Rapport spécial
13 2021

L'UE et la lutte contre le blanchiment de capitaux dans le secteur bancaire: des efforts fragmentés et une mise en œuvre insuffisante

À propos du rapport Le blanchiment de capitaux est le procédé qui consiste à «légitimer» les produits du crime en les intégrant dans l'économie traditionnelle afin de dissimuler leur origine illicite. Vu l'importance de la politique de l'UE en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le rôle du secteur bancaire, nous avons examiné si les actions de l'UE dans ce domaine étaient bien mises en œuvre.

Nous avons constaté une fragmentation institutionnelle et une coordination insuffisante au niveau de l'UE lorsqu'il s'agit de prévenir le blanchiment de capitaux et de prendre des mesures là où des risques ont été détectés. Les organes de l'UE disposent d'outils limités pour garantir une application suffisante des cadres LBC/FT au niveau national. Il n'existe pas d'autorité de surveillance unique au niveau de l'UE; les prérogatives de l'Union sont réparties entre plusieurs entités, et la coordination avec les États membres s'effectue séparément.

Nous formulons des recommandations pour remédier à ces problèmes.

Rapport spécial de la Cour des comptes européenne présenté en vertu de l'article 287, paragraphe 4, deuxième alinéa, du TFUE.

Cette publication est disponible, au format ci-après, dans 23 langues de l'UE:
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Synthèse

I

Le blanchiment de capitaux est le procédé qui consiste à «légitimer» les produits du crime en les intégrant dans l'économie traditionnelle afin d'en dissimuler l'origine illicite. À l'échelle de l'Europe, Europol estime que les transactions suspectes représentent un montant de plusieurs centaines de milliards d'euros, qui équivaudrait à 1,3 % du produit intérieur brut (PIB) de l'UE. Au niveau mondial, les estimations font état d'un taux proche de 3 % du PIB de la planète.

II

L'UE a adopté sa première directive relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux en 1991 (la dernière mise à jour date de 2018) afin de contrer les menaces que le blanchiment d'argent fait peser sur le marché intérieur et, par la suite, de prévenir le financement du terrorisme. La directive anti-blanchiment doit passer par une mise en œuvre au niveau national pour avoir de l'effet.

III

Plusieurs organes de l'UE jouent également un rôle. La Commission élabore la politique à suivre, en contrôle la transposition et procède à une analyse des risques. L'Autorité bancaire européenne (ABE) effectue des analyses, enquête sur les violations du droit de l'Union et établit des normes détaillées à l'intention des autorités de surveillance et du secteur bancaire. En 2020, le mandat légal et les prérogatives de l'ABE en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LBC/FT) ont été considérablement renforcés. La Banque centrale européenne (BCE) tient compte du risque de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme (BC/FT) dans le cadre de la surveillance prudentielle des banques de la zone euro et, depuis 2019, partage les informations pertinentes et nécessaires concernant la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LBC/FT) avec les autorités nationales de surveillance.

IV

Compte tenu de l'importance de la politique de l'UE en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, ainsi que de la dynamique de réforme actuelle, nous avons décidé de contrôler certains aspects de l'efficience et de l'efficacité de cette politique. Notre rapport vise à informer les parties prenantes et à fournir des recommandations afin de soutenir encore davantage l'élaboration de la politique en question et sa mise en œuvre. Nous nous sommes intéressés aux actions de l'UE dans ce domaine en nous concentrant sur le secteur bancaire, où nous avons examiné si elles étaient bien mises en œuvre.

V

D'une manière générale, nous avons constaté une fragmentation institutionnelle et une coordination insuffisante au niveau de l'UE lorsqu'il s'agit de prévenir le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et de prendre des mesures là où des risques ont été détectés. Dans la pratique, la surveillance en matière de LBC/FT s'exerce encore au niveau national, avec un cadre de supervision de l'UE insuffisant pour garantir une égalité de traitement.

VI

La Commission est tenue de publier une liste des pays hors UE (les «pays tiers») qui présentent un risque de blanchiment de capitaux pour le marché intérieur. Nous avons relevé des insuffisances sur le plan de la communication avec les pays tiers de la liste, ainsi qu'un manque de coopération de la part du Service européen pour l'action extérieure. En outre, à ce jour, l'UE n'a pas adopté de liste autonome de pays tiers à haut risque. Tous les deux ans, la Commission procède également à une évaluation des risques pour le marché intérieur. Cette analyse n'indique pas les changements intervenus au fil du temps, est dépourvue de dimension géographique et n'établit pas de hiérarchisation efficace des risques.

VII

Nous avons constaté que la Commission mettait du temps à évaluer la transposition des directives par les États membres en raison de la piètre qualité de communication de ceux-ci et des ressources limitées dont elle dispose. Le personnel de l'Autorité bancaire européenne a mené des enquêtes approfondies sur les violations potentielles du droit de l'UE, mais nous avons trouvé des éléments démontrant des pressions de la part de membres de son conseil des autorités de surveillance concernés par un processus délibératif. Nous avons également constaté que la Banque centrale européenne avait bel et bien commencé à partager des informations avec les autorités nationales de surveillance de la LBC/FT, malgré la lenteur de certaines procédures décisionnelles. En outre, la qualité des informations partagées par les autorités de surveillance était très variable, en raison notamment des pratiques nationales. Par ailleurs, l'ABE s'emploie actuellement à mettre à jour ses orientations.

VIII

Nous recommandons à la Commission:

  1. de prioriser plus clairement les risques de BC/FT et de se concerter avec le Service européen pour l'action extérieure en ce qui concerne la liste des pays tiers;
  2. de recourir, si possible, à des règlements plutôt qu'à des directives;
  3. de mettre en place un cadre pour les demandes relatives aux violations du droit de l'Union.
IX

Nous recommandons à l'Autorité bancaire européenne:

  1. de mettre en place des règles afin d'empêcher les membres de son conseil des autorités de surveillance d'essayer d'influencer les membres d'un groupe d'experts lors de ses délibérations.
  2. d'émettre des orientations qui facilitent une harmonisation des échanges d'informations entre les autorités de surveillance des États membres et de l'UE.
X

Nous recommandons à la Banque centrale européenne:

  1. d'instituer des procédures décisionnelles internes plus efficientes;
  2. de modifier ses pratiques de surveillance une fois que les orientations de l'Autorité bancaire européenne seront en place.
XI

La réforme législative annoncée est l'occasion pour la Commission, le Parlement européen et le Conseil de remédier aux faiblesses décelées et à la fragmentation du cadre de l'UE en matière de LBC/FT.

Introduction

Qu'est-ce que le blanchiment de capitaux?

01

Le blanchiment de capitaux peut se produire dans tous les secteurs de l'économie, du jeu au commerce de marchandises en passant par l'acquisition de biens immobiliers. Toutefois, à un certain stade, les blanchisseurs d'argent doivent généralement passer par le système bancaire, en particulier lorsqu'ils convertissent et transfèrent des produits illicites au moyen de la technique dite de la stratification (ou layering). Pour en savoir plus sur le mécanisme du blanchiment de capitaux, voir la figure 1. En effet, les derniers chiffres en date d'Eurostat1 montrent que plus de 75 % des transactions suspectes signalées provenaient d'établissements de crédit situés dans plus de la moitié des États membres de l'UE. C'est pourquoi l'instauration de mesures préventives dans le secteur bancaire peut être un moyen efficace pour rompre le cycle du blanchiment de capitaux.

Figure 1 

Les étapes du blanchiment de capitaux

Source: Cour des comptes européenne, sur la base des définitions du Groupe d'action financière (GAFI) intergouvernemental.

02

Le financement du terrorisme constitue une menace au même titre que le blanchiment de capitaux (voir encadré 1). Les politiques de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (BC/FT) sont liées et font généralement appel aux mêmes instruments dits «de LBC/FT».

Encadré 1

Qu'est-ce que le financement du terrorisme?

Le financement du terrorisme implique la fourniture de fonds à des organisations terroristes, qui ont très souvent une dimension internationale. D'une certaine manière, le financement du terrorisme est l'inverse du blanchiment de capitaux, étant donné que ce sont souvent de petites sommes tirées de produits licites qui sont mises en commun et au service de l'activité terroriste. Toutefois, comme tant le blanchiment de capitaux que le financement du terrorisme recourent à des flux financiers illicites, ils sont généralement combattus au moyen des mêmes instruments politiques.

Politique publique de lutte contre le blanchiment de capitaux

03

Les politiques nationales de LBC visant à prévenir et sanctionner le blanchiment de capitaux remontent aux années 1970. Au niveau mondial, le principal organe responsable à cet égard est le Groupe d'action financière (GAFI) intergouvernemental, créé par le G7 en 1989 et établi à Paris. Les États-Unis, la Russie et la Chine ainsi que la Commission européenne et 14 États membres de l'UE font partie du GAFI, qui compte 39 membres.

04

Le GAFI élabore des normes et favorise une action efficace de lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et d'autres menaces similaires qui pèsent sur l'intégrité du système financier international. Ses orientations portent à présent tant sur les mesures préventives destinées aux établissements financiers que sur les pouvoirs recommandés des autorités de régulation, des autorités de surveillance et des organismes chargés de faire appliquer la loi. Le GAFI facilite les «rapports d'évaluation mutuelle», système d'examens périodiques par les pairs réalisés parmi ses membres et permettant d'évaluer dans quelle mesure ses normes et recommandations sont mises en pratique. L'UE ne privilégie pas l'examen par les pairs de la mise en œuvre au niveau national dans la même mesure que le GAFI.

05

En 1991, s'appuyant sur les normes du GAFI, l'UE a adopté une directive anti-blanchiment visant à empêcher les criminels de tirer avantage de la libre circulation des capitaux dans le marché intérieur et à harmoniser les efforts déployés par les États membres pour lutter contre le blanchiment de capitaux. Depuis, l'UE a actualisé cette directive à quatre reprises, suivant en cela l'évolution des normes du GAFI et rendant les règles plus strictes à chaque fois. Il s'agissait de tenir compte de la reconnaissance croissante, au niveau mondial, des effets négatifs du blanchiment de capitaux et des nouvelles techniques utilisées par les blanchisseurs d'argent, tout en renforçant le cadre au moyen d'autres instruments de droit pénal. Des informations complémentaires sur le cadre juridique figurent à l'annexe I.

06

Les poursuites et les mesures d'exécution concernant les délits de blanchiment de capitaux dans l'UE sont laissées à la discrétion des États membres, qui appliquent des normes et des sanctions différentes en la matière. Parmi les autres pays du GAFI, les États-Unis suivent généralement un régime plus punitif dans l'application des règles et des sanctions en matière de blanchiment de capitaux. Ces dernières années, d'importantes amendes et autres sanctions ont été infligées aux banques de l'UE opérant dans ce pays. Pour plus de précisions, voir annexe IV.

Responsabilités de l'UE et des États membres

07

Jusqu'à présent, le cadre de LBC/FT de l'UE a essentiellement pris la forme de directives au titre de l'article 114 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE). Cette situation contraste avec d'autres domaines de la législation relative aux services financiers, dans lesquels une approche hybride, qui s'appuie à la fois sur des règlements et des directives, est devenue plus courante. Dans le cas de la LBC/FT, les organes de l'UE se chargent donc d'élaborer la politique à suivre, de fournir des orientations et d'assurer une surveillance, tandis que la législation est mise en œuvre dans les États membres. Il n'existe pas, au niveau de l'UE, d'autorité de surveillance unique pour la LBC/FT. Les organes nationaux désignés pour surveiller la LBC/FT ont pour mission de veiller à ce que les établissements financiers et autres concernés par les règles en la matière respectent leurs obligations, et de prendre les mesures correctrices s'ils ne le font pas. Il peut s'agir ici de sanctions financières ou de restrictions à l'exercice des activités. Les établissements financiers sont également tenus de signaler toute activité suspecte aux cellules de renseignement financier (CRF) de leur État membre (voir aussi la figure 2).

08

Contrairement aux États-Unis, l'UE ne dispose d'autorité de surveillance unique en matière de LBC/FT pour aucun secteur. Chaque État membre a une ou plusieurs autorités compétentes pour surveiller les banques et, bien entendu, les autres «entités assujetties». Les organes de l'UE possèdent des pouvoirs directs limités. Le comportement d'une autorité de surveillance à l'autre est très différent, ce qui peut conduire à une inégalité de traitement dans les États membres2. Aux États-Unis, le Financial Crimes Enforcement Network (FinCEN) est le principal organe de réglementation en matière de LBC/FT. Il surveille les banques, les établissements financiers et les particuliers. Les mesures prises par le FinCEN ont une portée mondiale en ce sens que ce réseau a le pouvoir d'interdire à une banque étrangère d'entretenir des relations de correspondant bancaire avec l'une ou l'autre banque américaine dès lors qu'il a de bonnes raisons de croire qu'elle est porteuse d'un risque majeur de blanchiment de capitaux3.

09

La direction générale de la stabilité financière, des services financiers et de l'union des marchés des capitaux (DG FISMA)4 de la Commission coordonne la politique de l'UE en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. La Commission est chargée de mettre en évidence les risques pour le système financier de l'UE et de formuler des recommandations appropriées aux parties prenantes concernées. Elle est également responsable de l'élaboration de la politique à suivre ainsi que de la bonne transposition de la législation européenne et de sa mise en œuvre correcte dans les États membres. À ce titre, la Commission a un rôle clé à jouer en facilitant la création d'un cadre de LBC/FT solide dans l'UE. Le Service européen pour l'action extérieure (SEAE) et Europol ont eux aussi une mission, à savoir produire des renseignements pertinents sur le BC/FT à l'intention de la Commission.

10

Depuis 2020, l'Autorité bancaire européenne (ABE) est chargée de piloter, de coordonner et de suivre la lutte menée par l'UE contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme dans le secteur financier. Avant cela, ses travaux couvraient exclusivement le secteur bancaire et consistaient notamment en l'élaboration d'instruments réglementaires, tels que des orientations, des avis sur les risques de BC/FT et des rapports. L'ABE est également habilitée à enquêter sur les violations présumées du droit de l'UE commises par les autorités nationales de surveillance à cet égard. Elle ne dispose ni de pouvoirs de surveillance ni de pouvoirs d'exécution.

11

La Banque centrale européenne (BCE) est responsable de la surveillance prudentielle des grandes banques de la zone euro. Les répercussions prudentielles des risques liés au BC/FT sont devenues un sujet d'intérêt croissant pour la BCE, étant donné que le BC/FT peut poser des difficultés de surveillance et représenter un risque pour la réputation du secteur dans son ensemble. En 2019, la BCE a commencé à intégrer des aspects de la LBC/FT dans sa surveillance prudentielle, via le processus de contrôle et d'évaluation prudentiels (SREP). Avec le soutien de l'ABE et des autres autorités européennes de surveillance (AES), elle a signé un accord d'échange d'informations avec environ 50 autorités de surveillance de la LBC/FT. Ses services de surveillance évaluent ces informations, les intègrent dans leurs travaux de surveillance prudentielle et, le cas échéant, prennent les mesures prudentielles qui s'imposent.

12

Europol soutient les États membres dans leur lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Les principaux acteurs de l'UE sont présentés à la figure 2.

Figure 2 

Principaux acteurs institutionnels en matière de LBC/FT dans l'UE

Source: Cour des comptes européenne.

État des lieux et perspectives

13

L'une des principales pierres d'achoppement dans le débat d'orientation actuel sur l'architecture de l'UE en matière de LBC/FT est l'absence de surveillance centralisée de l'Union dans ce domaine, avec les différences qu'elle entraîne5.

14

En mai 2020, la Commission a adopté un plan d'action en matière de LBC/FT sous la forme d'une communication comportant plusieurs piliers6, parallèlement à la publication de la méthodologie révisée pour l'identification des pays tiers à haut risque. Elle proposera la création d'un corpus réglementaire unique, avec un organe de surveillance unique pour la LBC/FT. Cette proposition a ensuite reçu un large soutien de la part du Parlement européen7.

15

En novembre 2020, le Conseil a publié des conclusions8 qui soutiennent largement les objectifs formulés. La Commission devrait présenter d'ici la mi-2021 les propositions législatives visant à inclure les piliers évoqués au point précédent.

Étendue et approche de l'audit

16

Compte tenu de l'importance de la politique de l'UE en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, de l'apparition récente de cas très médiatisés de BC/FT dans le secteur bancaire ainsi que de la volonté de réforme actuelle, nous avons décidé de nous intéresser à certains aspects de l'efficience et de l'efficacité de cette politique. Notre rapport vise à informer les parties prenantes et à fournir des recommandations afin de soutenir l'élaboration de la politique à suivre et la mise en œuvre qui s'ensuit.

17

La question d'audit principale était de savoir si l'action de l'UE en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux dans le secteur bancaire est bien mise en œuvre. Bien que nous ayons centré nos travaux sur le secteur bancaire, les conclusions que nous en tirons peuvent se révéler également pertinentes pour la politique de LBC/FT relative à d'autres secteurs. Dans le cadre de notre audit, nous ne nous sommes pas intéressés aux cellules de renseignement financier (CRF). Notre audit visait également à répondre aux sous-questions ci-après.

  • L'UE établit-elle une liste de pays tiers permettant de repérer les menaces spécifiques qui pèsent sur elle?
  • La Commission a-t-elle évalué de manière appropriée les risques de blanchiment de capitaux auxquels est exposé le marché intérieur?
  • La Commission a-t-elle évalué de manière appropriée la transposition de la législation de l'UE en droit national?
  • La Commission et l'ABE prennent-elles rapidement des mesures efficaces en réaction aux violations potentielles de la législation de l'UE en matière de LBC/FT?
  • La BCE a-t-elle fait preuve d'efficience dans l'intégration des risques de BC/FT dans sa surveillance prudentielle des banques ainsi que dans le partage d'informations avec les autorités nationales de surveillance?
18

Les entités concernées par notre audit étaient la Commission (essentiellement la DG FISMA), l'ABE et la BCE. Nos constatations ont également été soumises au SEAE. En outre, nous avons adressé un formulaire d'enquête électronique aux 27 pays membres du groupe d'experts en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (EGMLTF). Il portait sur des aspects de la mise en œuvre de la politique de LBC/FT au niveau national, comme l'évaluation des risques et la transposition. Nous avons reçu des réponses de 20 pays. Nous faisons référence à cette enquête tout au long du présent rapport. Nous nous sommes également entretenus avec les autorités publiques en charge de la politique de LBC/FT et de la surveillance dans quatre États membres. Lors du choix de ces derniers, nous avons fait en sorte d'avoir une diversité dans la taille, la situation géographique et les risques de BC/FT rencontrés. Les travaux approfondis dont nous faisons état dans plusieurs sections du présent rapport se sont appuyés sur un échantillon d'États membres ou de banques. Nos critères de sélection y sont expliqués. Nous avons examiné nos constatations préliminaires avec un groupe d'experts.

19

Nos critères d'audit sont tirés des normes internationales établies par le GAFI9 et par le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire10. Nous avons aussi tenu compte du cadre juridique (directive anti-blanchiment, directive sur les exigences de fonds propres (CRD), règlement MSU et règlement ABE) ainsi que des orientations pertinentes publiées par l'ABE. En ce qui concerne l'activité de l'ABE, nous avons procédé, le cas échéant, à des évaluations comparatives avec ses règles internes spécifiques. Pour ce qui est de la transposition, nous avons fait référence aux lignes directrices de la Commission pour une meilleure réglementation. Pour l'évaluation des risques effectuée par la Commission, nous avons appliqué les normes pertinentes en la matière.

Observations

La liste des pays tiers à risque établie par l'UE n'est pas adaptée aux menaces potentielles

20

La Commission est juridiquement tenue de recenser les pays extérieurs à l'UE dont le cadre national de LBC/FT présente des lacunes stratégiques et qui constituent dès lors un risque pour le système financier de l'UE11. Elle adopte la liste des pays tiers à haut risque au moyen d'un «acte délégué»12. Lorsqu'un pays tiers13 figure dans la liste, cela signifie que les entités assujetties (au rang desquelles les banques) établies dans l'UE sont de facto tenues d'appliquer des mesures beaucoup plus strictes (et notamment une vigilance renforcée) lorsqu'elles traitent avec des entreprises ou des particuliers de ce pays. Cette disposition vise à préserver le bon fonctionnement du marché intérieur et à limiter le flux d'argent blanchi dirigé vers l'UE. Il existe plus de 200 pays et territoires dont l'UE doit tenir compte. L'ajout d'un pays à la liste peut se traduire par des retards et des frais supplémentaires pour les entreprises et les citoyens qui souhaitent faire des affaires avec ces pays et inversement. Cela peut également donner lieu à une réduction des risques, lorsque des entreprises prennent la décision stratégique de se retirer de certains segments du marché en raison de la pression réglementaire qui y est exercée.

21

Nous avons évalué si le processus suivi par la Commission pour produire la liste de pays tiers était efficient et efficace au regard des normes applicables.

La méthode utilisée par la Commission pour recueillir des informations afin d'établir la liste de pays tiers a été efficiente, mais a pâti d'un manque de coopération en temps utile de la part du SEAE

22

La directive anti-blanchiment impose à la Commission de tenir compte de sources d'information fiables et actualisées lors de ses évaluations, y compris les cadres de LBC/FT mis en place par les pays tiers. La Commission a commencé par adopter et publier en juillet 2018 un document de travail de ses services exposant la méthode suivie pour identifier les juridictions des pays tiers14 (méthodologie 2018).

23

Cette méthodologie s'appuie sur les exigences de la directive anti-blanchiment ainsi que sur les normes, la méthodologie et les bonnes pratiques du GAFI. Elle suit également la procédure d'établissement de listes du GAFI pour la politique de l'UE à l'égard des pays tiers et ajoute les renseignements par pays rassemblés par Europol et le SEAE. Le point de départ est le dernier rapport d'évaluation mutuelle préparé par le GAFI ou l'organe régional compétent. L'approche de la Commission est quelque peu différente de celle adoptée par les États-Unis, laquelle autorise différents niveaux de risque pour les pays tiers et est davantage axée sur les sanctions.

24

La Commission applique également d'autres processus pour établir ses listes afin de contrer les menaces de BC/FT extérieures à l'UE, plus précisément la liste des pays et territoires qui ne coopèrent pas sur le plan fiscal, ainsi que la liste des mesures restrictives (sanctions). L'annexe III en présente une comparaison. Tant la liste fiscale que celle relative aux sanctions sont conçues pour encourager le changement hors UE, tandis que la liste des pays tiers en matière de LBC/FT est essentiellement défensive par nature. Par ailleurs, elles sont le résultat de décisions du Conseil.

25

La méthodologie (voir point 22) prévoit également que la Commission recueille des informations auprès d'Europol et du SEAE, parce que ces derniers possèdent l'expertise requise (notamment, dans le cas du SEAE, les informations par pays concernant aussi le risque en matière de BC/FT dans les pays tiers). Lors de l'étude exploratoire et de l'exercice de priorisation, la Commission a officiellement demandé des informations liées à l'identification des pays tiers auprès d'Europol et du SEAE.

26

Le tableau 1 présente le calendrier suivi par la Commission pour l'établissement et l'actualisation de la liste de pays tiers.

Tableau 1 

Étapes de l'établissement de la liste de pays tiers

Date Activité
14 juillet 2016 Premier acte délégué fondé sur la quatrième directive anti-blanchiment et suivant étroitement la liste du GAFI (avec plusieurs mises à jour pour tenir compte des listes ultérieures établies par le GAFI)
22 juin 2018 Méthodologie de la Commission concernant l'acte délégué au titre de la cinquième directive anti-blanchiment (méthodologie 2018)
Mars-septembre 2018 Étude exploratoire de la Commission et propre phase d'analyse (y compris Europol et SEAE)
Septembre 2018-janvier 2019 Coopération entre la Commission et les États membres sur les projets de dossiers par pays et sur le projet d'acte délégué
13 février 2019 Adoption, par la Commission, de l'acte délégué basé sur la méthodologie 2018
7 mars 2019 Rejet de l'acte délégué par le Conseil (voir point 34)
7 mai 2020 Adoption de l'acte délégué révisé et davantage aligné sur les listes du GAFI
7 mai 2020 Adoption de la méthodologie révisée, applicable à compter du 7 mai (méthodologie 2020)

Source: Cour des comptes européenne.

27

Europol a fourni à la Commission, en temps utile et de manière systématique, des informations pour l'étude exploratoire et l'exercice de priorisation. Dans un premier temps, le SEAE n'a communiqué aucune des informations demandées par écrit par la Commission. Il n'a contribué au processus que plus tard. L'absence d'informations spécifiques par pays au moment où elles avaient été initialement demandées a réduit l'efficience du processus.

28

Des problèmes ont également dû être résolus sur le plan de la coopération avec les pays tiers. La méthodologie imposait à la Commission et au SEAE de coopérer de manière coordonnée et de veiller à ce que le dossier du pays tiers concerné soit actualisé complètement et à temps pour l'adoption de l'acte délégué. Nous n'avons trouvé aucun élément démontrant que cela avait été le cas.

29

La Commission adopte la liste des pays tiers à haut risque au moyen d'un «acte délégué», ce qui l'oblige à consulter, avant adoption, des groupes d'experts composés de représentants des États membres.

30

La Commission a communiqué avec le Conseil par l'entremise de l'EGMLTF et lui a demandé une contribution pour l'établissement des profils de risque des pays, les évaluations en matière de LBC/FT et le projet d'acte délégué. Lors des consultations relatives à l'élaboration des profils de risque des pays et aux évaluations en matière de LBC/FT (fiches par pays) en novembre 2018 (voir tableau 1), près de la moitié des États membres ont fourni des informations utiles à la Commission.

Les évaluations de la Commission sont complètes mais s'appuient fortement sur les rapports du GAFI

31

La méthodologie impose à la Commission d'élaborer des profils par pays pour chacun des pays évalués, avec une description des menaces et des risques, ainsi que, sur la base de l'analyse de huit éléments constitutifs, d'effectuer une évaluation globale du niveau de défaillance du pays tiers concerné.

32

Notre analyse d'un échantillon de dix pays nous permet de conclure que la Commission a réussi à recueillir efficacement des informations sur les risques présentés par les pays tiers et à en constituer des profils par pays qu'elle a ensuite utilisés pour ses évaluations. D'une manière générale, les profils par pays contenaient des informations le plus souvent complètes et pertinentes, issues de sources d'information tantôt internes, tantôt publiques. Ils s'appuient toutefois largement sur des rapports d'évaluation mutuelle établis au moyen de la méthodologie du GAFI, dont certains remontent à dix ans.

33

La méthodologie de la Commission ne prévoit ni pondération ni critère de notation pour chaque élément constitutif, ni attribution d'une note, le choix des juridictions se fondant in fine sur l'avis d'experts. Cela étant, dans notre échantillon, nous n'avons relevé aucune incohérence entre les juridictions retenues ou non retenues par la Commission.

La première tentative d'établissement, par l'UE, d'une liste autonome de pays tiers ayant échoué, la liste actuelle de l'Union ne va pas au-delà de la liste du GAFI

34

La Commission a adopté l'acte délégué le 13 février 2019. Elle y recensait 23 pays tiers à haut risque (voir tableau 1). Cet acte délégué ne pouvait entrer en vigueur que si le Parlement européen et le Conseil n'y faisaient pas objection dans le mois de sa notification. Le 7 mars 2019, le Conseil a décidé à l'unanimité de rejeter le projet de liste soumis par la Commission, de nombreux États membres dénonçant un processus de consultation précipité. De son côté, le Parlement européen a approuvé l'acte délégué dans sa résolution du 14 mars 2019.

35

Après le rejet du Conseil, la Commission s'est employée à proposer un nouvel acte délégué, en l'occurrence en mai 2020 (voir tableau 1). Pour ce faire, elle s'est calquée sur le processus du GAFI en tenant compte seulement des pays que ce dernier intégrait dans la liste ou retirait de celle-ci. Cette liste était moins étendue. Elle n'a été rejetée ni par le Parlement européen ni par le Conseil et est actuellement en vigueur. À titre d'information, nous présentons la liste de février 2019, en indiquant les pays qui ne figuraient pas à l'époque dans la liste du GAFI (voir tableau 2).

36

Le processus d'établissement d'une liste autonome de pays tiers de l'UE s'est révélé globalement inefficace. À ce jour, l'UE n'a pas approuvé de liste de pays tiers qui aille plus loin que la liste du GAFI en vigueur et qui tienne compte des menaces spécifiques pour l'Union. La réponse au risque choisie se situe au niveau du pays et ne cible par l'entité ou le secteur comme le fait la liste des sanctions de l'UE.

37

En mai 2020, la Commission a également publié une méthodologie affinée, qui est destinée à être utilisée lors du prochain processus d'établissement de la liste et dont la mise en place est actuellement en cours. Cette méthodologie révisée s'inspire de celle qui l'a précédée et impliquera une plus grande coopération avec les pays tiers. Dans les faits, cela signifie que l'ajout d'un nouveau pays tiers dans la liste pourrait prendre jusqu'à 12 mois. Nos observations relatives aux insuffisances de la méthodologie précédente valent donc également pour la mise en œuvre de la nouvelle.

Tableau 2 

Liste 2019 rejetée

Juridictions figurant dans la liste de l'UE
Pays repris dans la liste du GAFI en vigueur Pays non repris dans la liste du GAFI en vigueur
République démocratique de Corée du Nord
Iran
Bahamas
Botswana
Éthiopie
Ghana
Pakistan
Sri Lanka
Syrie
Trinité-et-Tobago
Tunisie
Yémen
Afghanistan
Samoa américaines
Guam
Iraq
Libye
Nigeria
Népal
Porto Rico
Samoa
Arabie saoudite
Îles Vierges américaines

Source: Cour des comptes européenne.

Une dimension géographique, une priorisation et des données suffisantes font défaut à l'analyse, par la Commission, des risques pour le marché intérieur de l'UE

38

La quatrième directive anti-blanchiment impose à la Commission d'évaluer les risques de BC/FT spécifiques pesant sur le marché intérieur et liés aux activités transfrontalières, et d'en faire rapport tous les deux ans, voire plus fréquemment, le cas échéant. Il s'agit de l'«évaluation supranationale des risques» ou SNRA (pour Supra National Risk Assessment). La première du genre a eu lieu en 2017; la deuxième, en 2019. Ce type de cartographie des risques vise à permettre de déterminer l'ampleur des problèmes et de les localiser au niveau de l'Union afin de contribuer à mettre en place des mesures correctrices appropriées. C'est également un outil essentiel pour les décideurs politiques et les banques, qui peuvent ainsi voir sur quoi cibler leurs actions pour réduire au mieux le risque de BC/FT. Les États membres sont également tenus de produire des évaluations nationales des risques, mais nous ne les avons pas examinées. Par ailleurs, la Commission doit collecter, auprès des États membres, des statistiques sur les volumes monétaires du blanchiment de capitaux.

39

Nous avons évalué si le processus suivi par la Commission pour produire une SNRA et publier des statistiques était efficient et efficace au regard des normes applicables.

La méthodologie de la Commission ne priorise pas les secteurs en fonction des risques, est dépourvue de dimension géographique et ne reflète pas les changements intervenant au fil du temps

40

La méthodologie de la Commission s'appuie sur l'approche du GAFI, laquelle fournit tous les détails nécessaires conformément aux normes de gestion des risques (voir tableau 3).

41

L'approche suivie pour réaliser une SNRA vise à évaluer les vulnérabilités décelées au niveau de l'UE au moyen d'une analyse systématique des risques de blanchiment d'argent en lien avec les techniques utilisées par les auteurs potentiels d'actes de BC/FT.

42

Les travaux réalisés par la Commission aux fins de la SNRA 2019 ont consisté en une analyse assortie d'une évaluation pour chacun des 47 produits ou services, mettant en évidence les menaces et les vulnérabilités concernées et comportant les conclusions y afférentes (voir tableau 3).

Tableau 3 

Évaluations supranationales des risques réalisées par la Commission

2017 2019
Secteurs professionnels 10 11
Produits et services 40 47
Niveau moyen de menace (échantillon de la Cour) 2,715 3,2
Niveau moyen de vulnérabilité (échantillon de la Cour) 2,8 3,0

Remarque: L'approche suivie pour notre échantillon est expliquée au point 46. Par «menace», nous entendons la probabilité qu'un produit ou service soit utilisé à des fins illicites. Par «vulnérabilité», nous entendons les failles présentées par ce même produit ou service, susceptibles de permettre à des groupes terroristes ou à des organisations criminelles de l'utiliser à des fins illicites.

Source: Analyse de la Cour des comptes européenne fondée sur les documents de la Commission.

43

La SNRA a été mise à jour à plusieurs reprises sur la base d'informations tirées d'échanges permanents avec les parties prenantes, dont les États membres, les organisations professionnelles et les ONG. Lors de notre enquête, 50 % des États membres ont conclu que la SNRA était très utile pour l'élaboration de la politique à suivre au niveau national, tandis que 40 % estimaient qu'elle était assez utile.

44

La Commission ne présente pas les évaluations sectorielles par niveau de priorité (avec une note générale correspondant à la menace multipliée par la vulnérabilité, par exemple) mais bien par secteur professionnel. Il existe cependant une synthèse des risques pour les secteurs qui est incluse dans la communication d'accompagnement de la Commission. Celle-ci n'a pas réalisé d'évaluation par secteur qui aurait permis de déterminer si le niveau général de la menace ou de la vulnérabilité a augmenté entre 2017et 2019. En outre, l'absence de statistiques comparables complique encore la tâche de la Commission lorsqu'il s'agit de comparer les menaces représentées par les différents secteurs (voir point 48).

45

La méthodologie conçue par la Commission, avec le concours de l'EGMLTF, pour évaluer les risques considère l'incidence des risques résiduels relevés après analyse des menaces et des vulnérabilités comme «constamment importante», et ce dans tous les cas analysés. Cela démontre qu'il n'y a pas de priorisation lors de l'évaluation.

46

Aux fins de notre analyse, nous avons constitué un échantillon en sélectionnant trois des 47 produits et services (monnaie électronique, courtage et gestion de patrimoine-banque privée), étant donné qu'ils étaient pertinents pour le secteur bancaire et présentaient des notes de vulnérabilité élevées. Nous avons effectué les constatations suivantes:

  • bien que nous ayons relevé une contribution de diverses parties prenantes aux projets de fiches, il n'était pas possible d'établir de lien clair avec l'évaluation réalisée;
  • nous avons établi que les modifications des notes n'étaient pas motivées, en particulier lorsque les conclusions devenaient plus critiques;
  • il n'y a pas de dimension géographique dans l'évaluation des risques, alors qu'elle serait pertinente pour certains secteurs;
  • la Commission est habilitée à procéder à des mises à jour entre les actualisations bisannuelles, afin de tenir compte des développements intervenant dans les secteurs en rapide évolution, mais elle ne l'a jamais fait;
  • en ce qui concerne le suivi des recommandations, un intervalle de deux ans risque d'être trop court pour permettre à la Commission de vérifier l'achèvement des actions.
47

Le suivi de la SNRA 2017 a eu lieu au moment où celle de 2019 était en cours. Dans le cas des trois secteurs que nous avons examinés, nous n'avons constaté aucune mention claire des conclusions de ce suivi dans la SNRA 2019 au niveau sectoriel. Nous avons toutefois trouvé un suivi général des recommandations dans le rapport que la Commission a adressé au Parlement européen et au Conseil16.

La Commission n'a pas fait rapport sur les statistiques relatives au BC/FT

48

D'un point de vue historique, il y a eu peu d'estimations fiables de l'ampleur du blanchiment de capitaux en Europe, que ce soit par secteur, par fréquence d'occurrence ou en termes monétaires. Depuis janvier 2020, la Commission est tenue de réunir des statistiques et d'établir des rapports les concernant pour toute question relative à l'efficacité des systèmes de LBC/FT. Les États membres ont également l'obligation de lui soumettre ce type de statistiques17. La DG FISMA a pris des mesures pour collecter les données auprès des États membres, mais jusqu'à présent, elle n'a pas encore établi de rapport à leur sujet. De plus, Eurostat ne dispose d'aucune méthodologie pour collecter des informations sur les volumes monétaires du blanchiment de capitaux et en tirer des estimations.

49

Dans l'ensemble, nous estimons que la Commission ne hiérarchise pas clairement les risques dans son évaluation bisannuelle et que la dimension géographique fait défaut. Par ailleurs, la Commission ne publie pas de statistiques sur le BC/FT qui permettraient une meilleure hiérarchisation des priorités. Une fois conjuguées, ces insuffisances réduisent la capacité de la Commission, des décideurs politiques et des entités assujetties à prendre des mesures pour atténuer le risque de BC/FT.

La transposition de la législation de l'UE en matière de LBC/FT est complexe et inégale, et son évaluation par la Commission est lente

50

Le cadre juridique mis en place par l'UE pour prévenir le blanchiment de capitaux s'appuie presque entièrement sur des directives, qui doivent être transposées dans les législations des États membres, plutôt que sur des règlements. Pour qu'une directive prenne effet au niveau national, les pays de l'UE doivent adopter une mesure nationale, qui est souvent un acte législatif. Si un État membre ne met pas en œuvre le droit de l'UE, la Commission peut, en dernier ressort, lancer une procédure d'infraction formelle18 à l'encontre du pays en question devant la Cour de justice de l'Union européenne.

51

Dans le cadre de notre audit, nous avons examiné si la Commission évaluait de manière efficace la transposition du cadre juridique de l'UE en matière de LBC/FT19 compte tenu des normes applicables, et notamment de la directive anti-blanchiment, de ses propres lignes directrices pour une meilleure réglementation et d'autres orientations internes. Pour répondre à cette question, nous avons évalué le contrôle, par la Commission, de la quatrième directive anti-blanchiment. Celle-ci est entrée en vigueur le 15 juillet 2015, faisant obligation aux 28 États membres de la transposer en droit national et de communiquer l'ensemble des mesures prises à cet effet à la Commission pour le 26 juin 2017. Cela étant, la cinquième directive anti-blanchiment a pris effet mi-2018, alors que la quatrième directive était toujours en cours de transposition.

52

Nous avons procédé à notre évaluation en prenant en considération un échantillon de trois États membres et cinq des 69 articles de la quatrième directive anti-blanchiment. Notre choix s'est porté sur des articles pertinents pour le secteur bancaire de l'UE et pour lesquels des problèmes de conformité avaient été décelés dans la plupart des États membres20. Nous avons centré notre évaluation sur les deux premières phases du processus de vérification de la conformité, c'est-à-dire les contrôles de notification et de transposition, étant donné que la plupart des contrôles de conformité effectués par la Commission sont toujours en cours et n'ont donc pas encore été finalisés. Notre audit ne comporte pas d'évaluation de la mise en œuvre de la législation dans les États membres. Le processus de vérification de la conformité de la Commission est expliqué à la figure 3.

Figure 3 

Processus de vérification de la conformité mis en œuvre par la Commission

Source: Cour des comptes européenne, sur la base des lignes directrices de la Commission pour une meilleure réglementation (outil n° 37 de la boîte à outils).

La Commission a mené des actions utiles pour encourager la transposition

53

Pour faciliter la tâche des États membres, la Commission fournit des outils d'aide au respect de la législation21. Entre septembre 2015 et avril 2016, c'est-à-dire avant la date limite de transposition, la Commission a organisé cinq ateliers à l'intention des États membres. Dans l'ensemble, nous avons constaté que ces ateliers couvraient tous les sujets essentiels concernant la transposition de la quatrième directive anti-blanchiment. Notre enquête a montré que 17 États membres sur 20 (85 %) jugeaient les orientations de la Commission utiles22, 70 % ayant répondu que les ateliers constituaient une méthode très utile pour les aider23 dans leurs travaux de transposition. L'un des problèmes évoqués par les États membres était que la cinquième directive anti-blanchiment est entrée en vigueur mi-2018, alors que la transposition des mesures prévues par la quatrième directive n'était pas terminée. De par cette situation, l'administration s'est retrouvée sous pression pour élaborer des mesures de transposition.

54

Malgré cette action menée avant la date limite fixée pour la transposition, la Commission a commencé à lancer des procédures d'infraction pour non-communication ou communication incomplète24 à l'encontre de tous les États membres entre juillet 2017 et mars 2019. Une semaine plus tard, six États membres à peine avaient déclaré une transposition complète; sept, une transposition partielle, et 15 n'avaient notifié aucune mesure de transposition de la quatrième directive anti-blanchiment. Notre échantillon a toutefois révélé que certains États membres avaient surestimé l'ampleur de leurs mesures de transposition. Tout cela contribue à une situation dans laquelle, malgré la volonté de cohérence exprimée au niveau de l'UE, la législation en matière de LBC est mise en œuvre de manière inégale au niveau national, ce qui accroît la vulnérabilité du marché unique à l'égard du BC/FT (voir aussi point 09).

Le recours de la Commission aux services d'un contractant n'était pas optimal

55

Pour la quatrième directive anti-blanchiment, la Commission a sous-traité la vérification de la conformité à un contractant externe qui était supposé effectuer les contrôles de transposition et de conformité de toutes les mesures nationales de transposition pour l'ensemble des 28 États membres. La ligne directrice interne25 impose à la Commission d'examiner les rapports du contractant externe. Nos travaux d'audit ont permis de confirmer que cette ligne directrice interne était bien respectée.

56

Le contrat ne prévoyait aucune procédure de suivi, de sorte que lorsqu'il a pris fin, ce sont les services de la Commission qui ont dû se charger seuls de l'évaluation de la transposition pour les 28 États membres. Or une telle procédure aurait été bien utile pour la quatrième directive anti-blanchiment, étant donné qu'à l'échéance, la majorité des États membres n'ont déclaré qu'une transposition partielle, voire aucune transposition, et que plusieurs pays ont notifié un nombre élevé de mesures de transposition, étalées dans certains cas sur quatre ans (de 2016 à 2020).

57

Dans la pratique, la Commission n'a été en mesure d'agir rapidement pour lancer une procédure d'infraction que lorsqu'un État membre n'avait pas déclaré de transposition complète ou partielle. Un État membre de notre échantillon était dans ce cas. La Commission lui a adressé une lettre de mise en demeure un mois après l'expiration du délai (juin 2017).

58

En ce qui concerne les cas composant notre échantillon, la Commission a mis entre 20 et 40 mois pour achever les contrôles de transposition généraux, y compris les procédures d'infraction relatives à la quatrième directive anti-blanchiment (voir tableau 4)26. Ce laps de temps est beaucoup plus long que l'objectif que la Commission a énoncé dans sa propre ligne directrice27. Cette lenteur s'explique notamment par le temps pris par les États membres pour transposer la quatrième directive anti-blanchiment et le notifier, ainsi que par le caractère incomplet des mesures de transposition. En outre, les contrôles de conformité ne peuvent commencer qu'une fois les contrôles de transposition (y compris l'éventuelle procédure d'infraction pour transposition incomplète) terminés28, ce qui peut ralentir le processus. Un large éventail de mesures ont été notifiées par les États membres au cours d'une période allant de deux à cinq ans (voir figure 4).

Tableau 4 

Transposition par pays de notre échantillon

Événement Pays 1 Pays 2 Pays 3
Début des contrôles de transposition et de conformité Juin 2017 Novembre 2017 Juin 2017
Notification des mesures par l'État membre (de la première notification à la dernière) De janvier 2017 à août 2020 De novembre 2017 à février 2018 De juin 2017 à mai 2020
Déclaration de transposition par l'État membre (juillet 2017) Partielle Manquante/Aucune Complète
Durée du contrôle de transposition (en mois) – objectif: 6 mois29 7 20 21
Durée du contrôle de conformité (en mois) – objectif: de 16 à 24 mois30 En cours En cours En cours
Procédures d'infraction lancées – Lettre de mise en demeure Janvier 2018 Juillet 2017 Mars 2019
– Avis motivé Mars 2019 - -
– Saisine de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) Juillet 2020 - -
Clôture (des problèmes de transposition) Octobre 2020 Juillet 2019 Juillet 2020
Durée totale des contrôles de transposition (y compris les procédures d'infraction) 40 20 37

Source: Analyse, par la Cour des comptes européenne, des documents de la Commission, fin novembre 2020.

59

En ce qui concerne les vérifications de la conformité (voir point 52), notre examen a révélé que la qualité des documents de la Commission après la fin des travaux effectués par le contractant externe variait sensiblement d'un pays à l'autre. Pour l'un des pays de notre échantillon, la Commission n'a pas pu fournir de pièces attestant d'un suivi structuré assuré par ses agents. À l'exception du modèle destiné aux vérifications de la conformité, l'unité compétente de la Commission ne disposait à son niveau d'aucune ligne directrice. La rotation du personnel était en outre élevée. La Commission n'a mis en place aucune stratégie pour garantir la mémoire institutionnelle de ce qui reste un sujet très spécialisé, bien que la législation de l'UE en matière de LBC/FT en soit à sa cinquième mouture.

De nombreux États membres n'ont pas coopéré pleinement avec la Commission

60

La quatrième directive anti-blanchiment est une directive complexe qui, dans la plupart des États membres, n'est pas transposée dans un seul acte législatif mais requiert l'adoption ou la modification de plusieurs actes de ce type. Sur les 20 États membres qui ont répondu à notre enquête, 19 (95 %) étaient d'accord pour affirmer que la principale difficulté pour transposer la quatrième directive anti-blanchiment résidait dans la complexité de la législation. Les ressources humaines sont un autre problème, cité par 60 % des répondants. L'un des États membres de notre échantillon a notifié ses 64 mesures en cinq étapes: trois avant l'expiration du délai, 10 en 2017 après l'expiration du délai, 16 en 2018, 34 en 2019 et une en 2020. Voilà qui illustre toute la complexité du processus de transposition dans certains États membres, où plusieurs ministères sont souvent concernés31.

Figure 4 

Nombre de mesures de transposition notifiées par les États membres pour la quatrième directive anti-blanchiment

Source: Analyse, par la Cour des comptes européenne, des documents de la Commission (situation au 23 novembre 2020).

61

Il était demandé aux États membres de fournir à la Commission des documents explicatifs comportant des tableaux de transposition32. Notre échantillon nous a permis de constater qu'ils n'avaient pas toujours obtempéré et que parfois, ils avaient même explicitement refusé de le faire. Lors de notre audit, nous avons relevé que tous les États membres n'avaient pas notifié leurs mesures nationales de transposition au moyen de la base de données conçue à cet effet, ce qui a entravé l'évaluation de la transposition de la quatrième directive anti-blanchiment. Tous ces facteurs conjugués ont alourdi la charge de travail de la Commission.

62

Il faut savoir qu'en 2019, la CJUE a conclu33 que la charge de la preuve incombait aux États membres et qu'il leur revenait donc de fournir des informations suffisamment claires et précises sur les mesures de transposition d'une directive. Cependant, la transposition de la quatrième directive anti-blanchiment était bien antérieure à cet arrêt.

La Commission manquait de ressources pour gérer le processus

63

L'unité de la DG FISMA responsable de la supervision de la LBC/FT se compose actuellement de 17 équivalents temps plein (ETP), après s'être étoffée ces dernières années. Elle est également chargée d'élaborer les textes législatifs relatifs à la LBC/FT, de traiter les affaires, d'adresser à l'ABE les demandes d'enquête pour violation du droit de l'Union, d'établir les listes de pays tiers et de réaliser la SNRA.

64

Au cours de la période 2017‑2019, l'unité en question a disposé d'un effectif limité dont les responsabilités étaient, d'une manière générale, plutôt étendues. Selon nos propres calculs, un même administrateur était parfois responsable de quatre à six États membres, dans un contexte de rotation élevée du personnel.

65

Le manque de ressources humaines a engendré des retards par rapport aux délais fixés dans les propres lignes directrices de la Commission, comme nous l'avons précisé aux points précédents. Pour certains États membres, la Commission ne disposait pas de personnel maîtrisant suffisamment la langue pour contrôler la transposition, de sorte qu'il a fallu recourir à des traductions, ce qui a nécessité plus de temps.

66

Dans l'ensemble, l'évaluation par la Commission de la législation en matière de LBC/FT a manqué d'efficacité. Cela s'explique par plusieurs facteurs, tels que la complexité de la législation, l'action inégale des États membres et le manque de ressources affectées aux tâches de LBC/FT à la Commission. En outre, le fait de s'appuyer sur des directives s'est traduit par une mise en œuvre lente et inégale de la législation de l'UE en matière de LBC/FT.

La Commission et l'ABE n'ont pas usé efficacement de leurs prérogatives en ce qui concerne la violation du droit de l'Union

67

L'une des conditions essentielles au bon fonctionnement du marché intérieur est que la législation de l'UE sur le blanchiment de capitaux soit mise en œuvre de manière uniforme dans l'ensemble de l'Union. La base législative (ci-après «règlement ABE»34) habilite l'ABE à enquêter sur les violations potentielles du droit de l'Union en lien avec la législation en matière de LBC/FT au niveau des États membres. Cela pourrait se traduire par une surveillance inadéquate et contribuer à la circulation d'importants volumes de fonds liés au BC/FT dans une banque.

68

Depuis sa création en 2010, l'ABE a le droit d'enquêter sur les violations du droit de l'Union. La procédure à suivre pour lancer une telle enquête est détaillée dans le règlement fondateur de l'ABE ainsi que dans son règlement intérieur. L'annexe V explique le processus, le calendrier et les parties prenantes concernées.

69

L'ABE peut ouvrir une enquête de sa propre initiative ou à la demande de divers organes, dont la Commission. C'est pourquoi l'ensemble du processus, y compris la saisine de l'ABE par la Commission, mérite d'être évalué sur le plan de l'efficience et de l'efficacité du traitement des violations potentielles du droit de l'Union. Cette évaluation est d'autant plus pertinente que la Commission assume la responsabilité globale, au niveau de l'Union, de la bonne application du droit de l'UE (voir aussi point 51). Plus précisément, nous avons voulu savoir si la Commission agit de manière efficace lorsqu'elle est confrontée à des violations potentielles du droit de l'UE en matière de LBC/FT, et si l'ABE enquête à leur sujet de manière efficace et en temps utile. Nous avons examiné si la Commission utilise ses prérogatives en ce qui concerne les violations potentielles du droit de l'UE en matière de LBC/FT – en particulier ses procédures (internes) – pour demander à l'ABE d'enquêter sur toute violation ou non-application présumée du droit de l'Union35. Nous avons vérifié en outre si l'ABE mène ses enquêtes sur les violations potentielles du droit de l'Union dans le respect des pouvoirs qui lui sont conférés en vertu du règlement ABE.

70

Depuis 2015, l'ABE a reçu au total 48 dossiers provenant de plusieurs sources et concernant différents types de législation, comme la surveillance prudentielle. Elle n'a jamais, de sa propre initiative, ouvert d'enquête en lien avec le BC/FT. Neuf de ces 48 dossiers concernaient le BC/FT. Nous en avons examiné quatre, en l'occurrence les demandes adressées à l'ABE par la Commission et relatives à des violations du droit de l'Union en matière de LBC/FT commises entre 2016 et 2019, afin d'évaluer la coordination entre les deux organes.

L'approche suivie par la Commission pour demander une enquête sur une violation potentielle du droit de l'Union n'était guère méthodique

71

La Commission ne dispose pas d'orientation interne concernant le déclenchement d'une demande d'enquête auprès de l'ABE. Elle a effectué ses demandes au cas par cas, réagissant en général dans les jours qui suivaient le signalement dans la presse d'un problème en lien avec la LBC/FT dans un État membre. Il n'y a eu aucune consultation formelle entre les différents services de la Commission.

72

Dans trois des quatre affaires examinées, elle a demandé à l'ABE de s'assurer qu'un établissement financier particulier satisfaisait bien aux exigences de l'article 1er, paragraphe 2, du règlement ABE, et d'enquêter sur une possible violation ou non-application du droit de l'Union. Ces demandes ont été adressées alors que les pouvoirs légaux de l'ABE en vigueur concernaient l'activité des autorités nationales de surveillance et n'avaient pas de relation directe avec celle des établissements financiers.

73

Cette absence de consultation interne et la mauvaise connaissance des pouvoirs de l'ABE donnent à penser que l'approche de la Commission n'était guère méthodique.

La réaction de l'ABE aux allégations de violation du droit de l'Union a été excessivement lente

74

L'ABE a décidé de ne pas donner suite à deux des quatre demandes de la Commission, mais cette décision a pris un temps considérable. Dans un cas, elle a entrepris de rassembler rapidement des éléments probants, mais ensuite, elle n'a plus rien fait pendant plus d'un an. Dans la deuxième affaire, elle n'a engagé aucune mesure pour recueillir des informations probantes. La réponse officielle de l'ABE est parvenue à la Commission, sous la forme d'un courrier, au bout de 13 mois dans un cas et de 26 mois dans l'autre, concluant qu'il n'existait aucune perspective sérieuse de voir l'ABE ouvrir une enquête pour violation du droit de l'Union, à la lumière de la décision prise dans une affaire antérieure (voir points 78 et 79).

75

Dans les documents de l'ABE que nous avons examinés, nous n'avons trouvé aucune explication claire pour justifier une telle lenteur. Des réactions aussi tardives ne sont pas conformes aux principes de bonne administration ou de coopération mutuelle entre les organes et les institutions de l'UE. L'efficacité de la procédure pour violation potentielle du droit de l'Union est elle aussi limitée, vu que les demandes n'ont produit aucun résultat (que ce soit une décision d'enquêter ou une décision de ne pas enquêter) durant une période excessivement longue. Cela signifie que dans l'intervalle, la Commission n'a pas vraiment été en mesure d'agir dans le cadre des affaires concernées.

76

Dans les deux autres affaires, l'ABE a ouvert une enquête qui a donné lieu à un projet de recommandation concernant une violation du droit de l'Union, projet qui a ensuite été soumis à son conseil des autorités de surveillance. Dans les deux cas, nous avons constaté que les agents de l'ABE avaient effectué une enquête exhaustive sur le problème évoqué et avaient suivi à cet égard les règles internes. Dans l'une des deux affaires, le conseil des autorités de surveillance a décidé qu'il y avait eu violation du droit de l'UE, mais pas dans l'autre.

Le processus décisionnel de haut niveau de l'ABE a été influencé par des intérêts nationaux

77

Dans le premier des deux cas ayant donné lieu à une enquête, le conseil des autorités de surveillance a constaté dans le délai légal de deux mois qu'une violation du droit de l'Union s'était bien produite, et il a adressé la recommandation à l'autorité nationale de surveillance concernée. Il a rapidement informé l'ABE des mesures prises. Conformément à ses prérogatives, et après avoir consulté l'ABE, la Commission a décidé que ces mesures n'étaient ni adéquates ni indiquées pour garantir le respect du droit de l'Union. La Commission a dès lors adressé à l'autorité nationale de surveillance concernée un avis détaillant les mesures nécessaires. Globalement, nous avons trouvé dans ce premier cas des éléments attestant une coopération efficiente et efficace entre l'ABE et la Commission, chacune dans son rôle prévu par le règlement ABE.

78

Dans la deuxième affaire, l'ABE a bouclé l'enquête sur la violation présumée du droit de l'Union dans le délai légal de deux mois. L'enquête implique la convocation d'un groupe d'experts composé du président de l'ABE et de six autres membres du conseil des autorités de surveillance issus d'États membres dont les autorités ne sont pas concernées par l'enquête. Dans ce dossier, le groupe d'experts s'est penché sur un projet de recommandation relative à une violation du droit de l'Union, projet qui a ensuite été adressé à l'ensemble du conseil des autorités de surveillance pour examen. Nous avons trouvé des preuves écrites de tentatives de lobbying auprès des membres composant le groupe d'experts au moment où ce dernier délibérait sur une possible recommandation à adresser au conseil des autorités de surveillance. Finalement, le conseil des autorités de surveillance a rejeté le projet de recommandation.

79

Il existe des règles concernant ce type de lobbying et tous les membres du conseil des autorités de surveillance sont soumis à l'article 42 du règlement ABE, qui dispose qu'ils «ne sollicitent ni ne suivent aucune instruction […] des gouvernements des États membres ou d'autres entités publiques ou privées». Ce même article prévoit en outre que les États membres ou les autres entités publiques, telles que les autorités nationales de surveillance, ne peuvent chercher «à influencer les membres du conseil des autorités de surveillance dans l'exécution de leurs tâches». Alors que l'ABE dispose de règles internes détaillées pour le traitement des enquêtes sur les violations potentielles du droit de l'Union, ces règles ne comportent aucune orientation particulière sur la question de l'approche des membres du groupe d'experts par les autres membres du conseil des autorités de surveillance, ni sur la question d'éventuelles tentatives de pression de ces derniers sur les membres du groupe d'experts.

80

Comme elle n'a pas le droit de vote, la Commission n'a pas assisté aux débats consacrés au sujet et n'a été informée officiellement de la décision et de sa motivation que dix jours après la réunion du conseil des autorités de surveillance. Par la suite, au cours de la même année, la Commission a conclu que ce cas soulevait «des questions pour l'avenir, notamment sur la manière de faire en sorte que les autorités de surveillance puissent être tenues responsables de leurs actions en vue de garantir le respect du droit de l'Union par les établissements financiers, notamment lorsqu'elles travaillent avec des directives d'harmonisation minimale»36.

81

Dès 2014, la Commission a posé le constat que la gouvernance de l'ABE était telle que, de temps à autre, les décisions prises tenaient davantage compte des intérêts nationaux que de ceux, plus larges, de l'UE37. Dans notre propre rapport sur les tests de résistance de l'ABE (RS n° 10/2019), nous étions arrivés à la conclusion que le rôle dominant des autorités nationales se traduisait par une prise en considération insuffisante de la perspective européenne38. L'incidence du lobbying décrit plus haut est une indication de plus du poids excessif des autorités nationales de surveillance au sein du cadre de gouvernance de l'ABE.

82

Un nouveau règlement ABE est entré en vigueur le 1er janvier 2020. Il apporte certaines modifications à la procédure générale à suivre pour les enquêtes sur les violations potentielles du droit de l'Union et en matière de LBC/FT. Toutefois, les principales insuffisances relevées dans la gouvernance de l'ABE et détaillées aux points précédents subsistent.

Un cadre formel pour le partage d'informations entre la Commission et l'ABE fait défaut

83

Dans chacun des deux cas de violation potentielle du droit de l'Union soumis à une enquête de l'ABE, celle-ci a suivi une approche très différente pour le partage des documents avec la Commission, qui siège sans droit de vote au conseil des autorités de surveillance.

84

Dans le premier cas (voir point 77), l'ABE a communiqué le projet de recommandation au représentant de la Commission au sein du conseil des autorités de surveillance. Dans le second (voir points 78 et 79), elle a refusé de partager le moindre document avec elle avant la réunion du conseil des autorités de surveillance, invoquant les obligations de secret professionnel énoncées dans son règlement fondateur. Elle lui a finalement communiqué le projet de recommandation un mois après la prise de décision.

85

Nous avons également constaté qu'il n'existe pas de cadre formel d'échange entre l'ABE et la Commission après que la seconde demande à la première d'ouvrir une procédure pour violation potentielle du droit de l'Union, et que les contacts sont plutôt informels. Même si le règlement ABE alors en vigueur ne l'imposait pas, un échange régulier formalisé entre les deux parties aurait favorisé la clarté et la traçabilité des mesures que l'ABE entendait prendre à la suite de la demande de la Commission. Il aurait en outre permis à cette dernière d'exprimer ses attentes quant aux délais et priorités lorsqu'elle adressait en parallèle plusieurs demandes d'enquête à l'ABE.

86

Dans l'ensemble, la procédure adoptée pour les enquêtes relatives aux violations potentielles du droit de l'Union n'est pas suffisamment efficace. La Commission suit une approche au cas par cas pour ses demandes, et, malgré la bonne préparation des dossiers par le personnel de l'ABE, le conseil des autorités de surveillance de celle-ci ne privilégie pas l'intérêt de l'UE lorsqu'il use de ses prérogatives en matière d'enquête sur les violations potentielles du droit de l'Union.

La BCE a commencé à intégrer les risques de BC/FT dans la surveillance prudentielle, mais, en dépit de certains progrès, le partage d'informations n'est pas pleinement efficient

87

Fin 2014, la BCE s'est vu confier la surveillance prudentielle des établissements de crédit (ci-après «banques») au sein de l'union bancaire39, ce qui implique en pratique la surveillance directe d'environ 120 banques ou groupes bancaires dans la zone euro.

88

La surveillance prudentielle et celle concernant la LBC/FT ont des approches et des objectifs différents. Les risques liés au BC/FT et les problèmes prudentiels peuvent toutefois se chevaucher, de sorte qu'il existe des complémentarités entre les deux types de surveillance. À titre d'exemple, un modèle d'entreprise reposant sur le BC/FT pourrait accroître le risque de défaillance bancaire. Ou bien la présence de BC/FT pourrait être révélatrice d'une mauvaise gestion des risques et donc d'un problème du point de vue prudentiel.

89

Les nouveaux pouvoirs en matière de surveillance conférés en 2013 à la BCE l'ont expressément privée d'un rôle de prévention concernant l'utilisation du système financier à des fins de BC/FT40, ces prérogatives étant laissées aux autorités nationales chargées de la surveillance en matière de LBC/FT (ou, plus simplement, «autorités nationales de surveillance de la LBC/FT»). Les considérants du règlement MSU indiquaient que la BCE devait coopérer pleinement avec ces autorités41. Afin de lever l'incertitude juridique42 susceptible d'entourer ultérieurement cette coopération, des actes législatifs visant à faciliter une collaboration spécifique sont entrés en vigueur en 201843 et en 201944.

90

Dans les États membres, les autorités nationales de surveillance de la LBC/FT appartiennent le plus souvent au même organisme public que celui chargé de la surveillance prudentielle des banques. D'une manière générale, les représentants des États membres avec lesquels nous nous sommes entretenus ont souligné les synergies potentielles d'une telle approche au sein de leur cadre national.

91

Le mécanisme de surveillance unique (MSU) a été créé en 2014, mais notre audit porte sur les développements survenus entre 2018 et juin 2020. Notre objectif était d'examiner si la BCE faisait un usage efficient des facteurs de risque de BC/FT relevés dans le cadre de sa surveillance prudentielle.

92

Nous avons également vérifié si un cadre approprié était mis en place afin de faciliter un échange efficient d'informations entre la BCE et les autorités nationales de surveillance. Nous avons évalué s'il existait une méthodologie solide permettant d'intégrer de manière efficiente les implications prudentielles des risques de BC/FT dans la surveillance prudentielle continue effectuée par la BCE, notamment dans le cadre du processus de contrôle et d'évaluation prudentiels (ou SREP pour Supervisory Review and Evaluation Process).

93

Nous avons examiné les orientations applicables de l'ABE en matière de SREP, le manuel de la BCE consacré à la surveillance, les contrôles internes de la BCE ainsi que les informations statistiques y afférentes. Nous nous sommes également intéressés à leur mise en œuvre sur la base d'un échantillon de 12 banques45 placées sous la surveillance directe de la BCE. À cet égard, nous nous sommes concentrés sur les deux derniers cycles finalisés du SREP, en l'occurrence ceux de 2018 et de 2019. Nous avons composé notre échantillon en nous fondant sur les risques, l'accent étant mis sur les banques à propos desquelles la BCE communiquait le plus avec les autorités nationales de surveillance, et en veillant à une bonne répartition géographique.

En dépit de progrès, le partage d'informations entre les autorités nationales de surveillance et la BCE n'est pas pleinement efficient

94

Il est ressorti de nos entretiens avec le personnel de la BCE que l'interaction entre celle-ci et les autorités nationales de surveillance compétentes en matière de BC/FT avait, avant 2019, un caractère informel et passait par une surveillance continue, mais qu'elle ne se déroulait pas nécessairement sur une base uniforme et structurée. Nous n'avons trouvé aucun élément étayant cette affirmation, étant donné que les cycles SREP que nous avons évalués ne couvraient pas cette période.

95

En outre, la vaste majorité des autorités nationales de surveillance prudentielle disposent également d'un mandat pour la surveillance de la LBC/FT (voir figure 5). On parle alors d'«autorités de surveillance intégrées». L'étendue du partage d'informations au sein de ces autorités varie en raison de facteurs comme la structure organisationnelle et la législation nationale. Dans certains cas, les informations n'ont pas été partagées en interne, ce qui démontre le rôle que la BCE peut jouer pour faciliter leur échange.

Figure 5 

Responsabilités en matière de surveillance prudentielle et LBC/FT des banques

Remarque: La BCE ne coopère qu'avec les autorités nationales de surveillance des établissements financiers et de crédit.

Source: Cour des comptes européenne, sur la base de la législation concernée. Dans une petite minorité d'États membres, les autorités nationales en charge de la surveillance prudentielle et de la surveillance de la LBC/FT sont des organismes publics distincts.

96

Début 2019, la BCE et les autorités nationales de surveillance ont signé un accord sur les modalités pratiques des échanges d'informations («accord LBC»)46. Cet accord définissait en termes généraux les informations à échanger par les deux parties, y compris les procédures à suivre en cas de demandes d'informations ou d'échanges spontanés. Voir annexe VII pour de plus amples précisions.

97

Pour faciliter l'utilisation de l'accord LBC, la BCE a créé, fin 2018, une fonction de coordination horizontale au sein du MSU et lui a affecté six ETP afin de servir d'interface entre les autorités nationales de surveillance et les cellules de surveillance directe au sein de la BCE.

98

Entre le moment de la mise en œuvre de l'accord LBC en janvier 2019 et novembre 2019, la BCE n'a reçu, dans le cadre du cycle régulier annuel, aucune information relative à la surveillance de la LBC/FT de la part des autorités nationales de surveillance pour quelque établissement important (EI) que ce soit. En outre, au cours de cette même période, aucun échange d'informations au titre de l'accord LBC n'a eu lieu entre la BCE et les autorités nationales de surveillance à propos d'un tiers environ des banques placées sous la surveillance directe de la BCE.

99

D'un autre côté, de décembre 2019 à juin 2020, la BCE a reçu, dans le cadre du cycle régulier annuel, 152 ensembles d'informations concernant 110 banques. Le tableau 5 donne davantage de détails sur l'échange d'informations concernant les 120 banques importantes soumises à la surveillance directe de la BCE.

Tableau 5 

Récapitulatif des échanges d'informations entre la BCE et les autorités en charge de la LBC/FT au titre de l'accord LBC

Période Flux d'informations Échanges réguliers Échanges ponctuels (propre initiative) Échanges faisant suite à des demandes
De janvier 2019 à novembre 2019 BCE > autorité LBC/FT 75 échanges d'informations concernant 65 EI 15 échanges d'informations concernant 14 EI 0
Autorité LBC/FT > BCE 0 55 échanges d'informations concernant 32 EI 18 échanges d'informations (en réponse à 19 demandes adressées par la BCE) concernant 15 EI
De décembre 2019 à juin 2020 BCE > autorité LBC/FT 79 échanges d'informations concernant 69 EI 8 échanges d'informations concernant 8 EI 4 échanges d'informations (en réponse à 4 demandes adressées par l'autorité LBC/FT) concernant 4 EI
Autorité LBC/FT > BCE 152 échanges d'informations concernant 110 EI 17 échanges d'informations concernant 13 EI 1 échange d'informations (en réponse à 3 demandes adressées par la BCE) concernant 3 EI

Source: Cour des comptes européenne, sur la base des informations statistiques fournies par la BCE.

100

Les données indiquées dans le tableau 5 ainsi que nos travaux d'audit montrent que l'échange d'informations est devenu plus courant et plus systématique depuis la mise en place de l'accord LBC au début de 2019, étant donné que les échanges réguliers entre la BCE et les autorités compétentes pour la LBC/FT sont devenus plus fréquents à partir du premier semestre 2020.

101

La BCE a établi des modèles standard pour la demande et la transmission d'informations relatives à la LBC/FT aux autorités nationales de surveillance, qu'il s'agisse d'un échange régulier ou d'une démarche ponctuelle. La BCE a également mis en place un cadre destiné à fournir des informations aux autorités compétentes en matière de LBC/FT, telles que les mesures de surveillance concernant les manquements relatifs à la gouvernance interne.

102

Dans certains cas, nous avons constaté des intervalles allant jusqu'à six mois dans la transmission d'informations par la BCE aux autorités nationales de surveillance, par exemple en ce qui concerne les extraits portant sur la LBC/FT dans les décisions SREP, les informations provenant de la surveillance hors site effectuée par la BCE ainsi que celles sur les transactions suspectes liées à des prêts non performants. Bien que l'accord LBC ne comporte pas de délais clairs, ces lenteurs s'expliquent essentiellement par les multiples niveaux hiérarchiques d'approbation nécessaires au sein de la BCE47, dont très peu de managers bénéficient d'une délégation de pouvoirs en matière de partage d'informations. Cette situation peut engendrer des retards dans la prise des mesures nécessaires par les autorités nationales de surveillance.

103

Les documents fournis par les autorités nationales de surveillance (les rapports d'inspection sur place, par exemple) variaient en étendue et en qualité et n'ont pas toujours été fournis à temps. Dans certains cas, les autorités nationales de surveillance ont partagé des extraits, voire l'intégralité, des rapports des inspections sur place avec la BCE. Pour d'autres banques, seule une synthèse a été fournie.

104

L'ABE s'emploie actuellement à élaborer des orientations concernant la coopération et l'échange d'informations entre les autorités de surveillance prudentielle, les autorités de surveillance de la LBC/FT et les CRF. Ces orientations devraient être disponibles pour consultation publique au cours du second trimestre de 2021 et donneront des indications plus claires.

Les autorités nationales de surveillance suivent des méthodologies différentes, et les orientations de l'ABE sur les évaluations de la surveillance ne sont pas suffisamment spécifiques

105

Dans notre échantillon de banques, nous avons également constaté que les autorités nationales de surveillance utilisent des méthodologies très différentes pour leurs évaluations de la LBC/FT (par exemple des échelles et des critères différents pour noter le risque), principalement en raison du manque d'harmonisation du cadre juridique. Cette situation se traduit par une probabilité accrue de voir la BCE prendre en compte de manière variable les problèmes prudentiels liés aux risques de BC/FT dans sa surveillance prudentielle des banques issues de juridictions différentes, bien qu'il n'entre pas dans ses compétences de remettre en cause ces notes ou les méthodologies d'évaluation des risques. L'ABE a entamé un cycle de consultations sur les modifications à apporter à ses orientations en matière de surveillance de la LBC/FT en fonction des risques.

106

Seules les orientations révisées de l'ABE sur le SREP de juillet 201848 comportent une référence explicite – quoique générale – à la lutte contre le blanchiment. Les orientations internes de la BCE revêtaient également un caractère général.

107

Une base juridique explicite relative à l'intégration du risque de BC/FT dans la surveillance prudentielle n'est réellement apparue qu'en juin 2019 (voir point 89). Elle a elle aussi nécessité une transposition dans les États membres.

108

Après avoir été invitée par le Conseil à produire des orientations appropriées, l'ABE a publié deux avis. Toutefois, en raison de l'absence de cadre juridique harmonisé et d'orientations détaillées de l'ABE, les autorités de surveillance prudentielle en général et la BCE en particulier ne disposent pas d'un jeu complet d'informations et d'outils permettant de prendre systématiquement en considération les implications prudentielles des risques de BC/FT dans le cadre du SREP.

109

La BCE a mis à jour son propre manuel de surveillance au début de 2020, l'alignant sur les orientations existantes de l'ABE. La pratique de surveillance implique d'actualiser les manuels internes lorsqu'il existe des orientations de l'ABE, par exemple sur la manière dont les problèmes concernant la LBC/FT et les éléments liés à la surveillance peuvent influencer la note SREP générale.

110

Lors des cycles 2018 et 2019 du SREP, la BCE n'a procédé à aucun contrôle de cohérence afin de déterminer comment les problèmes de BC/FT avaient été pris en considération dans ses évaluations SREP, alors qu'elle l'a fait pour le cycle 2020 du SREP49. En ce qui concerne les banques de notre échantillon, nous avons trouvé des éléments attestant que la BCE avait tenu compte d'informations en lien avec le BC/FT dans ses décisions SREP en 2018 et 2019. Si des banques présentaient des faiblesses avérées en matière de LBC/FT, la BCE a formulé des recommandations afin de remédier aux insuffisances prudentielles. Dans une minorité de cas, les agents ont examiné les informations fournies par les autorités nationales de surveillance, mais les ont jugées trop peu significatives à des fins prudentielles. Les décisions SREP (ou leurs parties concernées) ont été adressées à la fois aux banques et aux autorités nationales de surveillance. La BCE n'est pas chargée de vérifier les mesures prises par les autorités nationales de surveillance pour leurs activités clés, mais doit seulement leur faire prendre conscience de ces informations.

111

Dans l'ensemble, la BCE a bien entamé l'intégration du risque de BC/FT dans la surveillance prudentielle. Elle doit toutefois améliorer l'efficience de sa prise de décision et devra, au même titre que les autorités nationales de surveillance, intégrer les prochaines orientations de l'ABE.

Conclusions et recommandations

112

Globalement, nous avons constaté que l'action menée par l'UE pour lutter contre le BC/FT présente des faiblesses. Citons une fragmentation institutionnelle et une coordination insuffisante au niveau de l'Union lorsqu'il est question d'agir pour prévenir le BC/FT et de prendre des mesures là où des risques ont été détectés(voir points 50 à 66). Les organes de l'UE que nous avons audités disposent actuellement d'outils limités pour garantir une application suffisante des cadres LBC/FT au niveau national (voir points 67 à 86 et 87 à 111). Il n'existe pas d'autorité de surveillance unique au niveau de l'UE pour la LBC/FT et les prérogatives de l'Union dans ce domaine sont réparties entre plusieurs entités, tandis que la coordination avec les États membres s'effectue séparément.

113

À l'heure actuelle, la principale approche suivie par l'Union pour protéger son secteur bancaire contre le BC/FT consiste à imposer des obligations légales, le plus souvent sous la forme de directives. Les États membres sont tenus de transposer ces dernières et portent la majeure partie de la responsabilité de la lutte contre le BC/FT au moyen de leurs cadres nationaux de surveillance. Ils sont également chargés de veiller à ce qu'elles soient respectées. Dans les faits, l'application du droit de l'Union en matière de LBC/FT diffère d'un État membre à l'autre.

114

Lors de l'établissement de la liste des pays tiers de 2019, la Commission a fait bon usage des renseignements disponibles (notamment ceux d'Europol) et a appliqué sa méthodologie de manière appropriée (points 31 à 37). Dans un premier temps, le SEAE n'a pas fourni à la Commission les informations demandées pour établir la liste, et la communication avec les pays tiers figurant sur celle-ci manquait d'homogénéité (point 28). En dépit de ses tentatives pour dresser une liste autonome de l'UE, la Commission n'est pas encore parvenue à aller au-delà de la liste du GAFI, faute du feu vert du Conseil (points 35 et 36).

115

La méthodologie suivie par la Commission pour l'évaluation des risques ne hiérarchise pas clairement les risques de BC/FT dans la SNRA, pas plus qu'elle ne précise quand il faut revoir la situation des secteurs concernés par l'évaluation des risques (point 44). La Commission n'a pas effectué de mise à jour intermédiaire de la SNRA, bien qu'elle en ait la compétence, et elle néglige la dimension géographique (point 46). Elle n'a pas encore publié de statistiques sur le BC/FT, bien que cela fasse partie de ses nouvelles obligations légales, ce qui complique l'évaluation de l'ampleur actuelle du BC/FT dans l'UE (point 48).

Recommandation n° 1 – La Commission devrait améliorer ses évaluations des risques

La Commission devrait:

  1. hiérarchiser davantage les secteurs en fonction des risques tout au long de l'exercice d'évaluation supranationale des risques, c'est-à-dire de la planification au suivi, en spécifiant quand et pourquoi leur statut évolue, en procédant à des mises à jour pour les secteurs en rapide mutation et en ajoutant, le cas échéant, une dimension géographique;
  2. mettre en œuvre la nouvelle méthodologie afin de générer une liste des pays tiers qui soit propre à l'UE, en travaillant en étroite concertation avec le SEAE et les États membres pour garantir la prise en compte des renseignements disponibles et en communiquant à un stade précoce avec les pays tiers de la liste;
  3. mettre en place des outils pour atténuer le risque de BC/FT présenté par les pays tiers au niveau de l'entité ou du secteur concerné.

Quand? D'ici à fin 2021.

116

La transposition de la directive anti-blanchiment est complexe. Dans la plupart des cas, les États membres ont été lents à l'effectuer. Très souvent, leur communication à la Commission des avancées de la transposition était incomplète ou tardive (points 60 à 62). Néanmoins, nous avons relevé des cas où l'évaluation de la Commission prenait plus de temps que les délais prévus dans ses propres lignes directrices internes (point 58). Le personnel dévolu aux travaux de la Commission relatifs à l'évaluation de la transposition était insuffisant (voir point 65), et le recours à l'externalisation avait ses limites (point 56). Tous ces facteurs conjugués ont freiné la Commission dans la prise de mesures en cas de non-transposition.

117

Cette lenteur dans la transposition a contribué à l'émergence d'un cadre juridique hétérogène au niveau des États membres (point 58) et a accru le risque de failles exploitables par les blanchisseurs d'argent. Les ateliers organisés par la Commission se sont révélés un outil utile pour soutenir la capacité administrative des États membres (point 53). Malgré ces orientations de bonne qualité de la part de la Commission, ces derniers ont mis longtemps à transposer la législation et ont surestimé l'ampleur de ce qu'ils avaient accompli (voir point 54). D'une manière générale, cela montre que, pour un domaine aussi complexe que la législation en matière de LBC/FT, il vaut mieux recourir à des règlements plutôt qu'à des directives pour parvenir à une égalité de traitement dans l'UE.

Recommandation n °2 – La Commission devrait garantir que la législation en matière de LBC/FT soit applicable de manière cohérente et immédiatement

Dans la mesure du possible, la Commission devrait opter pour un règlement plutôt que pour une directive.

Quand? D'ici à fin 2021.

118

En matière de coordination, la Commission effectue peu d'analyses de sa propre initiative avant de demander à l'ABE d'ouvrir une enquête pour violation potentielle du droit de l'Union. Elle se fie essentiellement à des rapports publics (point 71).

119

D'une manière générale, les agents de l'ABE ont effectué à temps leurs enquêtes relatives aux violations présumées du droit de l'Union en matière de LBC/FT et ont respecté à cet égard les orientations internes (point 76). Cela étant, l'ABE a mis un temps excessif pour décider d'enquêter ou non sur certains cas (points 74 et 75) et n'a ouvert aucune enquête de sa propre initiative (point 70). Nous avons trouvé à l'ABE des éléments révélant des pressions exercées sur les membres d'un groupe d'experts chargé d'examiner un cas de violation potentielle du droit de l'Union en matière de LBC/FT. L'Autorité ne dispose pas de règles spécifiques pour empêcher ce type de lobbying (points 78 et 79). En ce qui concerne les violations du droit de l'Union, le processus décisionnel de l'ABE n'est pas suffisamment orienté vers l'UE en raison de l'influence des autorités nationales de surveillance. En outre la clôture de cas sans enquête montre que l'ABE répugne à effectuer des enquêtes sur de possibles violations du droit de l'Union en matière de LBC/FT. De ce fait, l'Autorité n'a conclu qu'à un seul cas positif de violation du droit de l'Union dans ce domaine depuis qu'elle a été habilitée en 2010 à mener des enquêtes.

120

Tous ces éléments conjugués donnent à penser que les mécanismes d'enquête sur les violations du droit de l'Union ne contribuent pas à une application uniforme de la législation en matière de LBC/FT dans l'UE, mettant ainsi en péril l'intégrité du marché unique.

Recommandation n° 3 – L'ABE et la Commission devraient faire meilleur usage de leurs prérogatives concernant les enquêtes sur les violations potentielles du droit de l'Union en matière de LBC/FT

La Commission devrait:

  1. mettre en place des orientations internes au niveau de la direction générale responsable pour les demandes relatives aux violations du droit de l'Union en matière de LBC/FT;
  2. utiliser les informations relatives aux cas concernés lorsqu'elle use de ses pouvoirs juridiques pour garantir la bonne application du droit de l'UE;
  3. proposer des modifications législatives afin d'apporter une clarté juridique sur les informations que devrait partager avec elle, au cours du processus, l'organe compétent en matière d'enquêtes sur les plaintes pour violation du droit de l'Union.
  4. L'ABE devrait:

  5. veiller à prendre dans un délai raisonnable une décision d'enquêter ou non lorsqu'elle est saisie d'un cas de violation potentielle du droit de l'Union;
  6. mettre en place des règles afin d'empêcher les membres de son conseil des autorités de surveillance d'essayer d'influencer les membres d'un groupe d'experts lors de ses délibérations.

Quand? D'ici à fin 2021.

121

Conformément à ses nouvelles obligations, la BCE a instauré un cadre visant à intégrer les informations en lien avec le BC/FT dans sa surveillance prudentielle et échange activement des informations relatives au risque de BC/FT avec les autorités nationales de surveillance. Toutefois, la communication de ces données par la BCE manque d'efficience en raison de son processus décisionnel laborieux (point 102). La BCE n'a pas la responsabilité ni le pouvoir de vérifier comment les autorités nationales de surveillance utilisent les informations qu'elle leur transmet. Il n'existe pas d'autorité de surveillance de la LBC/FT au niveau de l'UE, de sorte que, in fine, ce sont les autorités nationales qui sont chargées de contrôler la conformité et de prendre des mesures (point 07).

122

Les autorités nationales de surveillance de la LBC/FT ont commencé à fournir à la BCE des rapports bancaires qui présentent un intérêt du point de vue prudentiel. Cependant, ces documents varient quant à leur étendue en raison de pratiques nationales différentes et du fait que la mise à jour des orientations de l'ABE destinées aux autorités de surveillance de la LBC/FT est toujours en cours d'élaboration (point 117). Cela réduit la possibilité pour la BCE de véritablement en tenir compte dans ses évaluations prudentielles (points 108 et 109). Sur la base de notre échantillon, nous pouvons conclure que la BCE intègre désormais le risque de BC/FT dans sa surveillance prudentielle (points 110 et 111).

Recommandation n° 4 – L'ABE et la BCE devraient s'efforcer de mieux intégrer le risque de BC/FT dans la surveillance prudentielle

L'ABE devrait:

  1. améliorer ses orientations relatives à l'intégration du risque de BC/FT dans la surveillance prudentielle;
  2. Quand? D'ici à la fin du premier trimestre 2022.

  3. finaliser les orientations relatives à l'approche fondée sur les risques pour la surveillance de la LBC/FT afin de permettre une plus grande cohérence dans les évaluations LBC des entités surveillées;
  4. Quand? D'ici à fin 2021.

  5. préciser, dans ses orientations sur la coopération et l'échange d'informations, le contenu des informations à partager ainsi que les délais pour ce faire.
  6. Quand? D'ici à fin 2021.

    La BCE devrait:

  7. mettre en place une stratégie interne visant un échange plus efficient des informations relatives au BC/FT avec les autorités nationales de surveillance;
  8. Quand? D'ici à la fin du premier trimestre 2022.

  9. mettre à jour sa méthodologie afin d'intégrer le risque de BC/FT dans la surveillance prudentielle une fois que les orientations actualisées de l'ABE auront été publiées.
  10. Quand? D'ici à la fin du deuxième trimestre 2022.

123

Vu le niveau élevé d'intégration transfrontalière dans le secteur bancaire de l'UE, les insuffisances caractérisant la conception et la mise en œuvre actuelles du cadre de l'UE en matière de LBC/FT (voir point 112) représentent un risque pour l'intégrité du marché financier et la confiance du public. La réforme législative annoncée (voir points 13 à 15) est l'occasion pour la Commission, le Parlement européen et le Conseil de remédier aux faiblesses décelées (voir points 364966 et 86) et à la fragmentation du cadre de l'UE en matière de LBC/FT.

Le présent rapport a été adopté par la Chambre IV, présidée par M. Alex Brenninkmeijer, Membre de la Cour des comptes, à Luxembourg en sa réunion du 20 mai 2021.

Par la Cour des comptes

Klaus-Heiner Lehne
Président

Annexes

Annexe I – Le cadre juridique de l'UE

L'UE a adopté sa première directive anti-blanchiment en 1991. Sa cinquième version, qui est la dernière à ce jour, est la directive (UE) 2018/843 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018. Les États membres avaient jusqu'au 10 janvier 2020 pour la transposer en droit national et en mettre en œuvre les dispositions. Avec le temps, la portée de la directive est devenue de plus en plus vaste et, en ce qui concerne le secteur bancaire, couvre:

  1. la conservation des documents et pièces tant par les établissements financiers que par d'autres parties, comme des avocats, des notaires, des comptables et agences immobilières;
  2. les définitions complètes de toute une série d'activités criminelles;
  • les exigences en matière d'identification, de traçage, de saisie et de confiscation de biens et de produits du crime;
  • les mesures visant à lutter contre le financement du terrorisme;
  • la transparence dans le transfert de fonds;
  • les exigences en matière de partage d'informations relatives au blanchiment de capitaux entre les États membres;
  • l'extension aux actifs numériques (cryptomonnaies).

Par ailleurs, d'autres actes législatifs de l'UE complètent la directive anti-blanchiment:

  • le règlement sur les virements électroniques, qui vise à aider les services répressifs à repérer les terroristes et les criminels en rendant les transferts plus transparents;
  • la directive visant à lutter contre le blanchiment de capitaux au moyen du droit pénal, qui garantit des définitions similaires des infractions à la LBC/FT dans l'ensemble de l'UE, ainsi que des sanctions minimales;
  • des normes techniques, des avis et des orientations destinés aux autorités nationales, élaborés par au moins une des trois autorités européennes de surveillance (ABE, AEMF50 et AEAPP51) et adoptés par la Commission pour les traduire en droit sous la forme de règlements délégués.

Annexe II – Comparaison entre les quatrième et cinquième directives anti-blanchiment

Quatrième directive anti-blanchiment (directive (UE) 2015/849) Cinquième directive anti-blanchiment (directive (UE) 2018/843)
Publication: 20 mai 2015
Entrée en vigueur: 26 juin 2017
Publication: 19 juin 2018
Entrée en vigueur: 10 janvier 2020
• Évaluation des risques au niveau de l'UE (SNRA) et évaluation des risques requise au niveau national
• Bénéficiaires effectifs
• Responsabilités du pays d'origine et du pays d'accueil pour les entreprises opérant également dans d'autres États membres
• Renforcement des pouvoirs des CRF
• Simplification des obligations en matière de vigilance
• Jeu: extension à tous les services de jeux d'argent et de hasard
• Modification et extension de la définition des personnes politiquement exposées
• Déclarations d'activités suspectes
• Possibilité d'étendre à 10 ans la durée de conservation des documents et pièces
• Paiements en liquide: abaissement à 10 000 euros du plafond au-delà duquel un contrôle LBC est déclenché
• Amélioration des travaux des CRF en leur offrant un meilleur accès à l'information via des registres de comptes bancaires centralisés
• Amélioration de la coopération entre les autorités de surveillance de la LBC/FT et la BCE
• Renforcement du rôle de surveillance de l'ABE
• Élargissement des critères d'évaluation des pays tiers à haut risque et mise en place d'une série commune de garanties élevées pour les flux financiers en provenance de ces pays
• Levée de l'anonymat sur les cartes prépayées
• Interconnexion des registres des bénéficiaires effectifs au niveau de l'UE
• Liste des personnes politiquement exposées
• Transparence accrue concernant les propriétaires des entreprises et des fiducies
• Nouvelles règles concernant les cryptomonnaies

Annexe III – Différents processus d'établissement des listes dans l'UE

Pays et territoires non coopératifs à des fins fiscales Mesures restrictives (sanctions) Liste des pays tiers en matière de LBC/FT
Liste • Liste des pays et territoires non coopératifs à des fins fiscales • Liste des sanctions autonomes de l'UE, y compris les mesures approuvées par le Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations unies (pour mettre en œuvre les résolutions de celui-ci) • Pays tiers à haut risque dont le régime de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme présente des lacunes stratégiques
Objectifs de l'UE
➢ Améliorer la bonne gouvernance fiscale à l'échelle mondiale (objectif général)
➢ Veiller à ce que les partenaires internationaux de l'UE respectent les mêmes normes que les États membres de l'Union
➢ Encourager les changements positifs dans la législation et les pratiques fiscales par la coopération
➢ Combattre la fraude et l'évasion fiscales et le blanchiment de capitaux; outil pour garantir une égalité de traitement
➢ Faire pression sur les paradis fiscaux pour qu'ils appliquent des règles et des normes afin de parvenir à la transparence, à une concurrence fiscale loyale et à la mise en œuvre des normes internationales de lutte contre l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices

➢ Instrument de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) de l'UE, par l'intermédiaire duquel celle-ci peut intervenir lorsque cela s'avère nécessaire pour prévenir les conflits ou réagir à des crises émergentes ou actuelles
➢ Susciter un changement de politique ou d'activité
➢ Mettre en œuvre les résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU ou poursuivre les objectifs de la PESC, notamment promouvoir la paix et la sécurité internationales, prévenir les conflits, soutenir la démocratie, l'état de droit et les droits de l'homme, et défendre les principes du droit international
➢ Soutenir la lutte contre le terrorisme et contre la prolifération des armes de destruction massive

➢ Une politique défensive visant à protéger l'intégrité du marché intérieur contre les juridictions des pays tiers qui représentent une menace importante pour le système financier de l'Union
Établissement d'une liste restreinte
➢ Phase de sélection: les États membres sont sélectionnés sur la base d'un tableau de bord neutre d'indicateurs.
➢ Phase d'examen: il est tenu compte des travaux du Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales ainsi que du cadre inclusif de l'OCDE visant à lutter contre l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices. Critères d'évaluation généraux: respect de plusieurs normes de l'OCDE.

➢ Certains régimes de sanctions sont imposés par le Conseil de sécurité de l'ONU; d'autres sont adoptés de manière autonome par l'UE sur la base des informations fournies par le SEAE, les États membres, les délégations de l'UE et la Commission européenne.
➢ Les mesures restrictives doivent toujours être conformes au droit international, respecter les droits de l'homme et les libertés fondamentales, en particulier le droit à un procès équitable et le droit à un recours effectif.

➢ La Commission tient compte des informations fournies par le GAFI et d'autres organismes régionaux similaires, inclut un inventaire d'autres informations pertinentes relevant du domaine public et examine les informations privées dont disposent d'autres organes de l'UE (par exemple Europol et le SEAE).
Principal rôle des institutions de l'UE
➢ La liste se fonde sur une communication de la Commission sur une stratégie extérieure pour une imposition effective présentée dans le train de mesures de lutte contre l'évasion fiscale de 2016; la Commission européenne est chargée d'établir un tableau de bord neutre d'indicateurs.
➢ Le Conseil de l'Union européenne (groupe «Code de conduite (fiscalité des entreprises)») examine la liste des pays; c'est lui qui, finalement, adopte et révise la liste.

➢ Conseil de l'Union européenne: adoption (règlement), renouvellement ou levée des régimes de sanctions, sur la base de propositions du haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité
➢ La Commission européenne:
• élabore des propositions de règlements sur les sanctions en vue d'une adoption par le Conseil;
• affirme sa position lors des discussions sur les sanctions avec les États membres au groupe des conseillers pour les relations extérieures du Conseil;
• transpose certaines sanctions prévues par l'ONU dans le droit de l'UE;
• surveille la mise en œuvre et l'application des sanctions de l'UE dans les États membres;
• soutient les États membres dans leurs efforts pour appliquer les sanctions;
• accroît la résilience de l'UE aux sanctions extraterritoriales adoptées par des pays tiers.
➢ SEAE: il est chargé d'élaborer et de revoir les régimes de sanctions en coopération avec les États membres, les délégations de l'UE concernées et la Commission européenne.

➢ La Commission est juridiquement tenue de recenser les pays extérieurs à l'UE dont le cadre national de LBC présente des insuffisances et qui constituent dès lors un risque pour le système financier de l'UE. Elle s'appuie sur les classements figurant dans son «tableau de bord fiscal» de 2016, qui classe les pays en fonction de leurs liens économiques avec l'UE, de la taille relative du secteur financier et du niveau de corruption.
➢ La Commission adopte la liste des pays tiers à haut risque au moyen d'un «acte délégué»: obligation de consulter l'EGMLTF ainsi que le Parlement européen avant son adoption.
➢ La liste est proposée par la Commission; le Parlement ou le Conseil peut rejeter cette proposition dans les 30 jours.
Renouvellement
➢ Au moins une fois par an et, à partir de 2020, deux fois par an.

➢ Les dispositions autonomes de l'UE font l'objet d'un réexamen au moins une fois tous les douze mois. Le Conseil peut décider à tout moment de les modifier, de les étendre ou de les suspendre temporairement.

➢ Une fois par an, mais une plus grande fréquence est possible.
Cibles
➢ Seules des juridictions hors UE peuvent figurer dans la liste.
➢ Les juridictions qui sont des pays et territoires d'outre-mer de l'UE (sans pour autant en faire partie) peuvent également y figurer.

➢ Des gouvernements de pays non membres de l'UE (en raison de leurs politiques)
➢ Des entreprises (fournissant les moyens de mener les politiques visées)
➢ Des groupes ou organisations (par exemple des groupes terroristes)
➢ Des personnes (qui soutiennent les politiques visées, qui prennent part à des activités terroristes, etc.)
➢ Les sanctions ont un effet dans les pays tiers, mais les mesures ne s'appliquent que sur le territoire de l'UE. Les obligations qu'elles imposent sont contraignantes pour les ressortissants de l'UE ou les personnes établies dans l'UE ou y exerçant des activités.

➢ Les pays et territoires qui ne font pas partie de l'Espace économique européen: ils peuvent en principe inclure les pays et territoires d'outre-mer de l'UE qui ne font pas partie de l'Union.
Impact
➢ Mesures défensives de l'UE dans les domaines non fiscaux:
• les institutions et les États membres de l'UE doivent prendre en considération la liste de l'Union dans les domaines suivants: la politique étrangère, la coopération au développement et les relations économiques avec les pays tiers;
• la Commission européenne doit tenir compte de la mise en œuvre des opérations de financement et d'investissement de l'UE, entre autres de l'EFSI et du FEDD.
➢ Mesures défensives de l'UE dans les domaines fiscaux

➢ L'UE a mis en place plus de quarante régimes de sanctions différents. Selon le régime concerné, la sanction peut être un embargo sur les armes, une restriction à l'admission (interdictions de voyager), un gel des avoirs ou d'autres mesures économiques telles que des restrictions à l'importation et à l'exportation.

➢ Cela a un impact sur une entreprise établie dans l'UE et entretenant des relations commerciales avec une personne ou une entreprise établie dans un pays de la liste. L'entité assujettie établie dans l'UE (une banque, par exemple) doit renforcer sa vigilance à l'égard de la clientèle lorsqu'elle traite avec un pays tiers figurant dans la liste. Ce niveau de vigilance est supérieur à celui d'une vigilance normale et peut impliquer des vérifications plus poussées de l'identité d'un client, des bénéficiaires effectifs et/ou de l'origine des fonds.

Annexe IV – Tableau comparatif UE – États-Unis

Recommandation du GAFI Dans l'UE Niveau Aux États-Unis Niveau
1 Évaluation des risques et application d'une approche fondée sur les risques L'UE publie tous les deux ans une évaluation supranationale des risques. L'ABE publie également parfois des évaluations sectorielles des risques. Les États membres sont eux aussi tenus de publier leurs propres évaluations des risques. Les autorités de surveillance et les entités assujetties sont censées en tenir compte dans le cadre de leurs activités. État membre et UE Coopération interagences pour évaluer les risques, avec des mises à jour annuelles ou semestrielles: les États-Unis appliquent un nombre élevé de processus complémentaires pour cerner et évaluer les risques de BC/FT, avec, comme corollaire, un large éventail de produits. Des évaluations des risques destinées à appuyer les stratégies présidentielles en matière de sécurité nationale sont effectuées par les administrations publiques compétentes, avec le concours des services de renseignement, des autorités répressives et des agences en charge des politiques participant à la LBC/FT, y compris le FinCEN, qui signale les risques et tendances en matière de BC/FT mis en évidence par le régime de notification. Fédéral
9 Législation en matière de secret bancaire Les États membres doivent mettre en place des lois garantissant que les informations peuvent être partagées avec les autorités fiscales et les services répressifs. Dans le cadre de la directive anti-blanchiment, les autorités de surveillance doivent être habilitées à imposer la production de toute information utile au contrôle de conformité. État membre Le Right to Financial Privacy Act (RFPA) (12 USC 3401-22.) régit la manière dont les agences fédérales américaines obtiennent des informations auprès des établissements financiers et dans quelles circonstances celles-ci peuvent être divulguées. Il met en place certaines garanties avant que les banques ne puissent dévoiler des informations sur leurs clients aux autorités répressives ou de surveillance. Fédéral
10-11 Vigilance à l'égard de la clientèle et conservation des documents et pièces Il est interdit aux banques de l'UE de tenir des comptes anonymes. Elles sont obligées de faire preuve de vigilance à l'égard de la clientèle pour toute activité nouvelle ou existante. Elles sont tenues de conserver les documents et pièces pendant une période donnée et de les transmettre aux autorités de surveillance (sur demande). État membre La tenue de comptes anonymes ou de comptes ouverts sous un nom manifestement fictif n'est pas expressément interdite. Les banques sont toutefois tenues de mettre en œuvre des procédures fondées sur les risques pour vérifier l'identité de chaque client de manière à pouvoir raisonnablement penser qu'elles connaissent l'identité réelle du client en question. Il ne leur est pas demandé explicitement d'identifier et de vérifier l'identité des personnes autorisées à agir au nom des clients. Les banques sont généralement tenues de conserver les documents et pièces pendant cinq ans au moins. État
12-16 Mesures supplémentaires pour des clients et activités spécifiques Les mesures relatives aux personnes politiquement exposées et aux activités de correspondant bancaire sont gérées au niveau de l'État membre. Les transferts de fonds ainsi que les virements électroniques sont soumis à certaines obligations fondées sur le droit de l'UE directement applicable, comme le règlement sur les virements électroniques (règlement (UE) 2015/847). État membre et UE En ce qui concerne les activités de correspondant bancaire, chaque banque concernée est tenue d'établir des politiques, procédures et contrôles appropriés et spécifiques qui soient suffisamment bien pensés pour déceler et signaler les cas de BC au niveau de ces comptes. Qu'ils soient formels ou informels, les fournisseurs de services de transfert de fonds et de virements électroniques sont soumis aux obligations imposées par la loi sur le secret bancaire (Bank Secrecy Act ou BSA), dont un enregistrement auprès du FinCEN.
17-19 Recours à des tiers, contrôles et groupes financiers Les États membres peuvent permettre aux entités assujetties de recourir à des tiers pour l'exécution des obligations de vigilance, moyennant le respect de certaines normes. Des normes existent en matière de contrôle de LBC pour les banques transfrontalières, et les autorités nationales de surveillance sont censées coopérer au sein des collèges. En ce qui concerne les pays tiers à haut risque, l'UE adopte une liste, et les entités assujetties sont supposées mettre en place une vigilance renforcée lorsqu'elles traitent avec eux. État membre et UE Les établissements financiers couverts sont tenus d'établir des programmes de LBC prévoyant au moins:
a) l'élaboration de stratégies, de procédures et de contrôles internes, b) la désignation d'un responsable de la vérification de la conformité suffisamment averti pour garantir le respect de toutes les obligations découlant du BSA, c) l'organisation d'un programme de formation continue pour le personnel, et d) la création d'une fonction indépendante de vérification de la conformité afin de tester les programmes.
En ce qui concerne les pays tiers à haut risque, les établissements financiers sont tenus de faire preuve d'une vigilance renforcée à l'égard des comptes de correspondants établis ou tenus aux États-Unis pour certaines catégories de banques étrangères. La liste est adoptée par le FinCEN au niveau fédéral.
État
20-21 Déclarations de transactions suspectes Les entités assujetties des États membres sont tenues de déclarer les activités ou transactions suspectes à la cellule nationale de renseignement financier (CRF). Les CRF disposent d'une plateforme pour échanger des renseignements au niveau de l'UE (FIU.net). Europol, l'agence de police européenne, rassemble et diffuse également des renseignements sur les types d'activités de blanchiment de capitaux. État membre et UE Les États-Unis imposent la déclaration des transactions suspectes aux établissements financiers couverts. Ceux-ci sont tenus de signaler sur-le-champ aux autorités répressives toute violation requérant une attention immédiate, comme les pratiques de BC et toute activité terroriste en cours. À l'exception des faits à signaler sans délai, les déclarations de transactions suspectes doivent être déposées auprès du FinCEN. État
24-25 Transparence et bénéficiaires effectifs des personnes morales et des constructions juridiques La législation de l'UE en matière de LBC fait obligation aux États membres de rassembler des informations sur les bénéficiaires effectifs dans des registres centraux et interconnectés. Des sanctions doivent également être prévues en cas de non-respect. Toutefois, il n'existe pas de registre commun au niveau de l'UE pour les informations sur les bénéficiaires effectifs. État membre La constitution d'entités juridiques américaines est régie par la législation de l'État concerné. Chacun des 56 États et territoires ainsi que le District of Columbia dispose de ses propres lois en matière de constitution et de gouvernance des entités juridiques. Une fois celles-ci constituées, elles sont également concernées par la législation fédérale dans certains domaines (par exemple le droit pénal, la régulation du marché financier et la fiscalité). En 2016, le GAFI a estimé que les États-Unis présentaient des lacunes en matière de coordination dans ce domaine, en particulier parce que les autorités compétentes ne pouvaient pas toujours obtenir ou consulter en temps utile des informations adéquates, exactes et actuelles sur les bénéficiaires effectifs et le contrôle des personnes morales. État
26-28 Réglementation et surveillance La législation applicable est définie au niveau de l'UE et se présente essentiellement sous la forme d'une directive. Celle-ci définit les obligations de certains organes de l'UE tels que la Commission et l'ABE. Les États membres doivent également transposer certaines exigences en droit national. Chaque État membre doit disposer d'une ou de plusieurs autorités de surveillance en matière de blanchiment de capitaux pour les entités assujetties relevant de sa juridiction.
Dans la pratique, des normes techniques de réglementation sont définies au niveau de l'UE. Les banques et les autorités nationales de surveillance sont supposées s'y conformer. La supervision de l'UE est assurée par la Commission, qui est habilitée à lancer des procédures d'infraction lorsqu'un État membre ne met pas la législation en place. Par ailleurs, l'ABE peut enquêter et formuler des recommandations si une violation potentielle du droit de l'Union en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux a été détectée.
État membre et UE En raison du caractère international tant du système financier que de la grande criminalité et du terrorisme, le gouvernement fédéral s'est attribué le premier rôle dans l'élaboration et l'application de la législation dans les domaines de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Le droit d'un État peut être supplanté lorsque le Congrès inclut explicitement une clause de préemption, lorsqu'une loi d'un État est contraire à une loi fédérale ou lorsque les États n'ont pas le droit de réglementer les pratiques dans un domaine que le Congrès considère comme du ressort exclusif des autorités fédérales. Les régulateurs fédéraux (OCC, Federal Reserve, FDIC, NCUA, etc.) possèdent des pouvoirs d'examen et d'exécution délégués par le FinCEN.
La base juridique est le BSA de 1970 et sa mise en œuvre, ce texte ayant été renforcé en 2001 par le USA Patriot Act. Le système américain de LBC/FT met fortement l'accent sur l'exécution de la loi. Toutes les autorités répressives (fédérales, d'État et locales) ont un accès direct aux déclarations d'activités suspectes déposées auprès du FinCEN. L'une des particularités majeures réside dans l'approche passant par une task force interagences, qui intègre des autorités de tous les niveaux (fédéral, d'État et local). Cette approche est largement utilisée dans la LBC/FT et les enquêtes sous-jacentes. Elle s'est révélée très efficace dans des cas importants et complexes impliquant des montants élevés.
Fédéral et État
33 Statistiques Le cadre juridique de l'UE impose aux États membres d'établir des statistiques sur le BC et de les transmettre à Eurostat, l'Office statistique de l'Union européenne. Eurostat est ensuite tenu de les communiquer, mais cette obligation légale entre à peine en vigueur. Dans l'intervalle, il n'existe guère de données quantitatives systématiques sur les volumes que représentent le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. État membre et UE Les États-Unis tiennent des statistiques exhaustives, sauf sur les enquêtes, les poursuites et les condamnations liées au BC dans les États, ou des statistiques sur les avoirs gelés, saisis et confisqués au niveau des États. Fédéral et État
35 Sanctions Les États membres ont l'obligation d'habiliter des autorités de surveillance du BC à prendre des sanctions lorsque des violations des règles de surveillance sont constatées, et de les doter des ressources nécessaires à cette fin. Dans la pratique, la nature et la sévérité des sanctions varie d'une juridiction à l'autre. État membre Il existe un arsenal de sanctions pénales, civiles et administratives proportionnées et dissuasives, qui vont des courriers disciplinaires aux amendes et aux peines d'emprisonnement. Le FinCEN peut prendre des mesures répressives en cas de violation du BSA. Au niveau fédéral, c'est la seule autorité répressive pour les établissements financiers et les entreprises et professions non financières désignées (Designated Non-Financial Business and Professions ou DNFBP). Outre des pénalités financières civiles (civil money penalties ou CMP), le FinCEN peut prendre d'autres mesures administratives formelles ou informelles. D'autres organes, comme la commission boursière des États-Unis (Securities and Exchange Commission ou SEC), sont également habilités, dans les limites des pouvoirs qui leur sont légalement conférés, à prendre toute une série de mesures de surveillance. Fédéral

Source: Synthèse de la Cour des comptes européenne, sur la base de divers documents du GAFI, du FinCEN, de la Commission et de l'ABE.

Annexe V – Étapes du processus applicable en cas de violation du droit de l'Union

Phase Processus Partie prenante Calendrier
Demande Article 17 du règlement (UE) n° 1093/2010 (règlement fondateur de l'ABE) – L'article 17 prévoit la possibilité pour l'ABE d'enquêter sur une prétendue violation ou non-application du droit de l'Union, que ce soit de sa propre initiative ou à la demande de certains organes.
Le règlement ABE ne précise toutefois ni la manière ni le moment. En d'autres termes, aucun de ces organes (y compris la Commission) n'a la moindre obligation juridique concernant le moment auquel il devrait adresser une demande à l'ABE et les modalités à suivre pour ce faire.
Une demande doit être adressée par une ou plusieurs autorités compétentes, le Parlement européen, le Conseil, la Commission ou le groupe des parties intéressées au secteur bancaire. Une demande peut être introduite à tout moment. L'ABE n'est pas juridiquement tenue d'y répondre dans un délai donné.
Enquête préliminaire Évaluation préliminaire de la prétendue violation du droit de l'UE L'ABE procède à l'enquête préliminaire, qui comporte une communication avec les autorités compétentes, afin d'établir les faits concernant la prétendue violation du droit de l'Union. Il n'y a pas de durée légale spécifique pour cette phase.
Enquête Processus formel de décision sur l'existence, ou non, d'une violation du droit de l'Union Le président de l'ABE décide d'ouvrir ou non une enquête pour violation du droit de l'Union. Le règlement intérieur de l'ABE prévoit la convocation d'un groupe d'experts composé du président et de six autres membres du conseil des autorités de surveillance non concernés par l'enquête. Le groupe d'experts décide:
  • soit de clôturer l'enquête sans adopter de recommandation;
  • soit, si une violation du droit de l'Union est établie, de recommander au conseil des autorités de surveillance d'agir.
Au plus tard dans les deux mois suivant l'ouverture de l'enquête, l'ABE peut adresser à l'autorité compétente concernée une recommandation établissant les mesures à prendre pour se conformer au droit de l'Union.
Recommandation Le conseil des autorités de surveillance conclut qu'il y a bien violation du droit de l'Union et adresse une recommandation à l'autorité compétente concernée. La décision d'adopter une recommandation est prise par le conseil des autorités de surveillance de l'ABE, au sein duquel siègent des représentants de 27 autorités de surveillance compétentes. La décision relative à l'adoption d'une recommandation doit être prise dans les deux mois suivant l'ouverture de l'enquête (voir point précédent).
Communication La recommandation est adressée à l'autorité nationale compétente (ANC). La recommandation précise les mesures nécessaires pour se conformer au droit de l'Union. L'ANC dispose de dix jours pour répondre.
Avis Si l'autorité compétente ne se met pas en conformité, la Commission peut émettre un avis formel à l'intention de l'ANC. La Commission peut agir après avoir été informée par l'ABE ou de sa propre initiative. La Commission peut émettre un tel avis formel au plus tard trois mois après l'adoption de la recommandation, délai qu'elle peut prolonger d'un mois.

Sources: Règlement ABE et règlement intérieur de l'ABE.

Annexe VI – Contrôles de transpositionv

Date limite de transposition 26 juin 2017
Communication, par les États membres, des mesures de transposition dans les délais ou avant le lancement d'une procédure d'infraction pour non-communication 6
Nombre d'États membres n'ayant pas notifié la transposition complète au moment de l'audit (juillet 2020) 8
Nombre de procédures d'infraction engagées pour non-communication ou pour transposition incomplète 28
Durée totale des procédures d'infraction pour transposition incomplète (en mois)52 Plus de 36 mois (en cours)53

Source: Analyse, par la Cour des comptes européenne, de l'analyse de la Commission.

Annexe VII – Types d'échanges d'informations à la BCE

Catégories Échanges dans le cadre du processus annuel régulier de partage d'informations (envoi et réception) Échanges ponctuels spontanés (envoi et réception) Échanges faisant suite à des demandes ponctuelles (envoi et réception)
Informations partagées Partage annuel d'extraits des décisions SREP entre la BCE et les autorités de LBC/FT (partages spontanés)

Notes de risque et évaluations des risques de BC/FT; rapports d'inspection sur place et sanctions (demandes annuelles adressées par la BCE aux autorités de LBC/FT)
Autres informations pertinentes résultant de la surveillance des deux fonctions Autres informations pertinentes résultant de la surveillance des deux fonctions

Source: Cour des comptes européenne, sur la base des informations fournies par la BCE.

Sigles, acronymes et formes abrégées

ABE: Autorité bancaire européenne

AEAPP: Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles

AEMF: Autorité européenne des marchés financiers

BC/FT: blanchiment de capitaux et financement du terrorisme

BCE: Banque centrale européenne

CBCB: Comité de Bâle sur le contrôle bancaire

CRF: cellule de renseignement financier

Directive CRD: directive sur les exigences de fonds propres

EGMLTF: groupe d'experts en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (Expert Group on Anti-money Laundering and Counter Terrorist Financing)

ETP: équivalent temps plein

FinCEN: Financial Crimes Enforcement Network

GAFI: Groupe d'action financière

LBC: lutte contre le blanchiment de capitaux

MSU: mécanisme de surveillance unique

PIB: produit intérieur brut

SEAE: Service européen pour l'action extérieure

SNRA: évaluation nationale des risques (supra-national risk assessment)

Glossaire

Acte délégué: acte juridiquement contraignant utilisé par la Commission, si le Parlement et le Conseil ne formulent aucune objection, pour compléter ou modifier des éléments non essentiels de la législation de l'Union, par exemple en donnant des précisions sur les mesures d'exécution.

Autorité bancaire européenne (ABE): agence de l'UE créée en 2011. Elle est l'une des trois autorités européennes de surveillance et la principale autorité de régulation dans le domaine de la réglementation et de la surveillance bancaires. Elle est chargée d'élaborer des normes techniques de réglementation, qui doivent ensuite être approuvées par la Commission; elle dispose de pouvoirs pour faire respecter les normes de LBC.

Autorité de surveillance de la LBC: autorité publique d'un État membre chargée de surveiller le régime de LBC/FT, de vérifier le respect, par les entités assujetties, du régime de LBC de la juridiction concernée et d'imposer des amendes pour non-conformité.

Autorités européennes de surveillance (AES): il s'agit de l'Autorité bancaire européenne (ABE), de l'Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (AEAPP) et de l'Autorité européenne des marchés financiers (AEMF). Les AES œuvrent à l'harmonisation de la surveillance financière dans l'UE et contribuent à garantir l'application cohérente du corpus réglementaire afin d'arriver à une égalité de traitement. Elles sont également chargées d'évaluer les risques et les vulnérabilités dans le secteur financier.

Avis motivé: si un pays de l'UE néglige de communiquer les mesures donnant lieu à une transposition complète des dispositions des directives ou ne remédie pas à une violation présumée du droit de l'Union, la Commission peut engager à son encontre une procédure formelle d'infraction. Après avoir envoyé une lettre de mise en demeure et être arrivée à la conclusion que l'État membre concerné ne remplit pas les obligations qui lui incombent en vertu du droit de l'Union, la Commission peut, dans un deuxième temps, lui adresser un avis motivé, c'est-à-dire une demande formelle de se conformer au droit de l'UE.

Banque centrale européenne (BCE): institution européenne créée par le traité d'Amsterdam en 1998. Depuis 2014, elle est responsable de la surveillance prudentielle directe des banques importantes de la zone euro dans le cadre du mécanisme de surveillance unique.

Cellule de renseignement financier (CRF): autorité nationale compétente chargée de faire appliquer la législation anti-blanchiment dans l'État membre. Elle a pour mission de collecter, d'analyser et de diffuser les rapports soumis par les entités assujetties, y compris avec d'autres États membres de l'UE et des pays tiers, et d'assurer la liaison avec les services répressifs si nécessaire.

Comité de Bâle sur le contrôle bancaire (CBCB): principal organisme chargé d'élaborer des normes de portée mondiale aux fins de la réglementation prudentielle bancaire, et cadre de coopération régulière sur les questions liées au contrôle bancaire.

Contrôle de conformité: vérification visant à déterminer si les dispositions pertinentes d'une directive de l'UE ont été dûment prises en compte dans les mesures nationales de mise en œuvre.

Contrôle de transposition: évaluation de la compatibilité des mesures nationales de transposition avec les dispositions de la directive.

Cour de justice de l'Union européenne (CJUE): la Cour de justice de l'Union européenne interprète la législation européenne afin d'en garantir l'application uniforme dans tous les pays de l'UE et statue sur les différends juridiques opposant les gouvernements des États membres et les institutions de l'UE.

DG FISMA: direction générale de la stabilité financière, des services financiers et de l'union des marchés des capitaux de la Commission européenne. C'est elle qui coordonne la LBC à la Commission.

Directive anti-blanchiment: législation de l'UE et principal instrument juridique pour prévenir l'utilisation du système financier de l'Union aux fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme. Première directive (en 1990) et versions suivantes jusqu'à la cinquième directive (en 2018).

Établissement de crédit: entreprise (une banque, par exemple) dont l'activité consiste à recevoir, de la part du public, des dépôts ou d'autres fonds remboursables et à accorder des prêts.

Europol: agence de l'Union européenne chargée des services répressifs. Elle soutient entre autres les États membres dans leur lutte contre le blanchiment de capitaux et le terrorisme.

Groupe d'action financière (GAFI): organe intergouvernemental créé en 1989 par les ministres de ses pays membres. Il compte 39 membres, dont la Commission européenne et 14 États membres. Il élabore des normes et favorise l'application efficace de mesures législatives, réglementaires et opérationnelles en vue de lutter contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et d'autres menaces similaires qui pèsent sur l'intégrité du système financier international. Cet «organe directeur» s'emploie à susciter la volonté politique nécessaire pour mener à bien les réformes législatives et réglementaires nationales dans ces domaines.

Lettre de mise en demeure: si un pays de l'UE néglige de communiquer les mesures donnant lieu à une transposition complète des dispositions des directives ou ne remédie pas à une violation présumée du droit de l'Union, la Commission peut engager à son encontre une procédure formelle d'infraction. Celle-ci débute par l'envoi d'une lettre de mise en demeure, dans laquelle la Commission autorise l'État membre concerné à faire valoir son point de vue sur la violation observée.

Lutte contre le financement du terrorisme: mise en place de régimes efficaces de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, essentiels pour protéger l'intégrité des marchés et du cadre financier mondial car contribuant à atténuer les facteurs qui facilitent les abus financiers.

Pays tiers: pays ou territoire ne faisant pas partie de l'Union européenne.

Procédure d'infraction: principal mécanisme de contrôle du respect des règles utilisé par la Commission, en application des articles 258 à 260 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, à l'encontre d'un État membre chaque fois qu'elle estime que ce dernier ne respecte pas les obligations qui lui incombent en vertu du droit de l'Union.

Processus de contrôle et d'évaluation prudentiels (SREP): processus annuel de surveillance des banques importantes de la zone euro placées sous la surveillance directe de la BCE. Il dote les autorités de surveillance d'un ensemble harmonisé d'outils pour examiner le profil de risque d'une banque sous quatre angles: modèle d'entreprise, gouvernance et risque, capital, et liquidités.

Service européen pour l'action extérieure (SEAE): il s'agit du service diplomatique de l'UE. Il a pour objectif de rendre la politique étrangère de l'Union plus cohérente et plus efficace et de renforcer ainsi l'influence de l'Europe sur la scène internationale. Il gère les relations diplomatiques de l'Union avec les pays tiers et mène la politique étrangère et de sécurité de l'UE.

Surveillance prudentielle: surveillance directe des établissements financiers (y compris les banques) afin de s'assurer qu'ils ne se conforment pas seulement à la réglementation pour des raisons juridiques, mais fonctionnent de manière saine et prudente dans l'esprit du cadre réglementaire.

Transposition du droit de l'Union: procédure par laquelle les États membres de l'UE intègrent les directives de l'UE dans leur droit national afin d'en rendre les objectifs, les exigences et les délais directement applicables.

Réponses de la Commission et du SEAE

Synthèse

Réponses de la Commission et du SEAE à la synthèse (points I à XI):

La Commission est résolument déterminée à lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme tant au sein de l’UE qu’à l’échelle mondiale. Bien que l’UE ait élaboré au fil des ans un cadre réglementaire solide, on s’accorde de plus en plus à reconnaître que ce cadre doit être amélioré pour parvenir à une politique globale de l’Union. À cette fin, la Commission a adopté, le 7 mai 2020, un plan d’action annonçant un ensemble ambitieux de mesures pour une politique globale de l’Union en matière de prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme. Le plan d’action expose les réformes nécessaires en vue de renforcer les défenses de l’Union, de remédier à la fragmentation actuelle et de prévoir un corpus réglementaire unique ainsi qu’une autorité de surveillance au niveau de l’UE disposant de pouvoirs de surveillance directe sur un nombre limité d’établissements financiers présentant le plus grand risque. Le plan d’action prévoit aussi un mécanisme de soutien et de coordination des cellules de renseignement financier.

Le prochain paquet législatif prévoira une plus grande harmonisation sous la forme d’un règlement relatif à la lutte contre le blanchiment de capitaux qui accompagnera une version révisée de la directive anti-blanchiment.

Le 7 mai 2020, conjointement à l’adoption du plan d’action, la Commission a publié une méthode révisée pour identifier les pays tiers à haut risque aux fins de la directive anti-blanchiment, qui prévoit davantage de synergie avec le processus du groupe d’action financière (GAFI) et une plus grande coopération avec les pays tiers concernés.

La Commission rappelle qu’elle a adopté en février 2019 sa première liste autonome des pays tiers à haut risque qui exposent le système financier de l’Union et le bon fonctionnement du marché intérieur à un risque de blanchiment de capitaux. Cette liste autonome a été rejetée par le Conseil dans le cadre de son droit de regard. À la suite de ce rejet, la Commission a révisé sa méthodologie et a commencé à renforcer sa coopération avec les pays tiers concernés.

Pour ce qui est de la transposition antérieure des directives par les États membres, dès que les mesures de transposition ont été intégralement notifiées par les États membres, la Commission a fait tout ce qui était en son pouvoir pour mener à bien son évaluation. La Commission reconnaît toutefois qu’il est difficile d’assurer une transposition pleine et entière des directives anti-blanchiment, car cela requiert souvent non seulement l’adoption d’un instrument juridique central anti-blanchiment mais aussi des modifications de plusieurs autres instruments juridiques dans les ordres nationaux concernés.

Observations

24

En ce qui concerne les sources de financement visées à l’annexe III, la Commission tient à rappeler qu’en vertu de l’article 155, paragraphe 2, du règlement (UE) 2018/1046 (le «règlement financier»), la politique à l’égard des pays tiers sert également à protéger le budget de l’Union. Les personnes et entités qui exécutent des fonds de l’Union (instruments financiers et garanties budgétaires) n’engagent pas d’opérations nouvelles ou renouvelées avec des entités constituées ou établies dans des pays ou territoires recensés en tant que pays tiers à haut risque.

Réponse commune aux points 27 et 28

En ce qui concerne la méthode utilisée pour recueillir des informations afin d’établir une liste des pays tiers, le caractère inédit du processus a empêché une mise en œuvre rapide. La Commission collabore avec le SEAE pour mettre en place des méthodes de travail permettant une circulation rapide des informations. La méthodologie affinée adoptée en mai 2020 permet également de renforcer la coopération avec les pays tiers. La Commission européenne, en collaboration avec le SEAE, a entamé le processus de coopération avec les pays tiers au cours de l’été 2020.

32

La Commission est membre du GAFI et participe activement aux domaines de travail de ce groupe. Par conséquent, la Commission prend en considération les rapports d'évaluation mutuelle du pays tiers concerné, entre autres sources. Dans la mesure où le rapport d’évaluation mutuelle était obsolète, les informations actualisées disponibles ont été examinées afin de tenir compte de la situation la plus récente qui prévaut dans un pays tiers donné.

36

La Commission envisage de réviser la politique à l’égard des pays tiers dans le prochain paquet législatif sur la lutte contre le blanchiment de capitaux.

44

La Commission est d’avis que la mise à jour de l’évaluation supranationale des risques («SNRA») tous les deux ans rend compte des risques les plus récents, y compris de l’évolution dans le temps. Comme cela est indiqué au point 46 ci-dessous, toutes les fiches relatives aux secteurs et produits ont été mises à jour en 2019 et de nouveaux secteurs et produits ont été ajoutés (47 en 2019 contre 40 en 2017). Pour ce qui est des informations statistiques à jour concernant les volumes monétaires du BC/FT, voir la réponse au point 48.

46

(2e puce) La modification de la note reposait sur des éléments de preuve provenant de parties prenantes et de sources indépendantes. De plus, les notes ont d’abord été validées par les principales parties prenantes (Europol, par exemple) et également par l’ensemble des services concernés de la Commission au sein d’un groupe interservices spécifique.

La Commission convient toutefois que des efforts supplémentaires sont nécessaires pour mieux justifier les modifications apportées dans ce domaine.

(3e puce) La SNRA ne peut, en principe, pas avoir de dimension géographique. La Commission reconnaît cependant que celle-ci pourrait s’appliquer à certains secteurs.

(4e puce) Seules deux SNRA n’ont jamais été adoptées (en 2017 et 2019), la fréquence des actualisations tous les deux ans est déjà rapprochée selon les normes internationales fournies par le GAFI et compte tenu du fait que les évaluations nationales des risques sont adoptées tous les 4 à 5 ans par les États membres.

Réponse commune aux points 48 et 49

La Commission tient à signaler que la disposition permettant à Eurostat de présenter des estimations des volumes quantitatifs de blanchiment de capitaux a été récemment introduite et n’est pas obligatoire. Par ailleurs, pour ce qui est des estimations, il est nécessaire de disposer de données de bonne qualité des États membres et d’une méthodologie statistique complexe, ce qui n’est pas le cas à ce stade.

Réponse commune aux points 57 à 59

Les États membres ont besoin de temps pour adopter et notifier les mesures de transposition d’une directive complexe, ce qui nécessite souvent la modification de plusieurs actes législatifs dans l’ordre juridique interne. À titre d’exemple, un État membre a commencé à notifier ses mesures de transposition en août 2017 et a transmis la dernière notification en octobre 2020. Ce n’est qu’après cette dernière notification que la Commission a pu conclure que la transposition était complète et correcte.

Afin d’entamer une procédure d’infraction, que l’État membre déclare ou non une transposition complète ou partielle, la législation nationale doit être traduite et examinée. Ce processus prend du temps, comme cela est illustré ci-dessus. Dans une procédure d’infraction, ce qui importe, c’est la précision, non la célérité.

La Commission tient à préciser que des orientations internes sont en place pour contrôler la transposition en droit national des instruments juridiques de l’UE. Il n’est dès lors pas jugé nécessaire d’élaborer d’autres orientations spécifiques.

85

La Commission estime qu’une fois qu’une demande formelle d’enquête a été adressée à l’ABE concernant un cas de violation potentielle du droit de l’Union, aucun échange régulier formalisé n’aurait pu avoir lieu au cours de l’enquête de l’ABE.

Conclusions et recommandations

112

Le prochain paquet anti-blanchiment prévoira la mise en place d’une autorité de surveillance de LBC/FT de l’UE, comme cela a déjà été annoncé dans le plan d’action adopté en mai 2020.

113

Le prochain paquet anti-blanchiment prévoira une plus grande harmonisation, qui prendra la forme d’un premier règlement sur la lutte contre le blanchiment de capitaux.

Recommandation nº 1 – La Commission devrait améliorer ses évaluations des risques
  1. La Commission accepte cette recommandation.
  2. La Commission accepte cette recommandation.
  3. La Commission accepte cette recommandation.
116

Voir les réponses de la Commission aux points 56, 58 et 60 à 62.

Recommandation nº 2 – La Commission devrait garantir que la législation en matière de LBC/FT soit applicable de manière cohérente et immédiatement

La Commission accepte cette recommandation.

118

Les demandes formelles d’enquêtes concernant un cas donné de violation potentielle du droit de l’Union ont été introduites après une évaluation par la Commission des informations disponibles à l’appui de la demande.

Recommandation nº 3 – L'ABE et la Commission devraient faire meilleur usage de leurs prérogatives concernant les enquêtes sur les violations potentielles du droit de l'Union en matière de LBC/FT
  1. La Commission accepte cette recommandation.
  2. La Commission accepte cette recommandation.
  3. La Commission accepte cette recommandation.

À ce stade, la Commission ne peut pas prendre d’engagements concernant le contenu des futures propositions législatives. La Commission estime en outre qu’à un niveau plus spécifique en matière de protection/traitement des données, la recommandation requiert une analyse du droit administratif et de la législation en matière de protection des données en vigueur dans l’UE et doit s’inscrire dans le cadre des dispositions existantes de la directive anti-blanchiment en ce qui concerne le partage d’informations. De plus, l’élaboration future d’un cadre juridique et institutionnel en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux, comme cela a été annoncé dans le plan d’action de mai 2020, apportera une solution grâce à la mise en place prévue d’une autorité de LBC de l’UE.

123

Le prochain paquet LBC/FT remédiera aux insuffisances actuelles en ce qui concerne la politique à l’égard des pays tiers (point 36), améliorera l’identification des risques (point 49), permettra un contrôle plus rapide de la transposition (point 66) ainsi qu’un traitement plus rapide des cas de violation potentielle du droit de l’Union (point 86).

Réponses de la BCE

Paragraphe 89

La Banque centrale européenne (BCE) tient à préciser que la raison pour laquelle elle ne peut pas mener d’activités de surveillance en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme figure dans le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), et non dans le règlement instituant le mécanisme de surveillance unique (règlement MSU), adopté en 2013.

Le considérant 28 du règlement MSU reflète simplement l’article 127, paragraphe 6, du TFUE, qui dispose (soulignement ajouté) :

« Le Conseil, statuant par voie de règlements conformément à une procédure législative spéciale, à l’unanimité, et après consultation du Parlement européen et de la Banque centrale européenne, peut confier à la Banque centrale européenne des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de contrôle prudentiel des établissements de crédit et autres établissements financiers, à l’exception des entreprises d’assurances. »

Paragraphe 90

Il convient de noter que la surveillance en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, loin de se limiter aux banques, couvre un large éventail d’entités (par exemple, les établissements de paiement, les compagnies d’assurance, les fournisseurs de crédit à la consommation, les prestataires de services d’actifs virtuels, etc.), et que les autorités nationales exercent souvent des missions de surveillance qui ne relèvent pas de la supervision prudentielle, notamment en ce qui concerne ces autres types d’entités. Cela peut influencer les conclusions des États membres relatives aux synergies qui ont été créées lorsque plusieurs missions ont été confiées au même organe public, comme indiqué dans le paragraphe 90.

Plus particulièrement, s’agissant des établissements de crédit, il existe des procédures distinctes permettant de déterminer quels établissements sont importants aux fins de la surveillance prudentielle et aux fins de la surveillance en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Deux groupes d’entités soumises à surveillance, ne se recoupant que partiellement, seraient ainsi considérés.

Paragraphe 95

Veuillez vous reporter à la réponse de la BCE concernant les paragraphes 89 et 90.

Paragraphe 98

En 2019, la BCE a signé l’accord multilatéral définissant les modalités pratiques de l’échange d’informations avec les autorités nationales chargées de la surveillance des établissements de crédit et des établissements financiers de l’Espace économique européen en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, conformément à la cinquième directive relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux. Cet accord est ensuite entré en vigueur et a été mis en œuvre progressivement tout au long de l’année 2019, à mesure que les autorités de surveillance chargées de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme l’ont signé et que des échanges d’informations ponctuels et réguliers avec ces autorités ont été établis. Dans ce contexte, entre janvier et novembre 2019, la BCE a partagé des informations relatives à des entités surveillées appartenant aux deux-tiers des groupes surveillés importants.

Les échanges d’informations annuels réguliers ont été élargis début 2020 : outre les extraits de lettres SREP communiqués chaque année par la BCE, une demande a été adressée aux autorités chargées de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme pour qu’elles partagent des informations concernant, entre autres, les notes et les évaluations des risques de blanchiment et de financement du terrorisme. Depuis 2020, la BCE échange des informations concernant les entités surveillées de l’ensemble des groupes importants soumis à surveillance (cf. également paragraphe 99 du rapport).

Paragraphe 102

Comme indiqué dans la réponse de la BCE concernant le paragraphe 98, l’accord relatif à la lutte contre le blanchiment de capitaux a été signé début 2019 et mis en œuvre dans le courant de l’année.

La BCE souhaite également souligner qu’elle communique déjà certaines catégories d’informations, par exemple les extraits pertinents des décisions SREP, dans le cadre d’un processus plus simple que le processus d’approbation décrit au paragraphe 102.

Forte de l’expérience acquise au cours des deux dernières années, la BCE a déjà commencé à renforcer ses politiques et processus internes afin de faciliter l’échange d’informations :

  • les processus internes conçus pour favoriser l’échange d’informations au sein des collèges de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (qui devraient être créés pour environ la moitié des établissements et groupes importants) comportent une procédure simplifiée de prise de décision visant à améliorer la rapidité et l’efficacité des échanges d’informations entre la BCE et les autorités chargées de la surveillance de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme au sein des collèges ;
  • la BCE prévoit de mettre en œuvre un processus simplifié d’échange d’informations dans le cadre de l’accord relatif à la lutte contre le blanchiment de capitaux d’ici fin 2021.
Paragraphe 106

La BCE voudrait souligner qu’elle a été proactive puisque, depuis 2019, elle a déjà mis à jour son manuel de surveillance prudentielle et ses méthodologies internes, pour inclure les aspects prudentiels des risques liés à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme dans la supervision sur pièces et sur place et dans les procédures d’agrément, et les a mis en œuvre.

Le manuel de surveillance prudentielle mis à jour a également été utilisé pour le cycle SREP 2020, au cours duquel toutes les équipes de surveillance prudentielle conjointes (Joint Supervisory Teams, JSTs) ont analysé, dans le cadre de l’évaluation SREP, l’incidence prudentielle de divers signaux d’alerte en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (cf. également paragraphe 110 du rapport).

Paragraphe 108

Veuillez vous reporter à la réponse de la BCE concernant le paragraphe 106.

Paragraphe 109

Veuillez vous reporter à la réponse de la BCE concernant le paragraphe 106.

Paragraphe 121

Veuillez vous reporter à la réponse de la BCE concernant le paragraphe 102.

Paragraphe 122

Veuillez vous reporter à la réponse de la BCE concernant le paragraphe 106.

Recommandation 4 – BCE

La BCE accepte la recommandation.

S’agissant du point a), veuillez vous reporter à la réponse de la BCE concernant le paragraphe 102, qui contient de plus amples informations sur les évolutions en cours et prévues de ses processus internes.

S’agissant du point b), la BCE mettra à jour sa méthodologie SREP après la publication des orientations révisées de l’Autorité bancaire européenne (ABE) sur le SREP.

Réponses de l'ABE

Résumé

III

Le mandat et les pouvoirs juridiques de l’ABE en matière de LBC/FT ont été élargis en 2020 pour s’attaquer au risque de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme dans tous les domaines de la surveillance financière et dans tous les secteurs. Notre travail a été et continue d’être axé sur le renforcement de la surveillance de la LBC/FT dans l’UE en établissant les normes appropriées et en travaillant de manière constructive avec les autorités compétentes pour parvenir à une convergence de la surveillance. Les enquêtes sur les violations du droit de l’Union constituent un outil que l’ABE a utilisé, mais elles ne sont pas le principal moteur du travail de l’ABE en matière de LBC/FT.

V

Les réformes, qui sont entrées en vigueur au 1er janvier 2020, ont réduit la fragmentation institutionnelle en attribuant à l’ABE le rôle de chef de file, la coordination et la surveillance en matière de LBC/FT. Néanmoins, la surveillance en matière de LBC/FT demeure du ressort des autorités nationales de surveillance opérant dans le cadre législatif de l’Union, qui est à un niveau minimum d’harmonisation, de haut niveau, ne fournit que deux habilitations techniques standard dont aucune ne concerne les pratiques de base en matière de surveillance, et qui est transposé de différentes façons par les États membres. Il existe donc des limites à ce que l’ABE peut réaliser par le biais de l’harmonisation et de la convergence dans le cadre actuel de la LBC/FT.

VII

Nous accueillons favorablement la conclusion selon laquelle le personnel de l’ABE a mené des enquêtes approfondies sur les violations du droit de l’Union.

Depuis la révision des AES, de nouvelles exigences relatives aux conflits d’intérêts introduites le 1er janvier 2020 obligent les membres du conseil à s’abstenir de prendre part aux discussions et au vote sur les points de l’ordre du jour du conseil avec lesquels ils sont en conflit. Dans l’exécution de ces dispositions, l’ABE a étendu les exigences relatives aux conflits d’intérêts aux membres du groupe spécial des violations du droit de l’Union. L’ABE examinera ces procédures révisées pour identifier les modifications supplémentaires susceptibles d’être apportées afin de s’assurer que le processus de délibération n’est pas affecté par les conflits d’intérêts.

L’ABE a donné des directives aux autorités de surveillance sous la forme de deux normes techniques, de quatre orientations et de huit avis sur les questions relatives à la LBC/FT à ce jour, soit seule, soit conjointement avec l’AEMF et l’AEAPP. Ces instruments juridiques comprennent des orientations sur la surveillance en matière de LBC/FT basée sur le risque et l’évaluation des risques de BC/FT.

La nature minimale de l’harmonisation des dispositions pertinentes de la directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2005 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme a conduit à des approches divergentes parmi les États membres; les orientations de l’ABE ne peuvent pas outrepasser le droit national et des lois nationales divergentes limitent le degré de convergence que nos orientations peuvent atteindre.

IX
  1. L’ABE accepte cette recommandation. Le personnel de l’ABE examinera les procédures mises en œuvre depuis la révision des AES en janvier 2020 afin de renforcer l’indépendance des membres du groupe spécial.
  2. L’ABE accepte la nécessité de compléter les orientations de coopération relatives à la LBC/FT publiées en 2019 par les AES qui concernent les autorités de surveillance de LBC/FT par des orientations de coopération relatives à la LBC/FT qui concernent les autorités de surveillance prudentielle. Elle dispose désormais de la base juridique pour le faire, suite aux modifications de la directive 2013/36/UE [telle que modifiée par la directive (UE) 2019/878 (CRDV)].

Introduction

10

Le travail de l’ABE a inclus la publication de deux normes techniques de réglementation, de quatre orientations et de huit avis à ce jour, y compris des orientations sur la surveillance en matière de LBC/FT basée sur le risque, sur les facteurs de risque de BC/FT et sur la coopération en matière de surveillance (collèges de LBC/FT), et de trois avis sur les risques de BC/FT affectant le secteur financier de l’UE. Cela s’ajoute aux rapports établis sur diverses questions telles que l’évaluation par l’ABE des approches de l’autorité de surveillance en matière de LBC/FT, le fonctionnement des collèges de LBC/FT et le futur cadre juridique et réglementaire de la LBC/FT.

Observations

74-75

L’ABE a conclu la première demande reçue de la Commission par l’adoption d’une recommandation en matière de violation du droit de l’Union. Après avoir reçu d’autres demandes, l’ABE a tenu la Commission informée de ses priorités et de ses progrès.

Un délai a été consacré à la clôture d’affaires en raison de multiples demandes d’enquêtes complexes impliquant la surveillance prudentielle et en matière de BC/FT de banques individuelles par plusieurs autorités de surveillance pendant un certain nombre d’années et sous des régimes législatifs en évolution, et en raison des priorités établies par l’ABE selon les ressources disponibles. Un délai supplémentaire a été nécessaire pour examiner les implications de la clôture de l’une de ces affaires pour les autres affaires reléguées à un second plan, et l’ABE reconnaît qu’une communication formelle préalable aurait pu être utile.

Toutefois, le pouvoir d’enquête sur les violations du droit de l’Union de l’ABE est sans préjudice du pouvoir de la Commission de prendre des mesures en vertu de l’article 258 TFUE lorsqu’elle estime qu’un État membre n’a pas rempli une obligation en vertu des traités.

76

L’ABE accueille favorablement la conclusion selon laquelle elle a mené des enquêtes approfondies dans les deux affaires mentionnées.

79

Le 1er janvier 2020, la révision des AES a introduit des exigences supplémentaires en matière de conflits d’intérêts. L’ABE a étendu ces exigences aux membres du groupe spécial des violations du droit de l’Union.

Au moment du processus délibératif en question, les principes directeurs et les procédures de l’ABE concernant les conflits d’intérêts et les enquêtes sur les violations de droit de l’Union n’ont pas permis de prendre de dispositions concernant les contacts avec les membres du groupe spécial des violations du droit de l’Union. Néanmoins, le cas échéant, les membres du groupe spécial ont été mis en garde contre les tentatives visant à les influencer dans leur rôle de membre du groupe spécial.

80

Le représentant de la Commission a été informé de la décision du conseil immédiatement après la conclusion du point restreint de l’ordre du jour. L’ABE a publié un communiqué de presse annonçant la clôture de l’enquête et le rejet d’une proposition de recommandation relative à la violation du droit de l’Union au lendemain du vote.

82

L’ABE note qu’elle a adopté des recommandations en matière de violation du droit de l’Union avant même les dernières régularisations de sa gouvernance, y compris en ce qui concerne la surveillance du BC/FT.

La question de la gouvernance de l’ABE concerne les colégislateurs. L’ABE a pleinement exécuté les régularisations apportées à la gouvernance de l’ABE dans le cadre de la révision des AES, qui excluent les membres en situation de conflit du conseil des autorités de surveillance de toute participation à la discussion et au vote sur les points pertinents de l’ordre du jour. L’ABE a étendu ces dispositions à des organismes qui préparent des décisions pour le conseil des autorités de surveillance, y compris le nouveau comité permanent de lutte contre le blanchiment de capitaux et les groupes spéciaux sur les violations du droit de l’Union.

84

L’ABE préfère contribuer autant que possible aux discussions de son conseil. Elle évalue dans chaque affaire si la sensibilité et la nature confidentielle des informations concernées et les règles du secret professionnel applicables exigent que la Commission et les autres membres sans droit de vote soient exclus.

L’ABE a fourni le projet de recommandation à la suite d’une correspondance avec la Commission afin d’établir la base juridique appropriée.

85

Depuis le 1er janvier 2020, le règlement instituant l’ABE exige officiellement de l’ABE qu’elle expose son intention de procéder à l’examen de l’affaire. Préalablement à cette date, l’ABE a néanmoins exposé cette intention par le biais d’échanges informels, informant le personnel de la Commission de la façon dont les affaires qui lui ont été renvoyées ont été classées par ordre de priorité et permettant au personnel de la Commission d’exprimer ses attentes.

86

Le conseil des autorités de surveillance a pour rôle et pour responsabilité d’examiner et de se prononcer sur les propositions faites par le groupe spécial des violations du droit de l’Union. La recommandation de juillet 2018 de l’ABE concernant la violation du droit de l’Union démontre que le mécanisme relatif aux violations du droit de l’Union peut être efficace et dans l’intérêt de l’UE lorsqu’il existe des manquements évidents au respect du droit de l’Union et que des recommandations peuvent être formulées pour rééquilibrer la situation.

105

L’ABE relève que l’harmonisation minimale actuelle, le cadre juridique et la divergence des approches nationales qui en résulte limitent le degré de convergence que ses orientations peuvent atteindre.

L’ABE admet, sur la base de ses propres conclusions, que les approches des autorités nationales compétentes pour évaluer le risque de BC/FT associé aux établissements financiers individuels sous leur surveillance ne sont pas toujours efficaces.

L’ABE a pris des mesures pour y remédier dans des mises à jour de ses orientations sur la surveillance en matière de LBC/FT fondée sur les risques, qui font actuellement l’objet d’une consultation.

106

L’ABE souhaite préciser qu’en vertu des orientations initiales sur le processus de contrôle et d’évaluation prudentiels (SREP), les autorités de surveillance prudentielles pourraient encore intégrer les risques liés à la LBC dans l’évaluation, dans la mesure où ils affecteraient l’un des éléments du SREP.

Les modifications apportées aux orientations sur le SREP en 2018 ont précédé les modifications législatives au cadre législatif prudentiel afin d’intégrer expressément le risque de BC/FT. Des pratiques en matière de surveillance de plus en plus harmonisées ont été élaborées par l’ABE, comme l’ont montré les avis ultérieurs dans ce domaine, une fois que la base juridique a été établie par la directive sur les exigences de fonds propres des banques (CRDV).

108

L’ABE note que l’harmonisation minimale actuelle, le cadre juridique et la divergence des approches nationales qui en résulte limitent le degré de convergence que ses orientations peuvent atteindre.

Néanmoins, à la suite du plan d’action du Conseil et de la CRDV, l’ABE a émis deux avis assortis d’un niveau de détail croissant sur l’intégration des risques de BC/FT dans le SREP. L’ABE examinera prochainement les orientations révisées du SREP qui comprennent un ensemble harmonisé, plus intégré, de dispositions qui permettront aux autorités de surveillance prudentielles de refléter de manière cohérente les implications prudentielles des risques de BC/FT dans le cadre du SREP.

Conclusions et recommandations

Recommandation 2 – La Commission devrait assurer la cohérence et l’effet immédiat de la législation en matière de LBC/FT 119

Le paragraphe 119 résume certaines déclarations des paragraphes précédents. En conséquence, l’ABE renvoie à ses commentaires en réponse à chacune des déclarations ci-dessus.

120

Comme indiqué au paragraphe 86, la recommandation de juillet 2018 de l’ABE concernant la violation du droit de l’Union démontre que le mécanisme relatif à la violation du droit de l’Union peut être efficace.

L’ABE utilise également d’autres outils pour traiter la convergence de la surveillance, tels que les examens de surveillance en matière de LBC/FT et, depuis 2020, les demandes aux autorités compétentes de mener des enquêtes de LBC/FT.

L’ABE partage la prise de position générale selon laquelle l’application uniforme du droit de l’Union en ce qui concerne les obligations en matière de LBC/FT serait améliorée par l’utilisation ultérieure des règlements par rapport aux directives et par la fourniture de mandats de standards techniques afin de minimiser les difficultés causées par les différentes transpositions nationales.

Recommandation 3 – L’ABE et la Commission devraient faire un meilleur usage de leurs pouvoirs en matière de violations du droit de l’Union pour le BC/FT
  • L’ABE accepte cette recommandation. Nous reconnaissons les avantages que présente la formalisation des choix concernant l’ordre de priorité communiqués à la Commission, y compris lorsque des retards susceptibles de survenir en raison du manque de ressources empêchent d’examiner immédiatement les affaires, mais clore une affaire sans enquête serait également indésirable.
  • L’ABE accepte cette recommandation. Le personnel de l’ABE examinera les procédures mises en œuvre depuis la révision des AES en janvier 2020 afin de renforcer l’indépendance des membres du groupe spécial.
Recommandation 4 – L’ABE et la BCE devraient travailler à mieux intégrer le risque de BC/FT dans le cadre de la surveillance prudentielle
  1. L’ABE accepte la recommandation. L’ABE élabore actuellement des orientations révisées pour le SREP afin de fournir des directives plus détaillées. L’ABE vise à publier les orientations révisées pour consultation d’ici juillet 2021.
  2. L’ABE accepte la recommandation. Des orientations actualisées sont en cours de consultation et seront finalisées à la fin de la consultation publique, le 17 juin 2021. Les orientations fourniront une plus grande cohérence dans les évaluations de LBC/FT des entités surveillées en répondant aux défis de la mise en œuvre de l’approche de la surveillance en matière de LBC/FT fondée sur les risques identifiés lors des examens des autorités compétentes effectués par l’ABE en 2019.
  3. L’ABE accepte la recommandation. L’ABE examinera sous peu les orientations qui détailleront les types d’information à échanger par les autorités, souligneront l’importance de la rapidité de l’échange d’informations et établiront des mécanismes permettant d’atteindre ces objectifs.

Équipe d'audit

Les rapports spéciaux de la Cour présentent les résultats de ses audits relatifs aux politiques et programmes de l'UE ou à des questions de gestion concernant des domaines budgétaires spécifiques. La Cour sélectionne et conçoit ces activités d'audit de manière à maximiser leur impact en tenant compte des risques pour la performance ou la conformité, du niveau des recettes ou des dépenses concernées, des évolutions escomptées ainsi que de l'importance politique et de l'intérêt du public.

L'audit de la performance objet du présent rapport a été réalisé par la Chambre IV (Réglementation des marchés et économie concurrentielle), présidée par M. Alex Brenninkmeijer, Membre de la Cour. L'audit a été effectué sous la responsabilité de M. Mihails Kozlovs, Membre de la Cour, assisté de: Mmes Edite Dzalbe, cheffe de cabinet, et Laura Graudina, attachée de cabinet; M. Zacharias Kolias, manager principal; M. Shane Enright, chef de mission; Mmes Marion Schiefele, Katja Mravlak et Nadiya Sultan, ainsi que MM. Giorgos Tsikkos, Helmut Kern et Marc Hertgen, auditeurs; et Mme Andreea-Maria Feipel-Cosciug, juriste. L'assistance linguistique a été fournie par M. Michael Pyper.

Notes

1 Voir le document d'Eurostat intitulé Money laundering in Europe (2013).

2 Récemment, l'ABE a conclu en substance qu'il est dès lors probable qu'une même infraction commise par le même établissement financier déclenche l'imposition de sanctions et de mesures différentes selon l'autorité répressive compétente, voire ne donne lieu à aucune sanction ni mesure. EBA Report on European Commission's call for advice on the future EU legal framework on AML/CFT, septembre 2020, point 88, p. 23.

3 Cela peut conduire à la faillite d'une banque.

4 En janvier 2020, la DG FISMA a repris la responsabilité en matière de LBC/FT qui incombait jusque-là à la direction générale de la justice et des consommateurs (DG JUST) de la Commission.

5 Cet aspect a été souligné par le Basel Institute on Governance dans son Basel AML Index: Ranking money laundering and terrorist financing risks around the world (2020 edition, p. 4), qui indique en substance que cette piètre performance s'explique par les infractions commises ces dernières années par les banques européennes à l'encontre des dispositions en matière de LBC et qui suscitent des inquiétudes quant à la qualité de la surveillance bancaire et non bancaire dans le cadre de la LBC/FT.

6 Commission européenne, Action Plan for a comprehensive Union policy on preventing money laundering and terrorist financing, mai 2020.

7 Parlement européen, Résolution sur une politique globale de l'Union en matière de prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme – plan d'action de la Commission et autres évolutions récentes, juillet 2020.

8 Conseil de l'UE, Conclusions du Conseil concernant la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, novembre 2020.

9 Recommandations du GAFI 2012, modifiées en juin 2019.

10 Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, Introduction of guidelines on interaction and cooperation between prudential and AML/CFT supervision et «Principes fondamentaux pour un contrôle bancaire efficace».

11 En application des directives (UE) 2015/849 (quatrième directive anti-blanchiment) et 2018/843 (cinquième directive anti-blanchiment), article 9.

12 Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, article 290.

13 L'expression «pays tiers» fait référence aux juridictions (pays et territoires) situés en dehors de l'UE.

14 Commission européenne, Methodology for identifying high risk third countries under Directive (EU) 2015/849.

15 Échelle allant de 1 (importance faible) à 4 (importance élevée).

16 Commission européenne, Rapport sur l'évaluation des risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme pesant sur le marché intérieur et liés aux activités transfrontières, section 4 – Recommandations.

17 Cinquième directive anti-blanchiment, article 6, paragraphe 2, point b), et article 44. Ces obligations concernent la Commission et peuvent donc englober les responsabilités d'Eurostat et/ou d'autres DG, comme la DG FISMA.

18 Cette prérogative est octroyée à la Commission en vertu des articles 258 et 260 du TFUE.

19 Il s'agit là d'une responsabilité incombant à la Commission au titre de l'article 17 du traité sur l'Union européenne (TUE).

20 Article 13 relatif à la vigilance à l'égard de la clientèle; article 18 relatif à la vigilance renforcée à l'égard de la clientèle; article 30 relatif aux informations sur les bénéficiaires effectifs et au registre central; article 45 relatif aux mesures supplémentaires en cas d'application du droit du pays tiers; article 50 relatif à la coopération avec les AES.

21 Pour de plus amples informations, voir le document d'analyse n° 07/2018 de la Cour des comptes européenne, intitulé «Mise en pratique du droit de l'Union – Le rôle de surveillance de la Commission européenne en vertu de l'article 17, paragraphe 1, du traité sur l'Union européenne».

22 Ils étaient 25 % à estimer que les ateliers étaient «très utiles» et 60 % à les juger «assez utiles».

23 Par ailleurs, lors de notre enquête; 12 États membres sur 20 (60 %) ont déclaré que les contacts informels (par exemple les réunions bilatérales avec la Commission) étaient «très utiles».

24 Une semaine plus tard, six États membres avaient déclaré une transposition complète, contre 15 États membres qui n'avaient pas notifié la moindre mesure.

25 Commission européenne, Better Regulation guidelines, Toolbox No 37, p. 285.

26 Situation en septembre 2020.

27 Commission européenne, Better Regulation guidelines, Toolbox No 37.

28 Les contrôles de transposition débutent à l'expiration du délai de transposition.

29 Conformément à l'outil n° 37 de la boîte à outils pour une meilleure réglementation de la Commission européenne (Better Regulation guidelines, Toolbox 37), qui dispose en substance ce qui suit: la Commission vise à achever le contrôle de transposition dans les six mois qui suivent l'expiration du délai de transposition; si les États membres ne notifient pas les mesures de transposition dans le délai prescrit, une procédure d'infraction est lancée à leur encontre dès que possible; dans ce cas, la période de six mois commence à courir au moment de la notification des mesures. Étant donné que la fin de cette période n'est pas indiquée dans les lignes directrices pour une meilleure réglementation, nous avons tenu compte, dans notre calcul, de la date limite fixée pour la transposition et de celle du lancement de la procédure d'infraction (pour les pays 1 et 3 de notre échantillon) et, si la déclaration faisait défaut (pays 2), de la date de la première notification et de celle de la clôture du dossier.

30 Idem.

31 En outre, 12 des 20 États membres (60 %) ayant répondu à notre enquête ont déclaré que quatre ministères du gouvernement central, voire plus, participaient au processus de transposition de la quatrième directive anti-blanchiment.

32 Voir la Déclaration politique commune du 28 septembre 2011 des États membres et de la Commission sur les documents explicatifs.

33 Cour de justice de l'Union européenne, arrêt du 8 juillet 2019 dans l'affaire C-543/17, Commission/Belgique, réitére dans l'arrêt du 16 juillet 2020, Commission/Irlande, C‑550/18, ECLI:EU:C:2020:564, point 74.

34 Règlement (UE) n° 1093/2010 du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité bancaire européenne), modifiant la décision n° 716/2009/CE et abrogeant la décision 2009/78/CE de la Commission (JO L 331 du 15.12.2010, p. 12 à 47), modifié en dernier lieu par le règlement (UE) 2019/2175 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2019.

35 Article 17, paragraphe 2, du règlement ABE.

36 Commission européenne, Rapport au Parlement européen et au Conseil sur l'évaluation des récents cas présumés de blanchiment de capitaux impliquant des établissements de crédit de l'Union européenne, 2019.

37 Commission européenne, Rapport au Parlement européen et au Conseil sur le fonctionnement des autorités européennes de surveillance (AES) et du système européen de surveillance financière (SESF), 2014.

38 Cour des comptes européenne, rapport spécial n° 10/2019 intitulé Tests de résistance des banques à l'échelle de l'UE: volume d'informations bancaires sans précédent, mais nécessité d'une meilleure coordination et d'une plus grande attention pour les risques, point 113.

39 Conformément aux dispositions de l'article 33, paragraphe 2, du règlement (UE) n° 1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013 confiant à la Banque centrale européenne des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit («règlement MSU»).

40 Voir article 127, paragraphe 6, du TFUE, et considérant 28 du règlement MSU.

41 Considérant 29 du règlement MSU.

42 La législation n'a pas énoncé simultanément les exemptions correspondantes au régime du secret professionnel. Le considérant 19 de la cinquième directive anti-blanchiment l'admet en disposant que «l'échange d'informations confidentielles et la coopération entre les autorités compétentes en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme chargées de la surveillance des établissements de crédit et des établissements financiers et les autorités de surveillance prudentielle ne sauraient être entravés par l'insécurité juridique qui pourrait découler de l'absence de dispositions explicites en la matière. Une clarification du cadre juridique est d'autant plus importante que la surveillance prudentielle a, dans un certain nombre de cas, été confiée à des autorités de surveillance qui n'œuvrent pas dans le domaine de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, telles que la Banque centrale européenne (BCE).»

43 La cinquième directive anti-blanchiment est entrée en vigueur en juin 2018.

44 La cinquième directive relative aux exigences en matière de fonds propres (CRD V) est entrée en vigueur en juin 2019.

45 Plus particulièrement des établissements de crédit issus de 12 groupes importants surveillés par la BCE.

46 ABE, Multilateral Agreement on the practical modalities for exchange of information on AML/CFT between the ECB and CAs, 2019.

47 Ce problème a déjà été soulevé dans le rapport spécial n° 29/2016 de la Cour des comptes européenne sur le MSU – Mécanisme de surveillance unique: les débuts sont réussis, mais des améliorations sont nécessaires, point 185.

48 ABE, Orientations révisées sur les procédures et les méthodologies communes à appliquer dans le cadre du processus de contrôle et d'évaluation prudentiels (Supervisory Review and Evaluation Process - SREP) et des tests de résistance prudentiels, 2018.

49 Ce cycle se situait en dehors de la période retenue pour notre échantillon.

50 Autorité européenne des marchés financiers.

51 Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles.

52 Situation en septembre 2020.

53 Durée de la procédure d'infraction la plus longue.

Calendrier

Étape Date
Adoption du plan d'enquête / Début de l'audit 3.3.2020
Envoi officiel du projet de rapport à la Commission (ou à toute autre entité auditée) 26.3.2021
Adoption du rapport définitif après la procédure contradictoire 20.5.2021
Réception des réponses officielles de la Commission et du SEAE dans toutes les langues 24.6.2021
Réception des réponses officielles de la BCE dans toutes les langues 12.5.2021
Réception des réponses officielles de l'ABE dans toutes les langues 19.5.2021

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