
Contrôles douaniers: un manque d'harmonisation préjudiciable aux intérêts financiers de l'UE
À propos du rapport
Au sein de l'union douanière de l'UE, il faut que les États membres appliquent les contrôles douaniers de manière uniforme pour éviter que des importateurs frauduleux ciblent les points d'entrée aux frontières où les contrôles sont moins nombreux. Le code des douanes de l'Union fait obligation à la Commission de prendre les mesures nécessaires pour garantir une application uniforme des contrôles douaniers de la part des États membres. Pour atteindre cet objectif, la Commission a adopté récemment la décision d'exécution relative aux critères et normes communs en matière de risque financier, accompagnée d'orientations approuvées par les États membres. Ensemble, ces deux documents constituent le cadre des douanes en matière de risque financier.
Lors de cet audit, nous avons évalué si la décision en question et les orientations correspondantes, élaborées par la Commission en vue d'une application dans les États membres, ont été conçues de façon à assurer une sélection harmonisée des déclarations d'importation à contrôler. Nous avons aussi examiné la manière dont les États membres se conformaient à ces dispositions.
Nous avons estimé, en conclusion, que la mise en œuvre du nouveau cadre des douanes en matière de risque financier constituait une étape importante vers l'application uniforme des contrôles. Cependant, le cadre n'est pas suffisamment bien conçu pour garantir que les États membres sélectionnent de façon harmonisée les éléments à contrôler. En outre, les États membres appliquent les dispositions de la décision et des orientations en question de différentes manières.
Nous recommandons à la Commission de veiller à une application plus uniforme des contrôles douaniers, ainsi que d'élaborer et de mettre en œuvre une véritable capacité de coordination et d'analyse au niveau de l'UE. Pour réaliser des progrès, il faudra le soutien et, le cas échéant, l'approbation des États membres.
Rapport spécial de la Cour des comptes européenne présenté en vertu de l'article 287, paragraphe 4, deuxième alinéa, du TFUE.
Synthèse
IL'union douanière de l'UE a été créée il y a plus de 50 ans. Dans le domaine des douanes, l'UE dispose d'une compétence exclusive pour adopter la législation, tandis que les États membres sont responsables de la mise en œuvre de celle-ci, ainsi que de l'exécution des contrôles douaniers. Les autorités douanières des États membres jouent un rôle important dans la recherche d'un équilibre entre la nécessité de faciliter les échanges au moyen de procédures d'importation plus rapides et souples et celle de procéder à des contrôles douaniers. Les droits de douane perçus en 2019 se sont élevés à 21,4 milliards d'euros, ce qui représente 13 % des recettes budgétaires de l'UE.
IIIl faut que les États membres appliquent les contrôles douaniers de manière uniforme pour éviter que des importateurs frauduleux ciblent les points d'entrée aux frontières où les contrôles sont moins nombreux. Le principal texte législatif de l'UE en matière douanière, à savoir le code des douanes de l'Union, fait obligation à la Commission de prendre les mesures nécessaires, à compter de 2016, pour garantir une application uniforme des contrôles douaniers de la part des États membres. À cet effet, la Commission a adopté, en 2018, la décision d'exécution relative aux critères et normes communs en matière de risque financier (ci-après «la décision CRF») afin d'harmoniser la sélection, par les États membres, des importations à contrôler. Cette décision est accompagnée d'orientations approuvées par les États membres en 2019. Ensemble, ces deux documents (à savoir la décision et les orientations sur les CRF) constituent le cadre des douanes en matière de risque financier. Nous avons décidé de procéder à cet audit à la suite de l'introduction de ce nouveau cadre réglementaire.
IIINous avons évalué si le cadre en question, élaboré par la Commission en vue d'une application dans les États membres, a été conçu de façon à assurer une sélection harmonisée des déclarations d'importation à contrôler. Nous avons aussi examiné la manière dont les États membres se conformaient aux dispositions de ce cadre. La mise en œuvre de la décision et des orientations sur les CRF constitue une étape importante vers l'application uniforme des contrôles douaniers. Cependant, le cadre n'est pas suffisamment bien conçu pour garantir que les États membres sélectionnent de façon harmonisée les déclarations d'importation à contrôler. En outre, les États membres appliquent les dispositions du cadre de différentes manières.
IVLa décision CRF ne donne pas une définition satisfaisante de la notion de risque et n'est pas suffisamment détaillée. Nous avons aussi constaté que des éléments importants faisaient défaut, par exemple: une analyse à l'échelle de l'UE fondée sur des données relatives à toutes les importations de l'UE; des techniques appropriées d'exploration de données; des méthodes adéquates pour faire face aux risques financiers concernant les importations liées au commerce électronique. En outre, le cadre ne comporte aucune disposition satisfaisante en matière de suivi et de réexamen de son application.
VLes États membres ont commencé à mettre en œuvre le cadre de la Commission, essentiellement en cartographiant les critères qu'ils utilisaient précédemment pour cibler les importations suspectes («profils de risque») en fonction des critères correspondants définis dans la décision CRF. Cependant, dans les États membres visités, l'application de celle-ci n'a pas modifié en profondeur les procédures de sélection aux fins des contrôles. Nous avons constaté que les États membres n'interprétaient pas les signalisations de risques de la même façon, ce qui les a conduits à utiliser des critères différents pour sélectionner les importations à contrôler. Nous avons aussi relevé que les États membres ne partageaient entre eux que très peu d'informations sur les importateurs jugés à risque. Cela compromet l'efficacité et l'harmonisation des procédures de sélection des contrôles à effectuer.
VILe cadre autorise les États membres à réduire le nombre de contrôles par rapport à celui recommandé à la suite de leur analyse des risques, pour le porter à un niveau gérable au regard des ressources dont ils disposent. Nous avons observé que les États membres n'avaient pas appliqué des procédures similaires pour réduire le nombre de contrôles. Dès lors, un même risque n'a pas toujours été traité suivant les mêmes méthodes au niveau national. Nous avons également constaté que certains États membres ne soumettaient pas toutes les déclarations à une analyse automatisée des risques, alors que la décision CRF l'exige.
VIINous recommandons à la Commission de veiller à une application plus uniforme des contrôles douaniers, ainsi que d'élaborer et de mettre en œuvre une véritable capacité de coordination et d'analyse au niveau de l'UE.
Introduction
L'union douanière est importante pour le commerce et les recettes de l'UE
01En 2018, l'UE a célébré le 50e anniversaire de l'union douanière. Celle-ci repose sur l'élimination des droits de douane et autres restrictions en matière d'échanges commerciaux entre les pays participants, ainsi que sur la mise en place de droits de douane communs sur les importations en provenance de pays tiers. Ce domaine relève de la compétence exclusive de l'UE1, laquelle définit l'essentiel de la politique douanière et adopte la législation correspondante. Néanmoins, la mise en œuvre de celle-ci incombe au premier chef aux États membres2 et comporte la perception de droits de douane pour l'UE ainsi que l'exécution de contrôles douaniers.
02L'UE est tributaire de l'efficacité des échanges de marchandises entrant et sortant de son territoire douanier. Selon les dernières statistiques disponibles3, les importations et exportations combinées de l'UE ont représenté environ 4 000 milliards d'euros en 2019 (soit quelque 25 % de son PIB). Cela est révélateur de l'impact du commerce international sur l'activité économique de l'UE et de l'importance de l'union douanière. La figure 1 montre les principaux pays d'origine des importations de l'UE et les principales marchandises importées.
Figure 1
Marchandises importées dans l'UE en 2019: principaux pays exportant vers celle-ci
Source: Cour des comptes européenne, en se fondant sur la base de données Comext d'Eurostat, ensemble de données intitulé «Commerce UE depuis 1988 par HS2, 4, 6 et NC8 (DS-045 409)».
En outre, les droits de douane sur les importations constituent une source importante de recettes budgétaires de l'UE. En 2019, ils se sont élevés à 21,4 milliards d'euros (soit 13 % du total). La figure 2 montre les valeurs des importations des États membres en 2019, les droits que ceux-ci ont mis à la disposition du budget de l'UE et les 20 % qu'ils ont retenus pour couvrir leurs frais de perception.
Figure 2
Importations de l'UE et droits perçus par celle-ci en 2019
Sources: Cour des comptes européenne, en se fondant sur la base de données Comext d'Eurostat, ensemble de données intitulé «Commerce UE depuis 1988 par HS2, 4, 6 et NC8 (DS-045 409)»; comptes annuels de l'Union européenne relatifs à l'exercice 2019.
L'analyse des risques et l'application uniforme des contrôles douaniers sont essentielles pour une perception efficace des droits à l'importation
04Les autorités douanières des États membres sont responsables de la perception des droits de douane, des droits d'accises et de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) dus à l'importation. Elles visent aussi plusieurs autres objectifs, tels que l'amélioration de la sécurité intérieure de l'UE, la protection de l'UE contre le commerce déloyal et illégal, ainsi que la protection de l'environnement. La lutte contre le terrorisme est également devenue l'une de leurs priorités.
05Compte tenu des ressources dont elles disposent, il est difficile pour les autorités douanières des États membres de trouver un équilibre entre la nécessité de faciliter les échanges au moyen de procédures d'importation plus rapides et souples et celle de procéder à des contrôles douaniers. Au cours d'un audit précédent4, nous avons constaté que les États membres n'étaient guère encouragés à opérer des contrôles douaniers. Cela s'explique par le fait que les États membres qui les réalisent en supportent finalement souvent les conséquences financières s'ils ne parviennent pas à procéder aux recouvrements nécessaires auprès des importateurs. Les États membres qui ne réalisent pas ce type de contrôles ne risquent pas d'en subir les éventuelles conséquences négatives. Pour optimiser leurs activités, des importateurs pourraient privilégier les points d'entrée où les contrôles douaniers sont moins nombreux.
06Selon le code des douanes de l'Union (CDU)5, le terme «risque»6 désigne «la probabilité de la survenance et l'incidence d'un événement […], qui aurait pour conséquence: a) soit d'entraver l'application correcte de mesures de l'Union ou de mesures nationales; b) soit de porter préjudice aux intérêts financiers de l'Union et de ses États membres; ou c) soit de constituer une menace pour la sécurité ou la sûreté de l'Union et de ses résidents, pour la santé des personnes, des animaux ou des végétaux, pour l'environnement ou les consommateurs […]». Les risques financiers sont ceux qui nuisent aux intérêts financiers de l'UE et de ses États membres.
07L'Organisation mondiale des douanes (OMD) indique, dans son Recueil sur la gestion des risques en matière douanière, qu'il convient, pour déterminer le niveau de risque, de réaliser une analyse de la probabilité de leur survenance, ainsi que de leurs conséquences potentielles et de leur ampleur7. Selon la définition de l'OMD, le terme «analyse du risque» désigne l'«utilisation systématique des informations disponibles afin de déterminer la fréquence d'occurrence de certains risques et l'ampleur de leurs conséquences probables». Cette analyse joue un rôle essentiel lorsqu'il s'agit de décider de la meilleure façon d'affecter les ressources limitées des autorités douanières pour maximiser la couverture des risques, y compris financiers, lors des contrôles douaniers.
08Les contrôles douaniers peuvent présenter des différences en ce qui concerne les aspects ci-après.
- Le calendrier: certains contrôles sont effectués au moment du dédouanement à l'importation (ou avant celui-ci), tandis que d'autres sont opérés a posteriori, ce qui perturbe moins les échanges commerciaux.
- Le type de contrôle: les contrôles documentaires portent sur l'exactitude, l'exhaustivité et la validité des déclarations en douane, tandis que les contrôles physiques comportent aussi l'examen des marchandises elles-mêmes, y compris leur dénombrement et la prise d'échantillons en vue de vérifier si elles correspondent à ce qui est indiqué dans la déclaration en douane.
Chaque État membre possède son propre processus de gestion des risques dans le domaine des douanes, établi sur la base de ses caractéristiques spécifiques et en fonction de plusieurs éléments. Toutefois, ces processus se déroulent généralement selon le schéma présenté à la figure 3.
Figure 3
Processus type de gestion des risques dans les États membres
Source: Cour des comptes européenne, sur la base d'informations recueillies dans les États membres.
Au cours des années précédentes, nous avons à plusieurs reprises constaté que les contrôles douaniers présentaient des risques et des problèmes importants. Nous avions estimé, en conclusion, que le prédécesseur du CDU, à savoir le code des douanes communautaire (CDC)8, accordait aux États membres trop de latitude dans leur stratégie pour les contrôles après dédouanement9; que des conditions de concurrence équitables entre les ports de l'UE faisaient défaut10; et que l'absence d'application uniforme des contrôles douaniers par les États membres permettait aux opérateurs frauduleux de cibler des points d'entrée frontaliers spécifiques11. Dans ses réponses à nos observations, la Commission affirmait que les critères et normes communs de l'UE en matière de risque financier permettraient de corriger les faiblesses que nous avions relevées. À l'époque, l'établissement de ces critères et normes était en cours. Les statistiques recueillies par la Commission montrent qu'actuellement, le pourcentage des déclarations d'importation contrôlées varie considérablement entre États membres: de moins de 1 % dans certains pays à plus de 60 % dans d'autres (voir figure 4).
Figure 4
Pourcentage de déclarations normales soumises à un contrôle (documentaire et physique) par les États membres au moment de la mise en libre pratique en 2019
Les chiffres incluent les contrôles entrepris pour couvrir à la fois les risques financiers et ceux pour la sûreté et la sécurité.
Source: Cour des comptes européenne, sur la base d'informations fournies par les États membres aux fins de l'établissement, par la Commission, des rapports sur la performance de l'union douanière de 2019.
Les importations mal ou non déclarées qui échappent aux contrôles douaniers génèrent un «manque à gagner en matière de droits de douane», à savoir la différence entre le montant des droits de douane à l'importation effectivement perçu et celui qui, en théorie, aurait dû l'être12. À titre d'exemple, un cas récent de fraude au Royaume-Uni, pays qui n'avait pas pris les mesures adéquates pour atténuer le risque de sous-évaluation des importations de textile et de chaussures, pourrait avoir causé des pertes de droits de douane que la Commission a estimées à 2,7 milliards d'euros (montant ensuite enregistré dans les comptes de l'UE) pour la période allant de novembre 2011 à octobre 2017.
12En 2017, nous avons recommandé13 à la Commission d'estimer, avec les États membres, le manque à gagner en matière de droits de douane, mais cela n'a jamais été fait. En outre, la direction générale du budget de la Commission (DG BUDG) a émis, dans son rapport annuel d'activités 2019, une réserve concernant l'inexactitude des montants de ressources propres traditionnelles (RPT) mis à la disposition du budget de l'UE. Cette réserve portait sur le cas de fraude détecté au Royaume-Uni et sur les pertes potentielles non quantifiées de RPT dans d'autres États membres. Tout manque à gagner en matière de perception des droits de douane doit être compensé par une augmentation des contributions des États membres fondées sur le revenu national brut (RNB) qui est, en définitive, supportée par le contribuable européen.
L'application uniforme des contrôles douaniers est une obligation réglementaire
13Entré en vigueur en mai 2016, le CDU a fait de l'application uniforme des contrôles douaniers une obligation juridique, en précisant que la Commission était chargée de l'établissement de critères et normes communs en matière de risque. Après consultation des États membres, la Commission a par conséquent adopté, en mai 2018, une décision d'exécution établissant les exigences spécifiques de la gestion de ces risques: la décision d'exécution relative aux critères et normes communs en matière de risque financier (ci-après «la décision CRF»)14. Il s'agit d'un document «restreint UE». En vertu de cette décision, un délai supplémentaire a été accordé aux États membres pour mettre en place les procédés informatiques de traitement des données requis. C'est la première fois qu'une décision d'exécution juridiquement contraignante établit des critères et normes communs pour faire face aux risques financiers.
14La décision CRF vise à harmoniser les procédures des États membres en matière d'analyse des risques et de sélection des importations à contrôler15. Elle ne concerne pas les procédures à suivre pour opérer les contrôles, ni la qualité et les résultats de ces derniers (voir figure 5).
Figure 5
Domaines visés par la décision CRF
Source: Cour des comptes européenne.
En outre, la direction générale de la fiscalité et de l'union douanière de la Commission (DG TAXUD) et un groupe de travail composé de représentants des autorités douanières nationales ont élaboré un document d'orientation destiné à compléter la décision CRF. Ces orientations, finalement adoptées par les États membres en décembre 2019, sont aussi un document «restreint UE». Elles ne sont pas juridiquement contraignantes et, par conséquent, ne sont pas non plus exécutoires. Ensemble, ces deux documents (à savoir la décision et les orientations sur les CRF) constituent le cadre mis en place par la Commission, en coopération avec les États membres, pour établir les critères et normes communs requis par le CDU en matière de risque financier.
16En juillet 2019, la Commission von der Leyen a fait part de son intention de consolider l'union douanière, en particulier avec «un train de mesures audacieuses pour une approche européenne intégrée, afin de renforcer la gestion des risques en matière douanière et d'aider les États membres à procéder à des contrôles efficaces»16. En septembre 2020, la DG TAXUD a présenté un plan d'action pour améliorer le fonctionnement de l'union douanière17, publié après la fin de notre audit.
Étendue et approche de l'audit
17Nous avons décidé de procéder à cet audit à la suite de l'introduction du nouveau cadre réglementaire (voir points 13 à 15). Notre audit a porté sur l'établissement, par la Commission, de critères et normes communs en matière de risque financier, ainsi que sur la manière dont les États membres les ont appliqués. Nous avons examiné si le cadre (constitué de la décision et des orientations sur les CRF) élaboré par la Commission pour être mis en œuvre dans les États membre permettait de garantir l'uniformité des contrôles douaniers afin de protéger les intérêts financiers de l'UE. À cet effet, nous avons vérifié si le cadre était approprié et comment les États membres utilisaient leurs systèmes de gestion des risques pour sélectionner les déclarations d'importation à contrôler. Nous avons examiné toutes les étapes qui aboutissent à la sélection de déclarations d'importation à contrôler, ainsi que le suivi de ces contrôles. L'audit n'a pas porté sur la qualité des contrôles douaniers ni sur leurs résultats.
18Afin de déterminer si le cadre élaboré par la Commission est approprié pour garantir une application uniforme des contrôles douaniers, nous l'avons comparé aux normes et bonnes pratiques internationales correspondantes (à savoir celles de l'OMD18 et la norme ISO 31 000:2018 intitulée «Management du risque – Lignes directrices» établie par l'Organisation internationale de normalisation). Nous avons aussi vérifié si les dispositions de la Commission en matière de suivi, de réexamen et de communication d'informations étaient suffisantes.
19Nous nous sommes rendus auprès des autorités douanières de cinq États membres et nous avons examiné comment les critères et normes communs en matière de risque financier étaient utilisés dans leurs systèmes de gestion des risques pour sélectionner les contrôles douaniers à effectuer. Nous avons sélectionné ces États membres en fonction d'une combinaison de deux critères: le montant des droits de douane perçus et notre propre évaluation qualitative des risques. Nous avons aussi vérifié si les procédures des États membres donnaient lieu à une application uniforme des contrôles douaniers. En outre, nous avons envoyé un questionnaire aux autorités douanières de tous les États membres de l'UE afin de recueillir leur point de vue sur le niveau actuel d'harmonisation des contrôles douaniers. Les autorités de l'ensemble des 27 États membres ont répondu au questionnaire. Nous leur avons demandé si elles jugeaient le cadre réglementaire approprié et dans quelle mesure elles avaient appliqué les critères et normes communs en matière de risque financier.
20Les visites d'audit ont eu lieu entre octobre 2019 et janvier 2020, à savoir après l'expiration du délai accordé dans la décision CRF pour permettre aux États membres de respecter l'obligation d'utiliser les critères lors de l'analyse automatisée des risques. Pendant cette période, le document d'orientation, qui comporte les éléments techniques nécessaires à la mise en œuvre de la décision CRF, était en cours de discussion et n'était donc pas encore d'application dans les États membres. Il a été formellement adopté en décembre 2019.
Observations
Le cadre de gestion des risques présente des faiblesses
La décision CRF ne définit pas bien la notion de risque
21Nous avons constaté que la définition de la notion de risque figurant dans la décision CRF présentait des faiblesses. De ce fait, il se peut que les autorités douanières des États membres ne contrôlent pas toujours en priorité les importations qui exposent les intérêts financiers de l'UE à un risque élevé.
Les règles imposées aux États membres ne sont pas suffisamment rigoureuses
22Le CDU énumère les exigences des critères et normes communs en matière de risque à appliquer dans les États membres (voir encadré 1).
Encadré 1
Critères et normes communs en matière de risque
Le CDU19 dispose que les critères et normes communs en matière de risque doivent comporter les éléments suivants:
- une description des risques;
- les facteurs ou indicateurs de risque à utiliser pour sélectionner les marchandises ou les opérateurs économiques à soumettre à des contrôles douaniers;
- le type des contrôles douaniers à effectuer par les autorités douanières;
- la durée d'application des contrôles douaniers visés au point c).
La décision CRF détaille plusieurs indicateurs de risque et critères en matière de risque financier, que les États membres sont tenus d'utiliser pour sélectionner les déclarations à contrôler. Les critères mentionnés dans la décision CRF font référence aux domaines de risque que les États membres doivent traiter de façon uniforme. Un indicateur de risque est un élément de donnée ou d'information spécifique relatif à l'existence d'un risque. En règle générale, un risque spécifique est déterminé sur la base d'une combinaison d'indicateurs de risque.
24Nous avons constaté que les indicateurs ne comportaient pas de règles suffisamment rigoureuses pour déclencher les contrôles, ce qui donne aux États membres la possibilité de les utiliser de différentes façons. Cela tient au fait que la description des critères de risque ne précise pas les circonstances qui devraient faire jouer un indicateur et, par suite, entraîner la sélection d'un élément. Ce manque de précision a une incidence sur les profils de risque, qui résultent d'une combinaison de critères susceptibles de donner lieu à une recommandation de contrôle s'ils sont appliqués à une déclaration en douane (voir figure 3). Les profils de risque peuvent comporter des critères d'activation différents selon les États membres. Ils ne permettent dès lors pas de garantir une sélection harmonisée des déclarations à contrôler. Étant donné que la liste des indicateurs de risque présentée pour chaque critère n'est pas contraignante, les États membres ont en outre toute latitude pour les utiliser (individuellement ou conjointement) à leur guise.
25La décision CRF n'établit aucune règle particulière quant au type et à la durée des contrôles douaniers. Elle laisse aux autorités douanières des États membres le soin de décider des mesures de contrôle ou de vérification à prendre. De plus, elle ne précise pas comment il convient d'utiliser les critères et indicateurs de risque pour sélectionner les déclarations (ou les entreprises à auditer) en vue des contrôles a posteriori.
26Les orientations visent à donner une interprétation commune de la décision CRF. Elles comportent une description des domaines de risque et précisent la façon de combiner les différents indicateurs pour déterminer le niveau global de risque. Elles contiennent aussi des indications d'ordre qualitatif sur la manière d'évaluer les indicateurs de risque. On n'y trouve toutefois aucune description détaillée assortie d'indicateurs quantifiables, que les autorités douanières des États membres pourraient utiliser dans leurs analyses de risque. Ainsi, bien qu'elles comportent des exemples de la manière dont un État membre peut identifier un négociant à risque ou un «opérateur économique présentant un intérêt», elles ne préconisent aucune méthodologie précise pour garantir que tous les États membres définissent cet indicateur de risque de la même façon.
27La décision CRF autorise les États membres à décider des moyens qui permettraient de réduire le nombre de contrôles jusqu'à un niveau gérable au regard des ressources dont ils disposent. Dans la décision, cette possibilité est appelée «gestion des effets». La décision CRF propose aux États membres différentes façons de réduire le nombre de contrôles. Ces méthodes de gestion des effets sont habituellement appliquées lors de l'élaboration d'un profil de risque et font appel à des estimations effectuées par un analyste des risques (voir aussi figure 3).
28La décision CRF ne fixe aucune limite à la gestion des effets et accorde donc aux États membres une grande latitude en matière de réduction du nombre de contrôles. Pour plusieurs critères de risque, les orientations indiquent dans quelles circonstances le nombre de contrôles ne devrait pas être réduit ou ne pourrait l'être que si les raisons de cette diminution sont clairement expliquées. Néanmoins, même dans les cas où le nombre de contrôles ne devrait pas être réduit, les orientations prévoient des exceptions, sans toutefois les définir expressément.
29En plus de leurs prérogatives dans la gestion des effets, les autorités douanières peuvent décider de ne pas réaliser les contrôles recommandés par le système automatisé. En l'occurrence, elles «rejettent» la recommandation (voir aussi figure 3). La décision CRF n'énonce pas suffisamment de règles pour assurer la cohérence de ces rejets. Les orientations admettent que les États membres rejettent des recommandations de contrôle. Elles laissent entendre que ces rejets ne sont pas souhaitables dans les cas à haut risque et qu'ils devraient tous être documentés et expliqués. Aucune disposition n'indique précisément dans quels cas un rejet est acceptable.
Plusieurs éléments importants d'un système efficace de gestion des risques sont absents du cadre
30Le CDU, le Recueil de l'OMD sur la gestion des risques et la norme ISO 31 000 présentent les principes et les éléments qui devraient être intégrés dans un système de gestion des risques en matière douanière. Nous avons constaté que le cadre de l'UE ne comportait pas les éléments suivants, que nous estimons indissociables d'un système de gestion des risques efficace:
- une analyse des risques au niveau de l'UE;
- l'exploration de données (aux niveaux de l'UE et des États membres);
- une approche harmonisée pour la sélection aléatoire des déclarations à contrôler;
- des plateformes pour l'échange d'informations sur tous les importateurs à risque;
- des méthodes appropriées pour faire face aux risques financiers liés aux importations effectuées dans le cadre du commerce électronique (nombre élevé de déclarations d'importation de faible valeur).
Les différents risques peuvent être mieux détectés et traités tantôt au niveau national, tantôt à celui de l'UE; un cadre efficace de gestion des risques doit permettre d'y faire face au niveau le plus approprié. Étant donné que l'UE fonctionne comme une union douanière (dans laquelle les importateurs peuvent choisir librement leur lieu d'importation), une analyse au niveau de l'Union européenne serait plus appropriée pour détecter et traiter les risques auxquels elle est exposée. Comme l'a souligné l'OMD, les centres d'évaluation/de ciblage des risques permettent aux autorités douanières d'identifier de manière dynamique les transactions les plus susceptibles de ne pas être conformes et de réagir ainsi plus efficacement face aux situations qui présentent les risques les plus élevés20.
32En vertu de la décision CRF, c'est aux États membres qu'il incombe d'effectuer l'analyse de risque et de prendre toutes les décisions sur la pertinence des données nationales et de celles de l'UE à utiliser dans le cadre de leurs propres systèmes de gestion des risques. Alors que des centres d'évaluation existent souvent au niveau national, l'UE n'a créé aucun centre opérationnel pour traiter les risques financiers à son échelle. Dans son plan d'action en matière douanière du 28 septembre 2020 (voir point 16), la Commission a reconnu qu'il était nécessaire d'ajouter, au niveau de l'UE, des capacités d'analyse de données afin de consolider l'ensemble de la structure.
33L'exploration de données désigne le processus qui consiste à découvrir des tendances et des relations utiles dans de gros volumes de données. La norme ISO 31 00021 et l'OMD soulignent toutes deux l'importance de l'exploration de données dans le processus de gestion des risques. L'efficacité de l'exploration de données est d'autant plus grande que la quantité de données disponibles est élevée. Toutefois, le cadre n'impose pas la réalisation d'une analyse à l'échelle de l'UE fondée sur les données relatives à toutes les importations sur son territoire. La Commission ne procède pas systématiquement à ce type d'analyses pour détecter les risques financiers en matière douanière. Elle a lancé un projet pilote appelé «capacité d'analyse conjointe», afin de réaliser des analyses de données au niveau de l'UE. Ce projet, décrit dans l'encadré 2, constituait une initiative positive, mais son étendue, ses capacités et ses réalisations étaient limitées.
Encadré 2
Projet pilote intitulé «Capacité d'analyse conjointe»
À la suite de recommandations de la Cour des comptes européenne22 et du Parlement européen, les DG BUDG et TAXUD, ainsi que l'OLAF, l'Office européen de lutte antifraude, ont mis en place le projet pilote intitulé «Capacité d'analyse conjointe» pour analyser les flux commerciaux. Son étendue était limitée à l'analyse des importations de certains produits, ce qui a abouti, en 2019, à la transmission, par l'UE, de huit formulaires d'information sur les risques (voir point 53). La Commission attendait des États membres qu'ils créent des profils de risque ou les actualisent sur cette base. Le suivi des résultats de ces formulaires d'information sur les risques est en cours.
En septembre 2020, la Commission a publié un plan d'action en matière douanière (voir point 16) dans lequel elle a proposé de lancer une initiative sur des «capacités d'analyse conjointes» de l'UE. Cette initiative sera axée dans un premier temps sur l'exploitation de données déjà disponibles et sur l'élaboration de solutions de gouvernance appropriées.
La décision CRF n'impose pas aux États membres l'utilisation de techniques d'exploration de données dans leur analyse des risques. Les orientations mentionnent cette possibilité, sans plus de précisions sur la méthodologie à suivre. Dans leurs réponses à notre questionnaire, un tiers des États membres ont affirmé que le cadre de l'UE en matière de risques financiers ne tenait pas suffisamment compte des techniques avancées d'analyse de donnée (à savoir l'exploration de données). Deux des États membres visités ont créé des profils de risque à la suite d'enquêtes fondées sur l'exploration de données (en utilisant des informations provenant essentiellement de bases de données nationales). Ces profils se sont avérés très efficaces pour la détection d'irrégularités. Toutefois, les trois autres États membres visités ne recouraient pas à ces techniques lors de leur évaluation des risques.
35En vue des contrôles, les États membres sélectionnent de façon aléatoire un certain pourcentage des déclarations qui n'ont pas été automatiquement sélectionnées sur la base des profils de risque. Cette sélection aléatoire est essentielle pour garantir l'efficacité du cadre de contrôle, notamment en ce qu'elle permet de repérer de nouvelles signalisations de risques non détectés23. La décision CRF souligne l'importance des contrôles aléatoires, mais elle ne comporte aucune règle destinée à harmoniser la proportion d'importations sélectionnées par les États membres ou la méthode que ceux-ci appliquent. Les orientations ne fournissent aucune instruction supplémentaire sur la façon dont les États membres devraient réaliser la sélection aléatoire.
36La plateforme existante, le système commun de gestion des risques en matière douanière (CRMS), n'est pas bien adaptée pour permettre aux États membres de partager systématiquement entre eux les informations sur les importateurs à risque. C'est pourquoi chaque État membre dispose uniquement d'informations sur les importateurs qu'il a lui-même jugés à risque. Comme les importateurs peuvent facilement changer de lieu de dédouanement, ceux jugés à risque dans un État membre peuvent le réaliser dans un autre État membre, où ils n'ont pas été identifiés comme tels, et ainsi éviter les contrôles.
37Le commerce électronique24 constitue un problème pour la gestion des risques en matière douanière. Étant donné qu'il se caractérise par une grande quantité d'opérations de faible valeur, contrôler chaque déclaration d'importation (chaque colis individuel doit faire l'objet d'une déclaration en douane) ne serait pas efficient. Toutefois, le risque d'irrégularités est probablement important et l'incidence sur les intérêts financiers de l'UE pourrait être considérable en raison du nombre élevé d'importations de ce type. Le cadre établi par la décision et les orientations sur les CRF ne tient pas suffisamment compte de ce phénomène: les profils de risque sont appliqués à chaque opération (importation) et les États membres peuvent se prévaloir de la gestion des effets pour réduire le nombre d'opérations soumises à des contrôles (voir points 27 et 28). Dans son plan d'action en matière douanière (voir point 16), la Commission a reconnu que des actions supplémentaires s'imposaient pour faire en sorte que les contrôles douaniers des importations liées au commerce électronique soient plus efficaces. Au niveau mondial, les tendances en matière de commerce électronique montrent que le nombre de déclarations d'importation de faible valeur augmentera.
Le cadre ne pose que des exigences limitées en matière de communication d'informations, de suivi et de réexamen
38La décision CRF prévoit des intervalles réguliers auxquels les États membres doivent faire rapport à la Commission sur l'application des critères communs en matière de risque financier. Nous avons constaté que ces intervalles sont sans doute trop longs pour que le système reste efficace et à jour, étant donné que le cadre doit constamment être suivi et réexaminé. Deux des États membres visités ont également indiqué douter que cette fréquence soit propice à l'adoption rapide de mesures permettant d'améliorer les critères communs de risque.
39Les États membres fournissent chaque année à la Commission des renseignements sur leurs contrôles, dans le cadre de la communication d'informations sur la performance de l'union douanière. La Commission pourrait s'appuyer sur ces derniers pour assurer le suivi de la mise en œuvre de la décision CRF par les États membres. Ils ne sont cependant pas très utiles, essentiellement parce que, dans les informations sur les contrôles, aucune distinction n'est opérée entre ceux réalisés pour des raisons financières et ceux motivés par des questions de sûreté et de sécurité. En outre, les indicateurs recueillis ne permettent pas d'évaluer l'efficacité des mesures ou des profils pour des domaines de risque en particulier.
40Dans son Recueil sur la gestion des risques en matière douanière, l'OMD souligne ce qui suit: «s'assurer que les activités de gestion des risques sont contrôlées et examinées et que les résultats sont communiqués au niveau politique permet de garantir que la gestion des risques demeure efficace à long terme» (voir figure 6).
Figure 6
Comment le suivi et les réexamens s'inscrivent dans le processus de gestion des risques
Source: Cour des comptes européenne, sur la base du Recueil de l'OMD sur la gestion des risques en matière douanière.
En octobre 2020, la Commission (DG TAXUD) n'avait encore établi aucune procédure pour assurer un suivi régulier du respect du cadre par les États membres. La DG BUDG se rend régulièrement dans les États membres pour des inspections concernant les droits de douane. Cependant, il n'existe actuellement aucune intention de faire également porter ces inspections sur la mise en œuvre de la décision CRF par les États membres. De plus, aucune procédure n'est prévue pour permettre à la Commission de traiter les cas où les États membres ne respectent pas les dispositions de cette décision. Voir encadré 3 pour un cas particulier impliquant le Danemark.
Encadré 3
Le faible nombre de contrôles douaniers au Danemark n'a pas fait l'objet d'un suivi approprié par la Commission
À la suite d'une inspection au Danemark, la DG BUDG a constaté, en 2010, que le nombre de contrôles y était très faible. Elle a formulé une observation à propos de ce problème, puis en a assuré le suivi jusqu'en 2015. Elle y a ensuite mis un terme, alors que le Danemark n'avait apporté aucune amélioration significative et que ce problème était susceptible d'être préjudiciable à la mise en œuvre de la décision CRF. Depuis, la Commission n'a pris aucun contact officiel avec les autorités douanières danoises sur cette question.
En outre, l'institution supérieure de contrôle (ISC) danoise (Rigsrevisionen) a publié, en 2017, un rapport25 sur le suivi des critiques émises par la Commission depuis 2010. Dans ses conclusions, l'ISC signalait, entre autres, le nombre encore très peu élevé de contrôles douaniers, plusieurs lacunes dans le système de gestion des risques et l'absence de contrôles aléatoires.
Les formulaires d'information sur les risques transmis par l'UE sont des formulaires en ligne utilisés par les services de la Commission pour échanger des signalisations de risques avec les États membres (voir point 53). Même si ces derniers ne sont pas juridiquement tenus de transmettre des informations en retour sur ces formulaires, il importe d'en assurer un suivi approprié pour garantir une gestion cohérente des risques. En dehors des travaux réalisés dans le contexte du projet pilote intitulé «Capacité d'analyse conjointe» (voir encadré 2) et des inspections de la DG BUDG sur les droits de douane dans une sélection d'États membres, la Commission n'a assuré aucun suivi pour déterminer si les États membres avaient bien remédié aux risques mentionnés dans les formulaires d'information sur les risques transmis par l'UE. La Commission n'a pas analysé régulièrement les informations en retour communiquées par les États membres et n'a pris aucune mesure pour remédier au manque d'action de la part de certains d'entre eux.
43Notre analyse montre qu'en 2019, trois États membres n'ont pas fourni d'informations en retour, tandis que quatre autres n'en ont apporté que pour quelques formulaires d'information sur les risques transmis par l'UE. Dans près de la moitié (43 %) des cas où les États membres avaient fourni des informations en retour, ils n'ont pas indiqué s'ils avaient créé ou actualisé un profil de risque pour résoudre le problème décrit dans le formulaire de l'UE ou s'ils disposaient déjà d'un profil de risque concernant le problème en question.
44Pour que la gestion des risques en matière douanière soit efficace, il importe d'améliorer le fonctionnement du cadre, ce qui n'est possible que si des modalités appropriées de réexamen de ces risques sont en place. À cet égard, l'OMD affirme qu'il faudrait concevoir une structure solide assortie de critères d'examen, et que ces évaluations devraient couvrir tous les éléments de la gestion des risques.
45Un groupe d'experts composé de délégués de toutes les autorités douanières des États membres et de la Commission a été créé pour débattre des problèmes de gestion des risques en matière douanière dans l'UE. Selon les orientations, ce groupe devrait au besoin réexaminer les principaux problèmes posés par la mise en œuvre du cadre. La Commission n'a cependant pas encore élaboré de politique claire, assortie de valeurs intermédiaires et de critères, en matière de réexamen de la décision et des orientations sur les CRF.
Le cadre ne conduit pas à une application uniforme des contrôles douaniers
Les États membres ont encore des pratiques différentes en matière de gestion des risques
46Les cinq États membres dans lesquels nous nous sommes rendus estimaient que les systèmes de gestion des risques élaborés par leurs soins avant l'adoption de la décision CRF étaient déjà en grande partie conformes aux dispositions de celle-ci. Ils sont d'avis que quelques ajustements mineurs suffiraient pour que la décision CRF soit pleinement respectée. Ces États membres avaient adapté leur cadre de gestion des risques principalement en cartographiant leurs profils existants et en les reliant aux critères de risque financier correspondants (seul un État membre avait créé quelques profils de risque pour des critères qui n'étaient pas encore couverts par ceux qui existaient déjà). Nous avons aussi relevé que, lors de la cartographie des profils de risque en fonction des critères fixés par la décision CRF, les États membres n'ont pas utilisé tous les indicateurs recommandés. Par conséquent, ils appliquent différents critères pour sélectionner les déclarations en douane à contrôler.
47Les États membres visités ne prévoyaient pas d'augmenter leur capacité de contrôle pour mettre en œuvre la décision CRF. L'approche qu'ils appliquaient pour gérer les risques avant l'adoption de cette décision n'a pas beaucoup changé et ils ne s'attendent pas à ce qu'elle soit modifiée. L'encadré 4 comporte deux exemples de commentaires formulés par ces pays concernant l'incidence, sur leurs systèmes de gestion des risques, de l'introduction de la décision et des orientations sur les CRF.
Encadré 4
Point de vue des États membres sur les modifications apportées à leurs systèmes de gestion des risques financiers en matière de douane du fait de la mise en œuvre de la décision CRF
L'un des États membres où nous nous sommes rendus considérait que son système était déjà pleinement conforme à la décision CRF. Il était d'avis que ni celle-ci ni les orientations n'avaient apporté de contribution significative à la procédure d'analyse des risques, que ces documents ne fournissaient qu'un cadre général et que la décision CRF avait simplement conceptualisé les méthodes existantes d'analyse des risques financiers utilisées par les États membres.
Un autre État membre a affirmé que la décision CRF formalisait la poursuite d'activités existantes de l'administration douanière dans les domaines financiers.
Dans leurs réponses à notre questionnaire, que nous avions envoyé avant l'approbation du document d'orientation, 17 des 27 États membres (63 %) ont affirmé que la mise en œuvre de la décision CRF ne donnerait pas lieu à des changements importants de leurs systèmes de gestion des risques. La plupart des dix États membres qui ont indiqué qu'ils devraient procéder à des modifications majeures ont fait savoir que leur principal problème serait la mise à jour de leurs systèmes informatiques.
49En outre, les États membres où nous nous sommes rendus n'utilisaient des profils de risque que dans le cas des contrôles avant la mainlevée. Pour les contrôles a posteriori, ils ne réalisaient pas systématiquement une analyse de risque au moyen des profils de risque fondés sur les critères établis dans la décision CRF (voir point 25).
50Les États membres ont des approches différentes pour ce qui est de ramener le nombre de contrôles à un niveau gérable. Les États membres visités utilisaient dans une large mesure la gestion des effets dans les profils de risque lorsqu'ils sélectionnaient les éléments à contrôler dans le cadre du système d'analyse automatisée des risques. Bien qu'ils aient eu recours à la plupart ou l'ensemble des méthodes proposées dans la décision CRF, ils les ont mises en pratique de façons très différentes.
51La figure 7 présente, pour les États membres visités, les mesures de gestion des effets appliquées aux profils de risque dans les cas de sous-évaluation d'un certain groupe de produits provenant d'un pays d'origine spécifique. Cette figure fait apparaître que, selon l'État membre, une même déclaration d'importation peut faire ou non l'objet d'une recommandation de contrôle. À titre d'exemple, une importation d'un poids déterminé de produits (d'une valeur inférieure au seuil fixé dans chaque État membre):
- ne serait pas sélectionnée dans l'État membre B, puisqu'elle est inférieure au seuil de poids;
- peut ou non être sélectionnée dans les États membres A et D, étant donné que le pourcentage de déclarations contrôlées varie en fonction de la différence entre la valeur déclarée et le seuil, ainsi que de l'importateur;
- serait sélectionnée dans les États membres C et E, car le poids n'est pas utilisé comme critère dans la gestion des effets. Cependant, la probabilité de rejet du contrôle recommandé est beaucoup plus élevée dans ces deux États membres que dans les trois autres.
Figure 7
Mesures de gestion des effets utilisées dans les profils de risque pour les produits sous-évalués provenant d'un pays d'origine spécifique
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État membre | Exclusion de certains opérateurs (ou réduction du pourcentage de déclarations contrôlées) |
Seuil de poids | Autres réductions de pourcentage et rejets |
A | ![]() |
50 kg | Pourcentages de déclarations contrôlées fondés sur d'autres indicateurs de risque |
B | ![]() |
1 000 kg | Sans objet |
C | ![]() |
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Nombre élevé de rejets (plus de 50 %) |
D | ![]() |
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Pourcentages de déclarations contrôlées plus élevés dans des cas particuliers |
E | ![]() |
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Nombre élevé de rejets (25 % globalement) |
Source: Cour des comptes européenne, sur la base d'informations recueillies dans les États membres.
Dans les États membres visités, nous avons constaté de grandes différences en ce qui concerne la fréquence des rejets, leur suivi, les suites qui y sont données, ainsi que les raisons invoquées pour les justifier. Le nombre de recommandations de contrôle rejetées variait de 1,6 % à 60 %. La figure 8 montre comment ces États membres gèrent les rejets. Faute de règles ou de conditions à respecter pour pouvoir rejeter les recommandations, les États membres ont toute latitude de procéder ou non aux contrôles recommandés. Des divergences existent aussi entre les États membres concernant la procédure pour justifier le rejet: dans certains d'entre eux, il n'est possible que lorsque certaines conditions prédéfinies sont remplies, tandis que d'autres prévoient des justifications au cas par cas (voir point 29).
Figure 8
Rejet des recommandations de contrôle douanier dans les États membres visités
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État membre | Obligation de remplir des conditions préalablement définies | Obligation de saisir une justification dans le système | Obligation d'obtenir l'approbation de la hiérarchie |
A | ![]() |
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B | ![]() |
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C | ![]() |
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D | ![]() |
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E | ![]() |
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Source: Cour des comptes européenne, sur la base d'informations recueillies dans les États membres.
Les États membres détectent et traitent différemment les signalisations de risques
53Le règlement d'exécution du CDU26 dispose qu'un système informatique devrait être utilisé pour la communication entre autorités douanières et entre les autorités douanières et la Commission dans le cadre de la mise en œuvre des normes et critères communs en matière de risque27. Les principaux outils informatiques utilisés dans la gestion des risques au niveau de l'UE sont le système commun de gestion des risques en matière douanière (CRMS) et le système d'information antifraude (AFIS). Le CRMS permet l'échange d'informations relatives aux risques à l'échelle de l'UE au moyen de formulaires en ligne intitulés «Formulaires d'information sur les risques». Ces derniers peuvent être envoyés soit par un État membre soit par la Commission (les «formulaires d'information sur les risques transmis par l'UE»). L'AFIS est le système dans lequel l'OLAF enregistre les communications d'«assistance mutuelle» (qu'il adresse aux États membres pour leur demander de prendre des mesures afin de faire face à des risques détectés lors de ses enquêtes). Le CRMS et l'AFIS comportent des informations sur les risques, que les États membres doivent utiliser dans leurs systèmes nationaux d'analyse de risque.
54Les cinq États membres où nous nous sommes rendus ont affirmé avoir constaté que les formulaires d'informations sur les risques envoyés par les États membres n'étaient pas toujours suffisamment clairs et qu'ils ne facilitaient donc pas la création d'un profil de risque. Ils ont également indiqué que ces formulaires mentionnaient généralement à la fois des risques récurrents et des risques ponctuels. En outre, dans leurs réponses à notre questionnaire, 21 États membres (78 %) ont considéré qu'«un traitement plus approfondi des informations sur les risques au niveau de l'UE (par exemple une analyse préalable, par la Commission, des formulaires d'information sur les risques fournis par les États membres) permettrait de réaliser une analyse de risque plus efficiente et harmonisée».
55Les États membres interprètent de différentes façons les signalisations de risques figurant dans les communications d'assistance mutuelle ou dans les formulaires d'information sur les risques. À titre d'exemple, les profils de risque créés pour répondre aux communications d'assistance mutuelle sur certains produits sous-évalués provenant d'un pays d'origine spécifique diffèrent grandement d'un État membre à l'autre. Des divergences considérables existent aussi entre les profils de risque établis par différents États en réponse à des formulaires d'information sur les risques transmis par l'UE à la suite d'une analyse des données dans le contexte du projet pilote de la Commission intitulé «Capacité d'analyse conjointe». Un seul des États membres visités a introduit des mesures pour réduire le nombre de contrôles des importations de produits dont les codes et le pays d'origine sont mentionnés dans les formulaires d'information sur les risques transmis par l'UE.
56Le cadre ne comporte aucune règle pour harmoniser les sélections aléatoires (voir point 35). Dans les États membres visités, nous avons relevé différentes approches (voir figure 9). Les pourcentages de sélection aléatoire (à savoir la proportion de déclarations qui ne sont pas sélectionnées au moyen des profils de risque, mais qui le sont ensuite de façon aléatoire en vue d'un contrôle) diffèrent d'un État membre à l'autre (ils oscillent entre 0,0067 % et 0,5 % dans les États membres visités). De ce fait, un opérateur économique agréé a par exemple, dans l'un des États membres visités, 74 fois plus de probabilité que dans l'un des autres d'être sélectionné pour des vérifications aléatoires. Dans deux États membres, un nombre élevé de déclarations sont exclues de la procédure de sélection aléatoire parce que les déclarations simplifiées (voir point 59) ne font l'objet ni de sélections fondées sur les risques ni de sélections aléatoires.
Figure 9
Pourcentage de sélections aléatoires appliqué en 2019 dans les États membres visités
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État membre | Déclarations pour lesquelles un pourcentage est appliqué | Informations supplémentaires | ||
Normales | Simplifiées | Complémentaires | ||
A | ![]() |
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Les pourcentages diffèrent en fonction du type de déclaration. |
B | ![]() |
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Chaque bureau de douane peut ajuster le pourcentage de déclarations sélectionnées de façon aléatoire. |
C | Les déclarations ne font l'objet d'aucune sélection aléatoire automatisée en vue des contrôles. | Les bureaux de douane effectuent quelques vérifications aléatoires. | ||
D | ![]() |
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Les pourcentages diffèrent en fonction du type de contrôle (physique ou documentaire). |
E | ![]() |
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Source: Cour des comptes européenne, sur la base d'informations recueillies dans les États membres.
Les États membres ne partagent pas systématiquement entre eux les informations sur les importateurs à risque
57Au point 36, nous avons souligné que la plateforme existante destinée à permettre aux États membres de partager entre eux les informations sur les importateurs à risque n'était pas bien adaptée. Nous avons également constaté que les États membres visités ne partageaient pas systématiquement entre eux les informations sur ces importateurs à risque dans le cadre de leur gestion des risques.
58De plus, les États membres utilisent différentes méthodes pour classer les importateurs en tant qu'opérateurs économiques présentant un intérêt et ne se servent pas de la même manière de ces informations dans leurs profils de risque. Certains États membres disposent d'une liste d'opérateurs économiques présentant un intérêt, qu'ils utilisent dans plusieurs profils de risque pour soumettre ces opérateurs à davantage de contrôles. D'autres États membres précisent directement dans chaque profil de risque les opérateurs qui devraient faire l'objet de plus (ou de moins) de contrôles. Les États membres définissent et identifient aussi de différentes manières les opérateurs économiques présentant un intérêt. Dans certains d'entre eux, l'identification s'effectue ponctuellement, tandis que dans d'autres il s'agit d'un processus automatisé.
Les États membres ne soumettent pas tous l'ensemble des déclarations (normales et simplifiées) à une analyse automatisée des risques
59Les marchandises sont présentées aux douanes au moyen d'une déclaration normale, qui comporte toutes les informations requises par la législation. Cependant, certains importateurs bénéficient d'un système de déclarations simplifiées, qui les autorise à ne pas mentionner certains détails ou, parfois, à simplement enregistrer l'importation dans leurs registres financiers. Le cas échéant, l'importateur doit, dans un délai déterminé, déposer une déclaration complémentaire incluant toutes les informations requises dans une déclaration normale. Dans les États membres visités, les déclarations simplifiées représentaient entre 25 % et 95 % du total des déclarations présentées.
60Dans deux d'entre eux, ni les déclarations simplifiées ni les déclarations complémentaires correspondantes ne font l'objet d'une analyse automatisée des risques au moyen de profils de risque fondés sur la décision CRF. Cette pratique n'est pas conforme aux dispositions de cette décision. Cela signifie que le cadre pour l'analyse automatisée des risques exclut totalement un nombre élevé d'importations. Les trois autres États membres visités appliquent des profils de risque au moins aux déclarations complémentaires. La figure 10 montre comment les États membres visités soumettent les déclarations simplifiées et complémentaires à une analyse automatisée des risques.
Figure 10
Manière dont les États membres visités appliquent l'analyse automatisée des risques aux déclarations simplifiées et complémentaires
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État membre | Analyse automatisée des risques | |
appliquée aux déclarations simplifiées | appliquée aux déclarations complémentaires | |
A | ![]() |
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B | ![]() |
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C | ![]() |
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D | ![]() |
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E | ![]() |
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Source: Cour des comptes européenne, sur la base d'informations recueillies dans les États membres.
Dans l'un des États membres visités, nous avons été en mesure d'analyser les informations fournies dans les déclarations d'importation pour une sélection de produits dans le cadre des procédures normale et simplifiée. L'exemple présenté dans l'encadré 5 montre que l'absence d'analyse automatisée des risques concernant les déclarations simplifiées peut entraîner une baisse du montant des droits de douane perçus dans certains États membres.
Encadré 5
Risque de sous-évaluation pour les déclarations simplifiées
Dans l'un des États membres visités, les déclarations en douane normales et simplifiées sont enregistrées dans deux systèmes informatiques distincts. Nous avons analysé les importations de quatre types de marchandises produites dans un pays donné et enregistrées dans ces deux systèmes au cours des mois de juillet et août 2019. Nous avons constaté que, pour deux d'entre elles, la valeur déclarée par kilogramme de marchandises importées était, dans les déclarations simplifiées, systématiquement inférieure à celle figurant dans les déclarations normales. Pour les déclarations simplifiées, les prix des marchandises importées formaient des grappes (voir illustration ci-après) d'une valeur inférieure aux prix «équitables» estimés (à savoir les prix en deçà desquels il existe un risque de sous-évaluation et les déclarations devraient être sélectionnées pour être contrôlées).
Les graphiques ci-après montrent que la répartition de la valeur déclarée par kg pour une catégorie de produit diffère considérablement en fonction du type de déclaration. Si la méthodologie pour détecter le risque de sous-évaluation était appliquée dans ce cas, environ deux tiers des déclarations simplifiées devraient être sélectionnées en vue d'un contrôle. Or, comme l'État membre ne soumet pas les déclarations simplifiées à une analyse automatisée des risques, son système ne signale pas qu'il faut les contrôler.
Remarque: Étant donné que les poids mentionnés dans le système informatique pour les déclarations simplifiées sont arrondis au kilo le plus proche, nous avons exclu de cette analyse les déclarations inférieures à un poids défini au préalable, qui auraient pu poser artificiellement un risque de sous-évaluation.
Conclusions et recommandations
62L'audit visait à vérifier si le cadre de gestion des risques (fondé sur la décision CRF et sur les orientations complémentaires) élaboré par la Commission, en coopération avec les États membres, permettait d'assurer une application uniforme des contrôles douaniers afin de protéger les intérêts financiers de l'UE. La mise en œuvre de la décision et des orientations sur les CRF constitue une étape importante vers une application uniforme des contrôles douaniers. Toutefois, nous estimons, en conclusion, que le cadre ne permet pas d'harmoniser suffisamment la sélection des importations à contrôler pour préserver les intérêts financiers de l'UE. Cela tient essentiellement à des faiblesses dans la conception de ce cadre, qui permettent aux États membres de le mettre en œuvre de manière très différente. Les opérateurs qui ne respectent pas la législation ont ainsi la possibilité de cibler les points d'entrée dans l'UE où le nombre de contrôles est moins élevé.
63Il se peut que les importations présentant un risque de niveau élevé pour les intérêts financiers de l'UE ne soient pas correctement classées parmi les priorités (voir point 21). La décision CRF n'est pas suffisamment détaillée, ne reprend pas toutes les obligations définies dans le CDU et donne aux États membres trop de latitude pour l'appliquer, y compris en ce qui concerne les moyens de réduire le nombre de contrôles. Les orientations ne sont pas juridiquement contraignantes et ne contiennent pas d'instructions claires et précises sur certains points particuliers (voir points 22 à 29, ainsi que 35). Il n'existe aucune plateforme ou base de données à l'échelle de l'UE pour partager systématiquement les informations sur tous les importateurs à risque (voir point 36). Le cadre manque d'outils appropriés pour faire face aux risques liés au commerce électronique (voir point 37). Les modalités en vigueur en matière de suivi et de réexamen ne sont pas adéquates (voir points 38 à 45). Les signalisations de risques de l'UE ne comportent pas toujours des instructions claires à suivre par les États membres lors de l'élaboration des profils de risque (voir points 53 à 56). Dans certains États membres, un grand nombre d'importations de l'UE ne font l'objet d'aucune analyse automatisée des risques (voir points 59 à 61).
Recommandation n° 1 – Appliquer les contrôles douaniers de manière plus uniformeLa Commission devrait appliquer les contrôles douaniers de manière plus uniforme en prenant les mesures énumérées ci-après, qui nécessitent le soutien et, le cas échéant, l'approbation des États membres, à savoir:
- renforcer les règles imposées aux États membres par exemple en ajoutant des instructions et des détails au cadre, y compris sur les procédures et critères qu'ils devraient utiliser lorsqu'ils réduisent le nombre de contrôles (entre autres lorsqu'ils rejettent les recommandations relatives à des éléments à sélectionner), sur la façon d'appliquer le cadre aux contrôles a posteriori et de procéder aux sélections aléatoires, ainsi qu'en transférant dans la décision CRF certaines règles actuellement énoncées dans les orientations;
- intégrer des dispositions dans la décision CRF et des règles dans les orientations de nature à garantir que les risques associés aux importations liées au commerce électronique sont dûment pris en considération;
- améliorer la qualité des signalisations de risques, notamment en exigeant davantage de clarté et de détails dans les formulaires d'information sur les risques établis par les États membres; veiller à ce que des instructions précises soient données concernant la façon d'utiliser les formulaires d'information sur les risques transmis par l'UE et les communications d'assistance mutuelle; assurer le suivi des vérifications relatives à l'utilisation des formulaires d'information sur les risques par les États membres, y compris en imposant à ceux-ci la communication d'informations en retour;
- évaluer dans quelle mesure les profils de risque élaborés par les États membres couvrent différents types de déclarations (normales et simplifiées) et s'assurer que les lacunes existantes sont comblées de façon appropriée;
- développer et mettre en place des bases de données sur les risques à l'échelle de l'UE à l'usage des États membres, tels que des listes d'opérateurs économiques présentant un intérêt, et en assurer la maintenance;
- instituer un dispositif solide en matière de suivi et de réexamen de l'application du cadre par les États membres.
Quand? En 2022 au plus tard.
64Aucune analyse satisfaisante des risques financiers en matière de douane n'est réalisée à l'échelle de l'UE sur la base des données relatives à toutes les importations sur son territoire (voir points 30 à 34). Le cadre actuel fixe des critères et indicateurs généraux que les États membres doivent appliquer dans leurs analyses de risque, en leur laissant la responsabilité de créer des profils de risque détaillés pour sélectionner les importations à contrôler. Le cadre ne propose aucune approche intégrée de la gestion des risques financiers au niveau de l'UE. Il n'a pas encore donné lieu à une modification des processus des États membres suffisante pour garantir une protection appropriée des intérêts financiers de l'UE (voir points 46 à 52).
Recommandation n° 2 – Développer et mettre en place une véritable capacité de coordination et d'analyse au niveau de l'UELa Commission devrait créer une fonction centrale au niveau de l'UE pour mieux orienter l'ensemble des opérations de contrôle douanier. Il s'agirait en l'occurrence d'associer l'expertise de la Commission et celle des États membres afin d'analyser les principaux risques financiers en matière de douane et de déterminer quels sont les moyens d'y faire face au mieux.
La Commission devrait examiner les différentes façons de mettre cela en place efficacement et durablement. À cet égard, les options suivantes pourraient être envisagées: l'attribution de responsabilités plus importantes aux actuels groupes de travail en matière de douanes, la création d'un service spécifique au sein d'une DG (ou d'une structure interservices entre la DG TAXUD, la DG BUDG et l'OLAF) ou la création d'une agence de l'UE ad hoc.
La fonction centrale devrait avoir pour mission:
- de déterminer, par exemple au regard de leur importance relative, quels risques devraient faire l'objet d'une approche intégrée (à savoir ceux qui sont pertinents pour l'UE) et, en coopération avec les États membres, de veiller à ce que ces risques soient traités de façon appropriée;
- de développer et de mettre en place des capacités efficaces d'exploration de données chargées d'analyser les données au niveau de l'UE et de recenser les risques pertinents pour celle-ci;
- d'examiner les possibilités de développer des outils informatiques de gestion des risques qui soient compatibles avec les systèmes de gestion des importations et des risques des États membres, afin que les contrôles recommandés puissent être directement et automatiquement appliqués en cas de risques pertinents pour l'UE.
Quand? En 2023 au plus tard.
Le présent rapport a été adopté par la Chambre V, présidée par M. Tony Murphy, Membre de la Cour des comptes, à Luxembourg le 23 février 2021.
Par la Cour des comptes

Klaus-Heiner Lehne
Président
Acronymes, sigles et abréviations
AFIS: système d'information antifraude (Anti-Fraud Information System)
CDC: code des douanes communautaire
CDU: code des douanes de l'Union
Comext: base de données statistiques d'Eurostat sur le commerce extérieur
CRMS: système commun de gestion des risques en matière douanière (Customs Risk Management System)
Décision CRF: décision d'exécution relative aux critères et normes communs en matière de risque financier
DG BUDG: direction générale du budget
DG TAXUD: direction générale de la fiscalité et de l'union douanière
ISO: Organisation internationale de normalisation (International Organisation for Standardization)
OLAF: Office européen de lutte antifraude
OMD: Organisation mondiale des douanes
RNB: revenu national brut
RPT: ressources propres traditionnelles
TFUE: traité sur le fonctionnement de l'Union européenne
TI: technologies de l'information
TVA: taxe sur la valeur ajoutée
UE: Union européenne
Glossaire
Contrôles douaniers: procédure qui vise à vérifier la conformité aux règles douanières de l'UE et aux autres actes législatifs applicables.
Déclaration en douane: document officiel où sont consignées des informations détaillées sur les marchandises présentées en vue de leur importation, de leur exportation ou d'une autre procédure douanière.
Gestion des risques: détection systématique des risques et adoption de mesures pour les atténuer ou les éliminer, ou pour en réduire l'incidence.
Manque à gagner en matière de droits de douane: différence entre les droits de douane à l'importation attendus pour l'économie dans son ensemble et le montant effectivement perçu.
Opérateur économique agréé: personne ou entreprise jugée fiable et, par suite, autorisée à profiter d'avantages dans le contexte des opérations douanières.
Profil de risque: combinaison de critères de risque qui permettent de détecter les déclarations en douane à haut risque qu'il conviendrait de soumettre à un contrôle douanier.
Signalisation de risque: informations sur un risque potentiel susceptibles d'être utilisées pour la création de profils de risque.
Union douanière: résultat d'un accord conclu entre un groupe de pays pour commercer librement entre eux, tout en appliquant un tarif douanier commun aux importations en provenance d'autres pays.
Équipe d'audit
Les rapports spéciaux de la Cour présentent les résultats de ses audits relatifs aux politiques et programmes de l'UE ou à des questions de gestion concernant des domaines budgétaires spécifiques. La Cour sélectionne et conçoit ces activités d'audit de manière à maximiser leur impact en tenant compte des risques pour la performance ou la conformité, du niveau des recettes ou des dépenses concernées, des évolutions escomptées ainsi que de l'importance politique et de l'intérêt du public.
L'audit de la performance objet du présent rapport a été réalisé par la Chambre V (Financement et administration de l'Union européenne), présidée par M. Tony Murphy, Membre de la Cour. L'audit a été effectué sous la responsabilité de M. Jan Gregor, Membre de la Cour, assisté de: M. Werner Vlasselaer, chef de cabinet; M. Bernard Moya, attaché de cabinet; M. Alberto Gasperoni, manager principal; M. José Parente, chef de mission; Mme Diana Voinea et M. Csaba Hatvani, auditeurs. L'assistance linguistique a été fournie par M. Michael Pyper.

Notes
1 Article 3 de la version consolidée du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) (JO C 202 du 7.6.2016, p. 47).
2 Article 291 du TFUE.
3 Source: Eurostat (https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=International_trade_in_goods/fr).
4 Voir rapport spécial n° 19/2017 intitulé «Procédures d'importation: les intérêts financiers de l'UE pâtissent d'insuffisances au niveau du cadre juridique et d'une mise en œuvre inefficace», point 29 à 32.
5 Règlement (UE) n° 952/2013 du Parlement européen et du Conseil du 9 octobre 2013 établissant le code des douanes de l'Union (refonte) (JO L 269 du 10.10.2013, p. 1) (le «règlement CDU»).
6 Article 5, paragraphe 7, du code des douanes de l'Union.
7 Recueil de l'OMD sur la gestion des risques en matière douanière, p. 16.
8 Règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil du 12 octobre 1992 établissant le code des douanes communautaire (JO L 302 du 19.10.1992, p. 1).
9 Voir rapports annuels 2014 et 2015, respectivement aux points 4.20 et 4.15.
10 Voir rapport spécial n° 23/2016 intitulé «Le transport maritime dans l'UE: un changement de cap s'impose – des investissements en grande partie inefficaces et précaires», point 113.
11 Voir rapport spécial n° 19/2017 intitulé «Procédures d'importation: les intérêts financiers de l'UE pâtissent d'insuffisances au niveau du cadre juridique et d'une mise en œuvre inefficace», point 148.
12 Voir Parlement européen, direction générale des politiques internes, étude intitulée «De l'économie souterraine à l'économie officielle: Uniformiser les règles du jeu dans le marché unique», 2013.
13 Voir rapport spécial n° 19/2017 intitulé «Procédures d'importation: les intérêts financiers de l'UE pâtissent d'insuffisances au niveau du cadre juridique et d'une mise en œuvre inefficace».
14 Décision d'exécution de la Commission du 31.5.2018 établissant des mesures destinées à l'application uniforme des contrôles douaniers par l'établissement de critères et de normes communs en matière de risque financier conformément au règlement (UE) n° 952/2013 établissant le code des douanes de l'Union pour les marchandises déclarées pour la mise en libre pratique.
15 Voir le document intitulé «Rapport de la Commission au Conseil et au Parlement européen – Deuxième rapport d'étape relatif à la mise en œuvre de la stratégie et du plan d'action de l'UE sur la gestion des risques en matière douanière», du 20 juillet 2018.
16 Orientations politiques pour la Commission européenne 2019‑2024.
17 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen – Faire passer l'union douanière à l'étape supérieure: un plan d'action, COM(2020) 581 final du 28.9.2020.
18 Recueil de l'OMD sur la gestion des risques en matière douanière.
19 Article 46, paragraphe 7, du code des douanes de l'Union.
20 Annexe 4 du volume 1 du Recueil de l'OMD sur la gestion des risques en matière douanière.
21 Norme ISO 31 000:2018 intitulée «Management du risque – Lignes directrices», p. 3.
22 Voir rapport annuel 2017, point 4.23, recommandation n° 1.
23 Voir Recueil de l'OMD sur la gestion des risques en matière douanière et article 5, paragraphe 25, du CDU.
24 Nous avons récemment publié un rapport sur les défis inhérents au commerce électronique, à savoir le rapport spécial n° 12/2019 intitulé «Commerce électronique: la perception de la TVA et des droits de douane reste problématique à bien des égards».
25 Rapport n° 7/2017 de décembre 2017 intitulé «Rigsrevisionens beretning om SKATs kontrol og vejledning på toldområdet» (rapport de l'institution supérieure de contrôle danoise sur le contrôle et les orientations de l'agence danoise des impôts dans le domaine des douanes).
26 Règlement d'exécution (UE) 2015/2447 de la Commission du 24 novembre 2015 établissant les modalités d'application de certaines dispositions du règlement (UE) n° 952/2013 du Parlement européen et du Conseil établissant le code des douanes de l'Union (JO L 343 du 29.12.2015, p. 558 à 893).
27 Idem, article 36.
Calendrier
Étape | Date |
---|---|
Adoption du plan d'enquête / Début de l'audit | 24.9.2019 |
Envoi officiel du projet de rapport à la Commission (ou à toute autre entité auditée) | 23.12.2020 |
Adoption du rapport définitif après la procédure contradictoire | 23.2.2021 |
Réception des réponses officielles de la Commission (ou de toute autre entité auditée) dans toutes les langues | 15.3.2021 |
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