Rapport spécial
14 2022

Réaction de la Commission à la fraude à la politique agricole commune – Il est temps d'attaquer le problème à la racine

À propos du rapportLa fraude porte atteinte aux intérêts financiers de l'UE et l'empêche d'utiliser pleinement ses ressources pour atteindre ses objectifs stratégiques. Dans le présent rapport, nous dressons un panorama des risques de fraude qui pèsent sur la politique agricole commune (PAC) et nous analysons la réaction de la Commission face à ce phénomène. Nous concluons que la Commission a réagi à des cas de fraude aux aides de la PAC, mais qu'elle n'avait pas suffisamment pris les devants en ce qui concerne l'incidence du risque d'accaparement illégal de terres sur les paiements de la PAC, le suivi des mesures antifraude adoptées par les États membres et l'exploitation des possibilités offertes par les nouvelles technologies. Nous recommandons à la Commission d'entreprendre des actions pour approfondir sa connaissance des risques de fraude et des mesures antifraude, puis d'agir sur la base du constat dressé. Nous préconisons également qu'elle aille plus loin dans la promotion de l'utilisation des nouvelles technologies pour prévenir et détecter la fraude.

Rapport spécial de la Cour des comptes européenne présenté en vertu de l'article 287, paragraphe 4, deuxième alinéa, du TFUE.

Cette publication est disponible, au format ci-après, dans 24 langues de l'UE:
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PDF Rapport spécial: mesures de lutte contre la fraude à la PAC

Synthèse

I La politique agricole commune (PAC) finance l'agriculture et le développement rural dans l'UE, et son soutien se décline sous la forme:

  • de paiements directs aux agriculteurs, généralement fondés sur la surface de terres agricoles dont disposent les bénéficiaires;
  • de mesures de marché dans le domaine agricole, destinées à aider les filières agricoles européennes à s'adapter aux évolutions du marché;
  • de programmes de développement rural nationaux et régionaux mis en place par les États membres, qui soutiennent le développement économique et social dans les zones rurales et fournissent une aide fondée sur des critères environnementaux et climatiques.

II De 2018 à 2020, dans l'EU‑27, les paiements directs se sont élevés en moyenne à 38,5 milliards d'euros par an, tandis que les dépenses liées aux mesures de marché et au développement rural s'établissaient respectivement, en moyenne, à 2,7 et à 13,1 milliards d'euros.

III La fraude porte atteinte aux intérêts financiers de l'UE et l'empêche d'utiliser pleinement ses ressources pour atteindre ses objectifs stratégiques. Nous espérons que notre rapport aidera la Commission et les États membres à renforcer leur capacité de lutte contre la fraude dans le cadre de la nouvelle politique agricole commune pour la période 2023‑2027.

IV Différents organismes au niveau de l'UE et des États membres s'emploient à mettre les fonds de la PAC à l'abri de la fraude. Notre audit visait à déterminer si la Commission avait pris les mesures adéquates à l'égard de la fraude aux aides de la PAC, en évaluant les risques de fraude inhérents aux régimes de paiement de cette politique. Nous avons aussi voulu savoir si elle avait recensé les risques de fraude qui pèsent sur les dépenses de la PAC et si elle y avait apporté une réponse adaptée.

V Nous avons constaté que la Commission avait réagi à des cas de fraude aux aides de la PAC, mais qu'elle n'avait pas suffisamment pris les devants en ce qui concerne l'incidence du risque d'accaparement illégal de terres sur les paiements de la PAC, le suivi des mesures antifraude adoptées par les États membres et l'exploitation des possibilités offertes par les nouvelles technologies.

VI Les risques de fraude varient selon les régimes de paiement de la PAC. Dans le présent rapport, nous en dressons un panorama pour ces différents régimes. Nous avons recensé des risques liés à la dissimulation, par les bénéficiaires, du non-respect des conditions d'admissibilité, à la complexité des mesures financées et aux formes illégales d'«accaparement de terres».

VII La Commission a évalué les risques de fraude au niveau des dépenses de la PAC et a établi que les mesures d'investissement en faveur du développement rural et certaines mesures de marché étaient plus exposées au risque que d'autres régimes de paiement. Elle a récemment publié des orientations à l'intention des organismes payeurs concernant l'accaparement de terres et la notion de «terres à la disposition de l'agriculteur».

VIII La Commission a fourni aux États membres des orientations sur les questions liées à la fraude. La majorité des organismes payeurs ont apprécié ces orientations, mais certains ont estimé qu'il aurait été utile d'y inclure davantage d'exemples concrets. La Commission a réalisé sa dernière analyse du risque de fraude à la PAC en 2016 et en prévoit une nouvelle avant janvier 2023 et l'entrée en vigueur de la nouvelle PAC.

IX La Commission effectue des contrôles d'agrément et de conformité auprès des organismes payeurs en vue d'évaluer leurs systèmes de contrôle, et peut à cette occasion se pencher sur les mesures antifraude. Elle s'appuie sur les examens annuels des organismes de certification pour contrôler le respect, par les organismes payeurs, de leurs critères d'agrément, y compris en ce qui concerne les mesures antifraude. Plusieurs organismes de certification fournissaient peu d'éléments concernant les mesures antifraude des organismes payeurs dans leurs rapports, mais la Commission n'a pas exigé d'eux qu'ils donnent de plus amples détails.

X La Commission a encouragé l'utilisation des nouvelles technologies pour automatiser les contrôles, notamment les «contrôles de suivi», qui consistent à surveiller l'ensemble de la population des bénéficiaires de l'aide pour un régime donné. Elle a aussi développé son propre outil de calcul du risque, Arachne, afin d'aider les États membres à prévenir la fraude. L'utilisation de ces technologies se fait sur une base volontaire, et les États membres ont été peu réactifs. L'intelligence artificielle et les mégadonnées sont des technologies prometteuses pour la lutte contre la fraude, mais les États membres peinent à les exploiter et la Commission commence à en faire la promotion.

XI Nous adressons des recommandations à la Commission afin qu'elle parvienne à approfondir sa connaissance des risques de fraude et des mesures antifraude en lien avec les dépenses de la PAC et à la partager pour protéger les intérêts financiers de l'UE, ainsi qu'à promouvoir l'utilisation des nouvelles technologies dans la prévention et la détection de la fraude.

Introduction

La politique agricole commune (PAC)

01 La PAC finance l'agriculture et le développement rural dans l'UE, et son soutien se décline sous la forme:

  • de paiements directs aux agriculteurs, entièrement financés sur le budget de l'UE et généralement fondés sur la surface de terres agricoles dont disposent les bénéficiaires;
  • de mesures de marché dans le domaine agricole, également financées intégralement sur le budget de l'UE, à l'exception de certaines mesures cofinancées par les États membres. Ces mesures englobent le soutien au stockage public et privé de produits agricoles en cas de perturbations du marché, des régimes d'aide sectoriels (par exemple dans le secteur vitivinicole ou des fruits et légumes) et le remboursement des coûts liés à la promotion des ventes de produits agricoles de l'UE;
  • de programmes de développement rural mis en place par les États membres à l'échelle nationale ou régionale. Cofinancés par le budget de l'UE et les États membres, ces programmes mêlent le remboursement des coûts des projets et des paiements fondés sur la surface des terres agricoles ou sur le nombre d'animaux dont dispose le bénéficiaire.

02 De 2018 à 2020, dans l'EU‑27, les paiements directs se sont élevés en moyenne à 38,5 milliards d'euros par an, tandis que les dépenses liées aux mesures de marché et au développement rural s'établissaient respectivement, en moyenne, à 2,7 et à 13,1 milliards d'euros.

03 Dans l'UE, le secteur agricole se caractérise par une multitude de types de bénéficiaires, de tailles d'exploitations et de régimes fonciers des terres agricoles. Du fait de cette forte hétérogénéité, il est difficile de concevoir des règles et des systèmes de contrôle qui englobent tous les scénarios possibles.

04 Le bénéficiaire de la PAC peut aussi bien être un particulier, qu'une coopérative, une entreprise ou encore un organisme du secteur public. Au cours de l'exercice 2020, environ 6,2 millions de bénéficiaires ont perçu des paiements directs, 3,5 millions (généralement aussi bénéficiaires de paiements directs) ont reçu des paiements au titre de mesures de développement rural et 102 000, une aide au titre des mesures de marché.

05 La plupart des bénéficiaires de la PAC reçoivent moins de 10 000 euros par an: même si la part de cette population est en baisse, elle représente toujours plus de 80 % des bénéficiaires (voir figure 1).

Figure 1 – Répartition des paiements entre les bénéficiaires de la PAC sur la période 2014‑2020

Source: Cour des comptes européenne, sur la base de données de la DG AGRI.

06 En ce qui concerne la structure des exploitations agricoles de l'UE, 67 % d'entre elles s'étendent sur moins de 5 hectares, tandis que 3 % en comptent plus de 100. La situation varie d'un État membre à l'autre. Par exemple, à Malte et en Roumanie, plus de 90 % des exploitations font moins de 5 hectares, alors qu'au Danemark et en Finlande, seules 4 % des exploitations relèvent de cette catégorie.

07 La répartition des terres agricoles varie également. En Slovaquie, 9 % des exploitations ont une superficie supérieure à 100 hectares et couvrent 89 % de la surface agricole nationale, alors qu'en Slovénie, ce type d'exploitations ne couvrent que 7 % des terres agricoles. La figure 2 présente la situation au niveau de l'UE, dans les trois États membres sélectionnés (voir point 26) et dans les deux États membres situés à chaque extrémité du spectre.

Figure 2 – Répartition des terres agricoles dans l'EU‑27 et dans une sélection d'États membres (2016)

Source: Cour des comptes européenne, sur la base de données d'Eurostat.

08 En ce qui concerne le régime foncier des terres agricoles, 82 % des agriculteurs polonais sont propriétaires de leurs terres, tandis que 78 % des agriculteurs maltais en sont locataires, et qu'en Grèce, un tiers des surfaces agricoles sont des terres communes (voir annexe I).

Protéger le budget de la PAC contre la fraude

09 La législation de l'UE1 définit la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union comme une infraction intentionnelle (acte ou omission), préjudiciable au budget de l'Union ou susceptible de l'être, relative:

  • à l'utilisation ou à la présentation de déclarations ou de documents faux, inexacts ou incomplets;
  • à la non-communication d'une information en violation d'une obligation spécifique;
  • au détournement de fonds à des fins autres que celles pour lesquelles ils ont été initialement accordés.

10 Le principal élément distinctif entre la fraude et l'irrégularité réside dans le caractère intentionnel ou non. Une irrégularité peut être le résultat d'une interprétation incorrecte d'une règle, tandis que la fraude résulte d'une violation délibérée d'une règle.

11 La fraude peut être «interne» ou «externe»2. Dans le contexte de la PAC:

  • une fraude interne peut être commise par les agents des autorités publiques participant à la gestion des fonds de la PAC ou par les agents des institutions ou organes de l'UE. Il peut s'agir de conflits d'intérêts non déclarés, de violations du secret professionnel ou de corruption passive;
  • la fraude externe désigne la fraude commise par des bénéficiaires de fonds de la PAC. Elle peut prendre la forme, par exemple, d'une fraude en matière de passation de marchés publics (par exemple collusion entre soumissionnaires, sous-traitance irrégulière ou fictive, ou corruption active), d'une falsification de documents, d'un gonflement des coûts ou d'une dissimulation de liens entre entreprises.

12 La fraude porte atteinte aux intérêts financiers de l'UE et l'empêche d'utiliser pleinement ses ressources pour atteindre ses objectifs stratégiques. Pour lutter efficacement contre la fraude, il faut un cadre global de gestion des risques couvrant l'intégralité du cycle de lutte contre la fraude, qui consiste à prévenir la fraude, la détecter et y réagir (voir figure 3).

Figure 3 – Processus de gestion du risque de fraude

Source: Cour des comptes européenne, sur la base du référentiel établi par le COSO (Committee of Sponsoring Organizations of the Treadway Commission).

Divers organismes protègent les fonds de la PAC contre la fraude

13 Au sein de la Commission:

  • la direction générale de l'agriculture et du développement rural (DG AGRI) partage la gestion de la PAC avec les organismes payeurs agréés dans les États membres, mais reste responsable en dernier ressort de la politique. La DG AGRI obtient une assurance sur le fonctionnement des systèmes de gestion et de contrôle des États membres;
  • l'Office européen de lutte antifraude (OLAF) mène des enquêtes administratives sur des activités illégales portant atteinte au budget de l'UE et sur des fautes graves au sein des institutions de l'UE. L'OLAF héberge le système de gestion des irrégularités (IMS), qui contient les données communiquées par les États membres sur les irrégularités et la fraude commises en lien avec les dépenses de l'UE. L'OLAF analyse ces données et publie pour le compte de la Commission le «rapport annuel sur la protection des intérêts financiers de l'Union européenne – Lutte contre la fraude» (ci-après le «rapport PIF»)3. Il joue un rôle central dans l'élaboration de la politique européenne de lutte contre la fraude.

14 En juin 2021, le Parquet européen – le parquet indépendant de l'UE – a commencé ses activités. Il a le pouvoir de diligenter des enquêtes sur des infractions portant atteinte au budget de l'Union, telles que la fraude et la corruption, d'en poursuivre les auteurs et de les traduire devant les juridictions compétentes des 22 États membres participant au Parquet européen4.

15 Les États membres sont tenus de prendre des mesures pour prévenir, détecter et corriger les fraudes et autres irrégularités et de protéger les intérêts financiers de l'UE comme ils protègent leurs propres intérêts financiers. Ils doivent également signaler à la Commission les irrégularités et les fraudes portant sur des montants supérieurs à 10 000 euros par l'intermédiaire de l'IMS.

16 En vertu des critères d'agrément des organismes payeurs, ceux-ci sont tenus de mettre en place des activités de contrôle interne destinées à prévenir et à détecter les fraudes (voir encadré 1). Chaque année, les directeurs des organismes payeurs fournissent à la Commission une déclaration de gestion sur le bon fonctionnement des systèmes de contrôle interne, dans laquelle ils doivent confirmer que des mesures antifraude efficaces et proportionnées sont en place et qu'elles tiennent compte des risques recensés5.

17 Les organismes payeurs ne sont pas chargés de diligenter des enquêtes sur la fraude, mais doivent prendre des mesures pour la prévenir et la détecter et coopérer avec les autorités répressives lors de leurs enquêtes.

Encadré 1

Aspects liés à la fraude dans les critères d'agrément des organismes payeurs

  • Les organismes payeurs ne devraient ordonnancer le paiement demandé qu'après avoir effectué des contrôles suffisants – dont des contrôles visant à prévenir et à détecter la fraude – pour garantir le respect des règles de l'UE.
  • Les activités de contrôle interne des organismes payeurs devraient comprendre des procédures de suivi destinées à prévenir et à détecter la fraude et les irrégularités, notamment en ce qui concerne les domaines de dépenses de la PAC qui sont exposés à un risque important de fraude ou d'autres irrégularités graves.
  • Les agents doivent être dûment formés et sensibilisés à la fraude, et ce à tous les niveaux.

18 Les organismes de certification désignés par les États membres examinent chaque année les systèmes de contrôle interne des organismes payeurs et vérifient si ceux-ci respectent les critères d'agrément. Ils émettent une opinion annuelle sur la légalité et la régularité des dépenses.

19 La figure 4 présente les rôles et les responsabilités des principaux organismes participant à la lutte contre la fraude dans le cadre de la PAC.

Figure 4 – Rôles et responsabilités des principaux organismes participant à la lutte contre la fraude dans le cadre de la PAC

Source: Cour des comptes européenne.

20 En application des normes d'audit, nous sommes nous aussi vigilants face aux risques de fraude. Plus précisément:

  • nous prenons en considération le risque de fraude lors de la planification et de la réalisation de nos audits;
  • nous communiquons les cas de fraude présumée à l'OLAF et au Parquet européen;
  • nous avons récemment publié deux rapports spéciaux sur la lutte contre la fraude au détriment des dépenses de l'UE6, et nous avons examiné les politiques et procédures antifraude appliquées par la Commission aux dépenses de la PAC dans le cadre de nos travaux à l'appui de la déclaration d'assurance 20197.

Les États membres communiquent à la Commission les montants frauduleux qu'ils détectent dans les dépenses de la PAC

21 Le rapport PIF de la Commission donne une vue d'ensemble de la fraude à la PAC, qu'il présente en nombre de cas communiqués et en montants concernés, et complète les statistiques par des analyses de fond. Entre 2016 et 2020, 11 % des montants frauduleux signalés dans l'IMS avaient trait à la PAC, tandis que 86 % portaient sur la politique de cohésion (voir tableau 1).

Tableau 1 – Montants des irrégularités signalées comme frauduleuses (2016‑2020)

DOMAINE D'ACTION Sur l'ensemble de la période (2016‑2020)
  %
Politique agricole commune 226 529 858 10,9
Paiements directs et mesures de marché 112 857 342 5,4
Développement rural 107 624 816 5,2
Paiements directs / mesures de marché / développement rural 6 035 208 0,3
Difficile à déterminer (*) 12 492 0,0
Politiques en matière de cohésion et de pêche 1 802 679 114 86,4
Politique de préadhésion 12 578 346 0,6
Gestion directe 44 940 000 2,2
TOTAL 2 086 727 318 100,0

(*) La catégorie «difficile à déterminer» est utilisée dans le rapport PIF lorsque les informations sont jugées insuffisantes pour classer l'irrégularité dans toute autre catégorie.

Source: Rapport PIF 2020 – Analyse statistique (parties 1 et 2).

22 Les irrégularités frauduleuses signalées pour la PAC ont généralement une faible incidence financière: sur la période 2016‑2020, elles représentaient 0,09 % du total des paiements de la PAC. La figure 5 présente le taux de détection de la fraude, c'est-à-dire le rapport entre les montants signalés liés à la fraude (présumée et établie) et les paiements effectués au titre des différentes composantes de la PAC.

Figure 5 – Taux de détection de la fraude par composante de la PAC (2016‑2020)

Source: Rapport PIF 2020 – Analyse statistique (partie 1).

23 Toutefois, comme l'expose le rapport PIF 20208, le nombre d'irrégularités signalées comme frauduleuses – et les montants correspondants – ne constitue pas un indicateur direct du degré de fraude au détriment du budget de l'UE, mais plutôt des résultats obtenus par les États membres dans leur lutte contre la fraude et d'autres activités illégales portant atteinte aux intérêts financiers de l'UE. Lors de précédents audits, nous avons constaté que ces chiffres ne donnaient pas une image complète du niveau de fraude détectée dans les dépenses financées par l'UE9.

Étendue et approche de l'audit

24 Notre audit a porté sur les mécanismes de fraude aux régimes de paiement de la PAC. Nous avons cherché à déterminer si la Commission avait bien cerné les risques de fraude qui pèsent sur les dépenses de la PAC et si elle y avait apporté une réponse adaptée.

25 Nous nous sommes penchés sur les mesures financées par la PAC en gestion partagée (paiements directs, mesures de marché et développement rural) et examiné les données des périodes de programmation 2007‑2013 et 2014‑2020. Nous n'avons pas examiné les dépenses de la PAC en gestion directe (environ 0,8 % des dépenses de la PAC). Nous n'avons pas non plus abordé la question des conflits d'intérêts, qui fait l'objet d'un autre rapport spécial de notre institution dont la publication est prévue en 2022. Le Parquet européen, qui a commencé ses activités en juin 2021, a été exclu du périmètre de notre audit.

26 Nous tirons nos éléments probants:

  • d'examens documentaires et d'échanges en vidéoconférence avec l'OLAF et la direction générale de l'agriculture et du développement rural;
  • d'examens documentaires portant sur trois États membres (la France, l'Italie et la Slovaquie). Nous avons sélectionné ces pays sur la base d'indicateurs relatifs à la fraude, à la concentration des terres et aux montants de financement;
  • d'enquêtes adressées aux institutions supérieures de contrôle des trois États membres sélectionnés, ainsi qu'aux organismes payeurs, aux services de coordination antifraude (AFCOS) et aux organismes de certification des 27 États membres. Les enquêtes portaient sur les risques de fraude, les mesures antifraude et les contrôles mis en place dans les États membres. Les AFCOS et les organismes payeurs de 23 États membres ainsi que les organismes de certification de 13 États membres ont répondu à nos enquêtes;
  • de l'analyse des données extraites de l'IMS et des ensembles de données de l'Office statistique de l'Union européenne (Eurostat).

27 Nous espérons que notre rapport aidera la Commission et les États membres à renforcer leur capacité de lutte contre la fraude dans le cadre de la nouvelle politique agricole commune pour la période 2023‑2027.

Observations

Les risques de fraude varient selon les régimes de paiement de la PAC

28 Lorsqu'elle propose des actes législatifs, la Commission est chargée de veiller à ce que la conception et les règles des différents régimes d'aide de la PAC tiennent compte du risque inhérent de fraude10.

29 Nous avons évalué l'exposition au risque de fraude des principales catégories de dépenses de la PAC. Nous avons tenu compte des résultats de nos audits précédents, ainsi que des cas signalés dans l'IMS et des enquêtes de l'OLAF.

30 Nos travaux à l'appui de la déclaration d'assurance ont montré que la complexité des règles et les conditions de décaissement des fonds de l'UE ont un impact sur le risque d'erreur. Dans notre rapport annuel relatif à 201911, nous constations que le risque de fraude était également plus élevé dans les domaines de dépenses où les conditions d'admissibilité sont plus complexes (voir figure 6).

Figure 6 – Facteurs ayant une incidence sur les irrégularités et la fraude

Source: Cour des comptes européenne.

Certains bénéficiaires dissimulent le non-respect des conditions d'admissibilité

31 Plusieurs régimes de paiement de la PAC visant à soutenir des catégories particulières de bénéficiaires se sont révélés exposés à la fraude: certains demandeurs omettent des informations importantes ou créent artificiellement les conditions leur permettant de remplir les critères d'admissibilité et de bénéficier indûment des aides de la PAC.

Soutien aux PME et liens entre entreprises non communiqués

32 L'une des priorités de l'UE pour le développement rural est de faciliter la diversification, la création et le développement des petites et moyennes entreprises (PME). Pour déterminer si un bénéficiaire est éligible en tant que PME, il est essentiel de disposer d'informations fiables sur le nombre de salariés, le chiffre d'affaires annuel et le total du bilan annuel, ainsi que sur les liens avec d'autres entreprises.

33 Lors de nos travaux à l'appui de la déclaration d'assurance, nous avons décelé des cas où les bénéficiaires n'avaient pas fait état de ces liens. L'OLAF a diligenté une enquête sur ces cas (voir exemples à l'encadré 2).

Encadré 2

Exemples où des liens entre entreprises n'ont pas été communiqués

En Lituanie, une coopérative a bénéficié de 200 000 euros d'aide à l'investissement pour la transformation et la commercialisation de produits agricoles. Nous avons constaté que la coopérative était une filiale d'une grande entreprise multinationale et qu'elle ne pouvait donc pas prétendre à cette aide12.

En Pologne, un bénéficiaire a soumis, avec des membres de sa famille, une demande d'aide conjointe pour la construction d'une porcherie. Chacune des parties à cette demande conjointe a sollicité le montant maximum de l'aide (de l'ordre de 200 000 euros chacun). Les conditions d'admissibilité précisaient que les exploitations des demandeurs ne devaient pas avoir une dimension économique supérieure à 250 000 euros ni une superficie excédant 300 hectares. Le bénéficiaire et les autres membres de sa famille ont fait valoir qu'ils exerçaient des activités indépendantes. Or nous avons constaté qu'ils détenaient des parts dans une entreprise familiale opérant sur le même site. Compte tenu des parts du bénéficiaire dans l'entreprise familiale, l'exploitation dépassait le plafond fixé pour la dimension économique13.

En Bulgarie, une enquête de l'OLAF a révélé que des entreprises agricoles établies, qui avaient atteint le plafond d'aide financière de l'UE pour leurs exploitations ou leur groupe d'exploitations, ont demandé et obtenu des fonds de l'UE par l'intermédiaire d'autres entités indépendantes en apparence, qui étaient en fait sous le contrôle direct des entreprises établies. L'incidence financière des dossiers traités par l'OLAF avoisinait les 10 millions d'euros14.

Bénéficiaires inéligibles sollicitant des aides destinées aux «jeunes agriculteurs»

34 La PAC vise à encourager le renouvellement des générations dans le secteur agricole en accordant des fonds supplémentaires aux personnes pouvant prétendre au statut de «jeunes agriculteurs». Pour pouvoir bénéficier de ce soutien, les agriculteurs ne doivent pas être âgés de plus de 40 ans au moment de la présentation de leur demande d'aide et doivent s'installer pour la première fois à la tête d'une exploitation agricole.

35 Un jeune agriculteur peut s'installer seul ou le faire conjointement avec d'autres agriculteurs, et opter pour la forme juridique de son choix. Toutefois, dans le cas de personnes morales, le jeune agriculteur doit exercer un contrôle effectif et durable sur l'entité en ce qui concerne les décisions liées à la gestion, aux bénéfices et aux risques financiers.

36 Les États membres peuvent définir des règles plus strictes pour les jeunes agriculteurs bénéficiant d'une aide à l'installation au titre du développement rural. Par exemple, en France, les règles nationales d'admissibilité exigent que le jeune agriculteur tire son revenu principalement de ses activités agricoles. Dans l'IMS, nous avons relevé plusieurs cas indiquant que lorsque la nouvelle exploitation n'a pas généré le chiffre d'affaires escompté, les jeunes agriculteurs ont trouvé d'autres emplois (parfois à temps plein) pour augmenter leurs revenus, de sorte qu'ils n'étaient plus admissibles au bénéfice de l'aide. Dans d'autres cas, les bénéficiaires n'étaient pas à la tête de l'exploitation et ne travaillaient pas réellement sur l'exploitation.

37 Ces cas peuvent être considérés comme une fraude si le bénéficiaire qui ne remplit pas les conditions d'admissibilité présente des informations fausses ou incomplètes pour donner une image trompeuse de la réalité.

Falsification de documents et simulation d'activités

38 Parfois, les bénéficiaires falsifient des documents ou simulent des activités afin de pouvoir prétendre à une aide de la PAC (voir encadré 3).

Encadré 3

Exemples d'activités simulées et de documents falsifiés pour obtenir des fonds de l'UE

En Pologne, un producteur de lait a reçu 17 000 euros au titre d'une mesure visant à aider les agriculteurs à acheter des génisses provenant d'autres cheptels afin d'accroître la compétitivité de leur exploitation. Nous avons constaté que cet agriculteur avait reçu l'aide après avoir acheté des génisses à son père, qui était lui aussi producteur de lait et qui abritait son cheptel dans la même étable que le bénéficiaire. Deux jours plus tôt, le bénéficiaire avait vendu un nombre similaire de génisses à son père, qui a lui aussi perçu une aide au titre de la même mesure. Il n'y a pas eu de transfert physique des animaux et le nombre total d'animaux détenus par le bénéficiaire et par son père est resté inchangé15.

En 2014, une entreprise agricole établie en Slovaquie a introduit une demande portant sur des prairies permanentes au titre du régime de paiement unique à la surface. L'agriculteur a déclaré avoir sous-traité des travaux d'entretien sur les parcelles (fauchage, travail du sol et ramassage des balles de fourrage). Soupçonnant une falsification des documents contractuels correspondants et l'inexistence des activités en question, l'organisme payeur a rejeté la demande et renvoyé l'affaire en justice. Le demandeur a été déclaré coupable, et un préjudice de 140 000 euros a pu être évité16.

Plus les projets sont complexes, plus le risque de fraude est élevé

39 Dans le cadre des mesures de marché, les programmes d'aide au secteur vitivinicole financent, sous réserve que diverses conditions d'admissibilité soient respectées, un certain nombre de mesures comme la restructuration et la reconversion des vignobles, l'assurance-récolte, l'investissement dans les entreprises, l'innovation pour le développement de nouveaux produits, procédés et technologies, et les actions de promotion dans les pays tiers.

40 Ces dernières sont particulièrement exposées aux risques. Elles peuvent se révéler difficiles à contrôler pour plusieurs raisons:

  • de nombreuses activités de promotion sont par nature transitoires et immatérielles (relations publiques, par exemple);
  • les contrôles sur place sont rares dans les pays tiers;
  • la plupart des actions de promotion sont sous-traitées, en particulier lorsqu'elles se déroulent dans des pays autres que celui du bénéficiaire.

41 L'encadré 4 présente un exemple détecté lors de nos travaux à l'appui de la déclaration d'assurance.

Encadré 4

Des activités de promotion du vin potentiellement frauduleuses

En 2016, en Italie, nous avons contrôlé une opération d'un montant d'environ 300 000 euros liée à la promotion du vin dans des pays tiers17.

Le bénéficiaire a présenté un rapport sur les actions menées, qui comportait des photos d'activités promotionnelles. Nous avons constaté que plusieurs photos d'un événement donné avaient en réalité été prises une autre année ou dans un lieu différent. Certaines photos présentées comme preuves que des actions avaient été menées avaient déjà été incluses dans de précédentes demandes. Pour la plupart des dépenses que nous avons contrôlées, nous n'avons pu obtenir aucun élément probant démontrant que les actions avaient bien eu lieu.

Paiements directs et «accaparement de terres»

42 Pour prétendre à des paiements directs à la surface, les bénéficiaires doivent déclarer le nombre d'hectares admissibles «à leur disposition»18. Cela signifie qu'ils doivent pouvoir s'appuyer sur un fondement juridique recevable pour revendiquer les terres.

43 Les paiements directs sont associés à l'«accaparement de terres», bien que ce terme soit controversé (voir encadré 5).

Encadré 5

Qu'entend-on par «accaparement de terres»?

Il n'existe pas de définition juridique précise de l'«accaparement de terres», ni de point de vue faisant autorité sur la manière d'interpréter ce terme, bien qu'il existe un consensus autour du fait que l'«accaparement de terres» en soi n'est pas nécessairement illégal au regard du droit de l'Union ou des États19.

Le terme «accaparement de terres» faisait initialement référence à des acquisitions sur une grande échelle de terres agricoles destinées à l'agriculture de plantation dans des pays à revenu faible et intermédiaire d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine, par des entreprises étrangères privées ou publiques20.

Dans le contexte de l'UE, on entend par «accaparement de terres» la concentration de terres agricoles et de subventions de la PAC aux mains de grandes entreprises et de gros investisseurs, en particulier dans les États membres d'Europe orientale21.

L'«accaparement de terres» peut être lié à des pratiques frauduleuses, comme la falsification de documents, la contrainte, l'usage de l'influence politique ou d'informations privilégiées, la manipulation de procédures ou le versement de pots-de-vin. Notre audit a porté sur cette forme illégale d'accaparement de terres.

44 Lorsqu'ils ont répondu à notre enquête, près de 60 % des organismes payeurs ont indiqué ne pas considérer l'«accaparement de terres» comme un indicateur de risque. Cinq organismes payeurs d'un État membre associaient l'«accaparement de terres» aux situations où des demandes admissibles ont été présentées par des bénéficiaires qui ne disposaient d'aucun fondement juridique leur permettant de revendiquer les terres.

Les contrôles en place ont contribué à faire baisser le risque d'erreur

45 Le principal outil de gestion permettant de vérifier l'admissibilité des paiements directs est le système intégré de gestion et de contrôle (SIGC), qui comprend le système d'identification des parcelles agricoles (SIPA).

46 Le SIGC permet de relier entre elles les bases de données relatives aux exploitations, aux demandes d'aide, aux surfaces agricoles et aux registres des animaux, que les organismes payeurs utilisent pour effectuer des contrôles administratifs croisés portant sur l'ensemble des demandes d'aide. Le SIPA est un système d'information géographique contenant des séries de données spatiales provenant de sources multiples qui, rassemblées, composent un catalogue des surfaces agricoles des États membres.

47 Comme le corroborent nos travaux à l'appui de la déclaration d'assurance, le SIGC, et le SIPA en particulier, constitue un système de gestion et de contrôle efficace pour faire en sorte que les paiements d'aide directe dans leur ensemble ne comportent pas d'erreur significative.

48 La mise en place, dans le SIGC, de la procédure de demande d'aide géospatiale, qui permet aux agriculteurs de présenter les demandes de paiement via internet, et le fait que les organismes payeurs soumettent les demandes des exploitants à des contrôles croisés préliminaires ont également contribué à réduire le niveau d'erreur.

Certaines situations sont plus propices à l'«accaparement de terres»

49 Avec le SIGC et le SIPA, il est devenu difficile de surdéclarer la surface admissible (par exemple en introduisant des doubles demandes ou des demandes portant sur des terres non agricoles). Les fraudeurs cherchent donc à acquérir des terres agricoles de manière illicite pour faire ensuite une demande d'aide (voir figure 7).

Figure 7 – Situations plus propices à l'«accaparement de terres»

Source: Cour des comptes européenne.

50 Des enquêtes menées par l'OLAF et les autorités nationales ont révélé que les surfaces agricoles les plus exposées à ce type d'activité frauduleuse sont les terrains publics ou les terrains privés dont le propriétaire n'est pas clairement identifié (voir encadrés 6 et 7).

51 Les fraudeurs qui revendiquent des terres de manière illicite pour obtenir un paiement direct peuvent présenter de faux documents et recourir à des pratiques criminelles telles que l'extorsion et la collusion avec des fonctionnaires (fraude interne). L'encadré 6 en fournit un exemple.

Encadré 6

Exemple de déclarations de terres illicites en Italie

En 2017, l'OLAF, en coopération avec des agents de la Guardia di Finanza (police fiscale et financière), a mené une enquête en Italie et a constaté que certains centres d'assistance aux agriculteurs, qui épaulent ces derniers pour la constitution de leurs dossiers de demandes d'aide, avaient saisi un certain nombre d'«agriculteurs fictifs» dans la base de données de l'organisme payeur national, permettant ainsi à des demandeurs de recevoir des subventions de l'UE auxquelles ils n'avaient pas droit22. L'enquête de l'OLAF a révélé que les demandes étaient:

  • fondées sur des déclarations de concession de terres publiques qui n'étaient pas admissibles;
  • étayées par de faux contrats de location, les propriétaires des terres étant décédés ou n'ayant pas connaissance de la location;
  • soumises pour des terres saisies à la suite d'infractions relevant de la criminalité organisée ou présentées par des individus qui faisaient l'objet de mesures conservatoires décidées dans le cadre de la lutte contre la mafia.

L'OLAF a recommandé le recouvrement d'environ 32 millions d'euros.

52 Les fraudeurs peuvent également tirer parti des faiblesses dans les contrôles effectués par les États membres (voir encadré 7).

Encadré 7

Faiblesses dans les contrôles des terres à la disposition de l'agriculteur

En Slovaquie, une enquête de l'OLAF achevée en décembre 2020 a permis de constater qu'aucun contrat de bail valable ne couvrait des surfaces déclarées depuis des années par des entreprises. Les autorités nationales contrôlaient rarement le fondement juridique utilisé par les demandeurs pour revendiquer les terres, et ne le faisaient qu'en cas de doublons dans les demandes.

L'OLAF a également constaté que les procédures de vérification de l'autorité nationale slovaque chargée de la gestion des terres agricoles détenues par l'État et des terres sans propriétaire privé connu présentaient des faiblesses en ce qui concerne la transparence et la sécurité juridique. Il a aussi douté que la procédure soit appliquée de manière efficace et non discriminatoire.

L'OLAF a estimé que les paiements indus pouvaient s'élever à plus de 1 million d'euros23.

La Cour de justice et la Commission ont récemment clarifié les règles applicables aux contrôles portant sur le fondement juridique de l'utilisation des terres

53 La législation relative à la PAC ne définit pas la notion de «terres à la disposition de l'agriculteur» et n'exige pas des agriculteurs qu'ils apportent la preuve de leur droit d'utiliser les terres lorsqu'ils introduisent une demande d'aide24. Les règles nationales liées à la propriété, aux baux ou à d'autres modes de faire-valoir s'appliquent.

54 Les États membres sont tenus de contrôler toutes les demandes afin de prévenir et de corriger les irrégularités et de recouvrer les paiements indus25 et, à cette fin, ils peuvent exiger du demandeur qu'il apporte la preuve que les terres sont légalement à sa disposition26, en particulier s'il existe un doute.

55 Les contrôles portant sur le droit légal des agriculteurs d'utiliser les terres faisant l'objet d'une demande varient d'un État membre à l'autre. Selon les résultats de notre enquête, huit organismes payeurs de deux États membres effectuent systématiquement ce type de contrôle. Neuf des 47 organismes payeurs ayant répondu à notre enquête ont déclaré ne faire des contrôles qu'en cas de doublons dans les demandes, tandis que les autres effectuent des contrôles ciblés dans certaines situations, par exemple:

  •  si les terres font l'objet d'une première demande ou si elles sont détenues par une entité publique;
  •  si des contrôles administratifs ou des visites effectuées sur le terrain ont jeté un doute.

56 Lorsque des terres sont déclarées par plusieurs personnes qui se prévalent du fondement juridique nécessaire pour introduire leur demande, le principe de la «compétence décisionnelle», qui consiste à déterminer quel agriculteur retire des bénéfices et assume les risques financiers, s'applique27. Un récent arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne a apporté quelques éclaircissements sur les problématiques en jeu, attirant l'attention sur la pertinence du fait que le terrain soit légalement à la disposition du demandeur. La Cour a jugé que lorsqu'une demande d'aide est introduite à la fois par le propriétaire et par un tiers qui utilise les terres sans aucun fondement juridique, celles-ci sont considérées comme à la disposition du seul propriétaire28.

57 À la suite de cet arrêt, en juin 2021, la Commission a adressé des orientations aux États membres29. Elle y explique que pour que des terres se trouvent légalement à la disposition d'un bénéficiaire, celui-ci doit avoir obtenu le droit légal de les utiliser. Elle souligne également que les États membres peuvent mettre au point leurs propres contrôles, mais que ces derniers doivent prévenir et corriger efficacement les irrégularités et ne doivent pas se limiter aux doubles demandes.

Demandes de fonds pour des terres sur lesquelles aucune activité agricole n'est exercée

58 Les fraudeurs peuvent également chercher à acquérir des terres – légalement ou non – dans le seul but de recevoir des paiements directs, sans y exercer aucune activité agricole. Le risque est plus élevé pour certaines zones de pâturage et de montagne, où il est plus difficile pour les organismes payeurs de vérifier que l'activité agricole requise, comme le pâturage, a bien lieu (voir encadré 8).

Encadré 8

Les zones de pâturage et de montagne: une aubaine pour les fraudeurs

En 2018, en France, l'OLAF a constaté que des demandes ont été introduites pendant plusieurs années pour des parcelles situées dans des zones de montagne, voire sur des falaises abruptes, et dépourvues de toute infrastructure qui en aurait permis l'exploitation agricole, comme des points d'eau, des enclos ou des mangeoires.

L'OLAF a également trouvé des demandes concernant des troupeaux qui n'existaient pas.

L'OLAF a recommandé le recouvrement d'environ 536 000 euros30.

Cas de fraude présumée que nous avons communiqués

59 Chaque année, lors de nos travaux à l'appui de la déclaration d'assurance, nous détectons un certain nombre d'irrégularités potentiellement frauduleuses, mais nous ne pouvons pas savoir avec certitude s'il y a réellement eu fraude.

60 Sur la période 2018‑2020, le taux d'erreur global que nous avons communiqué pour les dépenses relevant de la rubrique «Ressources naturelles» a baissé, passant de 2,4 % à 2,0 % du total des paiements. La PAC représentait environ 97 % des dépenses relevant de la rubrique «Ressources naturelles». Pour cette période, nous avons contrôlé 698 paiements au titre de la PAC et nous sommes parvenus à quantifier les erreurs dans 101 cas. Pour 17 d'entre eux, nous avons soupçonné que l'erreur pouvait être associée à une fraude.

61 Nous ne sommes pas habilités à mener des enquêtes sur la fraude et nous avons donc communiqué 12 de ces 17 cas à l'OLAF. Pour les cinq restants, des enquêtes ou des procédures de recouvrement étaient déjà en cours ou le faible montant en cause ne répondait pas aux critères appliqués par l'OLAF pour l'ouverture d'une enquête pour des raisons de proportionnalité.

La Commission a agi contre la fraude aux aides de la PAC, mais n'a pas suffisamment pris les devants

62 Pour lutter contre la fraude, nous attendrions de la Commission qu'elle prenne des mesures appropriées pour obtenir une vue d'ensemble des cas et des risques de fraude en lien avec les dépenses de la PAC et qu'elle y apporte une réponse adaptée31.

63 Dans le cadre de sa stratégie antifraude32, la DG AGRI a pris des mesures pour renforcer sa coopération avec l'OLAF (en ce qui concerne le signalement des cas à l'OLAF et le suivi de ses recommandations), fournir des formations et des orientations à son personnel, adresser des orientations aux États membres et les sensibiliser à la fraude interne et externe.

64 Nous avons déterminé si la Commission avait:

  • procédé à une évaluation complète du risque de fraude et surveillé l'émergence de nouvelles typologies de fraude;
  • fourni des orientations appropriées et sensibilisé les États membres aux risques de fraude recensés;
  • effectué un suivi adéquat des mesures antifraude mises en place par les États membres;
  • encouragé l'utilisation des nouvelles technologies pour renforcer les systèmes de contrôle.

La Commission a recensé les principaux risques de fraude et a récemment publié des orientations sur l'accaparement de terres

65 L'un des objectifs stratégiques énoncés dans la stratégie antifraude de la DG AGRI était de «renforcer l'évaluation du risque de fraude». La DG AGRI a rendu compte de ses analyses dans les versions successives de sa stratégie antifraude (voir tableau 2). Elle a jugé:

  • que les mesures d'investissement en faveur du développement rural et certaines mesures de marché (actions de promotion et soutien aux organisations de producteurs) présentaient un risque plus élevé;
  • que les paiements directs ainsi que d'autres paiements liés à la surface et aux animaux étaient exposés à un risque moindre.

Tableau 2 – Résultats des évaluations du risque de fraude de la DG AGRI

Stratégie antifraude Risque de fraude plus faible Risque de fraude plus élevé
Version 1 (2012) Liste des risques de fraude (principalement internes à la DG et aux autorités des États membres) sans autre analyse
Version 2 (2014) • Paiements directs

• Mesures de développement rural liées à la surface

• Certaines mesures de marché (restitutions à l'exportation, actions de promotion et aide aux plus démunis)
• Mesures d'investissement en faveur du développement rural
Version 3 (2016) • Paiements directs

• La plupart des mesures de marché (par exemple restitutions à l'exportation et secteur du coton)
• Des mesures de marché spécifiques (actions de promotion et soutien aux organisations de producteurs)

• Mesures d'investissement en faveur du développement rural
Version 4 (2020) • Paiements directs

• La plupart des mesures de marché

• Mesures de développement rural liées à la surface et aux animaux
• Des mesures de marché spécifiques (actions de promotion et soutien aux organisations de producteurs)

• Mesures d'investissement en faveur du développement rural

Source: Cour des comptes européenne, sur la base des stratégies antifraude de la DG AGRI.

66 À partir de 2014, la DG AGRI a entrepris de surveiller l'émergence de nouvelles typologies de fraudes. En 2016, elle a procédé à une analyse approfondie du risque de fraude et s'est engagée à la mettre à jour chaque année. Depuis 2017, la DG AGRI juge inutile de mettre à jour son analyse des risques, étant donné que les risques n'ont pas changé et qu'aucun nouveau mécanisme de fraude n'est apparu. Elle prévoit d'effectuer une nouvelle analyse du risque de fraude avant janvier 2023 et l'entrée en vigueur de la nouvelle PAC.

67 Sur la période 2017‑2019, l'OLAF a diligenté des enquêtes sur des abus systématiques concernant les paiements directs en Italie, en France et en Slovaquie (voir encadrés 6, 7 et 8). La DG AGRI n'a pas ajouté l'«accaparement de terres» à son évaluation du risque de fraude, car elle ne considérait pas cette pratique comme une fraude directe à la PAC.

68 Dans sa stratégie antifraude de 2020, la DG AGRI décrivait l'«accaparement de terres» comme l'appropriation illicite de terres agricoles pour lesquelles des fraudeurs demandent ensuite des paiements directs en toute légalité. Elle a indiqué que la stratégie couvrait également les risques pour la réputation sans incidence directe sur les intérêts financiers de l'UE, ce qui peut inclure l'«accaparement de terres» et d'autres comportements répréhensibles. Dans ce contexte, elle a jugé que ces phénomènes ne résultaient pas de faiblesses de la législation relative à la PAC, mais constituaient une question d'état de droit pour les États membres concernés.

69 Comme nous l'évoquions dans l'encadré 5, l'«accaparement de terres» peut être lié à un large éventail de pratiques frauduleuses, comme la falsification de documents, la contrainte, l'usage de l'influence politique ou d'informations privilégiées, la manipulation de procédures ou le versement de pots-de-vin. D'après les orientations de la Commission fondées sur la jurisprudence récente (voir point 57), pour que des terres se trouvent légalement à la disposition d'un bénéficiaire, celui-ci doit avoir obtenu le droit légal de les utiliser. Par conséquent, dès lors qu'il est établi, conformément à la législation nationale, que ce droit a été obtenu en recourant à des pratiques frauduleuses, les paiements sous-jacents deviennent irréguliers. Dans de telles situations, les organismes payeurs peuvent jouer un rôle en utilisant les données à leur disposition pour repérer des signaux d'alerte et en coopérant avec les autorités répressives qui diligentent les enquêtes.

La Commission a fourni des orientations aux États membres, mais certains organismes payeurs ont exprimé le besoin d'obtenir plus de conseils pratiques

70 La DG AGRI a entrepris des actions visant à sensibiliser les États membres aux questions liées à la fraude et leur a fourni des orientations et des indicateurs de fraude («signaux d'alerte»). La figure 8 présente une synthèse de ces activités.

Figure 8 – Actions de la DG AGRI à l'égard des États membres

Source: Cour des comptes européenne, sur la base de la documentation de la DG AGRI.

71 En réponse à nos questions sur les orientations reçues de la Commission, les organismes payeurs ont mentionné les initiatives de la DG AGRI, mais ont également fait référence à d'autres sources d'information:

  • les orientations antifraude de la Commission pour les Fonds structurels et d'investissement européens;
  • les informations échangées au sein du comité consultatif pour la coordination de la lutte contre la fraude (COCOLAF) et au sein du réseau d'apprentissage de la DG AGRI;
  • les «rapports PIF» et autres orientations fournies par l'OLAF.

72 La majorité des organismes payeurs consultés ont jugé utiles les orientations de la Commission, même si deux d'entre eux ont fait remarquer que certaines analyses (par exemple dans les rapports PIF) sont intéressantes mais trop générales pour être utiles dans leur travail quotidien. Sept organismes payeurs ont apprécié les exemples de fraudes présentés lors des séminaires sur la lutte contre la fraude. Deux organismes payeurs ont estimé que les orientations devraient être illustrées par plus d'exemples concrets.

73 La figure 9 présente les orientations fournies par la DG AGRI depuis 2012.

Figure 9 – Chronologie des orientations adressées par la DG AGRI aux États membres

Source: Cour des comptes européenne, sur la base de la documentation de la DG AGRI.

74 La DG AGRI n'a plus diffusé aucune note d'orientation sur les indicateurs de risque de fraude («signaux d'alerte») depuis 2013, alors que l'élaboration de nouveaux indicateurs serait utile pour guider les organismes payeurs dans leurs travaux. La plupart des séminaires consacrés à la lutte contre la fraude ont été organisés entre 2013 et 2018. Ils ont repris en 2021. Depuis 2020, les États membres et la DG AGRI ont régulièrement examiné les mesures antifraude lors des réunions du réseau d'apprentissage.

La Commission surveille les mesures antifraude mises en œuvre par les États membres, mais cette surveillance comporte des angles morts

75 Afin de respecter les critères d'agrément liés à la fraude définis dans la législation de l'UE33 (voir encadré 1), la Commission (DG AGRI) a recommandé en 2014 aux organismes payeurs d'adopter des mesures spécifiques (voir encadré 9).

Encadré 9

Mesures antifraude recommandées par la DG AGRI aux organismes payeurs

Étape 1: déterminer, classer et enregistrer systématiquement les risques de fraude auxquels sont exposées les dépenses de la PAC gérées par l'organisme payeur (évaluation du risque de fraude)

Étape 2: analyser les procédures administratives et de contrôle existantes afin d'améliorer éventuellement la prévention et la détection de la fraude

Étape 3: élaborer un registre des indicateurs de fraude (signaux d'alerte)

Étape 4: adopter des règles internes claires sur la conduite à tenir en cas de soupçons de fraude

Étape 5: sensibiliser le personnel à la fraude et l'informer des règles internes applicables en la matière

76 Chaque année, les organismes de certification des États membres vérifient que les organismes payeurs respectent les critères d'agrément, et examinent leurs systèmes de contrôle interne. Selon la Commission, ils devraient également évaluer la mise en œuvre, par les États membres, des mesures antifraude recommandées (voir encadré 9). La Commission examine les rapports annuels des organismes de certification et assure le suivi des faiblesses constatées.

77 En 2016, la Commission a fourni aux organismes de certification des lignes directrices sur les critères d'agrément, qui comprenaient une section sur la prévention et la détection de la fraude, mais ne donnaient aucune orientation sur les contrôles que les organismes de certification étaient censés effectuer.

78 Nous avons examiné les rapports établis par des organismes de certification entre 2018 et 2020 sur cinq organismes payeurs. Trois organismes de certification ont rendu compte de leurs contrôles et formulé des recommandations lorsqu'ils ont constaté des faiblesses, des informations que les deux autres n'ont pas incluses dans leurs rapports. La Commission n'a pas exigé d'eux de plus amples détails.

79 Si les examens et les rapports des organismes de certification sont incomplets, l'assurance quant à la qualité des mesures antifraude à l'œuvre dans les organismes payeurs est compromise. Lors d'une réunion avec les organismes de certification qui s'est tenue en novembre 2021, la Commission a examiné plus en détail leur rôle à cet égard.

80 La DG AGRI réalise des contrôles d'agrément et de conformité auprès des organismes payeurs en vue d'évaluer leurs systèmes de contrôle, et peut à cette occasion se pencher sur les mesures antifraude. En ce qui concerne les contrôles d'agrément, nous avons examiné les rapports établis par la DG AGRI à ce sujet pour les États membres que nous avons sélectionnés et nous avons constaté:

  • qu'en France, aucun contrôle d'agrément n'avait été effectué récemment pour les trois organismes payeurs sélectionnés;
  • qu'en Italie, des enquêtes avaient été menées en 2015 et en 2019 dans l'organisme payeur sélectionné, mais qu'elles portaient davantage sur la gestion de la dette que sur les mesures antifraude;
  • qu'en Slovaquie, la DG AGRI s'était principalement intéressée aux mesures antifraude (voir point suivant et encadré 10).

81 Dans des cas particuliers où la Commission a connaissance d'un possible détournement de fonds, l'organisme payeur peut faire l'objet de contrôles approfondis (voir figure 10 et encadré 10).

Figure 10 – Organismes chargés d'enquêter sur les allégations de détournement de fonds en Slovaquie

Source: Cour des comptes européenne.

Encadré 10

Réaction de la Commission aux allégations de détournement de fonds de la PAC en Slovaquie

En 2016, la Commission a eu connaissance d'allégations de détournement de fonds de la PAC en Slovaquie. Depuis cette année-là, différentes sources ont relayé ces allégations: les médias, des membres du Parlement européen, des citoyens et l'institution supérieure de contrôle slovaque. L'OLAF et les services répressifs slovaques ont mené des enquêtes34.

En 2018, la DG AGRI a interrogé l'autorité slovaque compétente (le ministère de l'agriculture et du développement rural) sur des allégations de défaillances systémiques au sein de l'organisme payeur. Après plusieurs échanges, l'autorité compétente a demandé à l'organisme de certification de se pencher tout particulièrement sur ces allégations dans le cadre de ses contrôles de certification relatifs à l'exercice 2018. L'organisme de certification a indiqué que l'organisme payeur slovaque ne respectait pas les critères d'agrément relatifs au suivi des risques de fraude.

Dans l'intervalle, la DG AGRI a effectué des contrôles de conformité sur les paiements directs et les mesures de développement rural et a demandé à l'organisme payeur d'adopter des plans d'action pour remédier aux faiblesses détectées.

En 2020, à la suite de poursuites pénales engagées à l'encontre de plusieurs employés de l'organisme payeur, un cabinet d'audit a procédé à des expertises technico-légales supplémentaires et a décelé des faiblesses majeures dans les systèmes de contrôle interne de l'organisme payeur pour le développement rural. L'organisme de certification a également fait état de faiblesses majeures dans les systèmes de contrôle interne pour les paiements directs.

À titre conservatoire, la DG AGRI a suspendu les paiements pour certaines mesures d'investissement en faveur du développement rural et a demandé à l'autorité slovaque compétente de soumettre l'agrément de l'organisme payeur à une phase de test jusqu'en octobre 2021. À cette date, l'autorité slovaque compétente a mis un terme à la phase de test, contre l'avis de la Commission qui recommandait de la prolonger de quatre mois.

La Commission a encouragé l'utilisation des nouvelles technologies, mais celles-ci ne sont pas suffisamment exploitées

82 La Commission a encouragé l'utilisation des nouvelles technologies lors des contrôles administratifs réalisés au moyen du SIGC. Elle a également cherché à promouvoir l'utilisation des «contrôles de suivi» et d'Arachne.

83 Depuis 2018, les organismes payeurs peuvent procéder à des «contrôles de suivi». Cette approche consiste à appliquer des processus automatisés afin de vérifier si les règles de la PAC sont respectées pour des éléments dont la surveillance peut se faire au moyen de données satellitaires. Jusqu'à présent, les organismes payeurs ont principalement recouru aux «contrôles de suivi» pour évaluer des demandes d'aide liée à la surface dans le cadre de régimes de paiements directs.

84 Les organismes payeurs peuvent comparer les données satellitaires relatives aux types de cultures et aux activités agricoles avec les informations fournies par les agriculteurs dans leurs demandes d'aide. Lorsque tous les critères d'admissibilité à un régime de paiement donné peuvent être évalués depuis l'espace, les organismes payeurs sont en mesure d'assurer un suivi à distance de l'ensemble de la population de parcelles déclarées.

85 Cette nouvelle approche permet aux organismes payeurs d'avertir les agriculteurs de tout manquement éventuel au cours de la période de végétation (faucher un champ avant une certaine date, par exemple). Cela donne davantage de possibilités aux agriculteurs de corriger leurs demandes avant qu'elles deviennent définitives, tout en favorisant le respect des règles du régime35.

86 Les «contrôles de suivi» pourraient permettre de réduire la charge administrative et d'améliorer le rapport coût-efficacité36. En fournissant régulièrement des observations de l'activité agricole d'une population entière de bénéficiaires, ils ont un effet dissuasif et peuvent contribuer à repérer des signaux d'alerte caractéristiques d'une fraude potentielle.

87 Depuis 2013, la Commission a développé son propre outil informatique de calcul du risque, Arachne, mis à la disposition des États membres gratuitement et sur une base volontaire. Arachne traite et analyse les données fournies par les États membres sur les bénéficiaires, les contractants et les autres parties prenantes participant à un même projet, et recoupe les données avec les informations provenant de bases de données externes sur les entreprises et les personnes en lien avec ces entreprises. Cette approche permet de repérer les projets, les bénéficiaires et les contractants exposés à un risque de fraude.

88 Développé à l'origine pour les dépenses de cohésion, Arachne a été étendu à la PAC dans le cadre d'un projet pilote lancé en février 2019 et portant sur les projets de développement rural.

89 La législation qui régira la PAC à partir de 202337 impose à la Commission de mettre cet outil à la disposition des États membres sur une base volontaire. La Commission est tenue de publier un rapport d'évaluation en 2025. Dans le cadre d'une déclaration commune, le Conseil et le Parlement européen se sont engagés à examiner une proposition relative à l'utilisation obligatoire de l'outil, une fois le rapport d'évaluation de la Commission publié38.

Le déploiement de ces technologies par les États membres prend du temps

90 Dans notre rapport spécial relatif à l'utilisation des nouvelles technologies d'imagerie à des fins de suivi de la PAC, nous avons recommandé à la Commission de promouvoir les «contrôles de suivi» comme l'un des principaux systèmes de contrôle pour la PAC après 202039, et la Commission s'est engagée à aider les États membres à élaborer cette nouvelle approche.

91 À la fin de 2020, deux ans après le lancement de l'outil, les «contrôles de suivi» couvraient 5,7 % de la surface totale faisant l'objet de paiements directs40. Selon les estimations de la Commission, ce chiffre atteignait 13,1 % à la fin de 2021.

92 Dans le cadre de la nouvelle PAC, l'analyse automatisée au moyen de données satellitaires sera obligatoire pour les mesures liées à la surface dans tous les États membres et passera par le «système de suivi des surfaces» (AMS). La Commission s'attend à ce que cette exigence ait pour effet d'accroître la surface faisant l'objet d'un suivi par satellite.

93 Deux ans après le lancement du projet pilote Arachne pour la PAC, sept41 des 76 organismes payeurs ont chargé des données et utilisent l'outil dans une certaine mesure, quatre42 sont en phase de test et dix43 ont entamé des discussions préliminaires en vue de son utilisation. Arachne étant un outil de calcul du risque fondé sur l'exploration de données, son utilité dépend de la quantité de données que les autorités des États membres y enregistrent et de l'utilisation qui en est faite.

Les nouvelles avancées technologiques offrent des possibilités à exploiter

94 L'intelligence artificielle présente des atouts majeurs susceptibles d'améliorer les outils de travail en permettant de détecter des constantes parmi des milliards de points de données. Les outils d'exploration de données pourraient accroître l'efficacité des systèmes de suivi et leur donner la capacité de détecter la fraude et la mauvaise gestion des fonds publics.

Utilisation des mégadonnées pour identifier les bénéficiaires effectifs

95 Les exigences en matière de publication d'informations et de rapports sont essentielles pour que l'obligation de rendre compte et le contrôle puissent servir à prévenir la corruption et la fraude.

96 En mai 2021, le Parlement européen a publié une étude44 qui portait sur les bénéficiaires de fonds de la PAC en 2018 et en 2019 et de fonds de cohésion entre 2014 et 2020, afin d'en identifier les principaux. L'étude a établi une distinction entre les «bénéficiaires directs» (ceux qui perçoivent directement les fonds de l'UE) et les «bénéficiaires finals» (les bénéficiaires effectifs), c'est-à-dire les personnes physiques ou morales qui contrôlent directement ou indirectement la plus grande part du bénéficiaire direct. L'étude a mis en évidence les difficultés techniques et juridiques rencontrées pour dresser un panorama complet des bénéficiaires finals et du montant des fonds de l'UE perçus.

97 Le rapport montre que les organismes publics, les sociétés à responsabilité limitée et d'autres personnes morales représentaient environ un dixième des bénéficiaires directs, mais ont perçu plus d'un tiers des fonds de la PAC sur la période 2018‑2019. Pour venir à bout de la fragmentation des données et des difficultés à identifier les bénéficiaires finals des fonds de l'UE, les auteurs du rapport suggèrent de créer une base de données commune de l'UE qui contiendrait tous les projets financés par la PAC et les Fonds structurels et d'investissement européens. En septembre 2021, le Parlement européen a publié une étude sur les exigences que doit satisfaire une base de données unique répertoriant les bénéficiaires45.

98 Une base de données commune à l'échelle de l'UE répertoriant les bénéficiaires réunirait des données sur des millions d'opérateurs. Ces mégadonnées permettraient de repérer des constantes dans la répartition des fonds et contribueraient à alerter sur d'éventuelles situations frauduleuses.

99 Comme l'a souligné la Commission dans son rapport PIF de 202046, une transparence accrue concernant les bénéficiaires (y compris les contractants, les sous-traitants et les bénéficiaires effectifs) de fonds publics (européens et nationaux), ainsi qu'une collecte et une utilisation plus efficaces des données, exploitant pleinement les possibilités offertes par l'interconnexion informatique, l'exploration de données et les outils de calcul du risque, sont essentielles dans la lutte contre la fraude.

100 En vertu du règlement portant dispositions communes pour la période 2021‑2027 dans le domaine de la cohésion47, les États membres sont tenus de recueillir des informations sur les bénéficiaires effectifs des destinataires du financement de l'Union. La nouvelle législation relative à la PAC impose aux États membres de recueillir les informations nécessaires à l'identification des bénéficiaires, y compris à l'identification du groupe auquel ils participent, mais elle ne mentionne pas les informations sur les bénéficiaires effectifs48.

Utilisation de l'intelligence artificielle pour repérer les risques de fraude

101 La Commission recommande aux organismes payeurs de mettre en place un registre des indicateurs de risques de fraude («signaux d'alerte»). En réponse à notre enquête, les organismes payeurs ont fourni quelques exemples (figure 11).

Figure 11 – Exemples de signaux d'alerte définis par les organismes payeurs

Source: Analyse de la Cour des comptes européenne, sur la base des réponses des organismes payeurs à son enquête.

102 Certains signaux d'alerte, en particulier ceux concernant les paiements directs, pourraient être intégrés directement dans la base de données du SIGC. Par exemple, les autorités italiennes prévoient de charger dans leur système des informations détaillées sur les parcelles confisquées ou faisant l'objet d'une procédure judiciaire, afin que le système puisse déclencher une alerte.

103 Les techniques d'apprentissage automatique pourraient être exploitées pour automatiser davantage les contrôles et envoyer des signaux d'alerte. L'organisme payeur estonien a appliqué des techniques d'apprentissage automatique aux images satellites afin de prévenir et de détecter les cas de non-respect des exigences en matière de fauchage. Il estime que ce système a permis de sensibiliser les bénéficiaires au fait que son activité de suivi couvre 100 % des parcelles, ce qui a un effet dissuasif et contribue à la prévention des irrégularités et de la fraude. Un autre organisme payeur a mis en œuvre un système fondé sur un algorithme qui recherche des indicateurs révélant que des parcelles sont susceptibles de faire l'objet de demandes irrégulières. L'organisme payeur identifie ensuite les entreprises disposant d'un grand nombre de ces parcelles, pour lesquelles le risque d'irrégularités et de fraude pourrait être accru.

104 En Italie, une initiative conjointe entre l'organisme payeur national et le ministère de l'intérieur vise à mettre en place un modèle de profilage permettant d'identifier les municipalités où il est probable que la criminalité soit plus forte, en recourant à l'exploration de données et à la photo-interprétation. Partant d'un examen des images satellites disponibles dans le SIPA, le projet consiste à analyser les variations qualitatives et quantitatives des éléments territoriaux potentiellement imputables à des activités criminelles, telles que des décharges sauvages, des déversements, des logements insalubres, des constructions illégales et des bâtiments abandonnés. En recoupant ces informations avec les données sur les municipalités, le projet vise à repérer les situations dans lesquelles des activités criminelles ont eu cours ou sont susceptibles de se produire.

105 L'intelligence artificielle est très prometteuse, mais nécessite de gros volumes de données, dans un format accessible, et l'interconnexion des bases de données. En réponse à notre enquête, certains organismes payeurs ont fait part des obstacles qu'ils ont rencontrés pour accéder aux données. En voici quelques exemples:

  • des exigences légales en matière de secret bancaire ou de protection des données peuvent faire obstacle à l'échange d'informations entre différents acteurs et bases de données;
  • l'interconnexion des bases de données et l'automatisation des processus et des contrôles nécessitent des capacités et une expertise informatiques spécifiques;
  • le développement des capacités informatiques nécessaires exige un investissement financier important, qui peut être disproportionné par rapport au montant des fonds alloués à certaines mesures, aux petits États membres ou au niveau de fraude potentielle.

Conclusions et recommandations

106 Notre audit a consisté à examiner si la Commission avait pris des mesures appropriées concernant la fraude aux aides de la politique agricole commune (PAC). Nous avons analysé les mécanismes de fraude aux régimes de paiement de la PAC. Nous avons examiné si la Commission avait cerné les risques de fraude qui pèsent sur les dépenses de la PAC et si elle y avait apporté une réponse adaptée.

107 Dans l'ensemble, nous concluons que la Commission a réagi aux cas de fraude aux aides de la PAC, mais qu'elle n'a pas suffisamment pris les devants en ce qui concerne l'incidence du risque d'accaparement illégal de terres sur les paiements de la PAC, le suivi des mesures antifraude adoptées par les États membres et l'exploitation des possibilités offertes par les nouvelles technologies.

108 Dans le présent rapport, nous avons dressé un panorama des risques de fraude qui pèsent sur la PAC. Nous avons recensé des risques liés à la dissimulation, par les bénéficiaires, du non-respect des conditions d'admissibilité (points 31 à 38), à la complexité des mesures financées (points 39 à 41) et aux formes illégales d'«accaparement de terres» (points 42 à 58).

109 La Commission a évalué les risques de fraude aux aides de la PAC et a établi que les mesures d'investissement en faveur du développement rural et certaines mesures de marché étaient les plus exposées au risque (point 65). La Commission a réalisé sa dernière analyse du risque de fraude à la PAC en 2016 et en prévoit une nouvelle avant janvier 2023 et l'entrée en vigueur de la nouvelle PAC (point 66).

110 La Commission a fourni aux États membres des orientations sur les questions liées à la fraude (point 70), et la majorité des organismes payeurs les ont appréciées (point 72). Depuis 2020, la Commission examine les mesures antifraude avec les États membres lors de réunions régulières (point 74) et, en 2021, elle a publié des orientations spécifiques sur les contrôles auxquels les organismes payeurs doivent soumettre le fondement juridique sur lequel s'appuie la demande dont fait l'objet la surface agricole (point 57).

111 Les contrôles d'agrément et de conformité que réalise la Commission auprès des organismes payeurs peuvent porter sur des mesures antifraude (point 80). La Commission s'appuie sur les évaluations annuelles des organismes de certification pour contrôler le respect, par les organismes payeurs, de leurs critères d'agrément, y compris en ce qui concerne les mesures antifraude (point 76). En 2016, la Commission a fourni aux organismes de certification des lignes directrices sur les critères d'agrément, mais elles ne donnaient aucune orientation sur les contrôles qu'ils étaient censés effectuer en ce qui concerne la fraude (point 77). Plusieurs organismes de certification fournissaient peu d'éléments concernant les mesures antifraude des organismes payeurs dans leurs rapports, mais la Commission n'a pas exigé d'eux qu'ils donnent de plus amples détails (point 78).

112 La Commission a encouragé l'utilisation des nouvelles technologies pour automatiser les contrôles, notamment pour les «contrôles de suivi» utilisant les images satellites (points 83 à 86), et a développé son propre outil de calcul du risque, Arachne, afin d'aider les États membres à prévenir la fraude (points 87 à 89). Les États membres mettent du temps à adopter ces technologies (points 91 et 93). L'intelligence artificielle et les mégadonnées sont des technologies prometteuses pour la lutte contre la fraude (points 94 à 104), mais les États membres peinent à les exploiter (point 105) et la Commission commence à en faire la promotion.

Recommandation n° 1 – Approfondir la connaissance des risques de fraude et des mesures antifraude en lien avec les dépenses de la PAC, et la partager

La Commission devrait:

  1. mettre à jour les lignes directrices à l'intention des organismes de certification afin de clarifier leur rôle dans l'évaluation des mesures antifraude mises en place par les organismes payeurs, et vérifier s'ils les suivent;
  2. examiner la manière dont les organismes payeurs mettent en œuvre les orientations détaillant comment vérifier que les terres sont légalement à la disposition du demandeur, et diffuser des bonnes pratiques concernant les risques d'accaparement illégal de terres;
  3. sur la base des points a) et b), mettre à jour son évaluation du niveau d'exposition aux risques de fraude des différents régimes de dépenses, ainsi que de la capacité des mesures antifraude mises en œuvre au niveau des États membres à détecter, prévenir et corriger la fraude, et prendre les mesures nécessaires pour atténuer les principaux risques de fraude.

Quand? D'ici fin 2023.

Recommandation n° 2 – Encourager l'utilisation des nouvelles technologies pour prévenir et détecter la fraude aux aides de la PAC

La Commission devrait:

  1. épauler les organismes payeurs dans leur utilisation des «contrôles de suivi» et du futur «système de suivi des surfaces» en cernant les obstacles qui freinent l'adoption des nouvelles technologies et en partageant les bonnes pratiques et les solutions techniques qui permettent de lever ces obstacles;
  2. encourager les organismes payeurs à utiliser les outils de détection de la fraude, tels qu'Arachne, afin que davantage d'États membres les emploient;
  3. partager avec les États membres les bonnes pratiques autour de l'utilisation de l'intelligence artificielle et de l'apprentissage automatique afin de recenser les constantes révélatrices d'une fraude.

Quand? D'ici fin 2024.

Le présent rapport a été adopté par la Chambre I, présidée par Mme Joëlle Elvinger, Membre de la Cour des comptes, à Luxembourg en sa réunion du 4 mai 2022.

 

Par la Cour des comptes

Klaus-Heiner Lehne
Président

Annexes

Annexe I – Régime foncier des terres agricoles (EU‑27, 2016)

Abréviations, sigles et acronymes

AFCOS: service de coordination antifraude

AMS: système de suivi des surfaces

COCOLAF: comité consultatif pour la coordination de la lutte contre la fraude

COSO: Committee of Sponsoring Organizations of the Treadway Commission

DG AGRI: direction générale de l'agriculture et du développement rural

IMS: système de gestion des irrégularités

OLAF: Office européen de lutte antifraude

PAC: politique agricole commune

PIF: protection des intérêts financiers de l'Union européenne

PME: petites et moyennes entreprises

SIGC: système intégré de gestion et de contrôle

SIPA: système d'identification des parcelles agricoles

TVA: taxe sur la valeur ajoutée

Glossaire

Apprentissage automatique: processus par lequel une application informatique utilise l'intelligence artificielle pour améliorer ses performances dans la réalisation d'une tâche particulière.

Base de données Arachne: outil d'exploration de données mis au point par la Commission afin de soutenir les autorités de gestion et les organismes payeurs dans la gestion et le contrôle des Fonds ESI.

Bénéficiaire: personne physique ou morale qui reçoit une subvention ou un prêt financés sur le budget de l'UE.

Comité consultatif pour la coordination de la lutte contre la fraude: organe de l'OLAF qui coordonne la manière dont la Commission et les États membres luttent contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'UE.

Contrôles de suivi: travaux pouvant remplacer les contrôles sur place. Ils impliquent l'observation, le traçage et l'évaluation systématiques des critères d'admissibilité et des obligations, au moyen de données satellitaires.

Corruption: le fait d'user de sa fonction au sein d'une entité publique ou privée, ou de son pouvoir personnel, pour réaliser des profits illicites.

Déclaration d'assurance: déclaration publiée dans le rapport annuel de la Cour des comptes européenne, dans laquelle celle-ci formule son opinion d'audit sur la fiabilité des comptes de l'UE ainsi que sur la régularité des opérations sous-jacentes à ces derniers.

Demande d'aide géospatiale: outil en ligne permettant de déposer des demandes d'aides agricoles liées à la surface.

Erreur: résultat d'un calcul incorrect ou d'une irrégularité découlant du non-respect des obligations légales et contractuelles.

Fraude établie: irrégularité jugée frauduleuse par un tribunal.

Fraude présumée: toute irrégularité donnant lieu à une procédure administrative ou judiciaire afin de déterminer son caractère frauduleux ou non.

Fraude: utilisation intentionnelle et illégale de la tromperie en vue d'obtenir un avantage matériel en privant une autre partie d'un ou de plusieurs biens ou de sommes d'argent.

Gestion partagée: méthode d'exécution du budget de l'UE selon laquelle, contrairement à ce qui se passe dans la gestion directe, la Commission délègue les tâches d'exécution à un État membre, tout en restant responsable en dernier ressort.

Intelligence artificielle: outils informatiques capables de simuler l'intelligence humaine grâce à des capacités telles que l'apprentissage et la résolution de problèmes.

Irrégularité: violation des règles de l'UE (ou des règles nationales applicables) ou d'obligations contractuelles.

Mégadonnées: traitement, collecte, stockage et analyse de grands volumes de données non structurées, ouvrant de nouvelles perspectives de connaissance grâce aux informations qui en résultent.

Mesure de marché: intervention publique sur les marchés agricoles, visant à atténuer les effets des baisses de prix ainsi que les problèmes structurels grâce à des aides sectorielles (par exemple aide aux fruits et légumes ou au secteur vitivinicole, et distribution de lait dans les écoles).

Organisme de certification: dans le cas des dépenses agricoles, entité publique ou privée chargée par un État membre de certifier chaque année la fiabilité des comptes des organismes payeurs, la légalité et la régularité des dépenses ainsi que le bon fonctionnement de leurs systèmes de contrôle interne.

Organisme payeur: organisme agréé par un État membre pour gérer et contrôler les dépenses agricoles de l'UE.

Paiements directs: paiements d'aides, le plus souvent des aides à la surface, effectués directement en faveur des agriculteurs au titre du Fonds européen agricole de garantie.

Passage au numérique: tendance à l'intégration et à l'utilisation de technologies numériques et d'informations numérisées afin que les processus et les tâches deviennent plus simples, plus rapides, plus efficients et/ou plus économiques.

Petites et moyennes entreprises: les entreprises et autres organisations ainsi qualifiées le sont en raison de leur taille, sur la base du nombre d'employés et de certains critères financiers. Sont considérées comme «petites», les entreprises qui occupent moins de 50 personnes et dont le chiffre d'affaires annuel ou le total du bilan annuel n'excède pas 10 millions d'euros. Sont considérées comme «moyennes», les entreprises qui occupent moins de 250 personnes et dont le chiffre d'affaires annuel n'excède pas 50 millions d'euros ou dont le total du bilan annuel ne dépasse pas 43 millions d'euros.

Plan d'action: document exposant les mesures à prendre pour atteindre un objectif particulier.

Programme de développement rural: ensemble d'objectifs et d'actions pluriannuels, nationaux ou régionaux, approuvés par la Commission aux fins de la mise en œuvre de la politique de développement rural de l'UE.

Service de coordination antifraude: organe désigné par chaque État membre pour faciliter la coopération avec l'OLAF.

Signal d'alerte: indicateur de risque selon lequel une opération ou une autre activité pourrait être frauduleuse.

Système de gestion des irrégularités: application utilisée par les États membres pour signaler les irrégularités, y compris les cas de fraude présumée, à l'OLAF. 

Système de suivi des surfaces: technologie destinée à l'observation, au traçage et à l'évaluation systématiques des activités agricoles à l'aide de données satellitaires.

Système d'identification des parcelles agricoles: base de données sur les terres agricoles des États membres, utilisée pour le paiement des aides directes au titre de la politique agricole commune et pour les contrôles d'admissibilité effectués sur les demandes déposées par les agriculteurs.

Système intégré de gestion et de contrôle: mécanisme de l'UE utilisé par les États membres pour gérer et contrôler les paiements effectués en faveur des agriculteurs au titre de la politique agricole commune.

Équipe d'audit

Les rapports spéciaux de la Cour présentent les résultats de ses audits relatifs aux politiques et programmes de l'Union ou à des questions de gestion concernant des domaines budgétaires spécifiques. La Cour sélectionne et conçoit ces activités d'audit de manière à maximiser leur impact en tenant compte des risques pour la performance ou la conformité, du niveau des recettes ou des dépenses concernées, des évolutions escomptées ainsi que de l'importance politique et de l'intérêt du public.

L'audit de la performance objet du présent rapport a été réalisé par la Chambre I (Utilisation durable des ressources naturelles), présidée par Joëlle Elvinger, Membre de la Cour. L'audit a été effectué sous la responsabilité de João Figueiredo, Membre de la Cour, avant de passer sous la responsabilité de Nikolaos Milionis, également Membre de la Cour. Ils étaient assistés de: Paula Betencourt et Kristian Sniter, chefs de cabinet, et Matteo Tartaggia, attaché de cabinet; Richard Hardy, manager principal; Michela Lanzutti, cheffe de mission; Antonio Caruda Ruiz, Servane De Becdelievre, Jan Machán, Adrien Meric et Milan Šmíd, auditeurs. L'assistance graphique a été fournie par Marika Meisenzahl.

 

De gauche à droite: Antonio Caruda Ruiz, Michela Lanzutti, Matteo Tartaggia, Nikolaos Milionis, Kristian Sniter, Servane De Becdelievre, Jan Machán et Marika Meisenzahl.

Notes

1 Article 3 de la directive (UE) 2017/1371 («directive PIF», pour «protection des intérêts financiers» de l'UE).

2 Voir, par exemple, le site de l'Association of Certified Fraud Examiners.

3 Les rapports PIF sont disponibles sur le site internet de la Commission.

4 La Belgique, la Bulgarie, la Tchéquie, l'Allemagne, l'Estonie, la Grèce, l'Espagne, la France, la Croatie, l'Italie, Chypre, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, l'Autriche, le Portugal, la Roumanie, la Slovénie, la Slovaquie et la Finlande.

5 Article 7, paragraphe 3, point b), du règlement (UE) n° 1306/2013; annexe I du règlement d'exécution (UE) n° 908/2014 de la Commission.

6 Rapports spéciaux 01/2019 «Dépenses financées par l'UE: des mesures s'imposent pour lutter contre la fraude», et 06/2019 «La lutte contre la fraude au détriment des dépenses de cohésion de l'UE».

7 Rapport annuel relatif à 2019, points 6.34 à 6.41 et point 6.44.

8 Rapport PIF 2020 de la Commission, Annexe 1, COM(2021) 578.

9 Rapports spéciaux 01/2019 «Dépenses financées par l'UE: des mesures s'imposent pour lutter contre la fraude», points 23 à 28, et 06/2019 «La lutte contre la fraude au détriment des dépenses de cohésion de l'UE», points 47 à 57.

10 Stratégie antifraude de la DG AGRI, version 4.0 – Ares(2020)5099349, point 7.3.1.

11 Rapport annuel relatif à 2019, points 6.35 et 6.36.

12 Rapport annuel relatif à 2016, annexe 7.3, exemple 1.

13 Rapport annuel relatif à 2018, encadré 7.3.

14 Rapport 2018 de l'OLAF, p. 29.

15 Rapport annuel relatif à 2017, encadré 7.6.

16 Cas déclaré dans la base de données IMS.

17 Opération contrôlée à l'appui de la déclaration d'assurance 2016.

18 Article 33, paragraphe 1, et article 36, paragraphe 5, du règlement (UE) n° 1307/2013.

19 Parlement européen (PE), Extent of farmland grabbing in the EU, p. 15; Transnational Institute (TNI)-European Coordination Via Campesina (ECVC), Land concentration, land grabbing and people's struggles in Europe, p. 16.

20 PE, Addressing the human rights impacts of ‘land grabbing'.

21 PE, Extent of farmland grabbing in the EU.

22 Rapport 2017 de l'OLAF, p. 20-21.

23 Communiqué de presse n° 03/2021 de l'OLAF.

24 Arrêt du 17 décembre 2020, WQ contre Land Berlin, affaire C-216/19, point 34.

25 Article 58, paragraphe 2, et article 59, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 1306/2013.

26 Arrêt du 24 juin 2010, Luigi Pontini e.a., affaire C-375/08, point 90.

27 Article 15, paragraphe 2, du règlement délégué (UE) n° 639/2014; affaire C-216/19, points 42 et 43.

28 Affaire C-216/19, point 45.

29 Note de la DG AGRI sur le critère des «hectares admissibles à la disposition de l'agriculteur» (DS/CDP/2021/08).

30 Rapport 2018 de l'OLAF, p. 28-29.

31 COSO, Fraud risk management guide, p. ix.

32 Stratégie antifraude de la DG AGRI, version 4.0 – Ares(2020)5099349, p. 22 à 26.

33 Annexe I du règlement (UE) n° 907/2014.

34 Réponse donnée par le commissaire le 27 août 2020 à la question parlementaire P‑004224/2020.

35 Rapport spécial 04/2020, points 11 et 12, puis 16 à 18.

36 Rapport spécial 04/2020, points 17 et 18.

37 Article 59, paragraphe 2, du règlement (UE) 2021/2116.

38 Déclarations sur le règlement (UE) 2021/2116 (2021/C 488/02).

39 Rapport spécial 04/2020, point 82.

40 Rapport annuel d'activités 2020 de la DG AGRI, annexe 2, p. 25 (indicateur de résultat 3.5).

41 Organismes payeurs d'Estonie, de Croatie, d'Italie, de Lituanie, de Roumanie, de Slovénie et de Slovaquie.

42 Organismes payeurs de Grèce et d'Espagne (trois).

43 Organismes payeurs de Belgique, de Bulgarie, d'Espagne (deux), de France, d'Italie, du Luxembourg, de Pologne, du Portugal et de Suède.

44 The Largest 50 Beneficiaries in each EU Member State of CAP and Cohesion Funds.

45 Requirements for a single database of beneficiaries.

46 Rapport PIF 2020 de la Commission, p. 44.

47 Article 69, paragraphe 2, du règlement (UE) 2021/1060.

48 Article 59, paragraphe 4, du règlement (UE) 2021/2116.

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