
Conception du système de contrôle de la Commission relatif à la facilité pour la reprise et la résilience Le nouveau modèle de mise en œuvre présente toujours une faille en matière d’assurance et d’obligation de rendre compte au niveau de l’UE, malgré les ambitions affichées
À propos du rapportLa facilité pour la reprise et la résilience (FRR) est dotée d’une enveloppe de 723,8 milliards d’euros (à prix courants) et constitue le principal instrument financier de l’UE pour amortir l’impact économique et social de la pandémie de COVID-19. Nous avons examiné la conception du système de contrôle mis en place par la Commission pour la FRR, afin de déterminer dans quelle mesure il permettait de s’assurer que les jalons et les cibles étaient atteints de manière satisfaisante et que les intérêts financiers de l’Union étaient protégés. Nous avons constaté que la Commission a réussi, dans un délai relativement court, à concevoir un système de contrôle qui s’appuie sur un processus très complet pour vérifier le respect des jalons et des cibles. Il subsiste toutefois une faille, au niveau de l’UE, en matière d’assurance et d’obligation de rendre compte sur le plan de la protection des intérêts financiers de l’Union. Nous recommandons à la Commission d’agir pour combler cette faille et d’élaborer des orientations en matière de corrections et d’annulation de mesures en lien avec des jalons ou des cibles précédemment atteints.
Rapport spécial de la Cour des comptes européenne présenté en vertu de l’article 287, paragraphe 4, deuxième alinéa, du TFUE.
Synthèse
I La facilité pour la reprise et la résilience (FRR) est le principal instrument de l’initiative NextGenerationEU. Elle a été créée afin de soutenir financièrement et sur une grande échelle des investissements publics et des réformes dans les États membres. Elle a été dotée d’une enveloppe de 723,8 milliards d’euros (à prix courants) sous forme de prêts (385,8 milliards d’euros) et de subventions (338 milliards d’euros). Le financement des réformes et des investissements dans les États membres a commencé au début de la pandémie, en février 2020, et se poursuivra jusqu’au 31 décembre 2026. Son règlement est entré en vigueur le 19 février 2021.
II La FRR suit un modèle différent de celui des autres programmes de dépenses de l’UE. Les montants prévus ne sont versés aux États membres que si ces derniers ont atteint de manière satisfaisante les jalons et les cibles fixés, selon l’évaluation effectuée par la Commission. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une condition pour que de tels paiements soient effectués, les projets d’investissement financés par la FRR dans les États membres doivent respecter les règles nationales et de l’UE, notamment en matière de marchés publics, ainsi que les dispositions définissant les coûts éligibles à un remboursement.
III Si nous avons réalisé l’audit objet du présent rapport, c’est en raison du nombre élevé de décaissements restant à effectuer au titre de la FRR d’ici à la fin de sa durée de vie, soit fin 2026. L’objectif de notre audit était d’examiner si la conception du système de contrôle de la Commission relatif à la FRR était appropriée et de contribuer à en garantir la validité. À cet égard, nous avons étudié comment, à la fin du mois d’avril 2022, le système était organisé pour garantir le respect des jalons et des cibles ainsi que de la protection des intérêts financiers de l’Union. Nous avons complété les éléments probants tirés de notre examen des procédures de la Commission par des observations pertinentes formulées dans le cadre de notre audit aux fins de la déclaration d’assurance sur la régularité des dépenses effectuées au titre de la FRR en 2021.
IV Notre conclusion est que la Commission a réussi, dans un délai relativement court, à concevoir un système de contrôle qui s’appuie sur un processus très complet pour vérifier le respect des jalons et des cibles. Cependant, ce système de contrôle ne fournit que peu d’informations vérifiées au niveau de l’UE attestant que les projets d’investissement financés respectent les règles nationales et européennes. Ce manque d’informations vérifiées nuit à l’assurance que peut fournir la Commission et, par conséquent, à l’obligation de rendre compte à l’échelle de l’UE.
V Quant à la question de s’assurer que les jalons et les cibles ont été atteints, nous avons constaté que les procédures étaient très abouties. Les vérifications ex ante effectuées dans le cadre de l’évaluation préliminaire sont complétées par des audits sur place. Cela étant, les différentes étapes de cette évaluation n’étaient pas suffisamment détaillées ni totalement documentées. Nous observons également qu’il n’existe pas encore de méthode pour quantifier l’incidence qu’aurait le fait de ne pas atteindre un jalon ou une cible, ni d’orientations sur la manière d’aborder le risque associé au fait de ne pas repérer l’annulation de mesures pour lesquelles des jalons ou des cibles auraient été précédemment atteints.
VI En ce qui concerne la protection des intérêts financiers de l’Union, nous constatons que la Commission a prévu des audits des systèmes dans chaque État membre. Ces audits porteront sur les systèmes de contrôle que ces derniers ont mis en place pour détecter les cas de fraude, de corruption, de conflit d’intérêts et de double financement. Ils ne viseront toutefois pas à déterminer si les États membres vérifient de manière adéquate la conformité des projets d’investissement financés par la FRR avec les règles nationales et de l’UE. Les informations vérifiées disponibles à cet égard au niveau de l’Union sont de ce fait limitées, ce qui nuit à l’assurance que la Commission peut fournir sur ce point. La responsabilité assumée par la Commission en ce qui concerne la protection des intérêts financiers de l’Union se limite à garantir le recouvrement de tout montant dû en cas de fraude, de corruption et de conflit d’intérêts qui n’ont pas été corrigés par l’État membre ou en cas de violation grave et avérée de la convention de financement. Nous avons également relevé que le système de gestion des irrégularités ne contenait pas d’informations centralisées et normalisées sur la fraude en lien avec la FRR et que les différents niveaux de correction forfaitaire à appliquer en cas de défaillance des systèmes de contrôle des États membres n’étaient pas suffisamment définis.
VII Nous recommandons à la Commission:
- d’améliorer les procédures concernant les vérifications ex ante;
- d’élaborer des orientations relatives à l’annulation de mesures en lien avec des jalons ou des cibles précédemment atteints;
- de combler la faille en matière d’assurance au niveau de l’UE pour ce qui est de la conformité des projets d’investissement financés par la FRR avec les règles nationales et européennes;
- d’harmoniser le signalement des cas de fraude en lien avec à la FRR;
- d’élaborer des orientations internes à propos des corrections, comme le prévoient les conventions de financement.
Introduction
La facilité pour la reprise et la résilience en bref
01 NextGenerationEU est le fonds temporaire de l’UE destiné à aider les États membres à réduire l’impact socio-économique de la pandémie de COVID-19 et à retrouver la voie d’une croissance durable. La facilité pour la reprise et la résilience est le principal instrument au titre duquel les fonds de NextGenerationEU seront répartis. Elle apporte un soutien financier de grande ampleur aux réformes et aux investissements, dans le but d’accélérer la reprise économique des États membres au sortir de la pandémie de COVID-19 et d’améliorer leur résilience.
02 La FRR a été établie par le règlement (UE) 2021/241 (le «règlement»), qui est entré en vigueur le 19 février 2021. Elle soutient des réformes et des projets d’investissement dans les États membres depuis le début de la pandémie, en février 2020, et continuera de le faire jusqu’au 31 décembre 2026. La FRR a été dotée d’une enveloppe de 723,8 milliards d’euros (à prix courants) sous forme de prêts (385,8 milliards d’euros) et de subventions (338 milliards d’euros).
03 La FRR suit un modèle de dépenses spécifique. La Commission met en œuvre la FRR en gestion directe, avec les États membres comme bénéficiaires1. Tout paiement au titre de la facilité en faveur d’un État membre est subordonné au constat que les jalons ou cibles prédéfinis ont été atteints de manière satisfaisante par la réalisation de réformes et de projets d’investissement2.
04 La légalité et la régularité («la régularité») des dépenses dans le cadre des autres programmes de l’UE dépendent principalement de l’éligibilité du bénéficiaire, du projet et des coûts déclarés. L’éligibilité à un tel financement est souvent régie par des conditions concernant les coûts susceptibles d’être exposés et déclarés, qui doivent aussi pouvoir être identifiables et vérifiables. Les conditions d’admissibilité d’un financement de ce type incluent également le respect des règles de l’UE garantissant un fonctionnement efficace du marché unique (c’est-à-dire les règles en matière de marchés publics et d’aides d’État) ainsi que des règles nationales.
05 Bien que l’éligibilité du bénéficiaire, du projet et des coûts de réalisation des investissements financés au titre de la FRR ne fasse pas partie des critères d’évaluation de la Commission lorsque celle-ci effectue le versement FRR en faveur de l’État membre, le règlement couvre cet aspect dans le cadre de la protection des intérêts financiers de l’Union, à laquelle doivent veiller tant les États membres que la Commission, conformément à leurs responsabilités respectives. À cet égard, le règlement dispose que les mesures soutenues par la FRR doivent être conformes au droit applicable de l’Union et des pays qui la composent, en particulier pour ce qui est de la prévention, de la détection et de la correction de la fraude, de la corruption et des conflits d’intérêts, et garantir l’absence de tout manquement grave aux obligations énoncées dans la convention de financement, notamment en matière de double financement. À cette fin, les États membres doivent appliquer un système de contrôle interne efficace et efficient et recouvrer les montants indûment versés ou mal employés3. Si les États membres ne parviennent pas à recouvrer tout montant indûment versé en cas de fraude, de corruption ou de conflit d’intérêts, la Commission peut s’en charger4.
Mise en œuvre de la FRR
06 Le fait que le modèle de la FRR soit différent de celui des autres programmes de dépenses de l’UE signifie que sa mise en œuvre est elle aussi soumise à un processus spécifique, illustré à la figure 1 et décrit en détail ci-après.
07 Pour bénéficier d’un financement au titre de la FRR, les États membres sont tenus d’élaborer des plans nationaux pour la reprise et la résilience (PRR) qui remplissent les conditions fixées dans le règlement5. Les PRR doivent comporter un ensemble cohérent de réformes et d’investissements publics groupés en mesures, elles-mêmes groupées en composantes thématiques. Les États membres sont tenus de fixer des jalons et des cibles pour chaque projet d’investissement et chaque réforme, et de fournir des précisions sur la valeur de référence associée.
08 Les États membres doivent également concevoir des systèmes de gestion et de contrôle appropriés. Ils peuvent soit utiliser des systèmes nationaux existants, soit en créer de nouveaux spécialement pour la FRR.
09 Les paiements au titre de la FRR ne sont effectués que si l’État membre concerné a atteint de manière satisfaisante les jalons et les cibles figurant dans l’annexe à la décision d’exécution du Conseil portant approbation de son PRR. Autre élément à prendre en considération: les États membres ne peuvent avoir renoncé à des mesures liées à des jalons et des cibles précédemment atteints de manière satisfaisante. Ils peuvent soumettre des demandes de décaissement deux fois par an, pour autant qu’ils fournissent une preuve suffisante que les jalons et cibles pertinents ont été atteints de manière satisfaisante6.
10 Pour percevoir un paiement au titre de la FRR, les États membres doivent accompagner leur demande des documents suivants:
- des informations et des éléments probants confirmant le respect des jalons et cibles mentionnés dans l’annexe à la décision d’exécution du Conseil;
- un résumé des audits effectués par les autorités des États membres, indiquant notamment les faiblesses décelées et les mesures correctives prises7;
- une déclaration de gestion8 attestant que:
- les fonds ont été utilisés aux fins prévues;
- les informations fournies avec la demande de paiement sont complètes, exactes et fiables;
- les systèmes de contrôle mis en place donnent l’assurance nécessaire que les fonds ont été gérés conformément à toutes les règles applicables, notamment celles visant à éviter:
- les conflits d’intérêts, la fraude et la corruption,
- les doubles financements.
11 Pour son évaluation, la Commission suit un processus en deux étapes. Elle commence par examiner les demandes de paiement sur la base des données et informations fournies par l’État membre. L’objectif de cette évaluation préliminaire est d’assurer que les jalons et les cibles ont été atteints de manière satisfaisante9.
12 Sur la base de ces travaux, la Commission soumet l’évaluation préliminaire au Comité économique et financier (CEF) du Conseil pour avis. Une fois que le CEF s’est prononcé, elle adopte une décision de paiement, qui doit d’abord être présentée à un comité du type prévu par la comitologie, composé de représentants des États membres, dans le cadre de la procédure d’examen. Enfin, la Commission adopte une décision d’exécution autorisant le paiement, les fonds étant ensuite versés.
Le cadre de contrôle de la Commission pour la FRR
13 Le modèle de mise en œuvre spécifique de la FRR et l’enveloppe financière prévue par l’UE au titre de la facilité exigent par définition un cadre de contrôle lui aussi spécifique, au niveau tant de la Commission que des États membres, qui permette de s’assurer du respect des jalons et des cibles ainsi que de la protection des intérêts financiers de l’Union.
14 Le cadre de contrôle mis en place par la Commission à cet effet est décrit dans le rapport annuel d’activités (RAA) 2021 de la direction générale des affaires économiques et financières (DG ECFIN). Il prévoit:
- l’évaluation, avant tout paiement, de la pertinence, de l’efficacité, de l’efficience et de la cohérence des PRR soumis par les États membres. Cette évaluation porte aussi sur la vérification du caractère approprié des systèmes de contrôle des États membres, tels qu’ils sont détaillés dans leurs PRR;
- le système de contrôle en deux phases, qui consiste en des vérifications ex ante des demandes de paiement des États membres et en des audits ex post complémentaires une fois les paiements effectués. Sont également prévus des audits des systèmes centrés sur la protection des intérêts financiers de l’Union. La figure 2 décrit sommairement le système de contrôle de la Commission, avec les deux volets à vérifier après l’évaluation des PRR.
Figure 2 – Les deux volets couverts par le système de contrôle de la Commission pour la FRR
Source: Cour des comptes européenne.
15 Nous avons examiné l’évaluation des PRR effectuée par la Commission lors d’un audit précédent, dont nous avons présenté les résultats dans notre rapport spécial 21/202210. Le présent rapport concerne l’audit de la conception des deux volets du système de contrôle de la Commission, présentés schématiquement à la figure 2.
Nos travaux relatifs à la FRR
16 L’audit objet du présent rapport fait partie d’une série d’audits et d’analyses consacrés à la FRR. L’encadré 1 donne davantage de détails sur les travaux que nous avons réalisés jusqu’ici et sur nos constatations plus particulièrement en lien avec la question du contrôle.
Nos travaux relatifs à la FRR
Nous avons émis un avis au moment de la création de la FRR11. Si notre conclusion était que, d’une manière générale, la facilité avait le potentiel pour soutenir les États membres dans l’amortissement de l’impact économique et financier de la pandémie, nous avons également souligné combien il était important de disposer de mesures efficaces de lutte contre la fraude et les irrégularités pour parer aux risques induits par la nécessité de dépenser des ressources supplémentaires considérables en un bref laps de temps, comme dans le cas de la facilité.
En 2022, nous avons examiné l’évaluation des PRR nationaux par la Commission12. Notre conclusion était que cette évaluation était appropriée dans l’ensemble, compte tenu de la complexité du processus et des contraintes de temps. Nous avons toutefois relevé un certain nombre de faiblesses ainsi que des risques pour une mise en œuvre réussie de la FRR. À cet égard, nous avons mis en évidence le fait que l’évaluation des dispositions de suivi et de contrôle proposées par les États membres s’appuyait, dans une certaine mesure, sur une description de systèmes encore à mettre en place.
Dans notre rapport annuel relatif à l’exercice 202113, nous avons fait état de notre évaluation du seul paiement effectué par la Commission en 2021 (en décembre). Nous avons estimé que l’un des jalons n’avait pas été pleinement respecté, mais que l’incidence de notre analyse, que la Commission a rejetée, n’était pas significative. À cet égard, nous avons observé que la Commission n’avait pas encore défini de méthode pour quantifier l’impact d’un jalon ou d’une cible non atteints.
Notre analyse comparative de la FRR et des fonds relevant de la politique de cohésion révèle qu’ils présentent bon nombre de similitudes14. Cela étant, ils diffèrent aussi sur de nombreux points en raison de leurs finalités spécifiques. En ce qui concerne la FRR, nous constatons que les dispositions de suivi et de contrôle visent essentiellement à vérifier si les jalons et les cibles ont été atteints de manière satisfaisante. Pour ce qui est des fonds relevant de la cohésion, ces dispositions portent principalement sur la régularité des dépenses, que ce soit au niveau de la Commission ou à celui des États membres. Dans le cas de la FRR, la Commission doit par ailleurs veiller à ce que les intérêts financiers de l’Union soient protégés de manière efficace. Pour ce faire, elle doit obtenir des États membres des garanties suffisantes qu’ils mettent en œuvre la FRR dans le respect du droit de l’UE et du droit national.
Étendue et approche de l’audit
17 L’objectif de notre audit était d’examiner la conception du système de contrôle de la Commission relatif à la FRR. À cette fin, nous avons vérifié si ledit système permettait à la Commission de s’assurer:
- que les paiements en faveur des États membres n’étaient effectués qu’une fois les jalons et/ou cibles prédéfinis atteints;
- que les intérêts financiers de l’Union étaient protégés.
18 Nous avons commencé par examiner le système de contrôle de la Commission sous un angle plus général, purement conceptuel, dans le but de déterminer ce qu’il couvre et de quelle manière il permet de s’assurer que les jalons et les cibles sont atteints de manière satisfaisante et que les intérêts financiers de l’Union sont protégés. Lors de cet examen, nous avons tenu compte de l’évaluation préliminaire, par la Commission, des systèmes de contrôle décrits dans les PRR des États membres, étant donné qu’elle fait partie du cadre de contrôle. Nous avons complété notre étude de la conception du système de contrôle de la Commission par une analyse détaillée des travaux prévus et des procédures définies pour les deux aspects couverts par le système. Cette analyse visait à repérer d’éventuelles faiblesses dans les procédures et les audits propres au système de contrôle de la Commission.
19 Afin d’obtenir les éléments probants requis pour étayer nos observations, conclusions et recommandations, nous avons:
- organisé des entretiens et des réunions avec des représentants des services de la Commission, en l’occurrence la DG ECFIN et la task force pour la reprise et la résilience (SG RECOVER);
- examiné les procédures et d’autres documents pertinents de la Commission, comme les conventions de financement et les arrangements opérationnels;
- analysé les procédures de la Commission en matière de vérifications ex ante et d’audits ex post, ainsi que la stratégie d’audit, les orientations en matière d’échantillonnage, les listes de contrôle internes et les lignes directrices;
- consulté le RAA 2021 de la DG ECFIN.
20 Nous avons complété les éléments probants obtenus lors de notre audit avec les observations tirées de notre déclaration d’assurance sur la régularité des dépenses effectuées au titre de la FRR en 202115. Notre audit aux fins de la déclaration d’assurance a consisté à vérifier si les 52 jalons sous-jacents au seul paiement effectué par la Commission en faveur d’un État membre (l’Espagne en l’occurrence) en 2021 avaient tous été atteints de manière satisfaisante. Nous avons également examiné l’évaluation préliminaire, par la Commission, des quatre cibles sélectionnées sous-tendant le paiement de mars 2022 en faveur de la France.
21 Nous avons réalisé notre audit au début de la mise en œuvre de la FRR, au moment où le premier paiement venait d’être effectué mais avant la multiplication des décaissements. C’est pourquoi il a porté sur la conception du système de contrôle relatif à la FRR à fin avril 2022 et non sur son fonctionnement proprement dit.
22 Précisons également que nous n’avons examiné ni la conception ni l’efficacité des systèmes de contrôle mis en place par les États membres pour la FRR, mais que nous avons l’intention de le faire ultérieurement.
23 Par le présent rapport d’audit et les recommandations qu’il contient, nous entendons contribuer à faire en sorte que la Commission dispose d’un système de contrôle adéquat pour s’assurer du respect des conditions de paiement et de la protection efficace des intérêts financiers de l’Union, vu le nombre élevé de décaissements au titre de la FRR qu’il reste à effectuer pendant la durée de la facilité, c’est-à-dire jusqu’à la fin de 2026.
Observations
Il existe, au niveau de l’UE, une faille en matière d’assurance et d’obligation de rendre compte sur le plan de la protection des intérêts financiers de l’Union
24 Dans cette section du rapport, nous examinons le système de contrôle de la Commission sous un angle plus général, purement conceptuel, et évaluons dans quelle mesure et de quelle manière il permet de s’assurer que les jalons et les cibles sont atteints de manière satisfaisante et que les intérêts financiers de l’Union sont protégés. Pour ce faire, nous tenons compte également de l’évaluation, par la Commission, des systèmes de contrôle des États membres tels qu’ils sont décrits dans les PRR, étant donné qu’il s’agit là du premier élément du cadre de contrôle de la FRR16. Nos observations ont des implications en matière d’assurance et d’obligation de rendre compte. Nous les développons dans les points qui suivent.
L’évaluation, par la Commission, des dispositions de contrôle était complète, mais s’appuyait en partie sur des systèmes pas encore en place
25 Pour bénéficier du soutien de la FRR, les États membres ont soumis leurs projets de PRR à la Commission. Celle-ci a évalué ces plans sur la base de 11 critères précisés dans le règlement. L’un d’entre eux impose aux États membres de prévoir des systèmes de contrôle et de prendre des dispositions afin de prévenir, détecter et corriger la corruption, la fraude, les irrégularités, les conflits d’intérêts et les doubles financements.
26 Dans le cadre de l’audit qui a donné lieu à notre rapport spécial 21/2022, nous avons vérifié si la Commission avait évalué les dispositions de contrôle proposées par les États membres, notamment la clarté de leurs structures, les rôles et responsabilités de leurs différents organes, les systèmes et processus prévus, ainsi que la capacité requise.
27 Notre conclusion générale est que l’évaluation, par la Commission, des plans pour la reprise et la résilience était appropriée, compte tenu de la complexité du processus et des contraintes de temps. En ce qui concerne plus particulièrement les systèmes de contrôle, nous avons constaté que l’évaluation réalisée par la Commission a correctement mis en évidence les lacunes et les insuffisances nécessitant des mesures supplémentaires. Il faut toutefois préciser qu’elle s’appuyait, dans une certaine mesure, sur la description de systèmes qui devaient encore être instaurés. L’évaluation initiale de la Commission devra donc être confirmée par des travaux complémentaires sur place. Par ailleurs, la Commission a introduit des jalons supplémentaires pour 16 États membres, où les lacunes et insuffisances requièrent la mise en œuvre de mesures additionnelles avant que le premier paiement puisse avoir lieu17. Ne pas disposer d’un système de contrôle pleinement opérationnel induit le risque que les intérêts financiers de l’UE ne soient pas préservés tant que ces jalons spécifiques n’ont pas été respectés.
L’évaluation du respect des jalons et des cibles s’appuie sur des vérifications ex ante et des audits ex post
28 Les vérifications ex ante de la Commission relatives aux demandes de paiement des États membres et les audits ex post y afférents sont centrés sur les conditions de paiement et sur la preuve que les jalons et les cibles soumis par les pays concernés ont été atteints de manière satisfaisante. Les vérifications et les audits ex post concernant les jalons et les cibles ne couvrent pas le non-respect éventuel des règles nationales et de l’UE (point 09).
29 À titre d’exemple, si un projet d’investissement financé au titre de la FRR ne respecte pas les règles nationales et européennes (notamment en matière de marchés publics, d’aides d’État ou d’éligibilité des coûts et des projets), cela n’aura aucune incidence sur l’issue de l’évaluation préliminaire de la Commission quant au respect satisfaisant de la cible en cause. Si la cible a été atteinte conformément à la description figurant dans l’annexe à la décision d’exécution du Conseil, la Commission est tenue de procéder au paiement en faveur de l’État membre concerné18.
30 En outre, nous relevons que le règlement énonce des principes transversaux à respecter19. Ceux-ci disposent que le soutien accordé au titre de la FRR ne remplace pas, sauf dans des cas dûment justifiés, les dépenses nationales récurrentes et qu’il respecte à la fois le principe d’additionnalité des financements de l’Union, énoncé à l’article 9 du règlement, et le principe consistant à «ne pas causer de préjudice important». Comme le règlement ne considère pas le respect de ces principes comme une condition préalable au versement des fonds20, les vérifications ex ante de la Commission ne couvrent pas ces principes, sauf si leur respect est imposé par la décision d’exécution du Conseil, comme cela peut être le cas pour le principe consistant à «ne pas causer de préjudice important». La Commission a vérifié ce point lors de l’examen des PRR. En ce qui concerne le respect de ce même principe, nous avions déjà constaté lors d’un audit précédent que l’évaluation de la Commission avait eu pour effet que les plans pour la reprise et la résilience adoptés ne comportaient que des mesures qui s’y conformaient. Nous avons posé ce même constat pour notre échantillon. Cependant, les mesures destinées à atténuer l’impact environnemental n’ont pas été systématiquement intégrées, sous forme de jalons ou de cibles, dans les PRR. En outre, des mesures ne respectant pas le principe consistant à «ne pas causer de préjudice important» pourraient être financées en dehors du cadre de la facilité21.
31 Dans notre rapport spécial 21/2022, nous avons également indiqué que les jalons et les cibles se limitaient souvent à la réalisation de la mesure plutôt qu’à son impact22. De ce fait, l’évaluation des PRR et les paiements en faveur des États membres ne tiennent intrinsèquement pas compte de l’impact des réformes et des investissements.
Le manque d’informations se traduit, au niveau de l’UE, par une faille en matière d’assurance et d’obligation de rendre compte sur le plan de la protection des intérêts financiers de l’Union
32 Les États membres et la Commission devraient veiller à protéger effectivement les intérêts financiers de l’Union, conformément à leurs responsabilités respectives23. À cet égard, les États membres «prennent toutes les mesures appropriées pour protéger les intérêts financiers de l’Union et veiller à ce que l’utilisation des fonds dans le cadre des mesures soutenues par la facilité respecte le droit de l’Union et le droit national applicables, en particulier en ce qui concerne la prévention, la détection et la correction de la fraude, de la corruption et des conflits d’intérêts»24. Cette obligation est également stipulée dans les conventions de financement signées avec les États membres. Si les États membres ne parviennent pas à recouvrer tout montant indûment versé en cas de fraude, de corruption ou de conflit d’intérêts, ou en cas de violation grave de leurs obligations découlant de la convention de subvention (par exemple un double financement), la Commission peut s’en charger.
33 Dans ce contexte, la Commission a défini, dans le RAA 2021 de la DG ECFIN, sa «responsabilité résiduelle» dans la protection des intérêts financiers de l’Union, ce qui implique que les États membres sont seuls chargés de vérifier que les fonds de la FRR ont été bien utilisés, dans le respect de la réglementation nationale et européenne applicable. La responsabilité de la Commission se limite aux trois irrégularités graves (la fraude, la corruption et les conflits d’intérêts) et aux obligations découlant de la convention de financement (notamment l’absence de double financement)25. La stratégie d’audit relative à la FRR précise en conséquence que la Commission n’effectuera pas d’audits visant à vérifier si les règles nationales et de l’UE sont respectées26. Dans ses audits des systèmes, la Commission met l’accent sur les systèmes mis en place par les États membres pour prévenir et détecter les trois graves irrégularités susmentionnées et les cas de double financement et pour y remédier.
34 Notre expérience montre que le non-respect des règles nationales et de l’UE, notamment en matière de marchés publics, d’aides d’État et d’éligibilité, est un phénomène répandu dans les autres programmes de dépenses de l’UE27 et qu’il constitue dès lors un risque non négligeable. Nous constatons toutefois que les audits des systèmes réalisés par la Commission ne couvrent pas le respect de ces règles et qu’il n’existe guère d’orientations sur le sujet à l’intention des États membres.
35 De ce fait, il n’y a, au niveau de l’UE, que peu d’informations vérifiées permettant de déterminer si et de quelle manière les systèmes des États membres couvrent de façon adéquate le risque majeur que les projets d’investissement financés au titre de la FRR ne respectent pas les règles nationales et européennes. Cette lacune empêche la Commission de fournir une assurance de manière exhaustive. La conformité des projets d’investissement financés par la FRR avec les règles nationales et européennes n’est pas couverte.
36 La responsabilité que la Commission assume en ce qui concerne la protection des intérêts financiers de l’Union est décrite dans la déclaration d’assurance figurant dans le RAA 2021 de la DG ECFIN. Cette déclaration ne va pas au-delà de l’aspect spécifique défini à l’article 22, paragraphe 5, du règlement. La Commission fournit l’assurance qu’elle recouvrera tout montant dû au budget de l’UE dans les cas de fraude, de corruption et de conflit d’intérêts que l’État membre n’aura pas corrigés, ou en cas de violation grave et avérée de la convention de financement. Il en résulte que l’obligation de rendre compte n’est pas suffisamment remplie au niveau de l’UE.
La Commission a conçu un processus très complet pour vérifier le respect des jalons et des cibles
37 Le système de contrôle de la Commission doit lui permettre de s’assurer que les paiements au titre de la FRR sont fondés sur le constat que les jalons et cibles ont été atteints de manière satisfaisante28. Il doit également garantir que les jalons et les cibles précédemment atteints ne donnent pas lieu à l’annulation des mesures qui y sont liées.
38 À cette fin, la Commission a mis en place un processus prévoyant des vérifications ex ante avant qu’un paiement soit effectué en faveur d’un État membre. Ces contrôles consistent essentiellement en un examen documentaire des éléments probants fournis par les États membres pour attester que les jalons et cibles ont été atteints de manière satisfaisante. La Commission réalise un audit ex post après qu’un État membre a perçu un paiement.
39 Nous avons examiné ses procédures et ses documents afin de déterminer si la manière dont les vérifications ex ante et les audits ex post qu’elle effectue sont conçus lui permet d’évaluer correctement le respect des jalons et des cibles. Dans le cadre de notre audit aux fins de la déclaration d’assurance 2021 relative à la FRR, nous nous sommes également penchés sur la manière dont la Commission réalisait concrètement ses vérifications ex ante, dans le but de déceler d’éventuelles faiblesses dans ses procédures.
Le processus de vérification ex ante du respect des jalons et des cibles est très abouti, mais des problèmes subsistent
La vérification ex ante du respect des jalons et des cibles s’appuie sur un processus d’évaluation très abouti
40 Le règlement impose à la Commission de vérifier si les jalons et les cibles fixés dans la décision d’exécution correspondante du Conseil ont été atteints de manière satisfaisante29. Les contrôles ex ante qu’elle a prévus pour les paiements effectués au titre de la FRR devraient lui permettre de s’assurer que la demande de paiement d’un État membre est étayée par des éléments démontrant un respect satisfaisant des jalons et des cibles. Ils devraient en outre être bien documentés.
41 Une fois que les jalons et les cibles convenus et concernés ont été atteints, les États membres soumettent une demande de paiement dûment justifiée à la Commission pour examen (point 10). La Commission vérifie les éléments probants fournis par les États membres dans le cadre de son évaluation préliminaire, qui vise à établir si les jalons et les cibles sous-tendant la demande de paiement ont été atteints de manière satisfaisante.
42 Le processus d’évaluation préliminaire met à contribution un certain nombre d’intervenants, les principaux étant les bureaux géographiques de la DG ECFIN et de la SG RECOVER, qui jouent le premier rôle dans la vérification ex ante et dans l’évaluation des demandes de paiement. Dès que les États membres soumettent des demandes de paiement, les bureaux géographiques sont chargés d’effectuer un examen documentaire et d’évaluer les pièces justificatives accompagnant la demande.
43 Le processus d’évaluation préliminaire implique plusieurs éléments:
- les bureaux géographiques sont continuellement en rapport avec les autorités des États membres pour suivre la progression de ces derniers vers les jalons et les cibles fixés jusqu’au moment où les demandes de paiement sont soumises, mais également au-delà;
- plusieurs unités horizontales de la DG ECFIN participent à l’évaluation. À titre d’exemple, le service juridique de cette direction générale a pour mission d’examiner l’évaluation préliminaire afin d’en assurer la qualité et l’exactitude d’un point de vue juridique;
- la Commission commence par mener des consultations interservices d’abord informelles et techniques, puis formelles, avec les DG et les services compétents, l’objectif étant d’exploiter l’expertise plus importante que les services de la Commission actifs directement et quotidiennement dans les domaines d’intervention concernés possèdent en lien avec la réalisation d’un jalon ou d’une cible spécifique.
44 Sur la base du processus d’évaluation ex ante décrit ci-dessus et à la lumière de nos entretiens avec les représentants des services de la Commission, nous estimons que celle-ci a conçu des vérifications ex ante très complètes pour déterminer si les jalons et les cibles ont été atteints. Nous avons toutefois relevé quelques faiblesses au niveau de la clarté du processus et de la documentation utilisée pour l’évaluation. Nous les détaillons dans les points qui suivent.
Les différentes étapes du processus d’évaluation ne sont pas assez détaillées et documentées
45 Le règlement financier dispose qu’un contrôle interne efficace est fondé sur les bonnes pratiques internationales et comprend notamment des pistes d’audit adéquates30. La piste d’audit doit permettre une compréhension univoque de son objet, de la source et des conclusions tirées.
46 La Commission a choisi d’utiliser un calendrier pour baliser le traitement de chaque demande de paiement, énumérant les actions à entreprendre, les acteurs concernés et l’échéancier à respecter par les équipes participant à l’évaluation préliminaire.
47 L’évaluation de chaque jalon ou cible est documentée et résumée dans une «fiche d’évaluation», qui comporte un inventaire des informations recueillies et l’analyse de la Commission pour l’évaluation préliminaire des jalons et des cibles.
48 Si la fiche d’évaluation et le calendrier contiennent bien tous deux des informations pertinentes sur le processus d’évaluation, l’étendue de la contribution des divers acteurs aux différentes étapes de ce processus, à l’origine de l’évaluation préliminaire, n’est pas suffisamment détaillée et documentée. Il existe donc un risque que les éléments censés démontrer que des jalons ou des cibles ont été convenablement évalués et documentés avec le degré de détail requis ne soient pas suffisants.
L’étendue de la consultation technique des DG et services concernés n’est pas assez claire
49 La responsabilité de l’évaluation du respect des jalons et des cibles incombe à la SG RECOVER et à la DG ECFIN; cependant, les DG et services compétents peuvent être sollicités au cours des vérifications ex ante pour apporter un éclairage technique utile à l’évaluation.
50 Lorsque cet appui technique est demandé aux chargés de mission des DG et des services, ils sont invités en particulier à indiquer s’il existe une quelconque raison pour laquelle il est impossible de déterminer si des jalons ou cibles spécifiques ont été atteints de manière satisfaisante. Au terme du processus d’évaluation préliminaire et pour clôturer le processus de consultation, les DG et services concernés ont encore l’occasion de donner leur avis sur l’évaluation globale au cours d’un échange interservices formel.
51 Bien que nous considérions la consultation d’experts comme un élément important du processus d’évaluation, ni son étendue ni le rôle des DG et des services approchés au cours de ce processus n’ont été clairement définis (point 47). Par ailleurs, la documentation des consultations techniques n’expliquait pas toujours clairement les éléments/aspects des jalons ou cibles sur lesquels les DG concernées s’étaient prononcées, ni ce qui les avait amenées à émettre un tel avis. Faute d’informations claires sur la nature de la consultation technique effectuée et sur la décision d’évaluation prise, il est difficile de savoir ce que couvrait exactement ladite consultation. L’encadré 2 présente un exemple tiré de notre audit aux fins de la déclaration d’assurance pour 2021.
Exemple de contribution peu claire et de documentation insuffisante pendant la consultation technique des DG et des services
Jalon 330
«Les deux règlements s’appliquent à l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes et aux plans d’égalité et à leur enregistrement. Les objectifs des règlements sont les suivants: i) veiller au respect du principe de transparence salariale afin d’identifier les discriminations dues à des évaluations de poste incorrectes, et ii) élaborer des plans d’égalité et veiller à leur inscription dans un registre public.»
La direction générale de l’emploi, des affaires sociales et de l’inclusion (DG EMPL) a été consultée et invitée à contribuer à l’évaluation de ce jalon.
Bien que des échanges verbaux aient eu lieu avec les services de la DG EMPL et que celle-ci n’ait émis aucune objection lors de la consultation interservices formelle, nous n’avons trouvé aucun élément permettant de déterminer l’étendue exacte de la contribution de cette direction générale à l’évaluation. Il n’est pas possible d’établir clairement si, au moment de la consultation technique, les services de la DG EMPL ont considéré que le jalon avait été atteint de manière satisfaisante. Tout comme il est difficile de savoir de quels éléments du jalon ils ont tenu compte, ou s’ils se sont contentés de confirmer qu’à leur connaissance, rien ne pouvait semer le doute quant au respect du jalon.
La même réserve s’applique aux jalons 329 et 333, évalués en même temps que le jalon 33031.
L’évaluation n’est pas parfaitement documentée
52 Pour déterminer si les jalons et les cibles sont atteints de manière satisfaisante, la Commission se fonde sur les éléments pertinents contenus dans leur description et dans celle de la mesure connexe, qui figurent toutes deux dans la décision d’exécution du Conseil correspondante, et tient compte des arrangements opérationnels.
53 Dans notre rapport annuel relatif à l’exercice 2021, nous faisons observer que la description d’une mesure dans l’annexe à la décision d’exécution du Conseil ne concordait pas toujours bien avec le jalon et/ou la cible correspondants. Il en résultait donc une certaine ambiguïté favorisant une interprétation de la notion d’éléments pertinents pour l’évaluation32. Cela étant, nous n’avons relevé aucune justification de la raison pour laquelle la Commission avait considéré comme sans intérêt pour son évaluation, certains éléments définis dans la description de la mesure. Nous avons également constaté que les orientations de la Commission pour déterminer si les jalons et les cibles ont été atteints de manière satisfaisante ne prévoyaient pas de justification de ce type et ne requéraient donc pas explicitement que l’évaluation fût documentée. Sans orientations claires ni documentation, il était difficile, voire impossible, pour un tiers étranger à la procédure de négociation du PRR ou ne connaissant pas le processus de comprendre et de suivre le raisonnement de la Commission.
Il n’existe pas encore de méthode de suspension de paiement
54 Le montant versé à un État membre à la suite de la présentation d’une demande de paiement n’est pas nécessairement fondé sur l’estimation des coûts liés au respect des jalons et des cibles et indiqués dans la demande, mais est plutôt le résultat des négociations menées avec l’État membre concerné. Celles-ci tiennent compte de la proportion de jalons et de cibles ainsi que de leur importance relative33. Si la Commission établit que les jalons et les cibles n’ont pas été atteints de manière satisfaisante, le règlement dispose que «le paiement de la totalité ou d’une partie de la contribution financière et, le cas échéant, du prêt est suspendu»34. Une suspension ne peut être levée que si l’État membre concerné fournit à la Commission la preuve du contraire dans les six mois, sans quoi la Commission est tenue de réduire proportionnellement le montant de la contribution financière ou du prêt (le cas échéant). Dans notre rapport annuel relatif à l’exercice 2021, nous avons toutefois signalé que la Commission n’avait pas mis au point de méthode permettant de déterminer le montant du paiement à suspendre35.
55 Même si une telle méthode n’a aucune influence sur l’évaluation ex ante des jalons et des cibles, son absence implique qu’un élément important du système de contrôle relatif à la FRR garantissant la régularité des paiements effectués au titre de la facilité fait défaut. Elle réduit également la transparence des dispositions convenues avec les États membres et les autres parties prenantes à propos de la FRR, parce que les critères de calcul de l’impact financier d’un non-respect des jalons et des cibles sont incertains. Nous renvoyons à cet égard à la recommandation n° 10.2 de notre rapport annuel relatif à l’exercice 2021.
Les audits ex post pourraient contribuer à garantir l’exactitude des données déclarées à propos du respect des jalons et des cibles
56 Alors que les vérifications ex ante de la Commission s’appuient principalement sur des examens documentaires, les audits ex post lui permettent d’évaluer la situation sur le terrain. Ils sont prévus dans le règlement financier36 et dans les conventions de financement signées avec les États membres. Ils visent à permettre de repérer et de corriger tout non-respect d’un jalon ou d’une cible susceptible de n’apparaître qu’après paiement. Ces audits devraient s’appuyer sur toutes les informations pertinentes, sur des procédures claires et bien conçues, ainsi que sur une évaluation des risques adéquate.
57 Nous avons examiné si la conception des audits ex post réalisés par la Commission était appropriée pour atteindre cet objectif. Nous n’avons pas pu en tester l’exécution pratique (point 21).
58 En ce qui concerne les jalons et les cibles à atteindre, la Commission les soumet à des audits ex post en fonction des risques, en complément de ses vérifications ex ante. Elle procède en outre à des audits des systèmes concernant les jalons et les cibles, axés sur la collecte de données et sur les rapports relatifs aux jalons et aux cibles dans les États membres.
59 Ces audits des systèmes concernant les jalons et les cibles ont pour but l’évaluation des systèmes informatiques et de gestion des données ainsi que d’autres systèmes utilisés pour le stockage, la collecte, l’agrégation et l’établissement de rapports relatifs aux jalons et aux cibles, mais aussi la vérification de la fiabilité des données communiquées à propos des jalons et cibles atteints, y compris leur agrégation.
60 Ces audits sont fondés sur les risques et couvrent tous les jalons et cibles considérés comme «à haut risque» lors de l’évaluation des risques réalisée par la Commission, ainsi que, en fonction des ressources disponibles, un maximum de jalons et de cibles jugés «à moyen risque» afin de confirmer sur le terrain les informations que les États membres ont transmises à la Commission au stade de la vérification ex ante.
61 La Commission sélectionne les autorités nationales, les jalons et les cibles à auditer sur la base d’une évaluation globale des risques, d’une part, et d’une évaluation des risques liés à la demande de paiement, d’autre part. La liste initiale des États membres à contrôler est également établie en fonction de l’avancement de leur préparation et du moment où les demandes de paiement sont adressées.
62 Les évaluations des risques se fondent sur un certain nombre de facteurs, tels que:
- le degré de complexité des systèmes de contrôle nationaux;
- les audits réalisés par les États membres;
- le risque que les mesures figurant dans les PRR soient cofinancées par d’autres fonds de l’UE;
- les types de bénéficiaire final.
63 Les audits portant sur les jalons et les cibles ont pour finalité d’apporter une assurance supplémentaire ex post sur le fait que ceux-ci ont été atteints de manière satisfaisante, tandis que les audits des systèmes relatifs aux jalons et aux cibles doivent permettre à la Commission de s’assurer que les systèmes nationaux de collecte et de stockage de l’information destinée aux rapports sur les jalons et les cibles sont adéquats et fiables.
64 Le plan d’enquête de la DG ECFIN fournit des orientations détaillées sur ces deux types d’audits et propose une série de modèles à utiliser dans ce cadre.
65 À la suite de notre examen des documents de planification des audits ex post, nous estimons que, dans l’ensemble, ils sont bien élaborés pour ce qui est des travaux et documents prévus; leur mise en œuvre ne pourra toutefois être évaluée qu’ultérieurement. Le calendrier initial des travaux d’audit pour 2022 et 2023 indique également une couverture étendue. La Commission a programmé des audits dans 20 États membres, dont 20 destinés à contrôler les systèmes informatiques et de gestion des données et sept portant sur la fiabilité des données communiquées.
L’absence d’orientations accroît le risque de ne pas détecter l’annulation de mesures liées à des jalons et des cibles précédemment atteints
66 Les jalons et les cibles atteints et ayant fait l’objet d’un paiement ne devraient pas donner lieu à une annulation des mesures correspondantes par la suite. Le règlement tient compte de ce risque et dispose que le «fait d’avoir atteint les jalons et cibles de manière satisfaisante présuppose que l’État membre concerné n’a pas annulé les mesures liées aux jalons et cibles précédemment atteints de manière satisfaisante»37. Selon les conventions de financement, toute demande de paiement adressée par un État membre devrait confirmer que ce n’est effectivement pas le cas.
67 La déclaration de confirmation des États membres est un élément essentiel de contrôle du maintien des mesures liées à des jalons et cibles précédemment atteints. En outre, selon la Commission, le fait que les bureaux géographiques assurent un suivi permanent et entretiennent le dialogue avec les autorités des États membres leur permet aussi de déceler les jalons et les cibles qui ont donné lieu à des annulations.
68 Une annulation ne peut se produire que lorsqu’un jalon ou une cible ont été considérés comme atteints de manière satisfaisante. Il est donc impossible d’en vérifier l’existence lors des procédures ex ante. Les travaux d’examen portant sur l’annulation de mesures liées à des jalons ou à des cibles précédemment atteints doivent dès lors s’effectuer ex post.
69 Jusqu’à présent, la Commission n’a pas élaboré la moindre orientation définissant la nature exacte de l’annulation de mesures en lien avec des jalons ou cibles précédemment atteints, les circonstances dans lesquelles une telle annulation est réputée avoir été effectuée, ou encore la manière dont les services de la Commission et les autorités des États membres devraient assurer le suivi des annulations. L’absence d’orientations de ce type accroît le risque que les États membres et la Commission ne repèrent pas de manière appropriée et systématique tous les jalons et cibles qui ont donné lieu à une annulation.
70 La Commission n’a pas non plus fourni à ce jour d’orientations sur l’incidence de l’annulation de mesures liées à des jalons ou cibles précédemment atteints sur une demande de paiement passée ou en cours.
Les contrôles de la Commission pourraient étayer son évaluation des systèmes des États membres, mais les procédures de signalement des fraudes et de correction des faiblesses ont leurs limites
Les audits prévus par la Commission pourraient lui permettre d’évaluer les systèmes de contrôle des États membres concernant la fraude, la corruption, les conflits d’intérêts et le double financement
71 La protection des intérêts financiers de l’Union implique que la mise en œuvre de la FRR respecte le droit applicable de l’UE et de ses États membres, en particulier en ce qui concerne la prévention, la détection et la correction de la fraude, de la corruption et des conflits d’intérêts. Cette observation vaut aussi pour le risque de double financement.
72 Quand elle évoque son rôle dans la protection des intérêts financiers de l’UE, la Commission parle d’une responsabilité résiduelle, qui se limite à s’assurer que les États membres disposent de systèmes adéquats et à intervenir s’ils n’honorent pas leurs obligations de contrôle en matière de prévention, de détection et de correction des cas de fraude, de corruption, de conflit d’intérêts et de double financement (point 33).
73 Les audits prévus par la Commission reflètent cette limitation et sont centrés sur les systèmes de contrôle des États membres en matière de prévention, de détection et de correction des cas de fraude, de corruption, de conflit d’intérêts et de double financement. Ces audits devraient s’appuyer sur toutes les informations pertinentes, sur des procédures claires et bien conçues, ainsi que sur une évaluation des risques adéquate. Nous avons examiné la procédure et les documents de planification de la Commission pour ces audits.
74 La Commission a défini ses travaux d’audit concernant la protection des intérêts financiers de l’Union dans sa stratégie d’audit.
75 La stratégie d’audit relative à la FRR prévoit que la Commission effectue au moins un audit de système distinct par État membre au cours de la mise en œuvre de la facilité. Ces audits visent à donner à la Commission l’assurance que les systèmes de contrôle des États membres sont capables de prévenir, de détecter et de corriger les cas de fraude, de corruption, de conflit d’intérêts et de double financement. Selon le planning initial des travaux d’audit pour 2022 et 2023, 21 audits relatifs à la protection des intérêts financiers étaient prévus.
76 Les audits des systèmes portant sur la fraude, la corruption, les conflits d’intérêts et les doubles financements pourraient permettre à la Commission d’évaluer les systèmes que les États membres ont mis en place pour détecter ces problèmes, mais l’efficacité de ces audits ne peut être jugée qu’ultérieurement. En outre, nous avons constaté des limites qui concernent différents éléments du système de contrôle de la Commission et dont nous rendons compte dans les points qui suivent.
La valeur ajoutée des déclarations de gestion et des résumés des États membres risque de pâtir du peu d’informations disponibles sur leurs audits
77 Toute demande de paiement adressée par un État membre doit être accompagnée d’une déclaration de gestion étayée par un résumé des audits réalisés au niveau national (point 10). La DG ECFIN examine ces documents afin de cerner les informations utiles pour ses vérifications ex ante du respect des jalons et cibles fixés ou pour ses audits. Les déclarations de gestion des États membres doivent fournir l’assurance que les fonds ont été gérés conformément aux dispositions de toutes les règles nationales et européennes applicables, en particulier celles visant à prévenir les conflits d’intérêts, la fraude et la corruption. Les États membres sont également tenus de confirmer que les irrégularités constatées lors de leurs audits ont été corrigées de manière appropriée et que les fonds concernés ont été dûment recouvrés auprès des bénéficiaires finals. La Commission examine les documents en question afin de vérifier si toute faiblesse des systèmes ou tout cas de fraude, de corruption ou de conflit d’intérêts ont été repérés et si des mesures correctives ont été prises pour protéger les intérêts financiers de l’Union. S’il s’agit d’une première demande de paiement, elle vérifie également si les jalons de contrôle et d’audit ajoutés lors de l’évaluation des PRR ont été atteints.
78 La valeur ajoutée des déclarations de gestion et des résumés des audits dépend de l’étendue et de la qualité des travaux d’audit effectués par les autorités nationales. La Commission a publié, à l’intention des États membres, des orientations relatives à l’élaboration du résumé des audits dans le cadre de la facilité pour la reprise et la résilience. Ce document définit le type d’informations que les résumés sont supposés contenir et explique les types d’audits que les autorités des États membres sont censées réaliser. Nous constatons qu’il n’existe pas d’orientations précises concernant le contenu et la conception de tels audits, étant donné que le règlement ne fournit aucune base juridique à cet égard.
79 Pour ce qui est des quatre demandes de paiement reçues en 2021, la Commission a relevé qu’en raison du court délai entre l’approbation des plans et la présentation desdites demandes, l’étendue des travaux d’audit réalisés par les autorités nationales était en général limitée38. Les informations dont elle dispose sur la qualité des travaux d’audit étayant le résumé des audits et sur les éléments de la FRR auxquels les États membres donneront la priorité dans leurs audits pendant la durée de la facilité sont tirées d’échanges avec les autorités d’audit nationales et de l’évaluation qu’elle fait de leurs stratégies d’audit nationales. La Commission nous a informés du fait qu’elle avait l’intention de ne s’appuyer sur les résultats des audits nationaux que si leur fiabilité était confirmée par les travaux de ses propres auditeurs.
Le signalement des fraudes et les lignes directrices relatives aux corrections des faiblesses dans les systèmes des États membres ne sont pas parfaitement au point
Il n’existe pas d’approche centralisée et normalisée pour le signalement des fraudes
80 Dans le domaine des Fonds relevant de la politique de cohésion, les autorités des États membres sont obligées de signaler à la Commission toute irrégularité détectée – qu’elle soit due à une fraude ou non – dans le système de gestion des irrégularités (IMS). La Commission utilise ces informations, qui constituent l’un des canaux alimentant sa propre évaluation du risque de fraude et sa stratégie de lutte contre la fraude, deux éléments importants pour le ciblage de ses audits et contrôles. S’ils ont bien l’obligation de signaler à la Commission, dans leur déclaration de gestion, les irrégularités, frauduleuses ou non, qu’ils relèvent lors de la mise en œuvre de la FRR, les États membres ne sont nullement tenus, contrairement à la procédure imposée dans le cas de la mise en œuvre de la politique de cohésion, de le faire au moyen d’un système informatique intégré.
81 Les États membres doivent rapporter, dans leur déclaration de gestion, tout cas de fraude, de corruption ou de conflit d’intérêts qu’ils auraient décelé (et préciser les mesures correctives prises). Alors que c’est le cas avec l’IMS, il n’est pas clairement établi à quel moment la détection d’une fraude devrait être signalée, ni s’il existe un seuil de signalement, ni quelles informations types devraient être communiquées concernant chaque cas et les mesures correctives prises. Faute d’informations centralisées et normalisées au niveau de la Commission à propos des cas de fraude, de corruption et de conflit d’intérêts présumés détectés par les autorités des États membres, il est difficile d’analyser correctement le risque de fraude, ce qui est pourtant essentiel pour cibler efficacement les audits ex post relatifs à la protection des intérêts financiers de l’Union.
82 Avec les États membres, la Commission est tenue de faire rapport annuellement au Parlement européen et au Conseil sur les mesures prises pour combattre la fraude et toute autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de l’UE (le rapport PIF). Les informations et données annuelles concernant la fraude et les irrégularités qui ont un impact sur les dépenses de l’UE constituent l’un des principaux éléments de ce rapport. Dès lors que la Commission ne dispose pas d’informations centralisées et normalisées sur la fraude et les autres activités illégales portant atteinte aux paiements effectués au titre de la FRR, le risque existe que son rapport PIF annuel dresse un tableau incomplet de la situation.
Les contreparties peu fiables ne sont actuellement ni signalées ni exclues
83 À l’heure actuelle, les États membres ne sont pas obligés d’utiliser le système de détection rapide et d’exclusion (EDES) de la Commission pour les mesures relevant de la FRR. Cela signifie que l’un des outils disponibles pour assurer la protection des intérêts financiers de l’Union ne s’applique pas à la FRR.
84 Dans notre avis relatif à la proposition de refonte du règlement financier, nous accueillons par conséquent favorablement le souhait de la Commission de voir des dispositions d’exclusion adéquates être appliquées aux programmes de dépenses en gestion directe, comme la FRR, dont les États membres sont les bénéficiaires39. L’efficacité du système EDES passera par la disponibilité et la fiabilité des informations relatives aux contreparties qui ne seraient peut-être pas dignes de confiance.
Absence d’orientations internes concernant les corrections
85 Le règlement habilite la Commission à intervenir si elle estime que le système d’un État membre ne protège pas de manière appropriée les intérêts financiers de l’Union. Il dispose que la Commission a le droit «de réduire proportionnellement le soutien accordé au titre de la facilité et de recouvrer tout montant dû au budget de l’Union ou de demander le remboursement anticipé du prêt, en cas de fraude, de corruption et de conflits d’intérêts portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union qui n’ont pas été corrigés par l’État membre, ou en cas de manquement grave à une obligation découlant de tels accords»40.
86 Dans le même article, il dispose en outre: «Lorsqu’elle décide du montant du recouvrement et de la réduction, ou du montant faisant l’objet du remboursement anticipé, la Commission respecte le principe de proportionnalité et tient compte de la gravité de la fraude, de la corruption et du conflit d’intérêts portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union, ou du manquement à une obligation.»
87 Si les corrections forfaitaires font l’objet de dispositions générales dans les conventions de financement, la Commission n’a pas encore élaboré d’orientations internes pour l’application de ces taux forfaitaires. À titre d’exemple, nous renvoyons aux Lignes directrices relatives au calcul des corrections financières dans le cadre des procédures d’apurement de conformité et d’apurement des comptes.
88 L’absence d’orientations internes à propos de l’application de ces taux forfaitaires réduit la transparence et ne garantit pas la cohérence des dispositions de la FRR à l’égard des États membres et des autres parties prenantes41.
Conclusions et recommandations
89 La FRR procède d’un nouveau modèle de mise en œuvre dans lequel les paiements de la Commission en faveur des États membres sont conditionnés par le respect de jalons et de cibles. Notre conclusion est que, dans un délai relativement court, la Commission a conçu un système de contrôle composé d’un ensemble de vérifications ex ante approfondies, complétées par des audits sur place afin de déterminer si les jalons et les cibles fixés ont été atteints de manière satisfaisante. Cependant, ce système de contrôle fournit peu d’informations vérifiées au niveau de l’UE attestant que les projets d’investissement financés respectent les règles nationales et européennes. L’absence de telles informations nuit à l’assurance que peut fournir la Commission à propos de la protection des intérêts financiers de l’Union et crée une faille en matière d’obligation de rendre compte à l’échelle de l’UE.
90 Nous avons constaté que les vérifications ex ante effectuées par la Commission pour déterminer si les jalons et les cibles ont été atteints sont très complètes. Comme nous l’avions déjà signalé au chapitre 10 de notre rapport annuel relatif à l’exercice 2021, nous avons constaté que la documentation de l’évaluation de la Commission était limitée et qu’une méthode de suspension (partielle) ou de réduction du paiement, telle que nous l’avions souhaitée dans nos recommandations nos 10.1 et 10.2, n’est pas encore disponible. Nous avons également observé que la définition et la documentation de l’étendue et des objectifs des différentes étapes de l’évaluation préliminaire pouvait être améliorée, notamment en ce qui concerne la consultation des autres directions générales et services de la Commission sur les aspects techniques (points 40 à 55).
Recommandation n° 1 – Améliorer les procédures de vérification ex ante
Forte de l’expérience acquise jusqu’ici, la Commission devrait développer davantage ses procédures afin de documenter de manière adéquate son évaluation et de clarifier le rôle et l’étendue de la consultation technique avec les autres DG et services.
Quand? En 2023.
91 La Commission a prévu des audits ex post approfondis du respect des jalons et des cibles. Le programme des travaux d’audit pour 2022 indique également une couverture étendue des États membres. Cela étant, la pertinence des audits ex post prévus ne peut être évaluée qu’ultérieurement (point 56 à 65).
92 Le succès de la mise en œuvre de la FRR dépend du respect des jalons et des cibles fixés et du maintien des mesures y afférentes par la suite. Nous constatons qu’actuellement, il n’existe pas d’orientations permettant d’avoir une vision cohérente de ce qui constitue l’annulation d’une mesure liée à des jalons ou cibles précédemment atteints, de la manière d’atténuer le risque d’annulation et de l’impact qu’une telle annulation aurait sur des paiements déjà effectués ou en cours (points 66 à 70).
Recommandation n° 2 – Élaborer des orientations relatives à l’annulation de mesures en lien avec des jalons ou des cibles précédemment atteints
La Commission devrait élaborer des orientations et des procédures traitant de l’annulation des mesures liées à des jalons et cibles précédemment atteints afin d’en garantir une interprétation et une application cohérentes.
Quand? En 2023.
93 La Commission a élaboré des documents de planification pour ses audits des systèmes afin de couvrir le système de contrôle de chaque État membre et de protéger ainsi les intérêts financiers de l’Union (points 71 à 76). Nous constatons toutefois que ces audits ne porteront que sur les systèmes de contrôle mis en place par les États membres pour détecter les cas de fraude, de corruption, de conflit d’intérêts et de double financement. Les informations vérifiées disponibles à cet égard au niveau de l’Union sont de ce fait limitées pour ce qui est de la conformité des projets d’investissement financés au titre de la FRR avec les règles nationales et européennes, ce qui nuit à l’assurance que la Commission peut fournir sur ce point. La responsabilité que la Commission assume en ce qui concerne la protection des intérêts financiers de l’Union est décrite dans la déclaration d’assurance figurant dans le rapport annuel d’activités de la DG ECFIN. Elle se limite à garantir le recouvrement de tout montant dû en cas de fraude, de corruption et de conflit d’intérêts qui n’ont pas été corrigés par l’État membre, ou en cas de violation grave et avérée de la convention de financement (points 28 à 36).
Recommandation n° 3 – Combler la faille en matière d’assurance au niveau de l’UE pour ce qui est de la conformité avec les règles nationales et européennes
La Commission devrait recenser les mesures requises pour combler la faille en matière d’assurance au niveau de l’UE en ce qui concerne la conformité des projets d’investissement financés par la FRR avec les règles nationales et européennes.
Quand? En 2023.
94 Nous estimons que la valeur réelle des déclarations de gestion et des résumés des audits des États membres sera largement fonction de l’étendue et de la qualité des audits en question, et constatons l’absence d’orientations précises en ce qui concerne la couverture et la conception de ces derniers. L’étendue des travaux d’audit réalisé par les autorités nationales au cours de la première année était en général limitée. Les informations dont la Commission dispose sur la qualité des travaux d’audit sont tirées d’échanges avec les autorités d’audit nationales et de l’évaluation qu’elle fait de leurs stratégies d’audit nationales (points 77 à 79).
95 En ce qui concerne le signalement des cas de fraude en lien avec la FRR (points 80 à 84), nous retenons les deux constats ci-après.
- L’absence d’informations centralisées et normalisées sur la fraude dans le système de gestion des irrégularités signifie que les données disponibles pour planifier et cibler les audits des systèmes sont incomplètes.
- À l’heure actuelle, les contreparties peu fiables (bénéficiaires finals) ne sont pas reprises dans le système de détection rapide et d’exclusion, ni privées de financements de l’UE. La proposition de modification des dispositions du règlement financier (refonte) prévoit toutefois qu’elles le soient.
Recommandation n° 4 – Harmoniser le signalement des cas de fraude en lien avec la FRR
La Commission devrait harmoniser le signalement des cas de fraude en lien avec la FRR et enregistrer ces derniers, avec les autres activités illégales, dans le système de gestion des irrégularités.
Quand? En 2023.
96 Les conventions de financement signées avec les États membres prévoient différents niveaux de correction forfaitaire si la Commission met au jour, dans le système de contrôle d’un État membre, une insuffisance qui constitue un manquement grave à l’obligation de ce pays de protéger les intérêts financiers de l’Union, telle qu’elle est définie dans la convention de financement. Cependant, les définitions actuelles des différents niveaux ne permettent pas d’avoir une application uniforme des taux forfaitaires (points 85 à 88).
Recommandation n° 5 – Élaborer des orientations internes à propos des corrections
La Commission devrait élaborer des orientations internes concernant l’application des corrections forfaitaires définies dans les conventions de financement en cas de faiblesse relevée dans les systèmes de contrôle des États membres destinés à protéger les intérêts financiers de l’Union.
Quand? En 2023.
Le présent rapport a été adopté par la Chambre V, présidée par Jan Gregor, Membre de la Cour des comptes, à Luxembourg en sa réunion du 15 février 2023.
Par la Cour des comptes

Tony Murphy
Président
Abréviations et acronymes
CEF: comité économique et financier
DG: direction générale
DG ECFIN: direction générale des affaires économiques et financières
DG EMPL: direction générale de l’emploi, des affaires sociales et de l’inclusion
EDES: système de détection rapide et d’exclusion (Early Detection and Exclusion System)
FRR: facilité pour la reprise et la résilience
IMS: système de gestion des irrégularités (Irregularity Management System)
PIF: protection des intérêts financiers
PRR: plan pour la reprise et la résilience
SG RECOVER: task force pour la reprise et la résilience au sein du Secrétariat général de la Commission européenne
Glossaire
Comité économique et financier: comité de l’Union européenne créé pour promouvoir la coordination des politiques dans les États membres.
EDES: système établi par la Commission européenne afin de renforcer la protection des intérêts financiers de l’Union et d’assurer une bonne gestion financière. L’EDES vise à protéger les intérêts financiers de l’Union contre les personnes et entités peu fiables qui demandent des fonds de l’UE ou qui ont conclu des engagements juridiques avec la Commission ou d’autres institutions, organes et organismes de l’Union.
Facilité pour la reprise et la résilience: mécanisme d’aide financière de l’UE visant à atténuer les conséquences socio-économiques de la pandémie de COVID-19 tout en soutenant les transitions verte et numérique.
NextGenerationEU: programme de financement visant à aider les États membres de l’UE à surmonter les conséquences économiques et sociales de la pandémie de COVID-19.
Plan pour la reprise et la résilience: document établissant les réformes et les investissements prévus par un État membre au titre de la facilité pour la reprise et la résilience.
Système de gestion des irrégularités: application utilisée par les États membres pour signaler les irrégularités, y compris les cas de fraude présumée, à l’OLAF.
Réponses de la Commission
Équipe d’audit
Les rapports spéciaux de la Cour présentent les résultats de ses audits relatifs aux politiques et programmes de l’Union ou à des questions de gestion concernant des domaines budgétaires spécifiques. La Cour sélectionne et conçoit ces activités d’audit de manière à maximiser leur impact en tenant compte des risques pour la performance ou la conformité, du niveau des recettes ou des dépenses concernées, des évolutions escomptées ainsi que de l’importance politique et de l’intérêt du public.
L’audit de la performance objet du présent rapport a été réalisé par la Chambre V (Financement et administration de l’Union européenne), présidée par Jan Gregor, Membre de la Cour. L’audit a été effectué sous la responsabilité de Tony Murphy, Membre de la Cour, assisté de: Wolfgang Stolz, chef de cabinet, et Brian Murphy et Peter Borsos, attachés de cabinet; Judit Oroszki, manager principale; Gediminas Macys, chef de mission; Kristina Kosor et Raymond Larkin, auditeurs. Les travaux de secrétariat ont été effectués par Valérie Tempez.

De gauche à droite: Peter Borsos, Judit Oroszki, Kristina Kosor, Tony Murphy, Brian Murphy, Gediminas Macys, Wolfgang Stolz, Raymond Larkin et Valérie Tempez.
Notes
1 Article 8 et article 22, paragraphe 1, du règlement.
2 Article 24, paragraphe 3, du règlement.
3 Article 22, paragraphe 1, du règlement.
4 Article 22, paragraphe 5, du règlement.
5 Voir article 18, paragraphe 4, du règlement pour l’ensemble complet des conditions auxquelles les PRR doivent satisfaire.
7 Article 22, paragraphe 2, point c), du règlement.
8 Idem.
9 Article 24, paragraphe 3, du règlement.
10 Rapport spécial 21/2022 intitulé Évaluation des plans nationaux pour la reprise et la résilience par la Commission – Une mission bien assurée dans l’ensemble, malgré la persistance de risques pour la mise en œuvre.
11 Avis 06/2020 sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant une facilité pour la reprise et la résilience.
13 Rapport annuel sur l’exécution du budget de l’UE relatif à l’exercice 2021, chapitre 10 – Facilité pour la reprise et la résilience.
14 Document d’analyse 01/2023 – Le financement octroyé par l’UE au titre de la politique de cohésion et de la facilité pour la reprise et la résilience: une analyse comparative.
15 Chapitre 10 de notre rapport annuel relatif à l’exercice 2021.
17 RAA 2021 de la DG ECFIN, annexe XIV.
18 Article 24, paragraphe 5, du règlement.
21 Points 56 à 61 du rapport spécial 21/2022.
22 Point VIII du rapport spécial 21/2022.
23 Point 80 du document d’analyse 01/2023.
24 Article 22, paragraphe 1, et considérant 54 du règlement.
25 RAA 2021 de la DG ECFIN, p. 52.
26 Stratégie d’audit de la Commission relative à la FRR, p. 3.
27 Figure 1.8 de notre rapport annuel relatif à l’exercice 2021.
28 Article 24, paragraphe 3, du règlement.
29 Article 24, paragraphe 3, du règlement.
30 Article 36, paragraphe 3, du règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil du 18 juillet 2018 relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union.
31 Annexe à la décision d’exécution du Conseil.
32 Points 10.24 à 10.26 de notre rapport annuel relatif à l’exercice 2021.
33 Voir point 73 de notre rapport spécial 21/2022.
34 Article 24, paragraphe 6, du règlement.
35 Point 10.28 de notre rapport annuel relatif à 2021.
36 Article 74, paragraphe 6, du règlement financier.
37 Article 24, paragraphe 3, du règlement.
38 RAA 2021 de la DG ECFIN, p. 60.
39 Avis 06/2022 (présenté en vertu de l’article 322, paragraphe 1, du TFUE) sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union (refonte).
40 Article 22, paragraphe 5, du règlement.
41 Point 106 du document d’analyse 01/2023.
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ISBN 978-92-847-9587-1 | ISSN 1977-5695 | doi:10.2865/364794 | QJ-AB-23-008-FR-N | |
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