de conseils de surveillance composés de membres indépendants
• Financement de la spécialisation d'équipes de soutien dans les questions de gouvernance des entreprises publiques, au sein du ministère du développement économique et du commerce, ainsi que du cabinet du premier ministre
• Examen du cadre législatif et réglementaire relatif à la gouvernance d'entreprise pour Naftogaz et Ukrtransgaz (responsables du stockage de gaz depuis janvier 2020)
• Élaboration du plan d'action sur la gouvernance d'entreprise pour Naftogaz


Notre évaluation succincte

Le projet a permis la nomination de trois membres indépendants au sein du conseil de surveillance. La législation est en vigueur, mais le processus de réforme nécessite davantage de volonté politique. Les réformateurs affirment que les avancées précédentes dans le secteur de l'énergie sont menacées.
Renforcement des capacités du CAMU • Alignement de la législation sur celle de l'UE
• Sessions de formation sur la politique de concurrence
• Sessions de formation sur les meilleures pratiques de l'UE relatives aux fusions
• Ateliers sur les procédures d'examen des marchés publics


Notre évaluation succincte

Les projets ont produit les réalisations attendues. Cependant, les capacités du CAMU sont encore trop faibles pour démanteler les monopoles et supprimer les obstacles à une concurrence libre et loyale.
Financement du Conseil du médiateur des entreprises • Sept millions d'euros (de 2014 à 2019) pour mettre en place et gérer le Conseil du médiateur des entreprises, afin de résoudre le problème de la corruption endémique et de réduire les interférences des autorités nationales dans le secteur privé

Notre évaluation succincte

Depuis sa mise en place, le Conseil du médiateur des entreprises a reçu près de 8 000 plaintes contre les autorités nationales de la part d'entreprises. Il a examiné 84 % des dossiers au cours de la période visée. En 2019, 96 % des plaignants étaient satisfaits de la façon dont il avait traité leurs plaintes. Le Conseil du médiateur des entreprises adresse des recommandations à des organismes publics et propose des recommandations systémiques fondées sur des cas individuels. Cependant, en décembre 2019, seules 37 % des 321 recommandations systémiques avaient été mises en œuvre.

Source: Cour des comptes européenne, sur la base de plusieurs sources40.

42

En vertu de la législation, les entreprises publiques doivent élaborer des programmes de lutte contre la corruption. La Commission a octroyé des subventions à des médias et militants indépendants (voir point 35), qui ont révélé des cas de corruption impliquant des entreprises publiques et des entreprises municipales. À l'exception de ces subventions, les projets de l'UE n'étaient pas centrés sur la découverte des affaires de grande corruption impliquant des entreprises publiques et n'avaient pas apporté de soutien pour l'élaboration des programmes de lutte, même si l'Ukraine compte environ 3 500 entreprises publiques rien qu'au niveau national (voir point 05). Le compte multidonateurs cofinancé par la BERD prévoit un soutien en la matière en faveur des chemins de fer ukrainiens, mais uniquement à partir de 2021.

43

Le CAMU n'était pas habitué à s'occuper de la concurrence sur les marchés. La législation sur les aides d'État a été adoptée en 2014, mais n'est entrée en vigueur qu'en août 2017. Pendant la période auditée, la Commission a consolidé le CAMU dans le cadre de deux projets (les projets nos 10 et 19 de l'annexe II) et du compte multidonateurs de la BERD (le projet n° 20 de l'annexe II). Les projets financés par l'UE étaient axés sur le rapprochement des dispositions législatives (l'alignement de la législation ukrainienne sur les normes et principes de l'UE), mais pas encore sur l'application du droit de la concurrence. La Commission a apporté une aide au CAMU pour la mise en place du nouveau service de suivi des aides d'État et de l'équipe chargée de l'examen des marchés publics qui traite les recours, ainsi que dans le domaine des fusions et des acquisitions. Malgré l'aide financière de l'UE et des progrès récents, le CAMU n'est pas suffisamment solide pour prendre en charge les plus importantes affaires d'aide d'État, et il semble manquer d'indépendance41.

1.3. La Commission et l'EUAM Ukraine assurent le suivi de leur aide, mais il faudrait davantage mettre l'accent sur les résultats et impacts attendus

44

La Commission dispose d'un système pour suivre ses projets. Cependant, la moitié de ces derniers ne comportaient pas d'indicateur, de valeur de référence ou de valeur cible clairs, ce qui diminuait la pertinence des informations communiquées (voir encadré 1). Deux des 2142 projets (les projets nos 12 et 15 de l'annexe II) énuméraient de façon satisfaisante les réalisations et les effets dans les cadres logiques et faisaient référence à des valeurs cibles et à des niveaux annuels à atteindre.

Encadré 1

Exemples d'effets non mesurables de projets

Le projet pour soutenir les réformes du secteur de la justice en Ukraine (à savoir le projet n° 6 de l'annexe II) visait les objectifs spécifiques suivants:

  • aligner les politiques des principales parties prenantes et les priorités en matière de réforme dans une stratégie de réforme sectorielle cohérente, soutenue par un plan de mise en œuvre et un programme de financement pluriannuel garantis par une décision du gouvernement;
  • créer une structure viable de coordination du secteur;
  • fournir une expertise pour les principaux actes législatifs en suspens.

Le cadre logique pour le projet ne comportait aucun indicateur pour mesurer ces trois objectifs spécifiques.

L'un des objectifs spécifiques du projet Renforcement de la coalition en faveur du train de réformes pour la relance (projet n° 8 de l'annexe II) visait à adopter une législation de qualité en vue du lancement de réformes en Ukraine, essentiellement dans des domaines tels que la lutte contre la corruption, la décentralisation, l'économie, le système électoral, la justice, les services répressifs/chargés des poursuites, l'administration publique et les médias.

L'indicateur faisait référence au nombre de lois élaborées et préconisées, mais pas à leur mise en œuvre ou à leur impact.

45

Les projets de l'UE en lien avec la gouvernance d'entreprise et la concurrence (à savoir les projets nos 10, 19 et 20 de l'annexe II) ont produit les résultats attendus (concernant par exemple l'acceptation d'instruments juridiques, l'organisation de sessions de formation, etc.). Cependant, les projets de l'UE ne définissaient aucun effet pertinent (pour des exemples, voir l'encadré 2) ni aucun effet à plus long terme susceptible de contribuer efficacement à la lutte contre les structures et comportements anticoncurrentiels. Les indicateurs de compétitivité (voir annexe V figurant dans le cadre unique d'appui) ne font apparaître aucun progrès significatif. La compétitivité de l'Ukraine reste faible.

Encadré 2

Activités ou réalisations présentées comme des «effets»

Les «effets» de l'un des projets relevant du compte multidonateurs de la BERD concernant le renforcement des capacités du Comité antimonopole d'Ukraine étaient, entre autres, les suivants:

  • acceptation d'instruments juridiques (commentaires sur deux lois et analyse des droits exclusifs);
  • formations d'agents du CAMU concernant les fondements macroéconomiques de la politique de concurrence et les meilleures pratiques de l'UE en matière de concentrations;
  • formations des membres du panel chargé de l'examen des marchés publics au sein du CAMU.

Le projet a donné lieu à l'élaboration de commentaires sur les deux principales lois relatives à la concurrence, afin de donner aux agents du CAMU des orientations pratiques sur l'application de celles-ci. Il a aussi consisté en une analyse de la législation de l'UE sur la concession de droits spéciaux ou exclusifs. Il ne s'agit donc pas d'effets à plus long terme.

Les deuxième et troisième effets ont été considérés comme obtenus, car des sessions de formation et des ateliers ont été organisés dans le cadre des projets.

46

La Commission a assuré un suivi des conditions imposées pour l'octroi de l'AMF et de l'appui budgétaire, un suivi des critères de référence pour la libéralisation du régime des visas, ainsi qu'un suivi de la situation globale dans le pays, au moyen d'un dialogue politique et stratégique, de contacts avec des OSC, d'études et d'évaluations. La Commission et le SEAE rendent publiquement compte de l'état d'avancement des réformes en Ukraine, notamment lors de leur mise en œuvre de l'AA et dans les rapports adoptés dans le cadre du mécanisme de libéralisation du régime des visas. Toutefois, aucune information n'est publiée sur les contributions de l'UE aux avancées de l'Ukraine en matière de lutte contre les divers types de corruption. Le fait que les documents stratégiques de haut niveau tels que le cadre unique d'appui pour l'aide de l'UE à l'Ukraine (pendant la période 2018‑2020) ou le plan opérationnel de l'EUAM Ukraine ne comprennent généralement pas de valeurs cibles empêche la communication d'informations simples sur les résultats (voir figure 8).

Figure 8

Exemples d'objectifs dépourvus de valeurs cibles

Source: Cour des comptes européenne, sur la base du cadre unique d'appui pour la période 2018‑2020 ainsi que du plan opérationnel de l'EUAM Ukraine.

47

L'UE ne fait pas rapport sur les indicateurs figurant dans le cadre unique d'appui (par exemple la performance des indicateurs mondiaux de la gouvernance, le niveau de confiance de la population dans les services chargés des poursuites, le système judiciaire, les services répressifs, ainsi que les indicateurs de la Commission européenne pour l'efficacité de la justice), alors que cela lui permettrait d'assurer un suivi des progrès accomplis par l'Ukraine dans un format public, régulier et normalisé. Ces indicateurs montrent que l'Ukraine n'a guère progressé en matière de lutte contre la corruption (voir annexes III et IV).

48

Pour assurer son suivi des progrès accomplis par l'Ukraine dans la lutte contre la corruption, la Commission a utilisé différents rapports établis par des organisations internationales, par exemple ceux rédigés par le Groupe d'États contre la corruption (GRECO) et par l'OCDE. Le GRECO a reconnu que des réformes substantielles étaient encore en cours et que des efforts accrus étaient nécessaires pour que le (faible) niveau de respect de ses recommandations (seules 16 % étaient intégralement mises en œuvre) atteigne un niveau acceptable de conformité43. L'OCDE fait aussi état de progrès limités44.

49

Dans ses rapports, l'EUAM Ukraine assure un suivi des activités (objectifs), mais elle ne les mesure pas systématiquement en fonction d'indicateurs vérifiables. De plus, le suivi des effets repose rarement sur des données quantifiables et recense des activités et des réalisations plutôt que de véritables effets. En outre, l'EUAM Ukraine n'a effectué aucune évaluation d'impact après avoir mené des opérations pendant plus de cinq ans dans le pays, ce qui est contraire aux dispositions présentées dans l'outil n° 43 de la boîte à outils de l'UE pour une meilleure réglementation45.

2. L'aide apportée par l'UE en faveur de la réforme de la justice n'a pas donné suffisamment de résultats

50

Dans la section ci-après, nous examinons si la Commission et le SEAE ont:

  1. élaboré leurs interventions dans le secteur de la justice en tenant également compte du problème de la grande corruption;
  2. apporté un soutien qui a produit les résultats attendus pour ce qui est de la réforme de la justice;
  3. assuré la promotion d'outils numériques qui ont produit les résultats attendus.

2.1. Les projets en matière de renforcement des capacités ont généré moins d'avantages que prévu

51

La réforme du système judiciaire est l'une des principales priorités de l'Ukraine depuis son adhésion au Conseil de l'Europe en 1995. En 2014, le gouvernement ukrainien lui-même a relevé que la justice était considérée comme l'une des institutions les plus corrompues du pays46.

52

La Commission a considérablement soutenu le renforcement des capacités en finançant, par exemple, des experts internationaux et locaux chargés de fournir des analyses, des conseils, une méthodologie, des avis et des manuels, ainsi que des sessions de formation, des séminaires, des tables rondes, des visites d'étude, des activités de communication et la mise en place de systèmes informatiques (voir figure 9). Indépendamment des autres aides fournies, nous estimons que ce soutien couvre presque 85 % du budget des projets audités. Cependant, la Commission n'est pas en mesure de fournir une estimation des montants concernés. Les projets de l'UE ont joué un rôle dans le remaniement de la Constitution, ainsi que d'un grand nombre de lois et de règlements. En ce qui concerne l'adoption de la législation, le cadre juridique est davantage aligné sur les normes de l'UE.

Figure 9

Exemples d'aides apportées par la Commission en faveur du renforcement des capacités

Source: Cour des comptes européenne, sur la base de la documentation relative aux projets.

53

L'une des principales réussites a été la simplification du système judiciaire et la création d'une nouvelle Cour suprême (voir projets nos 6, 7 et 15 de l'annexe II), mise en place en décembre 2017. Les projets concernant le système judiciaire ont produit une majorité des réalisations attendues (par exemple, analyses des lacunes, recommandations, élaboration d'une stratégie pour le secteur de la justice, outils de suivi, aide et conseils fournis à des institutions, ainsi que soutien concernant le processus de sélection des juges). Les travaux d'analyse et de suivi relatifs au système judiciaire se sont avérés utiles pour détecter des faiblesses.

54

Selon le Conseil de l'Europe, les différents amendements apportés à la législation ont contribué à la réalisation formelle de 90 % des objectifs législatifs et institutionnels de la stratégie et du plan d'action pour la réforme du secteur de la justice47.

55

Toutefois, la viabilité des interventions de la Commission et de ses aides en faveur des réformes est constamment menacée, comme le montrent les modifications apportées fréquemment aux lois, ainsi que les retards ou distorsions des règlements administratifs. Cela empêche la mise en œuvre efficace des réformes. Les experts financés par l'UE dans le cadre du projet n° 12 (voir annexe II) ont aussi souligné qu'une activité est considérée comme menée à bien lorsqu'une loi est approuvée, même si le cadre juridique n'est que partiellement mis en œuvre, voire pas du tout. En 2020, la Commission de Venise a souligné l'«urgence extraordinaire de la situation», et a estimé que les problèmes posés par la réforme judiciaire sont «le résultat d'un mauvais processus législatif [caractérisé par]: […] l'absence d'une approche holistique, l'absence d'évaluations d'impact appropriées […], un manque de clarté [… ainsi que par] la mauvaise application des lois une fois qu'elles sont adoptées»48. Pendant la période auditée, de nombreuses tentatives d'édulcorer les réformes soutenues par la Commission et par le SEAE ont eu lieu (voir encadré 3).

Encadré 3

Les réformes visant à lutter contre la corruption risquent constamment de tourner court

  • Loi sur l'enrichissement illicite – En 2015, l'Ukraine a adopté une loi érigeant en infraction pénale l'enrichissement illicite (il s'agissait d'une condition à l'octroi de l'appui budgétaire de l'UE), mais la Cour constitutionnelle d'Ukraine (CCU) l'a invalidée en février 2019 en la déclarant inconstitutionnelle. Dès lors, toutes les affaires d'enrichissement illicite49 ont été clôturées. L'UE a adressé un conseil (en qualité d'amicus curiae) à la CCU concernant la constitutionnalité de la loi reconnaissant l'enrichissement illicite comme une infraction pénale, mais la CCU ne l'a pas accepté. Toutefois, le Parlement ukrainien a approuvé en octobre 2019 un nouveau projet de loi rétablissant la responsabilité pénale pour cette infraction.
  • Dans le cadre du dialogue politique et moyennant l'imposition de conditions, l'UE a encouragé l'adoption de modifications de la Constitution afin d'assurer l'entrée en vigueur de celle-ci et une indépendance accrue aux juges. Elle a aussi appuyé la création d'une nouvelle Cour suprême. L'UE a contribué aux évaluations du professionnalisme et de l'intégrité des candidats à un siège à la Cour suprême. En février 2020, la CCU a jugé que la dissolution de l'ancienne Cour suprême d'Ukraine (CSU) était inconstitutionnelle. Elle a affirmé que les juges de la CSU dont l'intégrité et le professionnalisme n'avaient pas été évalués auraient dû être transférés à cette instance50 sur la base de procédures et critères spéciaux, mais sans préciser lesquels. Au moment de l'audit, la dissolution de la CSU n'avait pas encore eu lieu.
  • L'UE demandait un système de déclaration électronique de patrimoine qui fonctionne efficacement (conditions imposées dans le cadre du partenariat oriental, de l'appui budgétaire, du plan d'action pour la libéralisation du régime des visas et de l'AMF). Le 27 octobre 2020, la CCU a jugé que les pouvoirs de l'Agence nationale pour la prévention de la corruption (ANPC) en matière de vérification des déclarations de patrimoine et des infractions relatives aux fausses déclarations étaient inconstitutionnels. Dès lors, le Bureau national de lutte contre la corruption (BNLC) de l'Ukraine a dû clôturer plus de 100 enquêtes de corruption, et la Haute Cour anticorruption (HCAC) a été contrainte de clôturer 17 affaires, dont certaines impliquant de hauts fonctionnaires. En décembre 2020, la Rada a rétabli l'obligation de déclarer le patrimoine et la responsabilité pénale en matière de fausses déclarations, avec des sanctions beaucoup plus légères, et a restitué ses pouvoirs à l'ANPC. L'UE et d'autres partenaires internationaux ont participé activement au rétablissement de cette législation.
56

Bien que la Commission apporte une aide au secteur judiciaire depuis des décennies, la résistance aux changements a entraîné des revers majeurs que l'analyse et les mesures d'atténuation de la Commission n'ont pas permis d'éviter. Seule la moitié des projets audités comportait une section consacrée «aux enseignements tirés». L'approche de la Commission pour assurer la viabilité consistait en un engagement à long terme dans le domaine de l'état de droit, un dialogue politique/stratégique et l'imposition de conditions. La Commission a amélioré son approche en mettant en place un projet spécifique pour combattre la corruption (voir point 29), mais elle n'a pas subordonné l'octroi de l'assistance technique à la mise en œuvre des recommandations antérieures, à la durabilité des réalisations précédentes, ou à l'intégrité de la direction. En 2021, la Commission a annulé un projet de jumelage prévu avec la CCU, à la suite de la décision prise par celle-ci en octobre 2020 d'invalider les réformes visant à lutter contre la corruption.

57

Veiller à ce que la réforme du système des poursuites judiciaires reste alignée sur les normes de l'UE est l'un des défis les plus délicats à relever. Le programme d'appui budgétaire de la Commission était conditionné à l'adoption et à l'entrée en vigueur de la loi sur la réforme du Parquet général. Cette loi visait à mettre fin aux pleins pouvoirs du Parquet général, mais des évaluateurs engagés par la Commission ont constaté qu'elle ne rendait pas le Parquet général suffisamment indépendant des pressions exercées par les parties prenantes politiques. Le mode d'attribution des affaires aux procureurs n'est pas suffisamment fiable pour éviter les interférences. En outre, la loi n'était pas pleinement mise en œuvre et nécessitait une révision.

58

La Commission a aidé le Parquet général à élaborer une feuille de route pour réformer les services chargés des poursuites. Elle incluait la création de la Commission de qualification et de discipline des procureurs (CQDP). Malgré les efforts déployés par la Commission et par l'EUAM Ukraine, le démarrage du processus de réforme a été très lent (voir encadré 4). Des progrès importants ont été accomplis en septembre 2019, lorsque le Président a signé la loi sur la modernisation du bureau du procureur. Celle-ci prévoyait la diminution du nombre de procureurs régionaux et locaux (de 15 000 à 10 000), la fermeture des bureaux des procureurs militaires, l'évaluation de tous les procureurs, l'évaluation de la performance, ainsi que la suspension de la CQDP jusqu'en septembre 202151.

Encadré 4

Contributions de la Commission et de l'EUAM Ukraine à la réévaluation et à la sélection des procureurs

La réforme de 2015 du système des poursuites judiciaires visait à renforcer le professionnalisme et l'efficience des procureurs, ainsi que l'obligation de rendre compte qui leur est faite. Un concours en vue du recrutement de nouveaux procureurs a été organisé en 2015. La Commission a financé l'appui logistique (frais de déplacement, informatique et épreuves) pour recruter les procureurs locaux, y compris le personnel administratif.

La Commission a fourni un soutien à la CQDP, qui est devenue opérationnelle en 2017 et était responsable de la sélection, du transfert et de la discipline des procureurs. Cependant, la CQDP n'a pas pris toutes les recommandations de l'UE en considération. Selon des OSC, les vérifications de l'intégrité effectuées par la CQDP reposaient sur des déclarations sur l'honneur plutôt que sur des vérifications approfondies, et peu de blâmes ont été prononcés52. L'EUAM Ukraine soutient donc l'élaboration d'un nouveau système amélioré pour la CQDP.

La Commission (projet n° 17 de l'annexe II) est l'une des entités qui ont le plus contribué aux attestations des procureurs, une première étape vers l'assainissement de l'institution. Quelque 1 800 procureurs n'ont pas passé avec succès la procédure de sélection et ont présenté un recours contre ces décisions auprès des tribunaux.

À première vue, le processus de sélection semble représenter un pas vers une indépendance accrue, mais il a été réalisé au sein du Parquet général, et non par la CQDP, ce qui est contraire aux conseils formulés dans le rapport de conformité du GRECO53. En outre, cette sélection ne s'est pas appliquée au Parquet spécialisé dans la lutte contre la corruption (SAPO – Specialised Anti-Corruption Prosecution Office) – déjà évalué –, ni au procureur général et à ses adjoints, ni aux procureurs nommés à des emplois administratifs. Des experts financés par l'UE aident le Parquet général à revoir le régime disciplinaire et à établir un système d'évaluation de la performance pour les procureurs.

59

Les réformes des services répressifs et du système des poursuites judiciaires n'ont pas encore permis d'améliorer la confiance, qui reste faible (voir figure 10). Plusieurs organisations ont signalé des cas d'abus au sein des services répressifs54. Une enquête réalisée pour l'EUAM Ukraine a aussi fait apparaître un recul de la confiance de la population sur la question de savoir si les actions de l'UE et de l'EUAM Ukraine pour encourager les réformes sont suffisantes et utiles (voir annexe VII).

Figure 10

Niveau de confiance dans les institutions, selon les enquêtes menées pour l'EUAM Ukraine, comparaison entre 2016 et 2020

Source: Cour des comptes européenne, sur la base d'enquêtes d'opinion publique réalisées pour l'EUAM Ukraine.

2.2. Le soutien apporté par l'UE en faveur de la réforme judiciaire n'a pas atteint les principales institutions et continue de subir des revers

60

La réforme du système judiciaire nécessite une réévaluation ou une évaluation de tous les juges (voir figure 11). La Commission a considérablement soutenu ce processus, mis en œuvre par la Haute Commission de qualification des juges (la HCQJ), avec l'aide du Conseil pour l'intégrité publique (CIP), représenté par des OSC. La première sélection a concerné les juges de la Cour suprême en 2017. Celle-ci est au sommet de la hiérarchie judiciaire. À compter de 2018, le processus de sélection s'est poursuivi avec des candidats et des juges déjà en fonction, ainsi que des juges de la HCAC. Dans ce dernier cas, une procédure innovante a été utilisée avec le Conseil public d'experts internationaux, un organe consultatif spécial composé d'experts internationaux reconnus chargé d'aider la HCQJ.

Figure 11

Calendrier de l'évaluation des juges

Source: Cour des comptes européenne, sur la base de données transmises par les responsables du projet intitulé Pravo Justice, la De Jure Foundation et la Commission européenne pour l'efficacité de la justice (CEPEJ).

61

Avec d'autres donateurs, la Commission a exigé, dans le cadre de son programme d'appui budgétaire (voir projet n° 3 de l'annexe II), l'adoption de modifications de la Constitution et d'une loi portant création d'un Haut Conseil de la justice (HCJ) pour garantir l'indépendance et l'intégrité de la justice. Toutefois, l'aide apportée par la Commission en faveur du processus de sélection et de la réforme de la justice risque de ne pas porter ses fruits. Le système de nomination par le Congrès des juges a essentiellement impliqué des juges qui n'avaient pas été évalués (voir figure 12).

62

La CCU, le HCJ et la HCQJ jouent aussi des rôles stratégiques dans le système judiciaire. L'intégrité de leurs membres est donc fondamentale, mais n'a pas été vérifiée lors de leur nomination (voir les exemples à l'annexe VIII). Dans le cadre du programme d'AMF, la Commission a exigé en juillet 2020 la création d'une commission d'éthique dotée d'un mandat pour contrôler l'intégrité des membres du HCJ. Au moment de l'audit, cette condition n'était pas remplie. Ni cette condition ni l'obligation de vérifier l'intégrité des membres d'autres hautes instances judiciaires, telles que la HCQJ et la CCU, n'ont été imposées dans les programmes d'AMF avant le lancement de la réforme.

Figure 12

Évaluation de l'intégrité et de l'indépendance des hautes instances judiciaires

Source: Cour des comptes européenne, sur la base de plusieurs sources55.

63

Pendant de nombreuses années, l'UE a souligné dans le cadre du dialogue politique la nécessité de réformer le système judiciaire afin d'améliorer la confiance des citoyens, qui se situait dans une fourchette allant de 5 % à 12 % en 201556. La confiance des citoyens était aussi l'un des indicateurs utilisés pour mesurer les résultats attendus par l'UE. Or elle reste très faible, entre 14 % et 17 % en 201957.

2.3. Le soutien apporté par la Commission au développement d'outils numériques pour combattre la corruption est entravé par des problèmes de qualité des données et par une aversion aux changements et aux réformes

64

Les projets de l'UE comportaient plusieurs outils numériques pour aider à prévenir la corruption. L'aide a notamment servi à financer les épreuves de sélection dans le secteur de la justice, à numériser la gestion électronique des dossiers des organismes chargés de la lutte contre la corruption (voir encadré 5), à actualiser la base de données des «personnes politiquement exposées»58, à développer les sites internet, à contribuer à la plateforme ProZorro sur les marchés publics, ainsi qu'à mettre en place la gestion électronique des dossiers pour les administrateurs judiciaires, les notaires et les huissiers privés chargés de l'application des lois. La société civile a lancé les plateformes publiques en ligne intitulées «ProZorro» et «DoZorro», afin d'assurer la transparence et le suivi des marchés publics. Ces outils aident à dénoncer les pratiques de corruption et peuvent en décourager certaines. La Commission a indirectement financé le développement de ProZorro et des sessions de formation dans le cadre du compte multidonateurs de la BERD. La société civile a aussi développé la plateforme des «personnes politiquement exposées». Cette dernière réunit des informations provenant de différents registres, y compris des déclarations de patrimoine, et peut être utilisée par les établissements financiers pour réaliser leurs vérifications.

Encadré 5

Soutien de la Commission pour le système de gestion électronique des dossiers

La Commission a fourni des conseils pour moderniser le système, obsolète, de gestion électronique des dossiers dans le secteur de la justice. L'objectif était de couvrir l'ensemble de la chaîne depuis les enquêtes jusqu'au système de probation. Cependant, les autorités nationales n'avaient pas une vision claire du secteur de la justice et elles ne disposaient d'aucun mécanisme efficace pour en coordonner toutes les parties prenantes. Dès lors, la Commission a dû se contenter d'encourager le dialogue entre les différentes parties prenantes et de formuler des recommandations concernant la conception et la feuille de route.

La Commission a effectivement financé le développement d'un système de gestion électronique des dossiers pour les organismes chargés de la lutte contre la corruption (voir projet n° 12 de l'annexe II), mais il n'était pas encore connecté au système des instances judiciaires au moment de l'audit. Afin d'activer le système et de le rendre opérationnel, la Commission a donc exigé que les amendements à apporter au code de procédure pénale soient inclus dans le dernier programme d'AMF (signé en juillet 2020).

65

La Commission a financé les entrepôts de données du BNLC, ce qui permet d'effectuer des recherches automatiques et d'interconnecter différentes bases de données. Elle a aussi acheté des systèmes de gestion des données pour le ministère de la justice, afin de permettre de numériser des documents et de faciliter les recherches.

66

L'évaluation, par la Commission, des registres utilisés dans le secteur de la justice a constitué une aide utile (voir projets nos 6 et 17 de l'annexe II). En particulier, les experts ont attiré l'attention sur le manque d'interopérabilité entre les registres, sur l'absence d'identificateurs uniques et d'adresses convenues ainsi que sur les lacunes ou les inexactitudes dans les données enregistrées. Tous ces problèmes ont compliqué davantage les contrôles croisés et, par suite, retardé l'exécution des décisions de justice (voir projet n° 6 de l'annexe II); ils ont en outre facilité les prises de contrôle illégales d'activités commerciales ou de biens au moyen de pratiques de corruption, désignées également par le terme «pillage» d'entreprises (voir figure 13). Pour garantir les droits de propriété, la Commission a apporté un soutien dans plusieurs domaines (voir figure 14).

Figure 13

La décentralisation et l'inexactitude des registres facilitent le «pillage»

Source: Cour des comptes européenne, sur la base d'informations transmises par les projets intitulés «Soutien en faveur des réformes du secteur de la justice en Ukraine» et «Pravo Justice».

Figure 14

Soutien de la Commission pour protéger les droits de propriété

Source: Cour des comptes européenne, sur la base de la documentation relative aux projets.

67

La création du portail de données ouvertes59 a constitué une étape essentielle vers un renforcement de la transparence et une diminution des possibilités de corruption. L'une des conditions imposées pour octroyer l'appui budgétaire en 2016 était l'«accès à des registres publics». L'Ukraine a réalisé des progrès dans ce domaine, mais plusieurs lacunes subsistent:

  • les redevances élevées et les fonctions de recherche restrictives limitent l'utilisation des registres publics;
  • le nombre de registres publics ouverts imposé par la loi n'a pas encore été atteint;
  • la qualité des registres est inégale.
68

Pour pouvoir se servir des dernières évolutions technologiques (par exemple les mégadonnées et l'exploration de données) comme outils de prévention pour combattre la corruption, il est impératif de résoudre les problèmes causés par le manque de données fiables (par exemple dans les registres).

69

Les programmes AMF III et IV comportaient plusieurs conditions relatives à l'amélioration de l'accès aux informations (publication des rapports d'audit et des contrats de marchés publics, ainsi que vérification des informations sur la propriété des entreprises).

3. La Commission a soutenu les institutions chargées de lutter contre la corruption, mais celles-ci peinent à produire les résultats attendus

70

Dans la section ci-après, nous examinons si la Commission:

  1. a imposé des conditions pertinentes pour contribuer à la lutte contre la grande corruption, et a recueilli et analysé suffisamment d'informations pour évaluer les progrès accomplis;
  2. a apporté aux institutions chargées de lutter contre la corruption une aide qui a produit les résultats attendus.

3.1. La Commission a surtout soutenu l'effort de réforme visant à lutter contre la corruption par l'imposition de conditions, mais elle a conservé une certaine latitude dans son évaluation des progrès accomplis

71

La Commission a recouru à l'imposition de conditions liées à la lutte contre la corruption, essentiellement des modifications législatives et institutionnelles, pour s'assurer que les nouvelles entités chargées de contrer ce phénomène soient établies et fonctionnent effectivement. Ces conditions en matière de lutte contre la corruption énoncées dans le cadre des prêts au titre de l'AMF complètent les actions relevant de l'appui budgétaire et de la libéralisation des visas. Toutefois, la façon dont les conditions ont été formulées laissait une marge d'appréciation, étant donné que des valeurs de référence claires et des valeurs cibles mesurables faisaient souvent défaut. En règle générale, trop peu d'importance était accordée à la mise en œuvre appropriée des textes législatifs et des mesures de lutte contre la corruption, mais aussi aux effets tangibles. De plus, les conditions étaient axées sur le nouveau système de lutte contre la corruption, mais pas suffisamment ni assez tôt sur l'intégrité et l'indépendance de la justice et du secteur répressif (voir points 61 et 62).

72

Les évaluations, par la Commission, des conditions liées à l'octroi de l'appui budgétaire, du régime de libéralisation des visas et de l'AMF reposaient sur des informations fournies par les autorités, par la société civile, par des experts financés par l'UE, ainsi que par des organisations internationales. Lorsque les conditions n'étaient manifestement pas remplies, la Commission a réduit les montants décaissés au titre de l'appui budgétaire (seuls 52,5 % de la tranche de 2016 ont été versés) et a annulé la troisième tranche au titre de l'AMF III, qui s'élevait à 600 millions d'euros. Cependant, la première tranche de 500 millions d'euros relevant de l'AMF IV a été payée peu après.

73

La Commission ne pouvait proposer au Parlement européen et au Conseil de supprimer l'obligation de visas que lorsqu'elle jugeait que tous les critères étaient remplis. Néanmoins, la Commission s'est octroyé une certaine latitude dans l'interprétation de ses conditions, ce qui a donné lieu à une évaluation trop positive. Notre analyse a en effet montré que si l'un des trois critères de référence de la lutte contre la corruption pour le plan d'action concernant la libéralisation du régime des visas60 était bien respecté, les deux autres ne l'étaient que partiellement (voir encadré 6). Cela n'a entraîné aucune révision du régime d'exemption de visa.

Encadré 6

Exemples de conditions/critères de référence concernant la lutte contre la corruption dont l'évaluation est problématique

Plan d'action pour la libéralisation du régime des visas

«Mise en œuvre de la législation sur la prévention de la corruption et la lutte contre ce phénomène; efficacité de l'agence indépendante anticorruption; élaboration de codes de déontologie et développement de la formation à la lutte contre la corruption, visant en particulier les fonctionnaires des services de répression et du système judiciaire».

Dans son sixième rapport, la Commission a reconnu des progrès en matière d'adoption de la législation et d'établissement des institutions chargées de la lutte contre la corruption. Même si ce critère (la mise en œuvre de la législation) n'était pas rempli au moment de l'évaluation, il a été considéré comme respecté, sur la base des évolutions positives observées et des engagements pris par les autorités ukrainiennes.

Programme d'appui budgétaire

Un système efficace de vérification des déclarations de patrimoine, de revenus et de dépenses des fonctionnaires est en place et opérationnel. Des sanctions dissuasives pour la présentation d'informations erronées dans les déclarations sont introduites. Les seuils pour les déclarations de dépenses sont considérablement réduits. Un portail internet unique pour la présentation et la publication sous forme électronique de déclarations est mis en place en accès ouvert. D'autres dispositions sur la déclaration de patrimoine constituent une amélioration en coopération avec la société civile et des parties prenantes internationales.

En novembre 2016, la Commission a jugé que les valeurs liées à cet indicateur étaient «pleinement atteintes» car l'ANPC avait reçu plus de 100 000 déclarations et le cadre réglementaire était en place. Or le système n'était pas pleinement efficace. La Commission européenne avait connaissance des lacunes de l'ANPC en matière de vérification des déclarations. Enfin, en janvier 2018, la Commission n'a pas validé la troisième tranche au titre de l'AMF III, parce que le mécanisme de vérification des déclarations de patrimoine présentées par les fonctionnaires n'était pas encore réellement en place.

Programme III d'aide macrofinancière, deuxième tranche (2017)

Créer un bureau national de lutte contre la corruption, un parquet spécialisé dans la lutte contre la corruption et une agence nationale pour la prévention de la corruption, en veillant à ce que ces organes soient indépendants et opérationnels, à savoir dotés des ressources financières, de l'effectif et du matériel nécessaires à l'exercice de leurs fonctions.

La Commission affirme que la condition était axée uniquement sur la création d'institutions chargées de combattre la corruption et a dès lors considéré qu'elle était remplie. Nous comprenons que la condition imposait aussi que les institutions soient indépendantes et opérationnelles.

Les organes ont été créés et ont commencé leurs travaux, mais l'indépendance du Parquet spécialisé dans la lutte contre la corruption et de l'ANPC était discutable. Le Parquet spécialisé dans la lutte contre la corruption fait partie du Parquet général et n'est donc pas encore pleinement indépendant.

3.2. Les institutions chargées de lutter contre la corruption et soutenues par l'UE lors de leur création peinent toujours à produire les résultats attendus

74

La stratégie nationale de lutte contre la corruption pour la période 2014‑2017 prévoyait la création d'institutions de lutte contre la corruption (dont les principales sont présentées à la figure 15). Le SEAE et la Commission ont aussi encouragé le gouvernement à les établir et à les faire fonctionner de façon efficiente. Ils ont soutenu la création d'institutions spécialisées dans la lutte contre la corruption tandis que le système judiciaire et les services répressifs restaient dans une très large mesure en proie à la corruption.

Figure 15

Agences et institutions chargées de la lutte contre la corruption, ainsi que leurs missions

ANPC Agence nationale pour la prévention de la corruption

Élabore et met en œuvre la politique de lutte contre la corruption, notamment la stratégie en la matière
Assure le suivi du mode de vie des fonctionnaires
Vérifie les déclarations de patrimoine
Détermine l'existence, ou non, de conflits d'intérêts concernant les fonctionnaires
Examine en détail le financement des partis politiques et la protection des lanceurs d'alerte
BNLC Bureau national de lutte contre la corruption

Enquête sur les affaires de corruption de haut niveau
Recueille des éléments probants pertinents, admissibles et fiables
SAPO Parquet spécialisé dans la lutte contre la corruption (Specialised Anti-Corruption Prosecution Office)
(qui fait partie du Parquet général)

Supervise les enquêtes du BNLC
Veille à ce que suffisamment d'éléments probants fiables soient collectés à l'encontre des parties défenderesses
Porte les affaires de corruption de haut niveau devant les tribunaux
HCAC Haute Cour anticorruption

Tribunal spécialisé compétent, entre autres, pour les affaires de corruption de haut niveau
Statue sur les affaires instruites par le BNLC
Agence de recouvrement et de gestion des avoirs de l'Ukraine

Dépiste et gère les avoirs tirés de la corruption et d'autres formes de criminalité

Sources: Cour des comptes européenne, sur la base du document d'action de l'initiative anticorruption de l'Union en Ukraine (phase II); Chatham House, The struggle for Ukraine, 2018, évaluation technique, par l'initiative anticorruption de l'Union européenne, de l'Agence de recouvrement et de gestion des avoirs de l'Ukraine.

L'Agence nationale pour la prévention de la corruption

75

L'ANPC a élaboré la stratégie nationale de lutte contre la corruption pour la période 2018‑2020, en se fondant sur la mise en œuvre de la précédente. Les experts financés par l'UE dans le cadre du projet n° 12 (voir annexe II) ont évalué qu'environ 40 % de la stratégie précédente et du programme public étaient achevés et que 30 % l'étaient partiellement. Le SEAE et la Commission ont salué l'approbation de la stratégie par le cabinet des ministres en avril 2018. Cependant, le Parlement ne l'a jamais adoptée. Les projets financés par l'Union et l'EUAM Ukraine ont émis d'autres recommandations en vue de l'élaboration du projet de stratégie nationale de lutte contre la corruption pour la période 2020‑2024. Le document a franchi le stade de la première lecture au Parlement en novembre 2020. La seconde lecture était en cours au moment de la finalisation de notre rapport.

76

Malgré l'aide apportée par la Commission, les missions de vérification confiées à l'ANPC ne permettaient pas encore de mettre en œuvre les recommandations émises par le GRECO61. Plusieurs conditions imposées par l'Union exigeaient la mise en place d'un système efficace de vérification des avoirs. Cependant, le système de déclaration de patrimoine en ligne n'est pas aussi efficace qu'il devrait l'être. Aucune condamnation pour enrichissement illicite n'a été prononcée (voir figure 16 et encadré 6). Néanmoins, la publication des déclarations de patrimoine constitue un outil de prévention.

Figure 16

Efficacité limitée du système de déclaration de patrimoine

Source: Cour des comptes européenne, sur la base de la recommandation ii formulée dans le rapport de décembre 2019 du GRECO intitulé «Prévention de la corruption des parlementaires, des juges et des procureurs» dans le cadre du quatrième cycle d'évaluation, ainsi que de la note d'information au Conseil européen du 26 mai 2020 sur le décaissement de la deuxième tranche au titre de l'AMF IV et de la documentation relative au projet n° 12 consacré à la lutte contre la corruption et au soutien aux réformes essentielles.

77

Les projets financés par l'Union dans le cadre du compte multidonateurs et l'EUAM Ukraine ont contribué à l'élaboration des programmes de lutte contre la corruption (voir point 37), approuvés ensuite par l'ANPC. Toutefois, la grande majorité n'a pas permis de traiter les principaux risques de corruption et la procédure a été considérée comme une formalité et un exercice consistant à cocher des cases62.

78

Après que la réputation de l'ANPC a été mise à mal, la Commission a finalement réduit son engagement auprès de celle-ci, par exemple en subordonnant l'assistance informatique à des progrès dans des domaines d'action essentiels. D'autres donateurs ont cessé d'apporter un soutien plus tôt lorsque des évolutions négatives avaient été observées.

79

Avec l'aide de la Commission, une nouvelle structure a été mise en place pour l'ANPC en octobre 2019. De plus, un nouveau chef de l'ANPC a été désigné en janvier 2020, à l'issue d'un concours supervisé par une commission de sélection internationale.

Le Bureau national de lutte contre la corruption

80

Le Bureau national de lutte contre la corruption (BNLC) jouit d'une bonne réputation au sein de la communauté internationale. Bien que le soutien politique de l'UE ait contribué à faire en sorte que le BNLC reste opérationnel et indépendant, ce dernier est constamment sous le feu de ses détracteurs, qui recourent à des moyens tels que des accusations de manquements. Des experts financés par l'UE ont élaboré des projets de proposition pour ce qui est de la compétence du BNLC, mais la législation en question est aussi constamment mise à mal (la suppression du droit de contester des accords commerciaux liés à la corruption en est un exemple63). En septembre 2020, la CCU a déclaré inconstitutionnelles d'importantes dispositions de la loi sur le BNLC. Cela aura une incidence sur la nomination de son chef, sur le Conseil de surveillance civile et sur l'audit indépendant qui doit encore être réalisé64.

81

La Commission et l'EUAM Ukraine ont organisé de nombreuses sessions de formation, d'ateliers et de visites d'étude, et ont aussi fourni des orientations au BNLC, en insistant sur les activités d'enquête. Les statistiques du BNLC montrent que des progrès ont été accomplis concernant les enquêtes ouvertes (voir figure 17). Le BNLC a calculé l'avantage économique qu'il apporte à la société en comparant son budget (de 30 millions d'euros) à son impact économique (des pertes représentant 450 millions d'euros ont été évitées)65. Sa capacité à mener des enquêtes sur les affaires de haut niveau a considérablement augmenté, notamment si l'on se penche sur le nombre de profils de haut niveau qui faisaient l'objet d'enquêtes avant la création du BNLC66. La majorité des affaires impliquent des entreprises publiques67 et environ 18 % des «notifications de suspicion» concernaient des hauts fonctionnaires68. Au moment de l'audit, le BNLC enquêtait sur de grands systèmes de corruption tels que les affaires Rotterdam + et Privatbank69.

Figure 17

Augmentation du nombre d'enquêtes (procédures pénales) du BNLC en cours

Source: Cour des comptes européenne, sur la base des rapports semestriels du BNLC.

82

Cependant, le BNLC n'est qu'un maillon dans la chaîne de lutte contre la corruption. L'effet des enquêtes menées par le BNLC dépend de facteurs tels que la validation des éléments probants par les procureurs et par des laboratoires de criminalistique. Le BNLC a affirmé que ses travaux ont pendant longtemps été entravés par le service de sécurité nationale de l'Ukraine (désigné par l'abréviation «SBU» ou СБУ – Служба безпеки України, prononcé «Sloujba bezpeky Oukrayiny»)70, qui détient l'équipement technique pour effectuer des écoutes téléphoniques et dispose des agents nécessaires, mais aussi par le fait que le BNLC n'avait pas le droit de mettre des individus sur écoute ni un accès suffisant aux registres. Dans le cadre de son dialogue politique, l'UE s'est associée avec d'autres donateurs pour faire pression, avec succès, en faveur d'une loi (finalement adoptée en octobre 2019) autorisant le BNLC à réaliser des enquêtes discrètes avec écoutes téléphoniques. Toutefois, le SBU conserve le contrôle des écoutes téléphoniques dans la pratique, et ce malgré l'implication de l'UE.

Le Parquet spécialisé dans la lutte contre la corruption (SAPO)

83

Bien que le SAPO soit chargé de porter les affaires de corruption de haut niveau devant les tribunaux, il continue de faire partie du Parquet général et n'est donc pas totalement indépendant. La Commission a fourni un soutien essentiellement dans le cadre de quatre projets (à savoir les projets nos 6, 12, 13 et 15 de l'annexe II), qui s'ajoute aux activités de l'EUAM Ukraine. Des arriérés et l'indépendance limitée de la direction du SAPO ont compromis l'obtention d'effets positifs71. La Commission a réduit son aide à la suite du scandale des écoutes téléphoniques de 2018, qui laissait penser que le chef du SAPO avait exercé des pressions sur les procureurs et les tribunaux72.

La Haute Cour anticorruption (HCAC)

84

Avant l'établissement de la HCAC en septembre 2019, de nombreuses affaires de corruption de haut niveau étaient au point mort dans les tribunaux, après avoir été transmises par le SAPO/le BNLC. L'OCDE a qualifié cette situation de «choquante»73. Par conséquent, la communauté internationale74 et des OSC ont plaidé en faveur de la création d'un tribunal indépendant doté d'une procédure de recrutement fiable. Dans le cadre du dialogue politique en 2016, le SEAE et la Commission ont exigé que la législation concernant la HCAC soit adoptée.

85

La Commission a apporté une aide considérable pour l'établissement de la HCAC (voir figure 9). À l'issue d'un concours transparent, 38 juges ont été désignés en avril 2019. La Haute Cour tant attendue, qui comporte une première instance et une instance d'appel, est officiellement devenue opérationnelle le 5 septembre 2019 et a commencé à examiner ses premières affaires de haut niveau pendant le dernier trimestre de cette même année.

86

En septembre 2020, la HCAC avait prononcé 16 condamnations et un acquittement (voir figure 18). Par comparaison avec les tribunaux ordinaires où les affaires de corruption sont restées au point mort pendant de nombreuses années, les premiers résultats de la HCAC se sont avérés prometteurs. Cependant, son efficacité, son indépendance et sa viabilité étaient menacées au moment de l'audit.

Figure 18

Statistiques sur les procédures pénales

Source: Cour des comptes européenne, sur la base de rapports du BNLC, d'une présentation faite par Transparency International , ainsi que du projet n° 12 consacré à la lutte contre la corruption et au soutien aux réformes essentielles.

L'Agence de recouvrement et de gestion des avoirs

87

Dans le cadre de l'EUAM Ukraine et du projet n° 12 financé par la Commission (voir annexe II), une aide a été fournie dès le tout début pour la mise en place de l'Agence de recouvrement et de gestion des avoirs. Le projet comportait la réalisation d'une évaluation technique et la fourniture d'un soutien législatif à cette Agence. Il a aussi permis de financer des formations et des outils informatiques (par exemple des équipements de base, le site internet de l'Agence de recouvrement et de gestion des avoirs, ainsi que du matériel pour les visioconférences). Cette Agence est partie de zéro et il a fallu former tous ses agents. Elle a accru ses capacités de dépistage et de gestion des avoirs, et a traité un nombre croissant de recouvrements d'avoirs75.

88

En octobre 2020, l'Agence de recouvrement et de gestion des avoirs a déclaré avoir dépisté des avoirs obtenus illégalement d'une valeur de plus de 100 milliards de hryvnias ukrainiennes (près de 3 milliards d'euros). Néanmoins, son mandat est limité, étant donné qu'elle ne peut dépister les avoirs qu'à la demande des services répressifs. Même si le volume des avoirs qu'elle gère a augmenté, il ne représente que 4 % (environ 119 millions d'euros) de tous les montants dépistés.

Conclusions et recommandations

89

Nous avons constaté que la grande corruption reste un problème majeur en Ukraine, bien que l'UE ait soutenu des réformes destinées à lutter contre la corruption et qu'elle ait contribué à diminuer les possibilités de corruption. La réforme du système judiciaire connaît des revers, les institutions chargées de lutter contre la corruption sont fragiles, la confiance dans celles-ci reste faible et le nombre de condamnations pour des faits de grande corruption est peu élevé.

90

Les oligarques et les intérêts particuliers dans l'ensemble de l'Ukraine sont à l'origine de la corruption et constituent les principaux obstacles à l'état de droit et au développement économique du pays. Le Service européen pour l'action extérieure (SEAE) et la Commission connaissaient bien les connexions multiples entre les oligarques, les hauts fonctionnaires, le gouvernement, le parlement, le système judiciaire et les entreprises publiques. Le SEAE n'a pas encore proposé de modèle destiné à limiter l'entrée sur le territoire de l'UE des ressortissants ukrainiens soupçonnés d'avoir commis des actes de grande corruption, ainsi qu'à les empêcher d'y utiliser leurs avoirs. Si les documents clés de l'UE mentionnent bien la lutte contre la corruption, il n'existe aucune stratégie globale consacrée spécifiquement à la grande corruption. Le SEAE et la Commission ont traité la corruption comme une priorité transversale, en acheminant les fonds et en orientant les efforts vers divers secteurs, avec notamment des aides en faveur d'institutions chargées de la lutte contre la corruption de haut niveau. Cette approche plurisectorielle n'était pas suffisamment centrée sur la grande corruption (voir points 22 à 28, ainsi que 34).

91

Le projet relevant de l'initiative anticorruption de l'Union était exclusivement axé sur la corruption, et apportait en particulier un soutien aux institutions chargées de lutter contre ce fléau et traitant la grande corruption. Aucun des autres projets audités par nos soins ne visait spécifiquement à réduire la grande corruption, mais la moitié d'entre eux comportaient des activités en lien avec ce problème. La grande corruption et les flux financiers illicites, y compris le blanchiment de capitaux, sont intrinsèquement liés, mais les projets que nous avons examinés prévoyaient un très petit nombre d'activités destinées à faire face aux risques de blanchiment des capitaux. La Commission a aussi fixé, dans ses programmes d'assistance macrofinancière (AMF) et dans les critères de référence pour la libéralisation du régime des visas, des conditions pour encourager les réformes dans ces domaines. La mission de conseil de l'Union européenne en Ukraine (EUAM Ukraine) a soutenu les autorités de ce pays dans leurs tentatives de réformer le secteur de la sécurité civile. Elle s'est engagée, avec les services répressifs, à faire de la réduction de la corruption l'une de ses priorités transversales. Toutefois, le mandat de l'EUAM Ukraine n'inclut pas la lutte contre la grande corruption (voir points 29 à 37, ainsi que 71 à 73).

Recommandation n° 1 – Concevoir et mettre en œuvre des actions qui ciblent spécifiquement la grande corruption

Afin de réduire la grande corruption, le SEAE et la Commission devraient:

  1. dans le cadre de l'approche pluridimensionnelle adoptée par l'UE pour lutter contre la corruption, élaborer un document stratégique sur la façon d'éviter et de combattre la grande corruption, y compris la «captation de l'État». Ce document devrait recenser des actions clés à mettre en œuvre selon un calendrier bien défini afin de cibler les causes profondes de ce fléau, et notamment la structure oligarchique;
  2. avec les États membres et les partenaires internationaux, analyser et envisager un modèle pour éviter que les ressortissants ukrainiens (oligarques et personnes sous leur contrôle) soupçonnés d'avoir commis des actes de grande corruption entrent sur le territoire de l'UE et y utilisent leurs avoirs;
  3. renforcer le suivi et le soutien de la mise en œuvre de la législation sur la lutte contre le blanchiment de capitaux en Ukraine.

Quand? D'ici fin 2022.

92

En apportant un soutien à des projets de la société civile et aux médias indépendants, la Commission a adopté une ligne de conduite raisonnable pour prévenir et détecter la corruption. À titre d'exemple, la société civile a développé la plateforme ProZorro et celle des «personnes politiquement exposées», qui ont toutes deux jeté les bases d'un suivi des réformes et d'un système d'alerte de l'opinion publique sur les pratiques de corruption et les abus de pouvoir (voir encadré 4, ainsi que points 29, 35 et 64).

Recommandation n° 2 – Évaluer et ajuster l'ampleur du soutien apporté aux organisations de la société civile et au journalisme d'investigation

Afin de renforcer la transparence et d'encourager les réformes, la Commission devrait:

  1. évaluer et ajuster l'ampleur de son aide en faveur de la société civile et du journalisme d'investigation, en mettant particulièrement l'accent sur la lutte contre la corruption, ainsi qu'en soutenant les efforts destinés à réduire l'influence des médias détenus par des oligarques;
  2. soutenir des bénéficiaires de la société civile dans l'élaboration de mécanismes de suivi systématique (par exemple un tableau de bord) pour mesurer la performance des réformes destinées à lutter contre la corruption, ainsi que documenter régulièrement les résultats obtenus par les projets financés.

Quand? D'ici fin 2022.

93

Il est largement admis qu'en cas de «captation de l'État», les entreprises et individus influents sur le plan économique obtiennent des avantages de la part des pouvoirs publics, notamment par l'intermédiaire des entreprises publiques. La Commission a soutenu la privatisation de grandes entreprises publiques. Elle a centré son attention sur leur gouvernance dans le cadre de son dialogue politique et des conditions d'octroi de l'AMF qu'elle a imposées. Toutefois, ces réformes sont en péril. Elle a aussi aidé l'Ukraine à renforcer les capacités institutionnelles du Comité antimonopole. Cependant, ce dernier n'était pas encore assez solide, au moment de l'audit, pour appliquer la politique en matière de concurrence. Des efforts bien plus intenses s'avèrent nécessaires, notamment parce que de très nombreuses entreprises en Ukraine jouissent du statut d'oligopole ou de monopole (voir points 38 à 43).

Recommandation n° 3 – Contribuer à la suppression des obstacles à une concurrence libre et loyale

Afin d'encourager une concurrence loyale, la Commission devrait:

  1. recenser les entreprises contrôlées par des oligarques qui font obstacle à une concurrence libre et loyale, puis éviter de les soutenir (au moyen de projets, de prêts et de garanties);
  2. soutenir les efforts déployés par les autorités ukrainiennes pour démanteler les monopoles contrôlés par des oligarques, lorsque la concurrence libre et loyale est source de préoccupation;
  3. accroître le soutien institutionnel au Comité antimonopole afin d'augmenter ses capacités et son indépendance, tout en veillant à ce qu'il fasse preuve d'intégrité et d'engagement en faveur des réformes.

Quand? D'ici à fin 2023.

94

La Commission dispose d'un système pour suivre et évaluer son aide. Pour la moitié des projets audités par nos soins, il s'avère toutefois difficile de déterminer dans quelle mesure les projets ont contribué à la lutte contre les différents types de corruption, étant donné que les effets ne sont pas mesurables (en l'absence de valeurs de référence, de valeurs cibles et d'indicateurs pertinents) et portent sur des réalisations et des activités. En outre, l'EUAM Ukraine n'a pas publié son évaluation d'impact (voir points 44 à 49).

95

Bien que le SEAE et la Commission fassent chaque année rapport sur l'état d'avancement des réformes en Ukraine, aucun rapport spécifique n'est établi concernant les progrès accomplis grâce aux contributions de l'UE dans la lutte contre les divers types de corruption. Le système d'établissement de rapports n'est pas fondé sur des valeurs cibles et indicateurs définis au préalable et par rapport à des valeurs de référence (voir points 45 à 47, 55 à 57, ainsi que 71).

Recommandation n° 4 – Améliorer le suivi et l'établissement de rapports, afin d'informer et de prendre des mesures correctrices au besoin

Le SEAE, la Commission et l'EUAM Ukraine devraient:

  1. améliorer le système de suivi et d'établissement de rapports publics (sur la base d'objectifs clairs et spécifiques, de valeurs cibles et d'indicateurs définis au préalable et par rapport à des valeurs de référence), notamment dans le cas de la lutte contre la grande corruption en Ukraine, en mettant l'accent sur les contributions apportées par l'UE;
  2. imposer aux responsables de la mise en œuvre de projets de remplir dûment les cadres logiques relatifs à ceux-ci, au moyen d'une comparaison entre, d'une part, les avancées obtenues grâce aux projets et, d'autre part, les valeurs de référence et les valeurs cibles attendues.

Quand? D'ici fin 2022.

96

Le manque de volonté de mener des réformes et la résistance à l'égard des réformes dans le domaine de la justice et de la lutte contre la corruption ont entraîné des revers majeurs que les mesures d'atténuation n'ont pas permis d'éviter. Dans un environnement difficile, la viabilité de ce qui a été réalisé précédemment est constamment menacée (voir points 55 à 58).

97

La Commission et l'EUAM Ukraine ont intensivement appuyé la réforme du système judiciaire, notamment la Haute Cour anticorruption, qui a donné à présent ses premiers résultats sous la forme de condamnations. La Commission et l'EUAM Ukraine ont considérablement soutenu l'évaluation des qualifications et de l'intégrité des juges et des procureurs. Cependant, l'intégrité des membres des organes d'administration judiciaire, d'un nombre élevé de juges et de quelques procureurs doit encore faire l'objet d'un contrôle (voir figure 18, encadré 4, ainsi que points 60 à 63 et 84 à 86).

98

La Commission a soutenu la création et la mise en place de nouvelles institutions responsables de la lutte contre la corruption. Or une faiblesse dans un élément suffit à empêcher le bon fonctionnement de l'ensemble du maillage institutionnel. Le SEAE et la Commission ont activement participé au maintien du cadre de lutte contre la corruption, qui est constamment en péril, ainsi qu'aux tentatives effectuées pour l'intégrer dans le contexte local des organisations déjà en place. Cependant, l'intégration des nouvelles institutions dans l'environnement existant est une lutte perpétuelle (voir points 74 à 88).

Recommandation n° 5 – Insister sur l'intégrité et sur l'engagement en faveur des réformes dans le cadre du soutien au renforcement des capacités des institutions

Afin d'accroître l'efficacité de l'aide apportée par l'UE, la Commission et le SEAE devraient:

  1. lorsqu'ils fournissent un appui institutionnel aux entités constitutives du système judiciaire, des services répressifs et de ceux chargés des poursuites judiciaires, insister sur les critères concernant l'intégrité et l'engagement en faveur des réformes (à savoir la mise en œuvre des recommandations antérieures, la viabilité des réalisations précédentes et l'intégrité de la direction);
  2. lorsqu'ils fournissent une assistance, veiller à ce que des évaluations de l'intégrité soient réalisées pour les emplois clés au sein du système judiciaire et des services répressifs (à savoir pour les juges de la Cour constitutionnelle, pour les chefs d'instances judiciaires, ainsi que pour les membres de la Haute Commission de qualification des juges et du Haut Conseil de la justice).

Quand? D'ici fin 2022.

99

Les projets de l'UE ont aussi contribué à la conception d'outils numériques destinés à prévenir la corruption, mais plusieurs d'entre eux nécessitaient davantage d'engagement de la part des autorités nationales. Il s'est avéré utile d'évaluer les registres du ministère de la justice pour détecter les faiblesses, en particulier le manque de données exactes. L'inexactitude de certains registres consultés compromet la vérification des déclarations en ligne du patrimoine. La prise de contrôle illégale d'activités commerciales ou de biens constitue un problème grave en Ukraine et un risque majeur pour les investisseurs. La Commission s'attelle à résoudre ce problème (voir points 64 à 69, ainsi que 76).

Recommandation n° 6 – Soutenir la numérisation des registres

Afin d'accroître la transparence des registres publics, de protéger les droits de propriété et de contrôler l'utilisation des deniers publics, la Commission devrait soutenir la numérisation des principaux registres publics. Cette aide devrait permettre d'augmenter leur interopérabilité et la qualité des données qu'ils contiennent, et de sécuriser leur utilisation.

Quand? D'ici fin 2022.

100

La coordination entre les conditions imposées par l'UE et celles établies par d'autres donateurs a joué un rôle dans les modifications apportées à la Constitution, dans le renforcement du cadre juridique, ainsi que dans la mise en place d'institutions. Cependant, plusieurs conditions n'étaient pas suffisamment spécifiques et donnaient une certaine latitude. En reconnaissant que des progrès avaient été accomplis, la Commission a jugé que certaines conditions étaient remplies. Or notre évaluation est plus critique, notamment en ce qui concerne les effets (voir points 61, ainsi que 71 à 73).

101

Au début, la Commission n'a recouru que de façon limitée à l'imposition de conditions pour réformer le système judiciaire, se concentrant d'abord sur les modifications de la Constitution nécessaires pour réorganiser la justice et sur la mise en place des institutions chargées de lutter contre la corruption. Dans son dernier programme d'AMF (de juillet 2020), la Commission exigeait des vérifications de l'intégrité pour les principaux organes d'administration judiciaire. De plus, des intérêts particuliers ont réduit à néant certaines avancées. Le fait que la Cour constitutionnelle juge que la déclaration du patrimoine en ligne était inconstitutionnelle en est une des dernières illustrations. Bien que la pression exercée par l'UE et sur le plan international ait conduit les législateurs à rétablir l'obligation de déclarer le patrimoine ainsi que les sanctions en cas de non-respect, ces dernières ne sont pas suffisamment dissuasives. Les efforts déployés par le SEAE et la Commission ont empêché quelques retours en arrière, mais risquent constamment d'être réduits à néant (voir points 55, 61, 71 et 73, ainsi qu'encadré 3 et figure 16).

102

Le SEAE et la Commission ont préconisé d'améliorer la gouvernance d'un grand nombre d'entreprises publiques en Ukraine, ainsi que de faciliter leur privatisation. Cependant, les experts financés par l'UE ont conclu qu'un problème majeur était posé par les moratoires qui interdisent l'exécution des décisions de justice et qui permettent à des entreprises publiques d'éviter de faire faillite ou de rembourser leurs dettes (voir points 38 à 41).

Recommandation n° 7 – Durcir les conditions d'octroi de l'aide de la Commission

Afin de garantir la bonne fin des réformes, la Commission devrait, lorsqu'elle conçoit et évalue les conditions d'octroi de l'AMF:

  1. inclure des exigences strictes en matière de réforme du système judiciaire, des services répressifs et de ceux chargés des poursuites judiciaires, notamment pour en assurer l'indépendance et l'intégrité;
  2. examiner, de façon documentée, les conditions pour supprimer les moratoires sur les dettes des entreprises publiques, afin d'inclure ces conditions dans un futur programme d'AMF.

Quand? D'ici fin 2022.

Le présent rapport a été adopté par la Chambre III, présidée par Mme Bettina Jakobsen, Membre de la Cour des comptes, à Luxembourg le 20 juillet 2021.

Par la Cour des comptes

Klaus-Heiner Lehne
Président

Annexes

Annexe I – Investissements étrangers directs (IED) pendant la période 2016-2019

Source: Analyse de la Cour des comptes européenne, fondée sur des données de la Banque nationale d'Ukraine.

Annexe II — Programmes et projets examinés

INTITULÉ DU CONTRAT MONTANT ENGAGÉ
(en euros)
MONTANT DU CONTRAT
(en euros)
MONTANT VERSÉ (en euros) jusqu'en octobre 2020
1 AMF III 1 800 000 000   1 200 000 000
2 AMF IV 1 000 000 000   1 000 000 000
3 2014/344 231 – Contrat d'appui à la consolidation de l'État pour l'Ukraine 355 000 000 305 125 000 305 125 000
4 2014/345 095 – Renforcement des réformes relatives à la Constitution, à la lutte contre la corruption et au système juridique en Ukraine (initiative du train de réformes pour la relance) 394 974 394 974 394 974
5 2014/351 692 – Consolidation de l'élaboration des politiques dans le secteur de la justice en Ukraine 520 000 520 000 520 000
6 2013/328 160 – Projet pour soutenir les réformes du secteur de la justice en Ukraine 7 857 467 7 857 467 7 506 681
7 2014/346 257 – Mise en œuvre du cadre de coopération en matière de programmation avec le Conseil de l'Europe au sein du partenariat oriental 30 400 000 30 400 000

dont 3 357 220 en Ukraine
30 400 000

dont 3 259 547 en Ukraine
8 2016/373 210 – Renforcement de la coalition en faveur de l'initiative du train de réformes pour la relance 918 771 918 771 918 771
9 2015/369 527 – SOUTIEN AU SERVICE NATIONAL DES IMPÔTS DE L'UKRAINE MOYENNANT UN RENFORCEMENT DES ÉLÉMENTS DE LA GESTION INTÉGRÉE DES FRONTIÈRES DANS LE DOMAINE DES DOUANES 1 800 000 1 800 000 1 723 068,09
10 2016/374 091 – Renforcement des capacités institutionnelles du Comité antimonopole d'Ukraine afin de réaliser des études de marché et de mettre en œuvre efficacement le droit de la concurrence conformément aux normes de l'UE 1 688 065 1 688 065 1 688 065
11 2016/374 814 – Rada za Evropu – Renforcement des capacités, afin de soutenir la Verkhovna Rada (le parlement) de l'Ukraine (Верхoвна Рaда) 1 255 926 1 255 926 1 255 926
12 2016/382 642 – Lutte contre la corruption et soutien aux réformes essentielles 14 500 000 14 500 000 14 500 000
13 2017/388 596 – Renforcement du rôle de la société civile dans la surveillance des finances publiques 682 670 682 670 670 849
14 2017/388 935 – Lutte contre la corruption et mise en œuvre des réformes au niveau régional 729 541 729 541 656 586
15 2017/389 065 – Renforcement du rôle de la société civile lorsqu'il s'agit de faciliter les réformes démocratiques et d'augmenter la responsabilité et la qualité des pouvoirs publics, ainsi que l'obligation de rendre compte qui leur est faite 685 805 685 805 656 199
16 2017/392 878 – Soutien en faveur de la prévention contre la corruption et des enquêtes grâce à la participation des citoyens au niveau local 748 944 748 944 674 050
17 2017/390 764 – Pravo-Justice – Soutien aux réformes relatives à la justice en Ukraine 15 290 000 15 290 000 9 584 385
18 2017/392 754 – Soutien en faveur des réformes de l'état de droit en Ukraine (Pravo-Police, services chargés des poursuites judiciaires, bonne gouvernance) 36 000 000 36 000 000 29 061 551
19 2017/387 956 – Soutien au Comité antimonopole d'Ukraine pour l'application des règles sur les aides d'État 2 900 100 2 900 100 2 320 080
20 Compte multidonateurs de la BERD pour la stabilisation et la croissance durable de l'Ukraine      
2016/379 989 – Compte multidonateurs de la BERD pour la stabilisation et la croissance durable de l'Ukraine 8 000 000 8 000 000 8 000 000
2017/394 778 – Addendum n° 1 de la BERD au compte multidonateurs de la BERD pour la stabilisation et la croissance durable de l'Ukraine 9 000 000 9 000 000 9 000 000
2018/401 226 – Addendum n° 2 à la convention de délégation signée avec la BERD ENI/2016/379-989 «compte multidonateurs de la BERD pour la stabilisation et la croissance durable de l'Ukraine» (contrat fictif) 1 700 000 1 700 000 1 700 000
2019/409 355 – Addendum n° 3 à la convention de délégation signée avec la BERD ENI/2016/379-989 «compte multidonateurs de la BERD pour la stabilisation et la croissance durable de l'Ukraine» (contrat fictif) 10 000 000 10 000 000 10 000 000
21 EUAM06BP406 – Renforcement des capacités de lutte contre la corruption de la police nationale de l'Ukraine grâce au recours à des technologies modernes pour faire respecter la législation 49 900   25 575
22 EUAM01BP0501 – Renforcement de la transparence, de l'obligation de rendre compte et de la surveillance dans le secteur de la sécurité civile en Ukraine 157 000   102 484
23 EUAM05BP505 – Indépendance institutionnelle des services chargés des poursuites judiciaires/Parquet général de l'Ukraine et soutien aux organes d'autogestion 86 700   20 642
24 EUAM6.1.5BP605 – Renforcement des capacités de lutte contre la corruption des institutions ukrainiennes responsables du secteur de la sécurité civile 55 600   22 342,60
TOTAL pour l'AMF 2 800 000 000 2 200 000 000
TOTAL pour les projets 473 378 683   409 364 432
TOTAL pour les montants contrôlés 3 273 378 683   2 609 364 432

Annexe III – Peu de progrès dans la lutte contre la corruption en Ukraine

Source: Analyse effectuée par la Cour des comptes européenne, sur la base des scores relatifs à l'indice de perception de la corruption de Transparency International et du classement concernant l'indicateur de gouvernance mondial intitulé «contrôle de la corruption» établi par la Banque mondiale.

Annexe IV – Progression de l'Ukraine en ce qui concerne les indicateurs relatifs à l'état de droit (période 2012-2019)

Source: Analyse effectuée par la Cour des comptes européenne, sur la base des indicateurs mondiaux de la gouvernance (établis par la Banque mondiale), du Projet pour une justice mondiale et de l'approche intitulée «Varieties of Democracy».

Annexe V – Progression en ce qui concerne les indicateurs relatifs à la compétitivité (période 2015-2020)

Source: Cour des comptes européenne, sur la base de l'indice «de compétitivité mondiale» calculé par le Forum économique mondial pour l'Ukraine, ainsi que de la position de celle-ci dans le classement de la compétitivité dans le monde établi par le centre pour la compétitivité mondiale de l'Institut pour le développement de la gestion. Le nombre de pays évalués varie chaque année.
La compétitivité d'un pays diminue à mesure que sa position dans le classement est élevée.

Annexe VI – Contribution de l'UE à l'amélioration de la concurrence en Ukraine

DIALOGUE POLITIQUE

(dialogue de haut niveau avec le gouvernement)
• Élaborer et mettre en œuvre des plans pour privatiser les entreprises publiques conformément aux normes internationales
• Chercher à affaiblir l'influence des oligarques sur l'économie au moyen de réformes axées sur les marchés et de mesures de lutte contre la corruption
• Saluer l'engagement renouvelé de l'Ukraine à contrer l'influence des intérêts particuliers (la «désoligarchisation»)
DIALOGUE STRATÉGIQUE

(dialogue dans le cadre de la coopération financière)
• Réforme des entreprises publiques
• Concentration sur le secteur de l'énergie, participation à des réunions du comité responsable de l'énergie
• Rôle d'observateur de l'UE dans le processus de sélection des membres des conseils de surveillance d'entreprises publiques
ASSISTANCE TECHNIQUE • Principal donateur du compte multidonateurs de la BERD
• Soutien au Comité antimonopole d'Ukraine
CONDITIONS • Programmes d'assistance macrofinancière

Source: Cour des comptes européenne, sur la base de la documentation d'audit.

Annexe VII – Mesure dans laquelle les actions de l'UE et de l'EUAM Ukraine sont utiles et suffisantes pour encourager les réformes

Source: Cour des comptes européenne, sur la base d'enquêtes publiques réalisées pour l'EUAM Ukraine.

Annexe VIII – Nominations des juges de la Cour constitutionnelle et des membres du Haut Conseil de la justice

Source: Cour des comptes européenne, sur la base des sites internet de la CCU et du HCJ consultés en janvier 2021.

Acronymes, sigles et abréviations

AA: accord d'association

AMF: assistance macrofinancière

ANPC: Agence nationale pour la prévention de la corruption

BERD: Banque européenne pour la reconstruction et le développement

BNLC: Bureau national de lutte contre la corruption

CAMU: Comité antimonopole d'Ukraine

CCU: Cour constitutionnelle d'Ukraine

CQDP: Commission de qualification et de discipline des procureurs

CSU: Cour suprême d'Ukraine

DG: direction générale

EUAM Ukraine: mission de conseil de l'Union européenne en Ukraine

FMI: Fonds monétaire international

GRECO: Groupe d'États contre la corruption

HCAC: Haute Cour anticorruption

HCJ: Haut Conseil de la justice

HCQJ: Haute Commission de qualification des juges

OCDE: Organisation de coopération et de développement économiques

OSC: organisation de la société civile

SAPO: Parquet spécialisé dans la lutte contre la corruption (Specialised Anti-Corruption Prosecution Office)

SBU: service de sécurité nationale de l'Ukraine (СБУ – Служба безпеки України, prononcé «Sloujba bezpeky Oukrayiny»)

UAH: hryvnia ukrainienne (devise de l'Ukraine)

ZLEAC: zone de libre-échange approfondi et complet

Glossaire

Appui budgétaire: aide de l'UE versée directement sur le compte du Trésor public d'un pays partenaire (en l'occurrence, l'Ukraine) moyennant le respect de certaines conditions.

Cadre logique: document dans lequel sont énumérés les objectifs, les effets et les activités d'un projet de l'UE, assortis de valeurs de référence, de valeurs cibles et d'indicateurs.

Captation de l'État: type de corruption bénéficiant aux personnes qui exercent une influence sur le cadre juridique et sur les nominations à des postes clés, à leur profit et au détriment du plus grand nombre.

Effets: changements intentionnels ou non intentionnels, immédiats ou à plus long terme, qui résultent de la mise en œuvre d'un projet et qui sont normalement liés aux objectifs de celui-ci (par exemple l'amélioration du suivi et du contrôle par les pouvoirs publics grâce à une main-d'œuvre mieux formée).

Entreprise publique: entreprise entièrement ou partiellement détenue par les pouvoirs publics d'un pays.

Grande corruption: abus de pouvoir de haut niveau, qui profite à quelques-uns au détriment du plus grand nombre et cause des préjudices graves et de grande ampleur aux individus et à la société dans son ensemble, selon la définition donnée par Transparency International.

Intérêts particuliers: personnes ou organisations qui ont un intérêt financier ou personnel dans une entreprise, une société ou un système existant.

Moratoire: disposition juridique qui interdit l'exécution d'une décision judiciaire prononcée contre l'État ou une entreprise publique.

Oligarques: groupe restreint de particuliers fortunés, souvent issus du monde des affaires et dépourvus de mandat électif, qui exercent de fait un contrôle sur un pays.

Réalisations: ce qui est produit ou accompli dans le cadre d'un projet financé par l'UE.

Réponses de la Commission et du SEAE

https://www.eca.europa.eu/fr/Pages/DocItem.aspx?did=59383

Équipe d'audit

Les rapports spéciaux de la Cour présentent les résultats de ses audits relatifs aux politiques et programmes de l'UE ou à des questions de gestion concernant des domaines budgétaires spécifiques. La Cour sélectionne et conçoit ces activités d'audit de manière à maximiser leur impact en tenant compte des risques pour la performance ou la conformité, du niveau des recettes ou des dépenses concernées, des évolutions escomptées ainsi que de l'importance politique et de l'intérêt du public.

L'audit de la performance objet du présent rapport a été réalisé par la Chambre III (Action extérieure, sécurité et justice), présidée par Mme Bettina Jakobsen, Membre de la Cour. L'audit a été effectué sous la responsabilité de M. Juhan Parts, Membre de la Cour, assisté de: M. Ken-Marti Vaher, chef de cabinet; M. Margus Kurm, attaché de cabinet; Mme Sabine Hiernaux-Fritsch, manager principale; Mme Aurelia Petliza, cheffe de mission; ainsi que MM. Joël Costantzer et Dirk Neumeister, auditeurs. L'assistance linguistique a été fournie par M. Mark Smith et par Mme Ramune Sarkauskiene, celle-ci ayant également apporté un soutien administratif. Les supports visuels ont été fournis par Mme Alexandra-Elena Mazilu.

Notes

1 SEAE, EU-Ukraine relations – factsheet, 2020, et résolution du Parlement européen du 11 février 2021 sur la mise en œuvre de l'accord d'association entre l'Union européenne et l'Ukraine, 2021.

2 SEAE, entretien du haut représentant/vice-président Josep Borrell avec Ivan Verstyuk de l'hebdomadaire Novoe Vremya, 21 septembre 2020.

3 Rapport spécial n° 32/2016 de la Cour des comptes européenne intitulé «L'aide de l'UE en faveur de l'Ukraine», point 7.

4 Agence des États-Unis pour le développement international (USAID), Changing corrupt behaviours assessment: addressing everyday corruption in Ukraine , 2015, p. 7.

5 Centre pour la stratégie économique, How much does the budget lose due to the lack of good governance?, 2018, p. 41.

6 Chatham House, Are Ukraine's Anti-corruption Reforms Working?, 2018, p. 23.
Groupe de conseil stratégique pour les réformes en Ukraine, Reforms in Ukraine after revolution of Dignity: what was done, why not more, and what to do next, 2019, p. 115.

7 FMI, Government of Ukraine Report on the Diagnostic Study of Governance Issues Pertaining to Corruption, the Business Climate and the Effectiveness of the Judiciary, 2014, p. 4, 9 et 20;
OCDE, 4th monitoring result: Prevention and Prosecution of Corruption in State-Owned Enterprises, 2018, p. 8;
FMI, Country Report No 17/84, paragraphe 32;
Stiftung Wissenschaft und Politik: «Deoligarchisation» in Ukraine, Promising Visions, Murky Realities, 2016, p. 1 et 2, ainsi que 4 et 5;
Survival of the richest: how oligarchs block reforms in Ukraine, 2016, p. 3 à 8;
Conseil européen des relations internationales, Guarding the guardians: Ukraine's security and judicial reforms under Zelensky, 2019, p. 5, 6, 8, 11, 13 et 14;
Institut Jacques Delors, Soutenir le difficile processus de réforme en Ukraine, 2015, p. 7.

8 FMI, Country Report No 17/84, 2017, p. 15.

9 Voir FMI, Government of Ukraine report on the diagnostic study of governance issues pertaining to corruption, the business climate and the effectiveness of the judiciary, juillet 2014, paragraphe 7;
FMI, Country report No 17/83, avril 2017;
Financial Times, Ukraine courts cannot be allowed to throw out anti-corruption gains, Volodymyr Zelensky, 1er novembre 2020.

10 Atlantic Council, Corruption, Democracy, and Investment in Ukraine, 2007, p. 5, et FMI, Country Report No 17/84, 2017, p. 5, 6 et 15.

11 Consortium international des journalistes d'investigation, With Deutsche Bank's help, an oligarch's buying spree trails ruin across the US heartland, et 'Enough is enough': How FinCEN Files exposes a broken system that keeps dirty cash flowing, 2020.

12 Profit shifting in Ukraine's iron ore exports, 2018, p. 3.
Institut pour la transformation sociale et économique, Analyse comparative de l'effet budgétaire des instruments servant à la fraude ou à l'évasion fiscale en Ukraine, 2020, p. 44.

13 Dragon Capital et Centre pour la stratégie économique, Foreign Investor Survey, novembre 2020, et
European Business Association, Investment Attractiveness Index First Half of 2020.

14 Banque mondiale, Ukraine systematic country diagnostic toward sustainable recovery and shared prosperity, 2017, paragraphes 9 et 19;
FMI, Déclaration de la Directrice générale du FMI sur l'Ukraine, 2019;
OCDE, 4th monitoring result: Prevention and Prosecution of Corruption in State-Owned Enterprises, 2018, p. 16.

15 Partenariat oriental.

16 Sur la base de données extraites par l'OCDE concernant les engagements d'aide publique au développement en faveur de l'Ukraine; pays bénéficiaire: Ukraine, moyenne pour la période 2018‑2019.

17 Article 1er, paragraphe 4, et article 2, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 232/2014 instituant un instrument européen de voisinage.

18 Article 2 du traité sur l'Union européenne.

19 Article 21, paragraphe 2, du traité sur l'Union européenne et SEAE, «Une stratégie globale pour la politique étrangère et de sécurité de l'Union européenne», juin 2016, p. 26.

20 Accord d'association entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et l'Ukraine, d'autre part (JO L 161 du 29.5.2014, préambule, article 1er, paragraphe 2, point e), et articles 2 et 3, ainsi que titre IV).

21 Annexe 1 de la décision d'exécution de la Commission concernant la mesure spéciale en faveur de l'Ukraine pour l'année 2016 relative à la lutte contre la corruption et au soutien aux réformes essentielles: document d'action pour l'initiative anticorruption de l'Union en Ukraine, p. 4.

22 Vue d'ensemble de l'aide apportée par l'UE.

23 Décision 2014/486/PESC du Conseil du 22 juillet 2014 relative à la mission de conseil de l'Union européenne sur la réforme du secteur de la sécurité civile en Ukraine (EUAM Ukraine).

24 Rapport spécial n° 32/2016 de la Cour des comptes européenne intitulé «L'aide de l'UE en faveur de l'Ukraine».

25 Document d'action pour le contrat d'appui à la consolidation de l'État pour l'Ukraine (projet n° 3 de l'annexe II), p. 2 à 4.

26 Accord d'association, mesures spéciales (2014‑2017), cadre unique d'appui pour la période 2018‑2020, conclusions opérationnelles du conseil d'association, ainsi que plan opérationnel pour la mission PSDC de l'EUAM Ukraine (documents non accessibles au public).

27 Programme d'association UE-Ukraine de 2015, 16 mars 2015, p. 6.

28 Programmation de l'instrument européen de voisinage (IEV) – Période 2017‑2020 – Cadre unique d'appui pour l'aide de l'UE à l'Ukraine (2018‑2020).

29 Conseil de l'Union européenne, Accord concernant le concept d'opération de la mission civile de conseil de l'UE en Ukraine, 2014; ainsi que
Programmation de l'instrument européen de voisinage (IEV) – Période 2017‑2020 – Cadre unique d'appui pour l'aide de l'UE à l'Ukraine (2018‑2020).

30 Linda Höglund, Mikael Holmgren Caicedo, Maria Mårtensson, Fredrik Svärdsten, Strategic management in the public sector: how tools enable and constrain strategy making, International Public Management Journal, 2018, 21:5, 822-849, DOI: 10.1080/10 967 494.2018.1 427 161.

31 Commission européenne, Liste de pays relevant du champ d'application de l'évaluation réalisée par l'UE concernant les pays tiers à haut risque dans le cadre de la directive (UE) 2015/849 et liste des pays de priorité 1 (en vue d'une évaluation en 2018), ainsi qu'évaluations réalisées par la Commission (documents non accessibles au public).

32 Règlement (UE) n° 208/2014 du Conseil du 5 mars 2014 concernant des mesures restrictives à l'encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes eu égard à la situation en Ukraine; ainsi que décision d'exécution 2014/216/PESC du Conseil du 14 avril 2014 mettant en œuvre la décision 2014/119/PESC concernant des mesures restrictives à l'encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes au regard de la situation en Ukraine.

33 Voir, à titre d'exemple, l'arrêt du Tribunal (neuvième chambre) du 28 janvier 2016, T-486/14.

34 OCDE, State-Owned Enterprise Reform in the Hydrocarbons Sector in Ukraine, 2019, p. 30, 31 et 51, ainsi que
Centre d'études de la politique européenne, The Struggle for Good Governance in Eastern Europe, oligarchs as key obstacles to reform, 2018, p. 61.

35 Banque mondiale, Crony capitalism in Ukraine: impact on economic outcomes, 2018, p. 5. Selon la Banque mondiale, une entreprise proche du pouvoir politique compte au moins une personne politiquement exposée parmi ses propriétaires, ses actionnaires ou ses dirigeants.

36 OCDE, 4th monitoring result: Prevention and Prosecution of Corruption in State-Owned Enterprises, 2018, p. 8;

37 Banque mondiale, Reducing Market Distortions for a More Prosperous Ukraine, 2019, p. 20;
Conseil européen des relations internationales, La survie des plus riches: comment les oligarques bloquent les réformes en Ukraine, 2016, p. 8;
OCDE, Anti-Corruption Reforms in Ukraine: Prevention and Prosecution of Corruption in State-Owned Enterprises, 2017, p. 8 et 53.

38 Cour des comptes européenne, sur la base d'informations tirées du document du Conseil de l'Europe Supporting Ukraine in executing judgments by the European Court of Human Rights. Report on a mission to Ukraine for bilateral consultations with Ukrainian authorities concerning the improvement of enforcement proceedings, 2018, p. 5, et le projet Pravo Justice.

39 Compte multidonateurs de la BERD pour la stabilisation et la croissance durable de l'Ukraine.

40 Transparency International, Dnipro hotel sold for over UAH 1 billion, 15 juillet 2020; compte multidonateurs de la BERD, annexe II: Individual Project Reports of the 2019 annual report;
Conseil du médiateur des entreprises, Annual Report, 2019.

41 Commission européenne et haut représentant de l'UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Association Implementation Report on Ukraine, 2020, p. 20, Banque mondiale, Reducing Market Distortions for a More Prosperous Ukraine, 2019, p. 34, ainsi qu'OCDE, SME Policy Index: Eastern Partner Countries 2020, 2020, p. 484.

42 À l'exclusion des programmes d'AMF et d'appui budgétaire.

43 GRECO, Quatrième cycle d'évaluation – Prévention de la corruption des parlementaires, des juges et des procureurs – Ukraine, 2020, paragraphe 189.

44 OCDE, Anti-corruption reforms in Ukraine: 4th round of monitoring of the Istanbul Anti-Corruption Action Plan, état d'avancement, 2019, p. 6.

45 Commission européenne, Outil n° 43 de la boîte à outils pour une meilleure réglementation intitulé What is an evaluation and when is it required?

46 FMI, Government of Ukraine report on the diagnostic study of governance issues pertaining to corruption, the business climate and the effectiveness of the judiciary, 2014, p. 3 et 4.

47 Conseil de l'Europe, «Assessment of the 2014‑2018 judicial reform in Ukraine and its compliance with the standards and recommendations of the Council of Europe», 2019, p. 4.

48 Avis n° 999/2020 de la Commission de Venise sur le projet de loi n° 3711.

49 Commission européenne et haut représentant de l'UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, 2019 Association implementation report.

50 Democracy Reporting International, The Attempt of the Constitutional Court of Ukraine to Determine Fundamentals of the Judicial Reform Process, 2020, Decision No 2-r/2020.

51 Centre pour la réforme politique et juridique, Political Points for 29 August – 5 September 2019, et Ukrainian President signs law on reform of prosecutor's office, 23 septembre 2019.

52 Initiative du train de réformes pour la relance, Reforms under the Microscope, 2017, p. 57.

53 GRECO, Quatrième cycle d'évaluation – Prévention de la corruption des parlementaires, des juges et des procureurs, Ukraine, mars 2020, recommandation xxiii.

54 Conseil de l'Europe, La corruption porte atteinte aux droits de l'homme et à l'État de droit, 19 janvier 2021;
ministère de l'intérieur du Royaume-Uni, Country Policy and Information Note Ukraine: Organised crime and corruption, septembre 2019, p. 9, 19 et 25;
UKRAINE 2019 HUMAN RIGHTS REPORT;
Conseil européen des relations internationales, Guarding the guardians: Ukraine's security and judicial reforms under Zelensky, août 2019.

55 Statistiques de la Commission européenne pour l'efficacité de la justice (édition 2020) sur le nombre de tribunaux, avis nos 969/2019, 999/2020 et 1012/2020 de la Commission de Venise; ainsi que proposition de modèle pour la sélection de juges fiables, élaborée par la De Jure Foundation, 21 juin 2019.

56 Institut international de sociologie de Kiev, comparative analysis of national surveys, Corruption in Ukraine 2015; projet USAID Fair Justice, national public opinion survey on Democratic, Economic and Judicial Reforms, Including Implementation of the Law on the Purification of Government, 2015, ainsi qu'enquêtes publiques menées pour l'EUAM Ukraine, de 2015 à 2019.

57 Centre Razumkov d'Ukraine, 2019‑2020, Broad Opportunities, Contradictory Results; Fonds Initiatives démocratiques, résultats des enquêtes, juin 2019, ainsi qu'enquêtes publiques menées pour l'EUAM Ukraine, de 2015 à 2019.

58 Registre public des personnes politiquement exposées de l'Ukraine.

59 Portail qui fournit gratuitement des données aux citoyens.

60 Bloc 2.3.1 du plan d'action concernant la libéralisation du régime des visas: Prévention de la criminalité organisée, du terrorisme et de la corruption et lutte contre ces phénomènes, 2010.

61 GRECO, Quatrième cycle d'évaluation – Prévention de la corruption des parlementaires, des juges et des procureurs, recommandation i, deuxième partie non mise en œuvre.

62 OCDE, Anti-corruption Reforms in Eastern Europe and Central Asia - Progress and Challenges, 2016‑2019, 2020, p. 31.

63 Commission européenne et haut représentant de l'UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Association Implementation Report on Ukraine, 2019, p. 9.

64 BNLC, Constitutional crisis requires an immediate solution to restore the effective work of anti-corruption institutions - NABU statement, 6 novembre 2020.

65 Rapport du BNLC, January-June 2010.

66 OCDE, Plan d'action d'Istanbul contre la corruption, 4th Round of Monitoring, Ukraine, 2017, p. 11 et 143.

67 Rapport du BNLC, January-June 2020.

68 Rapport du BNLC, July-December 2019.

69 OCDE, Snapshot of Ukraine's Energy Sector: Institutions, Governance and Policy Framework, 2019, p. 41, ainsi que BNLC, Former PrivatBank top managers notified of suspicion.

70 BNLC, Undercover operation conducted by the NABU and the SAPO was failed due to the lack of the right of autonomous wiretapping, 30 novembre 2017.

71 Commission européenne, Action Document for the EU Anti-Corruption Initiative in Ukraine (Phase II), p. 6.

72 ANTAC, register of dumped cases.

73 OCDE, Plan d'action d'Istanbul contre la corruption, 4th Round of Monitoring, Ukraine, 2017, p. 155.

74 OCDE, Anti-Corruption Reforms in Ukraine, Round 3: Monitoring of the Istanbul Anti-Corruption Action Plan, mars 2015, p. 84.

75 L'Agence de recouvrement et de gestion des avoirs a fait rapport sur ses activités en 2019.

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