Rapport spécial
17 2021

Coopération de l'UE avec les pays tiers en matière de réadmission: des actions pertinentes, mais peu de résultats

A propos du rapport:La difficulté de coopérer avec les pays d'origine des migrants en situation irrégulière contribue au faible taux de retour depuis l'UE. Notre audit a consisté à déterminer si l'UE avait renforcé efficacement la coopération avec les pays tiers en matière de réadmission. Nous avons constaté que si les résultats des négociations avec les pays tiers laissaient à désirer, c'était en raison d'un manque de synergies tant avec les États membres qu'entre les différentes politiques menées par l'UE. Les mesures prises par l'UE pour faciliter la coopération en matière de réadmission étaient pertinentes, mais ont donné des résultats mitigés, et les lacunes dans les données concernant les retours et les réadmissions nous ont empêchés d'en évaluer l'incidence globale. Nous recommandons à la Commission d'adopter une approche plus souple lors de la négociation d'accords de réadmission, de créer des synergies avec les États membres pour faciliter les négociations de réadmission, de renforcer les mesures incitatives pour les pays tiers et d'améliorer la collecte de données sur les réadmissions.

Rapport spécial de la Cour des comptes européenne présenté en vertu de l'article 287, paragraphe 4, deuxième alinéa, du TFUE.

Cette publication est disponible, au format ci-après, dans 23 langues de l'UE:
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Synthèse

I

Une politique de retour efficace et bien gérée constitue une composante essentielle de toute politique migratoire globale. Le manque d'efficacité du système de retour de l'UE encourage la migration irrégulière. Comme nous en faisions le constat dans le rapport spécial n° 24/2019, les faibles taux de retour de migrants en situation irrégulière peuvent s'expliquer en partie par la difficulté de coopérer avec les pays d'origine des migrants. Étant donné l'importance de cette question, nous avons décidé de l'examiner plus en profondeur en vue d'apporter une contribution constructive aux efforts et au débat en cours au sein de l'UE.

II

Lors de cet audit, nous avons voulu déterminer si l'UE avait renforcé efficacement la coopération avec les pays tiers en matière de réadmission. Pour répondre à cette question d'audit principale, nous avons analysé les progrès accomplis par l'UE dans la conclusion d'accords de réadmission pertinents ou d'arrangements similaires avec les pays tiers. Nous avons aussi examiné dans quelle mesure l'action de l'Union avait permis à ces derniers de s'acquitter plus facilement, dans la pratique, de leurs obligations en matière de réadmission. Nous avons porté notre attention sur les dix pays dont étaient originaires le plus grand nombre, en valeur absolue, de migrants en situation irrégulière non renvoyés durant la période 2014‑2018. Nous en avons conclu que les actions entreprises par l'UE en vue de renforcer la coopération avec les pays tiers en matière de réadmission étaient pertinentes, mais qu'elles avaient donné peu de résultats.

III

Les négociations d'accords européens de réadmission menées par l'UE n'ont guère progressé au cours de la période 2015‑2020. Les négociations se heurtent encore aux mêmes problèmes (principalement, la clause relative aux «ressortissants de pays tiers»). La Commission a obtenu de meilleurs résultats avec la négociation d'arrangements juridiquement non contraignants en matière de réadmission, qui offrent plus de souplesse sur le plan du contenu. La volonté politique manifestée par les pays tiers a constitué la clé de voûte de la réussite des négociations en matière de réadmission.

IV

Nous avons constaté que si les résultats des négociations avec les pays tiers laissaient à désirer, c'était en raison d'un manque de synergies tant avec les États membres qu'entre les différentes politiques menées. Peu de progrès ont été réalisés au niveau de l'UE pour ce qui est d'introduire des incitations structurelles susceptibles d'encourager les pays tiers à s'acquitter de leurs obligations en matière de réadmission. La plupart des avancées sont intervenues dans le domaine de la politique des visas, le code des visas révisé ayant fourni à l'UE un mécanisme et des outils pour évaluer régulièrement la coopération des pays tiers en matière de réadmission et la stimuler.

V

Nous avons constaté que les textes des accords et arrangements de réadmission conclus par l'UE ont pris en considération la plupart des obstacles habituellement rencontrés dans ce domaine. Dans ce contexte, les comités de réadmission mixtes ou les groupes de travail conjoints ont fait office de forums où la coopération en matière de réadmission a été évaluée périodiquement. Cependant, le caractère récurrent de certaines des questions abordées a montré les limites de leur efficacité.

VI

Les réseaux de l'UE en charge des questions de retours ont réussi à mutualiser les ressources nationales, et leurs résultats leur ont valu une appréciation positive de la part des pays participants. À mesure que son mandat a été élargi, Frontex a progressivement repris les activités de ces réseaux. En outre, Frontex a apporté un soutien accru aux États membres en ce qui concerne les activités préalables au retour et les opérations de retour. Nous avons constaté que l'une des principales raisons expliquant le manque d'efficacité des missions d'identification soutenues par Frontex résidait dans les difficultés rencontrées par les États membres pour localiser les migrants en situation irrégulière, les empêcher de prendre la fuite et veiller à ce qu'ils se présentent aux entretiens.

VII

Nous avons examiné six projets de renforcement des capacités et 14 projets de réintégration financés par la Commission. Nous avons constaté que les projets étaient pertinents et qu'ils avaient, dans la plupart des cas, produit les réalisations escomptées. Nous estimons plus particulièrement que le développement de systèmes électroniques de gestion des dossiers de réadmission avec les pays tiers est susceptible d'améliorer la coopération en matière de réadmission sur le plan structurel.

VIII

Nous avons constaté que les données dont dispose l'UE sur les retours comportaient des lacunes sur le plan tant de l'exhaustivité que de la comparabilité entre États membres. Ces dernières années, la Commission a présenté des propositions législatives visant à corriger la plupart des faiblesses sous-jacentes. Toutefois, un grand nombre des changements proposés n'ont pas encore été adoptés ou ne sont pas encore pleinement entrés en vigueur. En outre, des données concernant la rapidité des procédures de réadmission et le caractère durable de la réintégration des migrants à leur retour font toujours défaut.

IX

Depuis la révision du code des visas en 2019, la Commission est tenue d'évaluer régulièrement, et sur la base de données fiables, la coopération des pays tiers en matière de réadmission. Cette évaluation régulière devrait permettre à l'UE d'améliorer la collecte et le partage de données et faciliter la prise de décisions fondées sur des données probantes dans le domaine de la coopération en matière de réadmission. Par le passé, l'absence de processus équivalent de collecte de données sur la coopération en matière de réadmission, conjuguée à des lacunes dans les données sur les retours, nous a empêchés d'évaluer l'incidence globale des mesures prises par l'UE pour améliorer la coopération avec les pays tiers dans ce domaine.

X

À la suite de notre audit, nous recommandons à la Commission:

  • d'adopter une approche plus souple lors de la négociation d'accords de réadmission;
  • de créer des synergies avec les États membres pour faciliter les négociations en matière de réadmission;
  • de renforcer les mesures susceptibles d'inciter les pays tiers à coopérer sur ces questions;
  • d'améliorer la collecte de données sur les réadmissions et sur le caractère durable de la réintégration.

Introduction

Retours et réadmissions

01

Une politique de retour efficace et bien gérée constitue une composante essentielle de toute politique migratoire globale. Dans le rapport spécial n° 24/20191, nous avons recensé différentes raisons expliquant les faibles taux de retour des migrants en situation irrégulière (voir annexe I). L'une de ces raisons réside dans la difficulté à coopérer avec les pays d'origine des migrants.

02

Le manque d'efficacité du système de retour de l'UE encourage la migration irrégulière2. Chaque année depuis 2008, ce sont environ 500 000 étrangers en moyenne qui reçoivent l'ordre de quitter l'UE parce qu'ils y sont entrés ou y séjournent sans autorisation. Pourtant, seul un tiers d'entre eux retournent effectivement dans un pays tiers (29 % en 2019). Ce «taux de retour effectif» passe sous la barre des 20 % pour les retours vers des pays situés en dehors du continent européen (voir figure 1). Parmi les retours effectifs, la part des retours volontaires et celle des retours forcés sont plus ou moins équivalentes.

Figure 1

Taux de retour effectif (EU‑27)

Source: Cour des comptes européenne, sur la base de données d'Eurostat.

03

Le taux de retour effectif doit être manié et interprété avec prudence. Les données sous-jacentes ne sont pas toujours exactes et ne sont pas tout à fait comparables d'un État membre de l'UE à l'autre (voir points 108 à 110). En outre, les problèmes de coopération avec les pays tiers n'expliquent pas nécessairement à eux seuls un taux faible. Ce dernier peut parfois aussi être dû à des difficultés internes, telles que des faiblesses dans la législation en matière d'asile et de retour, ou des points vulnérables dans les systèmes, les procédures et les capacités des États membres (voir point 115, annexe I et rapport spécial n° 24/2019). Le taux de retour ne suffit donc pas à lui seul pour tirer des conclusions sur la qualité de la coopération d'un pays tiers en matière de réadmission.

04

La législation en matière de retour fait partie de l'acquis de l'UE lié à la fois à la gestion de l'immigration clandestine et au fonctionnement de l'espace Schengen. Le processus de retour est principalement entre les mains des autorités nationales. Toutefois, la coopération avec les pays tiers en matière de réadmission des migrants en situation irrégulière est requise à différentes étapes du processus de retour, en particulier pour ceux d'entre eux qui ne disposent pas de documents de voyage valides (voir figure 2). L'Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex) peut apporter un appui aux États membres dans le processus de retour.

Figure 2

Le processus de retour, étape par étape

Source: Cour des comptes européenne, sur la base d'un document original de Frontex.

05

L'obligation faite aux États de réadmettre leurs propres ressortissants est présumée exister en droit international coutumier3. Pour renforcer cette obligation, l'UE insère depuis les années 1990 des clauses relatives à la migration dans ses accords avec les pays tiers. En 1999, le Conseil a décidé d'inclure des clauses de réadmission types dans tous les accords européens d'association et de coopération avec des pays tiers4 (voir encadré 1). Ce type de clause figure également dans l'«accord de Cotonou»5.

Encadré 1

Clauses de réadmission types (1999)

Article A

La Communauté européenne et l'État X décident de coopérer afin de prévenir et de contrôler l'immigration illégale. À cette fin:

  • l'État X accepte de réadmettre ses ressortissants présents illégalement sur le territoire d'un État membre de l'Union européenne, à la demande de ce dernier et sans autres formalités; […]

Les États membres de l'Union européenne et l'État X fourniront également à leurs ressortissants les documents d'identité nécessaires à cette fin.

Article B

Les parties conviennent de conclure, à la demande de l'une d'entre elles, un accord entre l'État X et la Communauté européenne régissant les obligations spécifiques incombant à l'État X et aux États membres de la Communauté européenne en matière de réadmission, y compris une obligation de réadmission des ressortissants d'autres pays et des apatrides. […]

06

En 2015, le Conseil européen a invité la Commission à mettre en place un «programme européen spécifique en matière de retour»6. En réponse, la Commission a établi le plan d'action de l'UE en matière de retour7. Ce plan définissait des mesures immédiates et à moyen terme pour renforcer l'efficacité du système de retour de l'UE. En 2017, la Commission a adopté un plan d'action renouvelé8 comportant des mesures supplémentaires à mettre en œuvre parallèlement au plan d'action existant.

Accords et arrangements de réadmission

07

Les pays peuvent conclure des accords de réadmission afin de faciliter la mise en œuvre concrète de leurs obligations en la matière. Cependant, une coopération fonctionnelle en matière de réadmission peut exister entre les pays sans qu'aucun accord de réadmission spécifique n'ait été conclu. À l'inverse, l'existence d'un accord de réadmission ne garantit pas une coopération harmonieuse.

08

Les accords de réadmission de l'Union européenne (ARUE) sont conclus entre cette dernière et des pays tiers. Ils s'appliquent parallèlement aux accords de réadmission bilatéraux conclus par les différents États membres de l'UE, mais prévalent9. L'UE a conclu 18 accords de réadmission juridiquement contraignants. Le Conseil a mandaté la Commission pour ouvrir des négociations avec six autres pays (voir figure 3).

09

Les pays tiers peuvent se montrer réticents à engager des négociations sur des accords de réadmission, principalement en raison de considérations politiques internes (ces accords pouvant susciter l'hostilité de l'opinion dans certains pays). Depuis 2016, la Commission s'est donc attachée en priorité à mettre en place des mécanismes de coopération pratiques avec les pays tiers, et a négocié six arrangements juridiquement non contraignants en matière de retours et de réadmission (voir figure 3). Le contenu de ces arrangements pratiques reste confidentiel, sauf pour l'Afghanistan10.

Figure 3

Carte des ARUE et des arrangements de réadmission non contraignants

Source: Cour des comptes européenne, sur la base de données de la Commission.

Gouvernance

10

Avec l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam en 199911, des compétences ont été attribuées à l'UE dans le domaine des visas, de l'asile et de l'immigration, dont le pouvoir de conclure des accords de réadmission. Ce pouvoir est partagé entre l'UE et les États membres («compétence partagée»)12.

11

Les ARUE sont négociés avec un pays tiers sur la base d'un mandat de négociation que le Conseil donne à la Commission. La Commission (en tant que chef de file) est chargée, en collaboration avec le Service européen pour l'action extérieure (SEAE), de négocier les ARUE et de renforcer la coopération avec les pays tiers en matière de réadmission. Les accords de réadmission sont adoptés par décision du Conseil après approbation du Parlement européen.

12

Dans le cas des arrangements de réadmission juridiquement non contraignants, le processus est plus simple. La Commission demande l'autorisation du Conseil avant d'entamer la négociation, et le Conseil doit valider le résultat. Cette fois, l'approbation du Parlement européen n'est pas requise.

13

Une fois entré en vigueur, l'ARUE est contrôlé par un comité de réadmission mixte (CRM). Le CRM, coprésidé par la Commission et le pays tiers, se compose d'experts et de représentants des États membres de l'UE et du pays tiers. De même, les arrangements de réadmission sont contrôlés par des groupes de travail conjoints (GTC).


Étendue et approche de l'audit

14

Comme nous en faisions le constat dans le rapport spécial n° 24/2019, les faibles taux de retour de migrants en situation irrégulière peuvent s'expliquer en partie par la difficulté de coopérer avec les pays d'origine des migrants. Étant donné l'importance de la question, nous avons décidé de l'examiner plus avant. Nous espérons que notre rapport contribuera aux efforts actuels de l'UE et au débat sur le nouveau pacte sur la migration et l'asile présenté par la Commission en septembre 2020.

15

L'objectif de cet audit était de déterminer si l'UE avait renforcé efficacement la coopération avec les pays tiers en matière de réadmission. Pour répondre à cette question d'audit principale, nous nous sommes posé les deux sous-questions ci-après.

  1. L'UE a-t-elle progressé dans la conclusion d'accords de réadmission pertinents ou d'arrangements similaires avec des pays tiers?
  2. L'action de l'UE a-t-elle facilité la mise en œuvre concrète des obligations de réadmission des pays tiers?
16

L'audit a porté sur la période allant de 2015, date à laquelle la Commission a lancé le plan d'action en matière de retour, à mi-2020.

17

Nous avons utilisé le nombre moyen total de migrants en situation irrégulière non renvoyés comme critère pour dresser la liste des dix pays tiers à examiner (voir figure 4). Les ressortissants de ces dix pays (Syrie exclue) représentaient 38 % de toutes les décisions de retour prises au cours de la période 2014‑2018, et 46 % de tous les migrants en situation irrégulière non renvoyés de l'UE. L'UE ayant suspendu toute coopération bilatérale avec les autorités syriennes en mai 2011, nous avons exclu la Syrie de notre audit.

Figure 4

Moyenne annuelle des migrants en situation irrégulière renvoyés (2014‑2018)

Source: Cour des comptes européenne, sur la base de données d'Eurostat (séries de données migr_eiord et migr_eirtn).

18

Les principales entités auditées sont la Commission, le SEAE et Frontex. Nous avons également consulté des représentants des réseaux du système de gestion intégrée des retours (voir point 80), le secrétariat du Conseil, ainsi que les autorités allemandes, françaises et espagnoles. Nous avons sélectionné ces trois États membres en raison de leur importance respective sur le plan de la pression migratoire et des retours (nombre de demandes d'asile et de décisions de retour), l'Italie et la Grèce ayant déjà fait l'objet d'un audit précédent dans ce domaine.

19

En raison des restrictions liées à la pandémie de COVID-19, nous n'avons pas été en mesure d'effectuer les visites prévues dans les pays tiers. Nous avons donc dû nous fonder dans une large mesure sur l'examen des documents disponibles et sur des entretiens avec des parties prenantes de l'UE. Nous avons néanmoins contacté les ambassades de trois pays tiers afin d'obtenir leur avis sur la coopération avec l'UE en matière de réadmission. En outre, nous avons consulté des parties prenantes du Parlement européen, de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) et du Conseil européen sur les réfugiés et les exilés.

20

Pour que le retour des migrants en situation irrégulière soit efficace, la politique de l'UE en la matière doit l'être également au niveau interne, notamment en ce qui concerne l'identification et la localisation des migrants en situation irrégulière, l'orientation des demandeurs d'asile déboutés et la mise en œuvre des décisions de retour par les États membres. Étant donné que nous avons déjà traité le volet interne de la politique de l'UE en matière de retour13, nous avons axé cet audit exclusivement sur la coopération avec les pays tiers en matière de réadmission.

21

Nous n'avons pas examiné le bien-fondé des décisions de retour individuelles. Celles-ci sont prises par les autorités nationales, qui relèvent de la responsabilité exclusive des États membres. Les autorités nationales sont également chargées de mener à bien les opérations de retour (avec le soutien éventuel de Frontex). Les décisions de retour sont soumises aux voies de recours administratives et judiciaires prévues par les législations européenne et nationale. Si un recours est introduit, les autorités ou les instances judiciaires nationales évaluent dans chaque affaire le bien-fondé de la décision, notamment la question du danger que le retour dans le pays tiers peut représenter pour le migrant.

22

L'audit n'a pas porté sur les accords de réadmission bilatéraux, les arrangements, les protocoles d'accord ni sur toute autre forme de coopération bilatérale entre les États membres de l'UE et les pays tiers. Ceux-ci relèvent de la compétence exclusive des États membres, et la Commission n'y a pas accès.

Observations

Les résultats des négociations avec les pays tiers laissent à désirer en raison d'un manque de synergies tant avec les États membres qu'entre les différentes politiques de l'UE

23

Dans cette section, nous examinons si la Commission et le SEAE:

  1. ont entamé des négociations de réadmission avec les dix pays tiers dont sont originaires le plus grand nombre de migrants en situation irrégulière non renvoyés;
  2. ont poursuivi efficacement les négociations; et
  3. ont mis au point des outils pour inciter chacun à s'acquitter de ses obligations de réadmission.

La Commission et le SEAE ont engagé un dialogue sur la réadmission avec les pays tiers dont les ressortissants sont les plus nombreux parmi les migrants en situation irrégulière non renvoyés

24

Les dix pays tiers dont étaient originaires le plus grand nombre de migrants en situation irrégulière non renvoyés durant la période 2014‑2018 (Syrie exclue) sont, par ordre décroissant d'importance: l'Afghanistan, le Maroc, le Pakistan, l'Iraq, l'Algérie, le Nigeria, la Tunisie, l'Inde, le Bangladesh et la Guinée (voir point 17 et figure 4). Sur ces dix pays, le Conseil et la Commission en ont officiellement désigné huit avec lesquels des négociations d'ARUE ou d'arrangement devaient être engagées en priorité. La Commission:

  • a reçu mandat du Conseil pour négocier un ARUE avec l'Algérie (2002), le Maroc (2003), la Tunisie (2014) et le Nigeria (2016). Un ARUE avec le Pakistan est en place depuis 2010;
  • a entamé la négociation d'arrangements juridiquement non contraignants avec l'Afghanistan (2016), le Bangladesh (2016) et la Guinée (2017);
  • a engagé un dialogue sur les migrations avec l'Iraq et l'Inde, même si elle ne les a pas officiellement classés parmi les pays prioritaires pour l'ouverture de négociations (voir encadré 2).

Encadré 2

Coopération en matière de réadmission dans le cadre du dialogue sur les migrations avec l'Iraq et l'Inde

Durant la période 2014‑2017, la situation politique et sécuritaire en Iraq n'était pas propice à l'ouverture d'un dialogue en matière de réadmission. En 2018, dans la stratégie de l'UE pour l'Iraq14, la mise en place d'un dialogue sur les migrations avec ce pays, «y compris en adoptant des procédures facilitant l'identification et le retour», était considérée comme l'un des objectifs stratégiques de l'UE. Les mesures prises par l'UE depuis lors n'ont donné aucun résultat tangible en matière de coopération sur les retours forcés.

Des représentants de l'UE et du gouvernement indien se sont rencontrés régulièrement dans le cadre du dialogue de haut niveau UE-Inde sur les migrations et la mobilité, et ont établi un programme commun pour les migrations et la mobilité en 2016. En matière de migration irrégulière, l'UE et l'Inde ont convenu d'étudier les possibilités de conclure un accord de réadmission15, mais aucun progrès tangible n'a été accompli jusqu'à présent.

25

Outre les pressions migratoires et le nombre de personnes en attente de retour, la Commission a à juste titre pris en considération d'autres facteurs lorsqu'elle a décidé d'engager des négociations de réadmission avec un pays tiers et lorsqu'elle a fait le choix de négocier soit un ARUE soit un arrangement juridiquement non contraignant. Parmi ces facteurs, il convient de citer:

  1. la possibilité de négocier un accord visant à faciliter la délivrance de visas. Ce type d'accord est susceptible d'inciter les pays tiers à conclure un ARUE (voir point 50);
  2. la volonté politique. Certains pays tiers peuvent être intéressés par la possibilité de négocier un ARUE plutôt que des accords distincts avec les différents États membres. Par contre, les arrangements juridiquement non contraignants peuvent se révéler politiquement plus acceptables pour d'autres pays tiers;
  3. l'urgence. Le nombre de franchissements illégaux détectés aux frontières de l'UE a bondi de 0,3 million en 2014 à 1,8 million en 2015. La figure 5 montre les évolutions respectives pour les pays couverts par notre audit. Dans les cas où il était urgent d'améliorer la coopération avec un pays d'origine donné, mais où la conclusion d'un ARUE ne semblait pas réalisable à court terme, la Commission s'est efforcée de signer des arrangements moins formels (juridiquement non contraignants);
  4. le calendrier. Il se peut que la Commission ne soit pas en mesure d'entamer ou de poursuivre des négociations en raison de facteurs politiques inhérents à un pays tiers ou liés à celui-ci. De la même façon, la Commission pourrait entamer des négociations lorsqu'une occasion se présente (par exemple un climat politique favorable), même si les flux migratoires du moment ne l'imposent pas.

Figure 5

Franchissements illégaux détectés aux frontières de l'UE

Source: Cour des comptes européenne, sur la base de données du réseau d'analyse des risques de Frontex (FRAN) au 28 juillet 2020.

La Commission et le SEAE ont peu progressé en ce qui concerne la conclusion d'accords de réadmission, mais ont obtenu de meilleurs résultats dans la négociation d'arrangements de réadmission juridiquement non contraignants

26

Nous avons examiné les négociations des ARUE ou des arrangements avec les pays couverts par notre audit et porté notre attention sur la période postérieure à 2015. Nous avons évalué séparément les accords juridiquement contraignants et ceux non contraignants, car leurs processus de négociation diffèrent grandement. La figure 6 présente la chronologie des négociations.

Figure 6

Chronologie des négociations

Source: Cour des comptes européenne, sur la base de données de la Commission.

Accords de réadmission de l'Union européenne
27

La volonté politique des pays tiers est essentielle à la réussite des négociations. En matière de retours et de réadmissions, l'Algérie préfère la coopération bilatérale avec les États membres et une gestion autonome des migrations sans soutien de l'UE, ce qui explique pourquoi les négociations n'ont jamais officiellement débuté. Les négociations de l'ARUE avec le Maroc ont été suspendues entre 2015 et 2019 en raison de l'interruption du dialogue de haut niveau entre l'UE et ce pays en décembre 2015 liée à une tout autre question. Le soutien indispensable des hautes sphères politiques implique aussi un risque de suspension des négociations en période électorale.

28

Les négociations d'ARUE sont organisées en plusieurs cycles. Les longs délais entre la réception du mandat et le début effectif des négociations (Maroc, Pakistan et Tunisie) puis entre les cycles de négociation sont symptomatiques du manque de volonté des autorités des pays tiers de poursuivre les négociations. Il peut s'expliquer par des contraintes de politique intérieure difficiles à lever, mais aussi par la faiblesse des signaux envoyés par l'UE pour encourager la poursuite des négociations (voir points 47 à 72). Nous avons constaté qu'à plusieurs occasions la Commission et le SEAE avaient apporté un soutien politique pour permettre la reprise de négociations suspendues. Toutefois, les parties prenantes nationales que nous avons interrogées jugent que l'engagement politique de la Commission et du SEAE auprès des pays tiers devrait être renforcé, notamment par une reconnaissance politique et des visites de haut niveau, et devrait être plus étroitement aligné sur celui des États membres.

29

La Commission négocie les ARUE en suivant des directives de négociation émises par le Conseil et fondées sur une proposition qu'elle avait elle-même présentée. Le contenu des directives est globalement le même pour tous les ARUE. Deux éléments présents dans les directives tendent à susciter d'importantes frictions lors des négociations: la clause relative aux ressortissants de pays tiers (voir encadré 3) et l'utilisation du document de voyage européen destiné au retour16.

Encadré 3

La clause relative aux ressortissants de pays tiers

La clause relative aux ressortissants de pays tiers permet le retour des personnes dans un pays tiers par lequel elles ont transité avant d'entrer dans l'UE. C'est une clause type incluse dans tous les ARUE conclus jusqu'à présent, y compris avec des pays plus lointains comme le Pakistan. Les pays tiers ont tendance à s'opposer à cette clause, d'une part parce qu'elle est très sensible sur le plan politique et, d'autre part, parce qu'elle n'est pas ancrée dans le droit international.

Dans la pratique, cette clause n'est appliquée que de manière sporadique en raison de problèmes juridiques, opérationnels et liés aux droits de l'homme. Lorsqu'elle est utilisée, c'est généralement avec des pays voisins de l'UE. Cependant, certains États membres insistent sur cette clause en raison de sa valeur symbolique (elle traduit l'engagement du pays tiers à coopérer dans la gestion des migrations transitant par son territoire) et pour éviter la création d'un précédent indésirable. Dans certains cas, la clause relative aux ressortissants de pays tiers peut venir en complément des accords bilatéraux conclus par les États membres dont elle est absente. Dans d'autres cas, les États membres dont les accords bilatéraux comportent cette clause peuvent ne pas approuver un ARUE qui en serait dépourvu.

30

La seule évaluation des ARUE réalisée par la Commission date de 201117. Selon cette évaluation, les retards excessifs dans la négociation des ARUE s'expliqueraient par «l'absence de mesures d'incitation et […] le manque de souplesse des États membres sur certains aspects (techniques)» (principalement la clause relative aux ressortissants de pays tiers). La Commission a recommandé18 que, pour chaque pays, une évaluation approfondie du besoin concret de cette clause et des autres procédures peu utilisées dans la pratique soit effectuée avant leur inclusion dans les directives de négociation. Cette recommandation n'a cependant pas été suivie pour les pays couverts par notre audit.

31

Tous les pays tiers couverts par notre audit avec lesquels des négociations d'ARUE sont en cours se sont catégoriquement opposés d'emblée à la clause relative aux ressortissants de pays tiers (même quand elle figurait dans certains de leurs accords bilatéraux conclus avec des États membres). La Commission et le SEAE ont donc choisi de laisser cette clause en suspens, de même que d'autres questions controversées qui ne peuvent être résolues au niveau technique, et envisagent d'y revenir à la fin des négociations. Néanmoins, la clause relative aux ressortissants de pays tiers a eu tendance à refaire surface régulièrement et à mettre en péril les négociations.

32

Contrairement à la clause relative aux ressortissants de pays tiers, la possibilité d'utiliser le document de voyage européen destiné au retour peut, selon les parties prenantes que nous avons interrogées, résoudre efficacement les difficultés de coopération en matière de réadmission avec certains pays (pour un aperçu des difficultés, voir point 74). Toutefois, la plupart des pays tiers insistent sur la prérogative qui est la leur de délivrer de nouveaux documents d'identité à leurs citoyens et refusent les documents de voyage européens. La Commission n'a réussi à inclure le document de voyage européen que dans un seul des accords négociés de notre échantillon.

33

Globalement, au cours de la période 2015‑2020, l'UE n'a pas accompli de progrès tangibles dans les négociations des ARUE avec l'Algérie et le Maroc. Les négociations des ARUE avec la Tunisie et le Nigeria ont progressé sur les aspects techniques, mais les points les plus litigieux ont été mis de côté. En outre, du fait de la durée des négociations, les progrès réalisés lors d'un cycle de négociation étaient parfois à confirmer lors du suivant (par exemple, en raison d'un changement d'interlocuteurs ou de la situation politique dans le pays tiers).

Arrangements de réadmission
34

Le processus de négociation pour les arrangements de réadmission est beaucoup plus souple que pour les ARUE. La Commission n'a pas de directives de négociation strictes, et il n'existe pas de cycles de négociation officiels. L'accent est mis sur la rapidité des négociations et sur la recherche de solutions pragmatiques pour améliorer la coopération en matière de réadmission.

35

La Commission a réussi, avec le soutien du SEAE, à négocier les trois arrangements de réadmission juridiquement non contraignants couverts par notre audit (avec le Bangladesh, l'Afghanistan et la Guinée). Les aspects techniques qui ont posé problème lors des négociations comprenaient l'utilisation du document de voyage européen (dans les trois cas) et les vols charter (dans deux cas). Les points de friction ont été résolus au niveau politique grâce à des mesures d'incitation concrètes, à un alignement sur les États membres (y compris des missions conjointes de haut niveau UE-États membres, voir point 45) et, dans un cas, à la possibilité d'appliquer des restrictions en matière de visas.

36

Les ARUE sont des documents publics standardisés. Les arrangements de réadmission sont plus souples, mais présentent également des caractéristiques communes. À l'exception de «l'Action conjointe pour le futur» convenue avec l'Afghanistan, les arrangements sont confidentiels, et nous ne pouvons donc pas en divulguer les modalités individuelles. Cependant, la comparaison de l'ARUE pour le Pakistan avec «l'Action conjointe pour le futur» fournit des informations utiles (voir figure 7).

Figure 7

Comparaison de «l'Action conjointe pour le futur» pour l'Afghanistan avec l'ARUE pour le Pakistan

Source: Cour des comptes européenne.

37

Les arrangements de réadmission ont le même objectif que les ARUE, à savoir faciliter la coopération en matière de retour. Mais ils s'en distinguent très nettement à plusieurs égards:

  1. aucune référence à la protection internationale des réfugiés ni aux droits de l'homme. Parmi les pays couverts par notre audit, seule «l'Action conjointe pour le futur» conclue avec l'Afghanistan comportait des références équivalentes à celles des ARUE;
  2. l'absence de réciprocité;
  3. la conception sur mesure pour chaque pays, avec un texte omettant certaines questions litigieuses (par exemple les ressortissants de pays tiers);
  4. l'absence d'annexes énumérant les documents permettant d'établir la nationalité;
  5. une plus grande souplesse dans la détermination d'objectifs communs, avec la possibilité d'inclure dans l'arrangement un train de mesures de soutien au pays. L'arrangement conclu avec l'Afghanistan comprenait des mesures de soutien très complètes qui répondaient, à court, à moyen et à long terme, aux besoins des communautés d'accueil et des personnes faisant l'objet d'un retour. Elles consistaient notamment à favoriser une réintégration durable et à améliorer les possibilités d'emploi. Cette assistance vise également les ressortissants afghans déplacés à l'intérieur de leur propre pays, les personnes de retour d'Iran ou du Pakistan et leurs communautés d'accueil, pour un montant total de 219 millions d'euros19.
38

Des organisations de la société civile et le Parlement européen ont critiqué le manque de transparence de ces arrangements et leurs effets potentiels sur le respect des droits de l'homme à l'égard des personnes soumises à un retour20. À l'inverse, les parties prenantes nationales que nous avons interrogées ont généralement salué l'élaboration par la Commission d'arrangements juridiquement non contraignants. Elles y ont vu une solution pragmatique pour améliorer la coopération en matière de réadmission avec les pays tiers, en particulier lorsque des résultats rapides étaient nécessaires. Les États membres ont également étudié la possibilité de recourir à des arrangements similaires lorsque les négociations d'accords de réadmission formels étaient au point mort. Le mandat de négociation officiel de la Commission ne l'autorise toutefois pas à abandonner les négociations d'un ARUE formel au profit d'un arrangement plus rapide.

Des progrès insuffisants concernant la création de synergies avec les États membres et entre les politiques de l'UE

39

Dans le domaine des relations internationales, les pays négocient généralement des accords mutuellement avantageux. Il en va autrement pour les accords de réadmission qui, bien qu'ils soient établis sur une base de réciprocité, peuvent paraître profiter d'abord à l'UE aux yeux des pays tiers. En outre, ces accords (et les retours forcés) peuvent susciter l'hostilité de l'opinion publique dans certains pays. En effet, les fonds envoyés par la diaspora (qui comprend également des migrants en situation irrégulière) peuvent constituer un moyen de subsistance pour des communautés entières, une source essentielle de devises étrangères, et dépasser de loin l'aide publique au développement. Tel est le cas pour sept pays de notre échantillon (figure 8). Ces considérations peuvent influer sur la manière dont les pays tiers jugent et perçoivent les accords de réadmission, et expliquent également la nécessité pour l'UE de développer des mesures d'incitation pour appuyer les négociations en la matière.

Figure 8

Fonds envoyés par la diaspora et aide publique au développement en pourcentage du PIB en 2019

Remarque: ce graphique donne une vue d'ensemble et ne détaille ni depuis quels pays les fonds sont envoyés ni si ces derniers le sont par des migrants en situation irrégulière ou régulière.

Source: Cour des comptes européenne, sur la base des ensembles de données de la Banque mondiale: PIB (dollars américains courants), montant net de l'aide publique au développement reçue (dollars américains courants) et envois de fonds des migrants (dollars américains). Disponible sur data.worldbank.org.

40

Le Conseil européen a demandé à plusieurs reprises que les moyens d'incitation nécessaires soient créés et utilisés – en faisant appel à l'ensemble des politiques, instruments et outils pertinents de l'UE – afin d'obtenir des résultats mesurables concernant la prévention de la migration irrégulière et le retour des migrants en situation irrégulière. La Commission a également appelé à de nouvelles actions pour déployer des moyens d'incitation en vue d'intensifier la réadmission (voir annexe II).

41

Dans les points qui suivent, nous évaluons les progrès réalisés par la Commission pour accroître son influence dans les négociations de réadmission, à la fois:

  • en parlant d'une seule voix et en créant des synergies avec les États membres; et
  • en développant des mesures d'incitation en faisant appel aux politiques qui relèvent de sa compétence.
Parler d'une seule voix et créer des synergies avec les États membres
42

Après avoir obtenu un mandat ou une autorisation du Conseil pour entamer des négociations en vue de la conclusion d'un ARUE ou d'un arrangement, la Commission n'a pas cherché à obtenir en même temps au Conseil un accord avec les États membres portant sur les mesures d'incitation et les instruments susceptibles de faire avancer les négociations. Elle n'a pas non plus présenté de «programme de soutien sur mesure» lors du lancement des négociations avec les pays tiers. Certains pays tiers étaient réticents à s'engager dans les négociations, car ils ne voyaient pas de valeur ajoutée évidente dans la conclusion d'un ARUE par rapport à la coopération bilatérale avec les États membres. Tel était notamment le cas des pays d'Afrique du Nord, qui bénéficiaient d'accords bilatéraux généreux avec certains États membres.

43

En 2016, la Commission et le SEAE ont élaboré des «documents informels conjoints sur le renforcement de la coopération en matière de migration, de mobilité et de réadmission» pour 16 pays clés d'origine et/ou de transit. Ces documents présentaient les composantes possibles d'un train de mesures de l'UE visant à faciliter les négociations, avec des mesures incitatives positives et négatives. Les États membres ont été invités à y contribuer, mais les discussions21 à ce sujet n'ont pas été concluantes. Aucune initiative similaire n'a eu lieu depuis.

44

En dehors des consultations au sein des groupes de travail du Conseil, la Commission n'a pas systématiquement associé les États membres clés (en ce qui concerne les relations bilatérales avec un pays tiers et/ou l'impact des flux migratoires) aux négociations avec les pays tiers afin de faciliter le processus. Cela signifie que, pour faire avancer les discussions, la Commission n'a pu réellement tirer parti ni du poids politique des États membres ni des politiques qui nécessitent leur participation active (comme la facilitation de la délivrance de visas ou la migration de main-d'œuvre; voir également point 65).

45

Lorsque les États membres ont été associés aux négociations de réadmission, l'influence politique collective de l'UE s'est trouvée renforcée. Cela s'est révélé bénéfique pour obtenir des avancées dans la conclusion d'accords de réadmission ou débloquer des négociations. Par exemple, en avril 2017, quatre États membres ont participé avec la Commission à une mission conjointe en Guinée qui a débouché sur l'ouverture de négociations de réadmission.

46

Par contre, l'absence d'approche commune et la négociation parallèle d'accords bilatéraux par des États membres clés ont, par exemple, pu freiner le début des négociations de l'UE avec l'Algérie22.

Approche incitative
47

L'UE et ses États membres ne sont pas seulement les plus grands donateurs d'aide au développement dans le monde, ils sont aussi des partenaires commerciaux et des investisseurs étrangers de premier plan sur la scène internationale23. La Commission a pu utiliser, au cas par cas, diverses politiques pour faire avancer les négociations de réadmission. En particulier dans le cas des arrangements de réadmission, la Commission a fait un usage efficace de l'assistance financière (projets soutenant le développement, la réintégration, la gestion des migrations et le renforcement des capacités). En revanche, pour les pays où l'assistance financière n'a pas été une mesure d'incitation suffisante, la Commission a eu du mal à utiliser d'autres politiques pour faire avancer efficacement les négociations, même lorsqu'elle avait noué des liens politiques et économiques très forts.

48

Dans les sections qui suivent, nous analysons les progrès réalisés par l'UE dans l'application de ses politiques clés (visa, développement et commerce) pour créer, comme l'a demandé à plusieurs reprises le Conseil européen, des mesures d'incitation structurelles qui poussent les pays tiers à s'acquitter de leurs obligations de réadmission (voir annexe II). Nous examinons également la migration légale, qui présente un intérêt primordial pour les pays tiers, le recours à des mesures incitatives négatives et à des mesures visant à renforcer la coordination.

Politique des visas – des progrès importants dans l'élaboration d'instruments

49

La politique des visas est intrinsèquement liée à la gestion des migrations et, en tant que telle, elle constitue un levier particulièrement utile pour améliorer la coopération en matière de réadmission avec les pays tiers.

50

La négociation, parallèlement aux ARUE, d'un accord visant à faciliter la délivrance de visas24 s'est révélée fructueuse par le passé25. Depuis 2005, comme les États membres en sont convenus dans le cadre du Coreper, toute offre de négociation d'un tel accord est subordonnée au lancement simultané de négociations d'un ARUE. Il est toutefois possible que les accords de l'UE visant à faciliter la délivrance de visas ne soient pas à eux seuls suffisamment attrayants pour les pays tiers qui bénéficient déjà d'accords bilatéraux avantageux avec des États membres clés.

51

Le code des visas de 200926 a consolidé les procédures et les conditions de délivrance des visas de court séjour. Il ne fournissait pas d'outils qui permettent d'utiliser la politique des visas pour renforcer la coopération en matière de réadmission27. En 2018, la Commission a présenté une proposition de révision, qui a été adoptée en juin 201928. Le code des visas révisé fournit désormais à l'UE un mécanisme et des outils pour stimuler la coopération des pays tiers en matière de réadmission (possibilité d'utiliser non seulement des mesures d'incitation positives, mais aussi des mesures restrictives en matière de visas).

Aide au développement – quelques progrès

52

L'UE utilise une multitude d'instruments pour acheminer l'aide au développement. Ceux-ci visent principalement à promouvoir le développement socio-économique et ne prévoient généralement pas de lier l'aide, ou les montants alloués aux différents pays tiers, à la coopération de ces derniers en matière de gestion des migrations en général, ou de réadmission en particulier.

53

Au plus fort de la crise migratoire, les chefs d'État ou de gouvernement européens et africains ont créé le fonds fiduciaire d'urgence (FFU) de l'UE pour l'Afrique29 lors du sommet de La Valette en novembre 2015, afin de mobiliser des fonds pour s'attaquer aux causes profondes de la migration irrégulière et favoriser la coopération en matière de gestion des migrations. En octobre 2020, les ressources allouées au fonds fiduciaire avaient atteint 5 milliards d'euros. Le FFU s'est révélé utile pour faire avancer les discussions sur la coopération en matière de réadmission.

54

Pour la période 2021‑2027, la Commission a proposé de remanier la configuration des instruments d'aide au développement de l'UE. Le nouvel instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale (IVCDCI)30, doté d'un budget de 79,5 milliards d'euros, couvrira pratiquement le monde entier (voir figure 9).

Figure 9

Instruments pour l'action extérieure de l'UE dans le cadre du CFP 2021‑2027

Source: Cour des comptes européenne, sur la base de la fiche d'information de la Commission «L'instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale», juin 2020, ISBN 978-92-76-19 030-1 doi:10.2761/47 361 KV-02-20-381-FR-N.

55

En ce qui concerne spécifiquement les «pays du voisinage européen», la Commission a proposé de leur allouer 10 % des fonds concernés pour récompenser leurs progrès dans les domaines de «la démocratie, des droits de l'homme, de la coopération en matière de migration, de la gouvernance économique et des réformes». L'approche incitative des 10 % existait déjà dans le cadre du précédent instrument européen de voisinage et visait à saluer les progrès accomplis en matière de démocratie, de droits de l'homme et d'état de droit. La coopération en matière de migration et la gouvernance économique viennent enrichir la liste des indicateurs. La Commission n'a pas envisagé d'approche incitative semblable pour d'autres régions.

56

En outre, dans le cadre de l'IVCDCI, la Commission a proposé un objectif de dépenses horizontal de 10 % pour «permettre à l'Union de relever les défis, de répondre aux besoins et de tirer parti des possibilités liés à la migration»31.

57

Depuis octobre 2019, l'IVCDCI fait l'objet de négociations entre le Conseil et le Parlement européen. L'une des questions les plus controversées de ces négociations a été de savoir s'il fallait faire de la migration un élément de conditionnalité32. Le Conseil et le Parlement sont parvenus à un accord après la fin de notre audit et ont adopté le règlement relatif à l'IVCDCI en juin 202133.

Commerce – aucun progrès à ce jour

58

Les accords commerciaux de l'UE (accords d'association de l'UE et accords de partenariat et de coopération) contiennent des clauses de réadmission depuis les années 1990 (voir point 05). Comme l'a fait observer le Parlement européen dans une étude34, les clauses ne sont pas «auto-exécutoires» (ce qui signifie qu'elles ne peuvent prendre effet sans accords d'exécution). Les accords ne prévoient pas de mécanisme pratique pour récompenser la coopération, ou pour sanctionner le manque de coopération des pays tiers en matière de réadmission.

59

L'accord de partenariat économique UE-Japon lie35 la facilitation de la circulation des personnes physiques à des fins professionnelles à un engagement de coopération en matière de retour et de réadmission. À l'exception d'un accord de partenariat et de coopération en cours de négociation, aucun autre accord ne comporte ce type de dispositions.

60

En 1971, la Communauté européenne a introduit pour la première fois un schéma de préférences généralisées pour soutenir les pays en développement. Six des dix pays couverts par notre audit bénéficient de ce schéma. Le schéma a eu un impact considérable sur la création d'emplois: on estime par exemple qu'il a permis l'accès à l'emploi de 5 millions de personnes au Bangladesh36.

61

Tous les pays bénéficiaires doivent respecter les principes des 15 principales conventions relatives aux droits de l'homme et aux droits des travailleurs. Afin de bénéficier d'avantages supplémentaires, les pays éligibles doivent également respecter 12 conventions relatives à l'environnement et aux principes de bonne gouvernance37. Aucune condition ne porte sur la coopération en matière de gestion des migrations et de réadmission.

62

L'actuel règlement de l'UE relatif au schéma de préférences généralisées restera en vigueur jusqu'à la fin de 2023. Au moment de l'audit, la Commission n'avait procédé à aucune évaluation visant à déterminer si, et comment, la coopération en matière de migration et de réadmission pourrait être intégrée dans le prochain règlement (par exemple, respect des règles de l'Organisation mondiale du commerce; rapport coûts-avantages potentiels).

Migration légale – travail et éducation – des synergies nécessaires avec les États membres

63

Les pays tiers voient dans la coopération renforcée en matière de migration légale un volet important (et un moteur) de leur coopération avec l'UE en matière de gestion des migrations. Plusieurs directives de l'UE ont harmonisé les modalités d'entrée et le droit de séjour de certaines catégories de travailleurs. Néanmoins, les États membres conservent des pouvoirs importants (par exemple, celui de déterminer le nombre de travailleurs migrants admis), et leur participation active est nécessaire pour déployer ces politiques.

64

Dans la logique du cadre de partenariat38, la Commission a lancé, en septembre 2017, l'idée de projets pilotes sur la migration légale39. À ce jour, quatre projets pilotes ont été soutenus au titre de la facilité des partenariats pour la mobilité40, un au titre du Fonds «Asile, migration et intégration» (FAMI)41, et un au titre du FFU42. Ces projets ont été utiles pour étudier de nouvelles approches. Toutefois, la Commission n'est pas encore parvenue à transposer ces projets à plus grande échelle afin d'en faire des leviers efficaces dans les pays tiers.

65

Parallèlement, les États membres ont délivré un nombre important de titres de séjour à des ressortissants de pays tiers, y compris pour la migration de main-d'œuvre (voir figure 10). Cependant, l'UE n'a pas exploité le succès des programmes de coopération bilatéraux aux fins des négociations de réadmission (voir point 44).

Figure 10

Titres de séjour délivrés pour la première fois, ventilés par raison

Remarque: «Autres» englobe les autorisations discrétionnaires hors asile, les retraités disposant de ressources indépendantes, les diplomates, etc.

Source: Cour des comptes européenne, sur la base de données d'Eurostat pour l'EU‑27 (série de données migr_resfirst).

66

La participation à des échanges d'étudiants constitue une mesure incitative intéressante pour les pays tiers. Au total, près de 4 000 étudiants sont venus dans l'UE en 2019 en provenance des dix pays couverts par notre audit dans le cadre des programmes à succès Erasmus+, gérés par la Commission. Toutefois, ils ne représentaient que 5,3 % de l'ensemble des titres de séjour délivrés pour la première fois par les États membres à des fins d'éducation la même année pour les dix mêmes pays.

Utilisation des mesures incitatives négatives – positions mitigées des États membres

67

L'UE est réticente à utiliser des mesures incitatives négatives pour faire avancer les négociations de réadmission. Elle maintient cette position même pour les pays qui reçoivent un soutien politique, économique et/ou militaire important, mais refusent de coopérer sur la question de la réadmission de leurs migrants en situation irrégulière. Elle craint que le recours à des mesures incitatives négatives ne nuise aux partenariats avec les pays tiers et ne soit finalement contre-productif. Il pourrait exacerber la situation socio-économique (dramatique) des pays tiers, ou rendre les pays tiers de transit moins disposés à coopérer en matière de gestion des migrations, ce qui se solderait par une hausse de la migration irrégulière vers l'UE. Néanmoins, la possibilité d'appliquer des mesures restrictives en matière de visas a contribué à faire avancer la négociation d'un arrangement de réadmission avec l'un des pays couverts par notre audit.

68

Les représentants nationaux que nous avons interrogés ont confirmé les positions mitigées des États membres quant à l'utilisation de mesures incitatives négatives dans les négociations. Bien que certains considèrent cette option comme nécessaire, d'autres estiment qu'elle pourrait nuire aux relations à long terme et que l'accent devrait être mis sur le renforcement global des relations mutuelles par une implication politique accrue et une plus grande coopération dans tous les domaines.

Une meilleure coordination pour créer des synergies et des effets de levier

69

En juin 2016, la Commission a créé une task force pour soutenir la mise en œuvre du cadre de partenariat. La task force a fait office de forum de coordination et de discussion entre les hauts responsables de la Commission et le personnel du SEAE chargé à la fois des migrations et des relations extérieures au sens large. Lors des réunions hebdomadaires, les participants ont discuté des évolutions les plus importantes (principalement dans le cadre de l'agenda en matière de migration) pour les principaux pays d'intérêt. En décembre 2019, la Commission a créé un «groupe de projet» permanent des commissaires sur la migration afin de renforcer la coordination au niveau politique. L'un des objectifs du groupe était de «développer une coopération plus forte avec les pays d'origine et de transit et un système plus robuste de réadmission et de retour»43.

70

Au Conseil, le Coreper a établi, en 2017, un mécanisme informel utilisant les visas comme levier44. Il fournissait une boîte à outils comprenant des mesures liées aux visas actionnables lorsque la coopération d'un pays tiers en matière de réadmission n'était pas satisfaisante. Selon les parties prenantes que nous avons interrogées, le simple fait de mentionner le recours possible à ce mécanisme a permis d'améliorer la coopération avec plusieurs pays tiers. En 2019, le mécanisme a été formalisé dans le code des visas révisé (voir point 51).

71

L'expérience positive tirée du mécanisme utilisant les visas comme levier a conduit le Coreper à mettre au point un «mécanisme de levier global»45. Il s'agit d'un mécanisme de coopération général informel permettant de mobiliser différentes politiques (relevant de l'UE et/ou des États membres) afin d'améliorer la coopération des pays tiers en matière de retour et de réadmission. Au moment de l'audit, ce mécanisme n'avait pas encore été utilisé.

72

En septembre 2020, la Commission a présenté son nouveau pacte sur la migration et l'asile46. À l'article 7 de la proposition de nouveau règlement relatif à la gestion de l'asile et de la migration47, la Commission présente un mécanisme inspiré du mécanisme de levier global informel du Coreper.

Les actions de l'UE visant à faciliter la réadmission étaient pertinentes, mais leurs résultats étaient inégaux et leur incidence n'a pas pu être évaluée

73

Dans cette section, nous examinons si la Commission:

  1. a amélioré la coopération pratique avec les pays tiers en matière de réadmission, en coopération avec Frontex et les États membres;
  2. a fourni aux pays tiers un soutien adéquat en matière de renforcement des capacités et de réintégration afin de faciliter la réadmission;
  3. a assuré un suivi, en coopération avec Frontex, de l'assiduité avec laquelle les pays tiers se sont acquittés de leurs obligations en matière de réadmission.

Les mesures visant à améliorer la coopération pratique en matière de réadmission ont donné des résultats inégaux

74

Dans la plupart des cas, les pays tiers ne contestent pas formellement la réadmission de leurs ressortissants. Cependant, ils peuvent faire obstacle au processus de réadmission et aux retours effectifs de diverses manières, en particulier pour les migrants en situation irrégulière dépourvus de documents de voyage valables (voir figure 11). En outre, un certain nombre de goulets d'étranglement ont des répercussions négatives sur le processus de retour dans les États membres (voir rapport spécial n° 24/2019 et annexe I).

Figure 11

Participation des pays tiers au processus de réadmission et obstacles potentiels

Source: Cour des comptes européenne.

75

L'UE et les États membres ont tenté de lever les obstacles à la coopération en matière de réadmission notamment par:

  • la conclusion d'accords et d'arrangements de réadmission (bien que leur mise en œuvre n'ait pas toujours été satisfaisante dans la pratique);
  • la création de réseaux qui ont réussi à mutualiser les ressources nationales; et
  • le renforcement du soutien de Frontex.
Accords et arrangements de réadmission
76

Nous avons examiné les accords conclus pour les pays couverts par notre audit et les rapports des CRM/GTC afin d'évaluer s'ils avaient permis d'améliorer efficacement la coopération en matière de réadmission. Nous avons constaté que les ARUE/arrangements prenaient en considération la plupart des obstacles récurrents au bon déroulement de la réadmission. Les exceptions notables étaient les suivantes:

  1. l'acceptation des documents de voyage européens pour le retour, qui n'était stipulée que dans l'un des quatre accords examinés (voir également point 32);
  2. l'obligation de visa pour les agents d'escorte – des visas étaient exigés dans un accord, mais rien n'était précisé dans les trois autres. Les visas obligatoires ont perturbé le processus de réadmission dans deux des quatre pays tiers;
  3. les limites quantitatives fixant un nombre maximum de personnes renvoyées par vol et/ou par mois prévues dans deux arrangements (mais qui n'ont pas gêné les réadmissions dans la pratique); les autres ne précisaient pas si des limites pouvaient être appliquées.
77

Le fait qu'une obligation spécifique ait été créée par les dispositions d'un ARUE ne signifie pas nécessairement qu'elle sera respectée dans la pratique et que la coopération sera harmonieuse. Les pays tiers ont parfois introduit des niveaux d'exigences, de vérifications ou d'autorisations supplémentaires, créant ainsi davantage de difficultés pour la coopération pratique.

78

Des réunions des CRM/GTC ont été organisées régulièrement, une ou deux fois par an, afin d'évaluer la mise en œuvre des ARUE/arrangements et d'examiner les dernières évolutions des politiques et la coopération dans d'autres domaines de la gestion des migrations. Toutefois, le caractère récurrent de certaines des questions abordées lors des réunions des CRM/GTC a montré les limites de leur efficacité.

79

Les pays qui n'ont pas d'accord ou d'arrangement de réadmission avec l'UE ne disposent d'aucune enceinte comparable aux CRM/GTC pour discuter des aspects pratiques de la coopération en matière de réadmission. Le dialogue sur la migration et la mobilité qui a lieu dans d'autres forums est généralement organisé à un niveau plus élevé, sa portée est plus large, et il ne cible pas les obstacles spécifiques à la coopération en matière de réadmission.

Réseaux du système de gestion intégrée des retours
80

Afin d'améliorer la coopération pratique en matière de réadmission, la Commission a utilisé le FAMI pour soutenir le développement du «système de gestion intégrée des retours». Ce système comprend trois réseaux européens auxquels les États membres participent sur une base volontaire et dont la Commission et Frontex assurent la coordination:

  1. le réseau de l'initiative européenne de gestion intégrée des retours (Eurint);
  2. le réseau européen des officiers de liaison «retour» (EURLO);
  3. le réseau européen pour l'instrument de réintégration (ERIN), devenu le réseau européen pour l'instrument de retour et de réintégration (ERRIN) avec l'élargissement de sa portée en 2018.
81

À mesure que son mandat a été élargi (voir point 84), Frontex a progressivement repris les activités de ces réseaux. Le transfert du réseau Eurint à Frontex a été achevé en décembre 2019, celui du réseau EURLO a commencé au même moment (avec un transfert progressif d'ici septembre 2021), et celui des activités de réintégration du réseau ERRIN devrait être achevé d'ici juillet 2022.

82

Lors de notre audit, le transfert du réseau Eurint était achevé et celui du réseau EURLO était en bonne voie. Cependant, aucun personnel supplémentaire n'a été affecté au Centre européen des retours de Frontex pour ces activités en 2019 ou 2020. Cette situation est liée au fait que la Commission a considérablement modifié le tableau des effectifs de Frontex en 201848 sans consulter l'Agence au préalable. En mars 2019, Frontex a demandé (en vain) le report du transfert du réseau EURLO en raison d'une pénurie de ressources humaines et financières. La finalisation du transfert du réseau ERRIN a été reportée de deux ans pour la même raison.

83

Les réseaux européens ont réussi à mutualiser les ressources nationales, et leurs résultats leur ont généralement valu une appréciation positive de la part des pays participants:

  1. le réseau Eurint a démontré sa valeur ajoutée en tant que plateforme de partage des connaissances et des informations pour les acteurs de terrain – une condition préalable au développement d'une approche plus intégrée et coordonnée en vue de retours effectifs49;
  2. bien que l'influence des officiers de liaison «retour» sur le retour effectif des migrants en situation irrégulière ait été limitée, les parties prenantes ont reconnu la valeur ajoutée évidente du programme EURLO, ainsi que ses avantages en matière d'efficacité et d'efficience par rapport aux activités de retour nationales. La présence physique permanente des officiers de liaison «retour» sur le terrain a permis de cultiver les relations avec les autorités des pays tiers et d'améliorer la collaboration. Les parties prenantes ont également fait état d'autres résultats inattendus: les officiers de liaison «retour» ont apporté leur concours à des initiatives stratégiques telles que la négociation d'accords de réadmission avec les autorités locales, ou ont amélioré la réputation et la visibilité de Frontex dans les pays d'origine50;
  3. les activités – et la valeur ajoutée – du réseau ERRIN résidaient principalement dans la passation conjointe de contrats d'assistance à la réintégration avec des prestataires de services dans des pays tiers, ainsi que dans leur gestion et leur suivi (les paramètres de l'assistance à la réintégration et les critères d'éligibilité étant définis par chaque État membre). Devenu ERRIN, ses activités ont été étendues pour couvrir le soutien à de nouvelles initiatives et approches en matière de réintégration. Le réseau ERRIN a largement respecté les délais de mise en œuvre de ses activités et a dépassé ses objectifs en matière d'assistance à la réintégration (à la mi-2020, le nombre de dossiers atteignait les 22 000 personnes soumises à un retour, alors que l'objectif était de 20 000)51.
Appui de Frontex
84

Depuis 2015, le mandat de Frontex a été renforcé à deux reprises52. Frontex a donc joué un rôle de plus en plus actif en aidant les États membres à mener à bien les activités préalables au retour et les opérations de retour vers des pays tiers. En ce qui concerne les activités préalables au retour, Frontex a fourni aux États membres un soutien opérationnel (par exemple en déployant des spécialistes des questions de retour) et des outils pour améliorer la coopération avec les pays tiers (bonnes pratiques, ateliers pour le personnel consulaire, identification par vidéoconférence et missions d'identification).

85

Les spécialistes des questions de retour fournissent aux États membres un soutien sur mesure dans leurs activités liées au retour, par exemple en renforçant les procédures de retour, en améliorant la coopération consulaire avec les pays tiers, en fournissant un appui informatique et d'autres formes de soutien. Les premiers déploiements ont eu lieu en 2016 lorsque sept agents ont été envoyés en Grèce. Les activités se sont lentement développées depuis et, en 2019, Frontex a déployé au total 15 spécialistes des questions de retour dans cinq États membres. En raison de la nature du travail de ces spécialistes, aucun indicateur commun concernant leur efficacité/efficience n'a été élaboré. Cependant, les rapports53 de Frontex répertorient les réalisations concrètes des spécialistes et démontrent ainsi leur valeur ajoutée.

86

Frontex dispose de documents de «bonnes pratiques» avec deux des dix pays tiers couverts par notre audit. L'un d'eux a contribué à faciliter des opérations de retour conjointes, et l'autre a servi de base à l'organisation d'un atelier pour le personnel consulaire et de plusieurs missions d'identification.

87

Afin d'harmoniser l'application des arrangements nouvellement négociés, la Commission et/ou Frontex ont organisé des ateliers pour les bureaux consulaires concernés en Europe. Ces ateliers comprenaient un échange de vues sur des aspects pratiques, tels que la délivrance en temps opportun des documents de voyage et les procédures d'organisation de vols charter. Cependant, les résultats ont été mitigés, car lors de réunions ultérieures de GTC, les États membres ont fait état de certaines améliorations, mais aussi de difficultés persistantes.

88

En 2018, Frontex a lancé un projet pilote portant sur l'utilisation d'un système de vidéoconférence pour mener le processus d'identification. Le projet pilote a été mis en œuvre en coopération avec le programme EURLO, qui a acheté l'équipement de vidéoconférence, et l'OIM. En 2019, le système a efficacement facilité l'identification des migrants. Néanmoins, les trois quarts des personnes identifiées ont ensuite demandé une protection internationale et n'ont donc pas pu faire l'objet d'un retour.

89

Les États membres ont conçu les missions d'identification pour résoudre les problèmes de coopération consulaire avec des pays tiers (par exemple, lorsqu'un consulat ne souhaite pas coopérer en matière d'identification, n'a pas le mandat nécessaire pour le faire ou n'a pas de présence physique dans un État membre). Frontex accompagne les États membres dans le cadre de missions d'identification depuis fin 2016, lorsqu'elle a repris cette activité du réseau Eurint. Le soutien de Frontex est fourni à la demande des États membres, et sa forme exacte est définie au cas par cas.

90

À la mi-2020, Frontex avait apporté son appui à 25 missions à court terme (généralement, une à deux semaines sont nécessaires pour mener des activités d'identification dans un ou plusieurs États membres) et à cinq missions à long terme (déploiements dans un seul endroit, potentiellement pendant plusieurs années). Les résultats de ces missions sont présentés à la figure 12.

Figure 12

Missions d'identification menées avec l'appui de Frontex (octobre 2016 – mai 2020)

Source: Cour des comptes européenne, sur la base de données de Frontex.

91

Dans le cas des opérations de retour, Frontex fournit un soutien financier et opérationnel (par exemple en organisant des vols et en déployant des agents d'escorte et des contrôleurs). Traditionnellement, Frontex intervient principalement sur les vols charter. Elle estime prêter actuellement assistance à la plupart de ces vols. Néanmoins, un vol charter ne peut être utilisé qu'avec le consentement de chaque pays de retour. Sur les dix pays couverts par notre audit, deux refusent les vols charter de Frontex. Plusieurs des vols charter organisés n'avaient à leur bord que quelques personnes faisant l'objet d'un retour54.

92

Dans le plan d'action renouvelé en matière de retour de mars 2017, la Commission a appelé Frontex à «instaurer un mécanisme destiné à assister les États membres dans l'exécution des retours par vols commerciaux». Par conséquent, Frontex a passé les marchés nécessaires avec les compagnies aériennes et mis en place des systèmes internes, puis a organisé un premier vol commercial en décembre 2017. Depuis lors, les chiffres ont considérablement augmenté (voir figure 13). De plus, Frontex fournit une assistance en matière de départs volontaires depuis 2019 et de retours volontaires depuis 2020. Le nombre de dossiers traités a augmenté rapidement, passant de 155 départs volontaires en 2019 à 1 532 ressortissants de pays tiers retournant volontairement dans leur pays (départs et retours volontaires) en 2020. Cette hausse a partiellement compensé la baisse des autres opérations de retour en 2020 causée par les restrictions liées au coronavirus.

Figure 13

Nombre de ressortissants de pays tiers ayant fait l'objet d'une procédure de retour menée par Frontex

Source: Cour des comptes européenne, sur la base de données de Frontex.

Les projets de soutien au renforcement des capacités et de réintégration étaient pertinents et ont pour la plupart produit les réalisations prévues

Soutien au renforcement des capacités
93

En 2016, la Commission a lancé le mécanisme de renforcement des capacités de réadmission (RCBF/EURCAP). Il vise à renforcer les capacités des pays partenaires à gérer les retours et à coopérer en matière de réadmission avec l'UE, ainsi qu'à prévenir la migration irrégulière. Mis en œuvre par l'OIM, le mécanisme dispose d'un budget de 38,5 millions d'euros (financé au titre du FAMI). La figure 14 donne une vue d'ensemble des actions de soutien du RCBF. Notre évaluation de six actions mises en œuvre dans les pays couverts par l'audit se trouve à l'annexe III. Nous avons constaté que les actions étaient pertinentes et qu'elles ont généralement produit les réalisations attendues. Les effets obtenus ont été partiellement satisfaisants.

Figure 14

Actions de soutien du RCBF/EURCAP sur la période 2016‑2023

Source: Cour des comptes européenne, sur la base d'un document original de l'OIM.

94

Trois des actions du RCBF que nous avons examinées visaient à créer et à exploiter le système électronique de gestion des dossiers de réadmission (RCMS). Le RCMS vise à automatiser les processus et les procédures de réadmission, à intégrer les parties prenantes (dans les pays tiers et les États membres), à réduire le délai global de traitement des dossiers et à fournir des statistiques et des informations à jour. En tant que tel, le RCMS est susceptible d'améliorer la coopération en matière de réadmission avec les pays tiers sur le plan structurel.

95

Le RCMS a été mis au point et déployé avec succès au Bangladesh depuis novembre 2020, et les États membres ont commencé à l'utiliser pour soumettre des demandes de réadmission. Le RCMS pour le Pakistan a été conçu, mis au point et déployé avec succès dans quatre États membres pilotes (depuis avril 2018). Les représentants nationaux que nous avons interrogés ont fait état de résultats mitigés au cours de la phase pilote. Ils ont apprécié le RCMS en tant qu'outil et ont estimé que son utilisation devrait être encouragée et élargie. Les autorités étaient plus susceptibles de répondre aux demandes de réadmission, et plus rapidement. Néanmoins, de nombreux défis restaient à relever. En définitive, le RCMS est un outil technique dont le succès dépend également de la volonté des autorités des pays tiers à coopérer.

96

Fin 2018, la Commission a approuvé la deuxième phase du projet RCMS pour le Pakistan, dans le but d'ouvrir le système à d'autres États membres. Cependant, cet élargissement a subi des retards importants. L'OIM et les autorités pakistanaises n'ont signé l'accord de service requis qu'environ 18 mois plus tard, en juillet 2020, en raison d'obstacles du côté pakistanais.

97

Nous avons examiné trois autres actions de renforcement des capacités qui répondaient à des besoins spécifiques déterminés dans le cadre des GTC. Ces actions ont été utiles pour établir une coopération dans le cadre des arrangements de réadmission nouvellement négociés.

Aide à la réintégration
98

Conformément à la directive retour, il convient de privilégier le retour volontaire par rapport à l'éloignement forcé55. La réintégration socio-économique constitue également un moteur puissant pour inciter les migrants au retour volontaire. Elle offre aux personnes de retour au pays la perspective de gagner leur vie et rend ainsi leur retour digne et plus durable. Au cours des négociations des ARUE et lors de réunions ultérieures des CRM/GTC, les pays couverts par notre audit ont régulièrement souligné l'importance d'un retour dans la dignité de leurs ressortissants et de leur réintégration. L'annexe IV présente notre évaluation de l'aide à la réintégration fournie dans les pays couverts par notre audit.

99

La Commission a financé l'aide à la réintégration dans les dix pays couverts par notre audit. Elle l'a fait par l'intermédiaire du FAMI et des fonds européens de développement.

  1. Dans le cadre du FAMI, la Commission a cofinancé les retours volontaires et forcés effectués par les États membres. Entre 2015 et 2019, le FAMI a cofinancé au total environ 276 000 retours dans le monde (dont 159 000 volontaires). Environ 40 % des personnes de retour ont reçu une aide à la réintégration56. Cependant, la Commission n'a pas défini d'exigences ou de normes minimales communes pour cette aide, qui a été conçue principalement au niveau national.
  2. Les fonds européens de développement ont financé des retours volontaires et une aide à la réintégration pour les personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays, les migrants séjournant dans des pays tiers ou ceux bloqués le long des routes migratoires. Les projets sous-jacents mettaient l'accent sur la dimension humanitaire, le développement et/ou la gestion des migrations. En général, les personnes de retour d'Europe ne représentaient qu'une infime partie des bénéficiaires de l'aide, en raison de leur nombre généralement faible. Par exemple, plus de 820 000 personnes sont rentrées en Afghanistan depuis l'Iran et le Pakistan en 201857, ce qui contraste avec les 3 120 Afghans revenus de l'UE.
100

Nous avons examiné 14 projets de réintégration et les avons trouvés pertinents par rapport aux besoins des personnes de retour et des pays tiers. Les projets ont ciblé la réintégration économique, sociale et psychosociale des personnes de retour, l'amélioration des conditions de vie des communautés d'accueil et/ou le renforcement de la capacité des pays d'origine à gérer les migrations et à réintégrer les migrants à leur retour.

101

Nous avons constaté que 11 projets avaient produit les réalisations prévues (ou devraient les produire). Cependant, dans deux des 11 projets, des retards (dus au contexte sécuritaire difficile en Afghanistan) ont nui à la mise en œuvre des projets. Trois des 14 projets se sont heurtés à des difficultés plus graves. Au moment de l'audit, ces trois projets étaient en cours, et la Commission et ses partenaires chargés de la mise en œuvre avaient pris un certain nombre de mesures pour atténuer ces difficultés.

102

Dans plusieurs cas (Afghanistan, Guinée et Nigeria), la demande d'aide à la réintégration a dépassé le budget initialement alloué aux projets. Dans de tels cas, la Commission et le FFU ont réagi avec souplesse en apportant le soutien supplémentaire nécessaire (voir encadré 4).

Encadré 4

Soutien de l'UE en réaction à la crise migratoire en Libye

En 2019, l'UE a approuvé l'action régionale en faveur de la région du Sahel et du lac Tchad, pour un montant total de 121 millions d'euros. Cette action a rendu des ressources disponibles pour faciliter 9 000 retours volontaires (humanitaires), pour protéger 12 400 migrants bloqués ou en situation de vulnérabilité, pour rechercher et secourir 10 000 migrants bloqués dans le désert et pour aider 38 050 personnes de retour au pays à se réintégrer. Elle a été élaborée par l'OIM conformément au mandat obtenu du groupe de travail conjoint de l'Union africaine, de l'Union européenne et des Nations unies, parallèlement à d'autres programmes conjoints de l'UE et de l'OIM visant à répondre à la crise migratoire en Libye.

Cette action vient compléter 13 actions nationales mises en œuvre dans la région du Sahel et du lac Tchad depuis 2017 dans le cadre de l'initiative conjointe UE-OIM. Celles-ci se sont révélées insuffisantes au vu de la crise qui a suivi en Libye. En Guinée, par exemple, l'action nationale était initialement prévue pour venir en aide à 2 000 personnes de retour; or, fin 2018, pas moins de 9 200 personnes avaient sollicité une aide à la réintégration.

Fin 2020, l'UE a décidé de prolonger l'action régionale de 18 mois et de porter sa contribution globale à 188 millions d'euros, l'objectif étant d'étendre sa protection à des milliers de migrants vulnérables et bloqués et de faciliter leur retour volontaire en toute sécurité et dans la dignité.

Globalement, le FFU a apporté une contribution importante au retour volontaire de plus de 50 000 migrants de Libye et à leur réintégration dans leur pays d'origine dans le cadre du groupe de travail UE-UA-ONU. Il a également contribué à la stabilisation des communautés en Libye en donnant à 3,5 millions de personnes un accès à des soins de santé améliorés et en fournissant un enseignement de base à 70 000 enfants58.

103

Les projets de réintégration étaient en cours au moment de notre audit, et les informations disponibles ne nous ont pas permis d'évaluer la probabilité qu'ils produisent les effets prévus. À cet égard, les projets menés en Afghanistan, au Bangladesh, en Guinée, en Iraq, au Maroc, au Nigeria et en Tunisie comportaient des volets visant à améliorer la gouvernance des migrations, notamment la capacité des autorités nationales à fournir l'aide consécutive à l'arrivée et l'aide à la réintégration. L'obtention d'une «réintégration durable des migrants de retour dans leur pays» dépendra également de facteurs externes et des ressources disponibles pour continuer à fournir une aide après l'achèvement du projet.

104

Les parties prenantes que nous avons interrogées ont insisté sur l'importance d'un retour des personnes en toute sécurité et dans la dignité et de leur réintégration durable. Tous les projets de réintégration que nous avons examinés, sauf un, comportaient (lorsque c'était pertinent) un volet de suivi destiné à évaluer le caractère durable de la réintégration. L'OIM (qui met en œuvre sept des 14 projets de réintégration que nous avons examinés), en particulier, a élaboré une méthodologie complète pour évaluer le caractère durable de son aide à la réintégration et l'a progressivement appliquée à ses projets de réintégration depuis 201759. Elle pourrait ainsi comparer les résultats obtenus par projets, par pays et dans le temps, et mieux recenser les facteurs de réussite de la réintégration.

105

Selon la définition de l'OIM, «on peut considérer que la réintégration est durable lorsque les personnes de retour ont atteint un niveau d'autosuffisance économique, de stabilité sociale dans leur communauté et de bien-être psychosocial qui leur permet de faire face aux facteurs de (ré)émigration»60. Les rapports de l'OIM sur la réintégration dans le cadre de l'initiative conjointe UE-OIM61, ainsi que les données préliminaires provenant d'autres pays ont montré que les résultats obtenus étaient généralement durables (même si la composante liée à la réintégration économique a obtenu des notes moins élevées que les composantes liées à la réintégration sociale et psychosociale) pour les personnes ayant pu être localisées et ayant consenti à participer à l'enquête. Par contre, une évaluation à mi-parcours de deux programmes mis en œuvre par d'autres organisations en Afghanistan a révélé que l'aide ne donnait pas des résultats durables.

Les données disponibles ne permettaient pas d'effectuer un suivi complet des réadmissions

106

La Commission (Eurostat) élabore des statistiques européennes sur les migrations et la protection internationale depuis 2008. Les États membres fournissent les données conformément à un règlement de l'UE qui a été mis à jour en 202062. Les statistiques sur les retours63 comprenaient des données annuelles sur les aspects suivants:

  1. le nombre de ressortissants de pays tiers ayant reçu l'ordre de quitter le territoire, ventilé par nationalité des personnes concernées;
  2. le nombre de ressortissants de pays tiers qui ont effectivement quitté le territoire à la suite d'une décision ou d'un acte de nature administrative ou judiciaire visé au point a), ventilé par nationalité des personnes ayant fait l'objet d'un retour («ressortissants de pays tiers ayant fait l'objet d'un retour»).
107

Le règlement mis à jour prévoit, à partir de l'année de référence 2021, une augmentation de la fréquence des données (d'annuelle à trimestrielle) et une ventilation plus détaillée (âge, sexe, mineurs non accompagnés, type de retour, assistance reçue et pays de destination).

108

Un indicateur clé de l'efficacité de la politique de retour est le «taux de retour effectif», calculé en rapportant le nombre de personnes qui ont effectivement quitté le territoire de l'UE au nombre de celles en ayant reçu l'ordre (indicateur détaillé au point b) rapporté à l'indicateur détaillé au point a) ci-dessus). La Commission utilise cet indicateur dans ses documents64, tout en reconnaissant les écueils propres aux données sous-jacentes65. Ces écueils sont liés aux différences inhérentes aux procédures et législations nationales ainsi qu'aux faiblesses du cadre législatif et des systèmes d'information de l'UE se rapportant à la gestion des frontières. Les principaux problèmes, et les mesures que la Commission a prises ces dernières années pour y remédier, sont résumés à l'annexe V.

109

À des fins de contrôle, et faute de données européennes adéquates, l'unité «Analyse des risques» de Frontex collecte tous les mois, depuis 2011, auprès des États membres, des données sur les décisions de retour prises à l'égard de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier et sur leur retour effectif.

110

Dans le cadre de son réseau d'analyse des risques (FRAN), Frontex collecte les données via différents canaux et en utilisant une méthodologie différente de celle d'Eurostat. Cela signifie que les données ne sont pas comparables (voir figure 15). De même, comme c'est le cas pour celles d'Eurostat, les données de Frontex présentent des faiblesses66. En outre, plusieurs États membres ne fournissent pas de données67.

Figure 15

Données d'Eurostat et de Frontex concernant les décisions de retour

Source: Cour des comptes européenne, sur la base de données d'Eurostat (tableaux statistiques «Ressortissants de pays tiers faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire de l'EU‑28 en 2019», [migr_eiord]) et de données de Frontex (Analyse des risques pour 2020, annexe, tableau 11, Return decisions issued in 2019).

111

Les États membres, la Commission et Frontex ont échangé des informations sur la coopération en matière de réadmission avec les pays tiers prioritaires au sein de diverses instances. En particulier, la Commission a organisé des réunions mensuelles du «groupe d'experts sur la réadmission» pour échanger des informations opérationnelles avec des experts nationaux. Cependant, ces informations n'ont pas été collectées et communiquées systématiquement et elles étaient incomplètes.

112

En vertu du code des visas révisé (voir point 51), la Commission est tenue d'«évalue[r] régulièrement, au moins une fois par an, la coopération des pays tiers en matière de réadmission, [en fondant son évaluation] sur l'utilisation de données fiables»68. Les indicateurs sont les suivants:

  1. le nombre de décisions de retour;
  2. le nombre de retours forcés effectifs par rapport au nombre de décisions de retour prises;
  3. le nombre de demandes de réadmission acceptées par le pays tiers, par rapport au nombre de demandes de ce type qui lui ont été soumises;
  4. le niveau de coopération opérationnelle en ce qui concerne le retour lors des différentes étapes de la procédure de retour (identification, délivrance de documents de voyage et acceptation des documents de voyage européens, acceptation de la réadmission des personnes et acceptation des vols et opérations de retour).
113

Les données requises sur les retours et sur la coopération en matière de réadmission ne sont toutefois ni complètes ni comparables entre les États membres (points a) et b) ci-dessus; voir point 108 et annexe V), ou n'existent pas au niveau de l'UE (points c)69 et d)).

114

Pour compenser le manque de données disponibles, la Commission a lancé avec Frontex, en janvier 2020, une enquête visant à collecter des données, accompagnée de questionnaires qualitatifs détaillés sur le niveau de coopération en matière de réadmission des États membres avec 39 pays tiers présentant un intérêt particulier.

115

Les données quantitatives collectées sont les suivantes: les décisions de retour prises (les décisions elles-mêmes et les personnes visées), les retours effectifs, les demandes de titres de voyage provisoires (TVP) et les TVP délivrés. Les indicateurs concernant les décisions de retour et les retours effectifs correspondent aux données précédemment collectées via le réseau d'analyse des risques de Frontex et présentent les mêmes faiblesses (voir point 108). Les indicateurs concernant les TVP demandés et délivrés sont nouveaux, et seuls 20 États membres ont fourni ces données. Les données montrent que les États membres n'ont demandé des TVP que pour une infime partie des décisions de retour prises (pour 12 des États membres, le chiffre était inférieur à 3 %). Les TVP ne sont certes pas toujours nécessaires (les migrants peuvent par exemple être en possession de documents de voyage, rentrer volontairement ou prendre la fuite), et plusieurs décisions de retour peuvent viser la même personne. Les données n'en suggèrent pas moins que, dans une écrasante majorité des cas, la plupart des États membres n'ont pas sollicité la coopération des pays d'origine pour la délivrance de nouveaux documents et la réadmission des migrants en situation irrégulière. Dans les cas où une coopération a été sollicitée, le rapport entre le nombre de TVP reçus et celui des TVP demandés, communiqué par les États membres, était extrêmement variable, allant de 13 % à 100 %.

116

Le questionnaire qualitatif comprenait 14 questions détaillées sur la coopération en matière de réadmission pour chacun des 39 pays tiers. L'une des questions concernait le respect des délais de délivrance des documents de voyage, tels que stipulés dans les accords de réadmission. Cependant, aucune donnée concernant la durée réelle (moyenne) du processus n'a été collectée.

117

La Commission a achevé et transmis au Conseil son évaluation des résultats de l'enquête le 10 février 202170. Le Conseil pourra, sur la base d'une proposition de la Commission et compte tenu des relations globales de l'Union avec le pays tiers, activer les mesures incitatives positives ou négatives prévues dans le code des visas révisé71.

118

Ce nouveau processus pourrait améliorer la coopération de l'UE avec les pays tiers en matière de réadmission:

  1. en renforçant la collecte et le partage de données par les États membres dans le domaine de la coopération en matière de réadmission. Pour la toute première fois, des données quantitatives et qualitatives sur la coopération en matière de réadmission avec les pays tiers prioritaires seront disponibles au niveau de l'UE;
  2. en produisant une évaluation annuelle régulière de la coopération avec les pays tiers concernés, permettant (après plusieurs évaluations de ce type) d'établir des tendances claires en matière de coopération;
  3. en permettant la prise de décisions fondées sur des données probantes dans le domaine de la coopération en matière de réadmission.
119

Par le passé, l'absence de processus équivalent de collecte de données sur la coopération en matière de réadmission, conjuguée à des lacunes dans les données sur les retours (voir points 108 à 110 et annexe V), nous a empêchés d'évaluer l'incidence globale des mesures prises par l'UE pour améliorer la coopération avec les pays tiers dans ce domaine.


Conclusions et recommandations

120

Dans l'ensemble, nous avons constaté que les actions entreprises par l'UE en vue de renforcer la coopération avec les pays tiers en matière de réadmission étaient pertinentes, mais qu'elles avaient donné peu de résultats.

121

Nous avons sélectionné les dix pays dont étaient originaires le plus grand nombre, en valeur absolue, de migrants en situation irrégulière non renvoyés durant la période 2014‑2018 (voir point 17). Nous avons constaté que, sur ces dix pays, le Conseil et la Commission en avaient officiellement désignés huit prioritaires et avaient engagé avec eux des négociations de réadmission. La Commission a également établi un dialogue sur les migrations avec les deux autres pays, mais n'a obtenu aucun progrès tangible en matière de réadmission (points 24 et 25).

122

Au cours de la période 2015‑2020, l'UE a peu progressé en ce qui concerne la conclusion d'accords de réadmission, mais a obtenu de meilleurs résultats dans la négociation d'arrangements de réadmission juridiquement non contraignants. La volonté politique manifestée par les pays tiers a constitué la clé de voûte de la réussite des négociations en matière de réadmission. Bien que la Commission et le SEAE aient soutenu politiquement la reprise des négociations suspendues, les parties prenantes nationales que nous avons interrogées ont estimé que l'engagement politique de la Commission et du SEAE auprès des pays tiers devait être renforcé (points 26 à 28).

123

La Commission et les États membres n'ont pas suffisamment tenu compte des leçons tirées des précédents ARUE, et les problèmes de longue date (principalement l'insistance sur la clause relative aux ressortissants de pays tiers et la réticence des pays tiers à l'accepter, même lorsqu'elle figure dans des accords bilatéraux) sont restés des points de friction majeurs dans les négociations d'ARUE. Par contre, la Commission et les États membres n'ont pas insisté pour inclure le document de voyage européen dans les accords négociés, bien que ce dernier puisse résoudre efficacement les difficultés de coopération en matière de réadmission (points 29 à 33).

124

Les arrangements de réadmission poursuivent le même objectif que les ARUE, mais offrent plus de souplesse sur le plan du contenu. Cependant, le mandat de négociation officiel de la Commission ne l'autorise pas à abandonner les négociations d'un ARUE qui s'enlisent pour chercher à conclure plus rapidement un arrangement de réadmission (points 34 à 38).

Recommandation n °1 – Adopter une approche souple dans les négociations d'ARUE

La Commission devrait convenir avec le Conseil d'une approche plus souple dans les négociations d'ARUE:

  • en adaptant le contenu des ARUE aux caractéristiques spécifiques de la coopération en matière de réadmission avec le pays tiers concerné et en évaluant la nécessité réelle d'inclure (ou non) la clause relative aux ressortissants de pays tiers, le document de voyage européen et d'autres clauses sensibles lors de la proposition des projets de directives de négociation au Conseil;
  • en convenant d'une procédure permettant de chercher à conclure d'autres arrangements de réadmission, le cas échéant, si les négociations d'ARUE s'éternisent sans qu'aucun accord soit trouvé.

Quand? D'ici le 31 décembre 2022.

125

La Commission et les États membres n'ont pas mis au point d'approche stratégique englobant les politiques européennes et nationales pour créer des trains de mesures complets afin d'appuyer les négociations d'ARUE. En outre, la Commission et les États membres n'ont pas systématiquement «parlé d'une seule voix» aux pays tiers, et la Commission n'a pas toujours associé les États membres clés au processus de facilitation des négociations avec les pays tiers. L'association des États membres, lorsqu'elle a eu lieu, a renforcé l'influence politique collective de l'UE et a contribué à obtenir des résultats (points 39 à 46).

Recommandation n °2 – Créer des synergies avec les États membres

La Commission devrait créer des synergies avec les États membres pour faciliter les négociations d'ARUE et d'arrangements de réadmission:

  • avant de lancer des négociations, en s'accordant avec les États membres sur les politiques européennes et nationales susceptibles de servir de leviers;
  • en associant systématiquement les États membres clés au processus de facilitation des négociations avec les pays tiers.

Quand? Immédiatement.

126

L'UE n'a guère progressé dans la mise en place de leviers structurels visant à inciter les pays tiers à s'acquitter de leurs obligations de réadmission. Dans le domaine de la politique des visas, le code des visas révisé a fourni à l'UE un mécanisme et des outils pour stimuler la coopération des pays tiers en matière de réadmission. Dans le nouvel instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale, la Commission a proposé de conserver une mesure incitative fondée sur la performance pour les pays du voisinage européen tout en ajoutant la coopération en matière de migrations parmi les critères permettant de récompenser les progrès dans le domaine de la bonne gouvernance. Elle a également proposé un objectif de dépenses horizontal de 10 % pour «permettre à l'Union de relever les défis, de répondre aux besoins et de tirer parti des possibilités liés à la migration». Dans le domaine de la politique commerciale, aucun progrès tangible n'a été accompli depuis 2015 dans la mise en place de mesures incitatives pour stimuler la coopération des pays tiers en matière de réadmission. En ce qui concerne la migration légale, les régimes bilatéraux en matière d'emploi et d'enseignement des États membres n'ont pas été suffisamment exploités au niveau de l'UE. L'UE a été réticente à utiliser des mesures incitatives négatives pour soutenir les négociations de réadmission, de peur que cela ne se révèle contre-productif (points 47 à 68).

127

Des progrès ont été accomplis dans le renforcement de la coordination entre les services de la Commission ainsi qu'entre les États membres. La task force créée en 2016 par la Commission pour appuyer la mise en œuvre du cadre de partenariat fait office de forum de coordination et de discussion entre les services de la Commission et le SEAE. En décembre 2019, la Commission a créé un «groupe de projet» permanent sur la migration, réunissant des commissaires, afin de renforcer la coordination au niveau politique. Le mécanisme informel du Coreper utilisant les visas comme levier a fourni un ensemble de mesures liées aux visas, actionnables si des pays tiers ne coopèrent pas sur les questions de réadmission. L'existence même de ce mécanisme a contribué à plusieurs reprises à améliorer la coopération en matière de réadmission. Cette expérience positive a conduit le Coreper à élaborer un «mécanisme de levier global» informel, permettant d'activer diverses politiques en vue d'améliorer la coopération avec les pays tiers en matière de retour et de réadmission (points 69 à 72).

Recommandation n °3 – Renforcer les leviers incitant les pays tiers à coopérer en matière de réadmission

La Commission devrait évaluer, dès la phase initiale, l'ensemble des accords, instruments et politiques nouvellement proposés liés aux pays tiers afin de déterminer s'ils peuvent être utilisés comme leviers pour la gestion des migrations et la coopération en matière de réadmission.

Quand? D'ici le 31 décembre 2022.

128

De multiples difficultés compliquent les réadmissions effectives. Le contenu des ARUE/arrangements prend en considération la plupart des obstacles récurrents au bon déroulement de la réadmission. Dans ce contexte, les CRM/GTC ont fait office de forums où la coopération en matière de réadmission a été évaluée périodiquement. Cependant, le caractère récurrent de certaines des questions abordées a montré les limites de leur efficacité (points 74 à 79).

129

Les réseaux européens en charge des questions de retours (Eurint, EURLO et ERRIN) ont réussi à mutualiser les ressources nationales, et leurs résultats leur ont valu une appréciation positive de la part des pays participants. À mesure que son mandat a été élargi, Frontex a progressivement repris les activités de ces réseaux. Cependant, les transferts des réseaux EURLO et ERRIN se sont heurtés à des obstacles liés à la pénurie de ressources humaines et financières chez Frontex (points 80 à 83).

130

Depuis 2015, le mandat de Frontex a été renforcé à deux reprises, ce qui s'est traduit par un soutien accru aux États membres en ce qui concerne les activités préalables au retour et les opérations de retour. Le manque d'efficacité des missions d'identification résidait principalement dans les difficultés rencontrées par les États membres pour localiser les migrants en situation irrégulière, les empêcher de prendre la fuite et veiller à ce qu'ils se présentent aux entretiens. Dans le cas des opérations de retour, le soutien de Frontex pour les retours par vols réguliers et pour les départs et les retours volontaires s'est rapidement développé (points 84 à 92).

131

Nous avons constaté que les six projets examinés financés par la Commission dans le cadre du RCBF avaient contribué à améliorer la coopération en matière de réadmission. Nous estimons plus particulièrement que le développement de systèmes électroniques de gestion des dossiers de réadmission avec les pays tiers est susceptible d'améliorer la coopération sur le plan structurel (points 93 à 97).

132

La Commission a financé des projets d'aide à la réintégration dans les dix pays couverts par notre audit. Nous avons constaté que les projets que nous avons examinés étaient adaptés aux besoins des pays tiers et des personnes de retour. Sur les 14 projets, 11 ont produit la plupart des réalisations prévues (ou devraient les produire), dans deux cas avec du retard (points 98 à 103).

133

Les parties prenantes que nous avons interrogées dans le cadre de notre audit ont insisté sur l'importance d'un retour des personnes en toute sécurité et dans la dignité et de leur réintégration durable. Tous les projets de réintégration que nous avons examinés, sauf un, comportaient un volet de suivi destiné à évaluer le caractère durable de la réintégration. Les projets étant toujours en cours au moment de notre audit, les résultats définitifs concernant la durabilité ne sont pas encore disponibles. Toutefois, les données préliminaires ont montré des résultats encourageants (points 104 et 105).

134

Nous avons constaté que les données dont dispose l'UE sur les retours comportaient des lacunes sur le plan tant de l'exhaustivité que de la comparabilité entre États membres. Cela s'explique par les différences inhérentes aux procédures et législations nationales ainsi que par les faiblesses du cadre législatif et des systèmes d'information de l'UE se rapportant à la gestion des frontières. Ces dernières années, la Commission a présenté des propositions législatives afin de remédier à la plupart de ces faiblesses. Toutefois, bon nombre des modifications proposées n'ont pas encore achevé le cycle législatif ou ne sont pas encore entrées entièrement en vigueur. En outre, des données concernant la rapidité des procédures de réadmission et le caractère durable de la réintégration des migrants à leur retour font toujours défaut (points 106 à 110 et annexe V).

135

Les États membres, la Commission et Frontex ont partagé des informations opérationnelles sur la coopération en matière de réadmission avec les pays tiers prioritaires lors de réunions régulières. Cependant, ces informations n'ont pas été collectées et communiquées systématiquement et elles étaient incomplètes. Depuis la révision du code des visas en 2019, la Commission est tenue d'évaluer régulièrement, et sur la base de données fiables, la coopération des pays tiers en matière de réadmission. Cette évaluation régulière devrait améliorer la collecte et le partage de données de l'UE et faciliter la prise de décisions fondées sur des données probantes dans le domaine de la coopération en matière de réadmission. Par le passé, l'absence de processus équivalent de collecte de données sur la coopération en matière de réadmission, conjuguée à des lacunes dans les données sur les retours, nous a empêchés d'évaluer l'incidence globale des mesures prises par l'UE pour améliorer la coopération avec les pays tiers dans ce domaine (points 111 à 119).

Recommandation n °4 – Améliorer la collecte des données

La Commission devrait améliorer la collecte de données sur les réadmissions et sur le caractère durable de la réintégration:

  • en ajoutant un nouveau critère de ventilation qui concernerait la rapidité des procédures de réadmission, fondé sur les données que communiqueront les États membres;
  • en collectant systématiquement des données concernant le caractère durable de la réintégration des migrants de retour dans leur pays.

Quand? D'ici le 31 décembre 2023.

Le présent rapport a été adopté par la Chambre III, présidée par Mme Bettina Jakobsen, Membre de la Cour des comptes, à Luxembourg en sa réunion du 6 juillet 2021.

Par la Cour des comptes

Klaus-Heiner Lehne
Président

Annexes

Annexe I – Principales causes du faible nombre de retours depuis la Grèce et l'Italie

Source: Rapport spécial n° 24/2019 de la Cour des comptes européenne intitulé «Asile, relocalisation et retour des migrants: il est temps de renforcer la lutte contre les disparités entre les objectifs et les résultats», figure 25.

Annexe II – Appels à créer et à utiliser des mesures incitatives

Conclusions du Conseil européen

Réunion du Conseil européen (18 octobre 2018) – Conclusions, EUCO 13/18
«Il convient d'en faire davantage pour faciliter les retours effectifs. Il y a lieu d'améliorer la mise en œuvre des accords de réadmission existants, de façon non discriminatoire envers tous les États membres, et de conclure de nouveaux accords et arrangements, ainsi que de créer et d'utiliser en parallèle les moyens d'incitation nécessaires en faisant appel à l'ensemble des politiques, instruments et outils pertinents de l'UE, y compris le développement, le commerce et les visas

Réunion du Conseil européen (19 octobre 2017) – Conclusions, EUCO 14/17
«Le Conseil européen préconise en outre ce qui suit: […] créer et mettre en œuvre les moyens d'incitation nécessaires, en utilisant l'ensemble des politiques, instruments et outils dont l'UE dispose à cet effet, y compris le développement, le commerce et les visas, pour obtenir des résultats mesurables sur le plan de la prévention de la migration illégale et du retour des migrants en situation irrégulière.»

Réunion du Conseil européen (22 et 23 juin 2017) – Conclusions, EUCO 8/17
«Des accords de réadmission efficaces et des arrangements pragmatiques avec des pays tiers seront mis en place sans plus attendre au niveau de l'UE par la mobilisation de tous les moyens possibles, y compris un réexamen de la politique des visas vis-à-vis des pays tiers, selon qu'il conviendra.»

Réunion du Conseil européen (20 et 21 octobre 2016) – Conclusions, EUCO 31/16
«Le Conseil européen rappelle qu'il importe de continuer à travailler à la mise en œuvre d'un cadre de partenariat pour la coopération avec différents pays d'origine ou de transit […]. L'objectif est […] de créer et mettre en œuvre les moyens d'incitation nécessaires, en utilisant l'ensemble des politiques, instruments et outils dont l'UE dispose en la matière, y compris le développement et le commerce

Réunion du Conseil européen (28 juin 2016) – Conclusions, EUCO 26/16
«L'UE établira et mettra rapidement en œuvre [le cadre de partenariat], fondé sur des mesures incitatives efficaces et des conditions adéquates, en commençant par un nombre limité de pays d'origine et de transit […] [pour] créer et mettre en œuvre les moyens d'incitation nécessaires, en utilisant l'ensemble des politiques, instruments et outils dont l'UE dispose en la matière, y compris dans le domaine du développement et celui du commerce

Réunion du Conseil européen (25 et 26 juin 2015) – Conclusions, EUCO 22/15
«Tous les outils seront mobilisés pour favoriser la réadmission des migrants en situation irrégulière dans les pays d'origine et de transit. […] sur la base du principe «donner plus pour recevoir plus», l'assistance et les politiques de l'UE seront utilisées pour inciter à la mise en œuvre des accords de réadmission existants et à la conclusion de nouveaux accords de ce type.»

Communications de la Commission

Une politique plus efficace de l'Union européenne en matière de retour – Plan d'action renouvelé, Communication de la Commission, COM(2017) 200 final
«En dialoguant avec les pays tiers par l'intermédiaire du cadre de partenariat et en recourant à tous les outils et mesures disponibles, on favorisera une meilleure coopération afin que les ressortissants de ces pays soient identifiés, qu'ils obtiennent de nouveaux documents d'identité et de voyage et qu'ils soient réadmis. En général, il conviendrait de recourir à des approches conçues sur mesure pour recenser tous les intérêts, mesures incitatives et leviers en cause avec un pays partenaire, afin […] [d']améliorer encore la coopération en matière de retour et de réadmission.»

Mise en place d'un nouveau cadre de partenariat avec les pays tiers, Communication de la Commission, COM(2016) 385 final
«L'UE et ses États membres doivent combiner leurs instruments et outils respectifs en vue de conclure des pactes avec les pays tiers afin de mieux gérer les migrations. Cela signifie, pour chaque pays partenaire, l'élaboration d'une combinaison de mesures incitatives positives et négatives, dont l'utilisation devrait se fonder sur le principe clair selon lequel la relation globale entre l'UE et ce pays sera guidée notamment par la capacité et la volonté de celui-ci de coopérer en matière de gestion des migrations. L'éventail complet des politiques, des instruments financiers et des instruments des relations extérieures de l'UE devra être mobilisé à cet effet.»

Plan d'action de l'UE en matière de retour, Communication de la Commission, COM(2015) 453 final
«L'Union européenne doit accroître son influence en ce qui concerne la réadmission dans ses rapports avec les pays partenaires, afin de garantir la mise en œuvre des engagements et des accords existants, et de faciliter la négociation et la conclusion de nouveaux accords et engagements. […] Le retour et la réadmission devraient faire partie d'un paquet équilibré et consolidé de l'UE à destination d'un pays tiers, s'appuyant sur toutes les politiques concernées – notamment les affaires intérieures, la politique étrangère, l'aide au développement, le commerce, la sécurité – en vue d'atteindre les objectifs de la politique de l'UE en matière de migration. Il conviendrait de recourir à la conditionnalité, au besoin.»

Annexe III – Vue d'ensemble de notre évaluation des projets de renforcement des capacités (RCBF – mécanisme de renforcement des capacités de réadmission)

Début des activités Fin des  activités Description Montant du contrat (en euros) Programme Couverture géographique

Pertinence

Répondait aux besoins des pays tiers/S'attaquait aux obstacles à la coopération pratique

Réalisations produites

Les réalisations prévues ont été produites (ou devraient l'être)

Effet obtenu

L'effet prévu a été obtenu (ou devrait l'être)

Déc. 2016 Mars 2017 PARA – Assistance dès l'arrivée pour 152 personnes soumises à un retour et renvoyées en Afghanistan entre le 12 décembre 2016 et le 31 mars 2017, au titre de l'action conjointe pour le futur UE-Afghanistan 267 525 RCBF/EURCAP I Afghanistan
Juin 2017 Juillet 2017 Atelier pour le personnel consulaire  – Atelier de renforcement des capacités pour les agents consulaires des ambassades d'Afghanistan en Europe 33 826 RCBF/EURCAP I Afghanistan
Janv. 2017 Avril 2018 Sensibilisation – Campagnes de sensibilisation menées dans 12 districts autour de thèmes importants liés à la sécurité des migrations, à savoir la résilience et la réussite des migrants bangladais en situation régulière, les risques propres à la migration irrégulière vers l'Europe et les solutions de remplacement, et les modalités d'accès aux mécanismes réguliers de migration 920 800 RCBF/EURCAP I Bangladesh
Sept. 2018 Déc. 2020 RCMS I – Renforcement des capacités des autorités bangladaises à gérer et à exploiter le système de gestion des dossiers de réadmission dans le but d'encadrer efficacement le processus de retour des migrants en séjour irrégulier dans les pays de destination 4 813 000 RCBF/EURCAP II Bangladesh
Déc. 2016 Juin 2018 RCMS I – Renforcement des capacités des autorités pakistanaises à gérer et à exploiter le système de gestion des dossiers de réadmission, développement et déploiement du système 1 476 000 RCBF/EURCAP I Pakistan
Janv. 2018 Déc. 2020 RCMS II – Extension du système de gestion des dossiers de réadmission 1 415 220 RCBF/EURCAP I Pakistan
Satisfaisant Non satisfaisant
Partiellement satisfaisant Non applicable/Non disponible

Annexe IV – Vue d'ensemble de notre évaluation des projets de réintégration

Début des activités Fin des activités Intitulé

Montant du contrat

(contribution de l'UE, en euros)

Programme Couverture géographique

Pertinence

Répondait aux besoins des personnes de retour/des pays tiers

Réalisations produites en matière de réintégration

Les réalisations prévues ont été produites (ou devraient l'être)

Suivi

L'action prévoit un suivi de la durabilité de l'aide à la réintégration

Durabilité

L'aide permet une réintégration durable

15.3.2017 14.3.2022 Aide à la réintégration et au développement en Afghanistan (RADA) 50 000 000 ICD Afghanistan

Sur la base de données préliminaires

14.7.2017 31.3.2021 Réintégration durable et solutions de remplacement à la migration irrégulière d'Afghans vulnérables 13 000 000 ICD Afghanistan
21.11.2017 5.4.2022 Programme d'incitation à l'amélioration de la réintégration des personnes de retour en Afghanistan 39 260 500 ICD Afghanistan
23.12.2017 22.12.2021 Afghanistan – Initiative favorisant un mode de vie éthique pour la réintégration économique des personnes de retour au pays et des personnes déplacées à l'intérieur des frontières 8 788 046 ICD Afghanistan
29.3.2018 28.9.2021 Établissements humains durables en zones urbaines visant à soutenir la réintégration en Afghanistan (SHURA) 16 700 000 ICD Afghanistan
4.8.2019 5.10.2023 Réponse économique aux déplacements de populations au niveau régional dans le programme pour l'Afghanistan
(«EZ-Kar»)
27 000 000 ICD Afghanistan
13.4.2017 12.4.2022 Réintégration durable et amélioration de la gouvernance des migrations au Bangladesh (Prottasha) 15 900 000 ICD Bangladesh

Sur la base de données préliminaires

5.4.2017 4.10.2020 Initiative FFU-OIM pour la protection et la réintégration des migrants: Guinée 5 400 000 FFU Guinée

Sur la base de données préliminaires

6.12.2018 5.12.2023 RETOUR EN TOUTE SÉCURITÉ – Aide à la réintégration et à la reprise dans les zones de retour en Iraq (AWDA AMINA) 9 000 000 ICD Iraq
13.4.2017 12.6.2021 FFU-OIM: Renforcement de la gestion et de la gouvernance des migrations ainsi que de la réintégration durable des migrants de retour au Nigeria 15 500 000 FFU Nigeria

Sur la base de données préliminaires

1.12.2017 31.5.2022 Initiative FFU-OIM pour la protection et la réintégration des migrants: action régionale en faveur de la région du Sahel et du lac Tchad 188 222 021 FFU Burkina Faso, Cameroun, Côte d'Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Mali, Mauritanie, Niger, Nigeria, Sénégal et Tchad

Sur la base de données préliminaires

15.8.2018 31.12.2021 Dispositif FFU-OIM pour la protection et la réintégration des migrants en Afrique du Nord 58 000 000 FFU Algérie, Égypte, Libye, Maroc et Tunisie
22.5.2017 12.2.2021 ProGreS Migration Tunisie (y compris la création d'un mécanisme de réintégration mené par la Tunisie)

12 800 000

(y compris 2,5 millions d'euros pour la réintégration)

FFU Tunisie
1.6.2016 1.7.2022 Réseau européen pour l'instrument de retour et de réintégration (ERRIN) 58 455 000 FAMI 34 pays à travers le monde
Satisfaisant Non satisfaisant
Partiellement satisfaisant Non applicable/Non disponible

Annexe V – Faiblesses des données de l'UE sur les retours et mesures prises pour y remédier

Indicateur Problème Incidence Mesures prises? Mesures efficaces?
Taux de retour effectif Le nombre de décisions de retour prises pour une année déterminée ne correspond pas aux personnes ayant fait l'objet d'un retour effectif sur la même période, étant donné le délai existant entre l'adoption d'une décision de retour et son exécution. Indicateur peu fiable sur le plan méthodologique. Il peut générer des anomalies dans les données, comme un nombre de retours effectifs plus élevé que celui des décisions de retour. C'est par exemple le cas des données d'Eurostat de 2017 concernant les Albanais, qui aboutissent à un taux de retour de 100,9 %. Non
Ressortissants de pays tiers ayant reçu l'ordre de quitter le territoire

Les cadres juridiques des États membres diffèrent en ce qui concerne le moment auquel les décisions de retour doivent être prises. Les décisions de retour peuvent être:

  • prises au cas par cas à la fin d'un séjour régulier («séjour toléré»);
  • prises automatiquement pour toute personne entrant illégalement sur le territoire ou en séjour irrégulier, puis retirées ou suspendues si un titre de séjour est délivré (par exemple pour raisons humanitaires);
  • prises à plusieurs reprises pour une même personne (par exemple en raison d'une durée de validité limitée).
Limite la comparabilité des données entre les États membres. La refonte de la «directive retour» proposée par la Commission en 2018 (COM(2018) 634 final) prévoit à l'article 86, paragraphe 6, que «les États membres prennent une décision de retour immédiatement après l'adoption d'une décision mettant fin au séjour régulier d'un ressortissant de pays tiers, y compris d'une décision n'accordant pas à ce dernier le statut de réfugié ou le statut conféré par la protection subsidiaire».

Fin 2020, les colégislateurs n'étaient pas encore parvenus à s'accorder sur cette proposition législative.

Ressortissants de pays tiers qui ont effectivement quitté le territoire Aucun système n'enregistre le lieu ni la date à laquelle un ressortissant de pays tiers traverse les frontières de l'UE (espace Schengen). En cas de départs volontaires, les États membres appliquent notamment des critères différents pour enregistrer et déclarer une personne comme étant repartie. Données incomplètes Le système d'entrée/de sortie (EES) de l'Union européenne (règlement (UE) 2017/2226) enregistre tous les voyageurs de pays tiers à chaque fois qu'ils franchissent une frontière extérieure de l'UE et identifie aussi systématiquement ceux ayant dépassé la durée du séjour autorisé (personnes physiques restées dans l'espace Schengen après l'expiration de leur titre de séjour).

Le système EES ne devrait pas être opérationnel avant le premier semestre 2022.

L'État membre qui prend une décision de retour n'est pas informé lorsque la personne visée quitte le territoire de l'UE en transitant par le territoire d'un autre État membre. Données incomplètes Dans le cadre du paquet législatif de la Commission visant à renforcer le système d'information Schengen (SIS), le règlement (UE) 2018/1860 impose aux États membres d'introduire toutes les décisions de retour dans le SIS (article 3). Lorsqu'un ressortissant de pays tiers faisant l'objet d'une décision de retour enregistrée est contrôlé au moment où il quitte le territoire d'un État membre par les frontières extérieures, les autorités nationales sont tenues d'informer l'État membre ayant pris la décision de retour du lieu et de la date du départ (article 6).

Le renforcement du SIS devrait améliorer l'exhaustivité et l'exactitude des données concernant le respect des décisions de retour.

La Commission doit décider d'ici au 28 décembre 2021 de la date d'application du règlement (UE) 2018/1860, après avoir vérifié l'état de préparation des différentes parties prenantes.

Les données collectées par Eurostat ne fournissent pas suffisamment de détails (ventilation) sur la procédure de retour suivie et elles ne sont pas reliées entre elles. Les données ne rendent pas compte de l'efficacité des systèmes de retour des États membres. Depuis 2014 (année de référence), Eurostat collecte les données annuelles des États membres sur les ressortissants de pays tiers ayant fait l'objet d'un retour, ventilées par type de retour, type d'assistance reçue et nature de l'accord de réadmission appliqué.

À défaut de fondements juridiques, la communication des données était volontaire, et les États membres n'y ont pas tous participé. Les données étaient donc incomplètes et ne pouvaient être comparées d'une année à l'autre.

En mai 2018, la Commission a proposé de réviser les statistiques d'Eurostat sur les migrations et l'asile. Le règlement (UE) 2020/851 a été adopté en juin 2020 et prévoit pour les statistiques liées au retour:

a) une ventilation par âge et par sexe ainsi que par nombre de mineurs non accompagnés;

b) un raccourcissement des périodes de référence d'un an à trois mois civils;

c) pour le nombre de ressortissants de pays tiers qui ont effectivement quitté le territoire, une ventilation non seulement par nationalité des personnes ayant fait l'objet d'un retour, mais aussi par type de retour et d'assistance reçue, ainsi que par pays de destination.


Le règlement révisé va dans la bonne direction et les nouvelles sous-catégories de données fourniront des informations utiles sur les retours. Il convient toutefois de noter que:

- faute de données sur la rapidité des procédures de réadmission et sur le caractère durable de la réintégration des migrants de retour dans leur pays, les législateurs et les décideurs n'auront toujours pas de vue d'ensemble de la situation;

- les données ne seront pas reliées entre elles. Cela signifie qu'il ne sera toujours pas possible de répondre à des questions telles que «Combien de ressortissants du pays X ont-ils été renvoyés vers le pays de destination Y?» ou «Combien de migrants faisant l'objet d'une décision de retour prise pendant l'année Z ont-ils effectivement quitté l'UE, et en quelle année?».

   Mesures efficaces
   Mesures prises mais pas encore opérationnelles, ou effectives qu'en partie
   Aucune mesure prise/adoptée

Acronymes, sigles et abréviations

ARUE: accord de réadmission de l'Union européenne

CRM/GTC: comité de réadmission mixte/groupe de travail conjoint

ERRIN: réseau européen pour l'instrument de retour et de réintégration

Eurint: Initiative européenne de gestion intégrée des retours

EURLO: réseau européen des officiers de liaison «retour»

FAMI: Fonds «Asile, migration et intégration»

FFU: fonds fiduciaire d'urgence de l'UE pour l'Afrique

Frontex: Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes

IVCDCI: instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale

OIM: Organisation internationale pour les migrations

RCBF/EURCAP: mécanisme de renforcement des capacités de réadmission

RCMS: système de gestion des dossiers de réadmission

SEAE: Service européen pour l'action extérieure

TVP: titre de voyage provisoire

Glossaire

Accord de réadmission: accord entre deux pays ou plus définissant le cadre et les procédures à suivre pour permettre un retour rapide et en bon ordre des migrants en situation irrégulière dans leur pays d'origine ou dans un pays par lequel ils ont transité.

Accord visant à faciliter la délivrance de visas (UE): accord qui facilite la délivrance d'autorisations à des citoyens d'un pays tiers, pour les transits ou les séjours prévus sur le territoire des États membres de l'UE d'une durée maximale de trois mois sur une période de six mois. L'assouplissement des procédures en matière de visas est distinct et indépendant de la libéralisation du régime des visas.

Asile: protection accordée par un État à des personnes originaires d'un autre pays qui fuient la persécution ou un danger grave.

Coreper: acronyme de «Comité des représentants permanents des gouvernements des États membres de l'Union européenne». Il s'agit de la principale instance préparatoire du Conseil; son rôle et ses différentes formations sont énoncés à l'article 240, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

Décision de retour: décision ou acte de nature administrative ou judiciaire déclarant illégal le séjour d'un étranger et lui imposant une obligation de retour.

Départ volontaire: obtempération à une obligation de quitter un pays dans le délai fixé dans une décision de retour.

Migrant en situation irrégulière: personne qui entre ou séjourne dans un pays sans disposer de l'autorisation requise.

Migration: déplacement de personnes ou de groupes de personnes, pendant une période de plus d'un an, soit d'un pays dans un autre, soit à l'intérieur d'un même pays.

Réadmission: acte par lequel un État reprend sur son territoire un individu, le plus souvent un ressortissant national, ou un ressortissant d'un autre État ayant précédemment transité par le pays ou ayant un statut de résident permanent.

Retour volontaire: retour assisté ou autonome vers le pays d'origine ou de transit, ou vers un autre pays, fondé sur une décision volontaire de la personne concernée.

Retour: le fait, pour le ressortissant d'un pays tiers, de rentrer – que ce soit par obtempération volontaire à une obligation de retour ou en y étant forcé – dans son pays d'origine, un pays de transit ou, volontairement, dans un autre pays tiers.

Taux de retour: rapport entre le nombre de ressortissants de pays tiers ayant fait l'objet d'un retour effectif et le nombre de ceux ayant reçu l'ordre de quitter l'UE au cours d'une année donnée. Il s'agit d'une mesure imparfaite de l'efficacité des retours, compte tenu du décalage dans le temps entre le moment où une décision de retour est prise et le retour effectif.

Réponses de la Commission, du SEAE et de Frontex

Réponses de la Commission et du SEAE

https://www.eca.europa.eu/fr/Pages/DocItem.aspx?did=59 347

Réponses de Frontex (Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes)

https://www.eca.europa.eu/fr/Pages/DocItem.aspx?did=59 347

Notes

1 Rapport spécial n° 24/2019 de la Cour des comptes européenne intitulé «Asile, relocalisation et retour des migrants: il est temps de renforcer la lutte contre les disparités entre les objectifs et les résultats».

2 Un agenda européen en matière de migration, COM(2015) 240 final, p. 11.

3 Voir, par exemple, Projet d'articles sur l'expulsion des étrangers, adopté par la Commission du droit international à sa soixante-sixième session, en 2014.

4 Document 13 409/99 du Conseil du 25 novembre 1999.

5 Accord de partenariat entre les membres du groupe des États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, signé à Cotonou le 23 juin 2000 (l'«accord de Cotonou»), article 13, paragraphe 5, point c), sous i).

6 Conclusions du Conseil européen des 25 et 26 juin 2015, EUCO 22/15, point 5 g).

7 Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil, Plan d'action de l'UE en matière de retour, COM(2015) 453 final.

8 Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil relative à une politique plus efficace de l'Union européenne en matière de retour – Plan d'action renouvelé, COM(2017) 200 final.

9 EU Readmission Agreements, Facilitating the return of irregular migrants, Briefing du service de recherche du Parlement européen, avril 2015, EPRS_BRI(2015)554 212_EN.

10 Voir l'Action conjointe pour le futur sur les questions migratoires UE-Afghanistan.

11 Traité d'Amsterdam modifiant le traité sur l'Union européenne, les traités instituant les Communautés européennes et certains actes connexes, article 63.

12 Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), article 4.

13 Rapport spécial n° 24/2019 de la Cour des comptes européenne intitulé «Asile, relocalisation et retour des migrants: il est temps de renforcer la lutte contre les disparités entre les objectifs et les résultats».

14 Éléments d'une stratégie de l'UE pour l'Iraq, JOIN(2018) 1 final, Bruxelles, 8.1.2018.

15 Joint Declaration on a Common Agenda for Migration and Mobility between India and the European Union and its Member States, Bruxelles, 29 mars 2016, point 4 x).

16 Règlement (UE) 2016/1953 du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2016 relatif à l'établissement d'un document de voyage européen destiné au retour de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, et abrogeant la recommandation du Conseil du 30 novembre 1994.

17 Évaluation des accords de réadmission conclus par l'UE, COM(2011) 76 final, 23 février 2011.

18 COM(2011) 76 final, recommandations nos°4, 5 et 8.

19 Réponse de la Commission à une question écrite du Parlement européen, réf.: E002 442/2020(ASW), 18 août 2020.

20 Voir, par exemple, l'article An ‘Informal' Turn in EU's Migrant Returns Policy towards Sub-Saharan Africa publié sur le site migrationpolicy.org, et l'étude du service de recherche du Parlement européen European Implementation Assessment on the Return Directive 2008/115/EC, PE 642.840 – juin 2020, p. 11.

21 Réunions du groupe à haut niveau «Asile et migration» du 23 février 2016 (document 6451/16 du Conseil) et du 22 avril 2016 (document 8529/16 du Conseil).

22 EU Cooperation with third countries in the field of migration, Étude, Direction générale des politiques internes, Parlement européen, 2015, p. 89.

23 L'instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale, Fiche d'information, Commission européenne, juin 2020. ISBN 978-92-76-19 030-1 – doi: 10.2761/47 361 KV-02-20-381-FR-N.

24 La liste complète des pays qui ont conclu avec l'UE un accord visant à faciliter la délivrance de visas est disponible sur le site internet de la Commission.

25 Voir également Plan d'action de l'UE en matière de retour, COM(2015) 453 final, p. 16.

26 Règlement (CE) n °810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas (code des visas).

27 Impact assessment, SWD(2018) 77 final, p. 23.

28 Règlement (UE) 2019/1155 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 portant modification du règlement (CE) n °810/2009 établissant un code communautaire des visas (code des visas).

29 En 2018, nous avons réalisé un audit du fonds fiduciaire et publié le rapport spécial n° 32/2018 «Fonds fiduciaire d'urgence de l'Union européenne pour l'Afrique: un instrument souple, mais pas assez ciblé».

30 Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant l'instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale, COM(2018) 460 final, 14.6.2018.

31 COM(2018) 460 final, considérant 30.

32 NDICI legislative train schedule au 20 septembre 2020.

33 Règlement (UE) 2021/947 du Parlement européen et du Conseil du 9 juin 2021 établissant l'instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale – Europe dans le monde.

34 Étude du service de recherche du Parlement européen intitulée European Implementation Assessment on the Return Directive 2008/115/EC, PE 642.840 – juin 2020, p. 166 et 167.

35 Accord de partenariat économique UE-Japon (entré en vigueur le 1er février 2019), annexe 8-C, article 7.

36 Key facts on the 2019 Biennial Report on the Generalised Scheme of Preferences, Commission européenne, février 2020.

37 Voir règlement (UE) n °978/2012 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 appliquant un schéma de préférences tarifaires généralisées et abrogeant le règlement (CE) n °732/2008 du Conseil, annexe VIII.

38 Communication de la Commission relative à la mise en place d'un nouveau cadre de partenariat avec les pays tiers dans le cadre de l'Agenda européen en matière de migration, COM(2016) 385 final.

39 Communication relative à la mise en œuvre de l'agenda européen en matière de migration, COM(2017) 558 final.

40 Descriptions des projets disponibles sur le site mobilitypartnershipfacility.eu.

41 Projet «Match».

42 Projet Towards a Holistic Approach to Labour Migration Governance and Labour Mobility in North Africa.

43 Groupe de commissaires pour la promotion de notre mode de vie européen, Principles and key workstreams, 6 décembre 2019 (non public).

44 Link between return/readmission and visa policies, 9097/1/17 REV 1, Bruxelles, 19 mai 2017 (non public).

45 Proposal for a coordination mechanism to activate different policies to improve the cooperation of third countries on the return/readmission of their nationals, 8954/1/20 REV 1, Bruxelles, 25 juin 2020 (non public).

46 COM(2020) 609 final.

47 COM(2020) 610 final.

48 Voir COM(2018) 631, fiche financière législative, point 3.2.3.1, premier tableau, par rapport à COM(2015) 671, fiche financière législative, point 3.2.3.1, agents temporaires (grades AD).

49 Évaluation du programme Eurint, PBLQ, décembre 2018, p. 2 et 3 (non public).

50 Rapport d'évaluation du programme EURLO, BearingPoint, novembre 2018, p. 6 et 7 (non public).

51 Tableau de bord du réseau ERRIN, juin 2020 (non public).

52 Règlement (UE) 2016/1624 et règlement (UE) 2019/1896; ce dernier a renforcé le rôle de Frontex dans les opérations de retour, à la fois dans les activités préalables et dans celles consécutives au retour.

53 Rapports d'évaluation annuels de Frontex sur les activités opérationnelles flexibles de retour (non publics).

54 Pour plus d'informations sur le soutien et les obstacles liés au rapport coût-efficience des opérations par vols charter, voir le rapport spécial n° 24/2019 de la Cour des comptes européenne intitulé «Asile, relocalisation et retour des migrants: il est temps de renforcer la lutte contre les disparités entre les objectifs et les résultats».

55 Directive 2008/115/CE relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, considérant 10.

56 Commission européenne, Rapport annuel 2019 sur la gestion et la performance du budget de l'UE, COM(2020) 265 final, p. 32 et 155.

57 Returns to Afghanistan, Joint IOM-UNHCR Summary Report 2018, publié à Kaboul, mai 2019, p. 4.

58 EUTF-Factsheet 2020-Libya, short versions_V.17.

59 Pour une description détaillée de la méthodologie, voir le Rapport semestriel sur la réintégration #2 de l'OIM, novembre 2019, p. 31 à 35.

60 OIM, Rapport semestriel sur la réintégration #2, novembre 2019, p. 31.

61 Disponibles sur le site migrationjointinitiative.org.

62 Règlement (UE) 2020/851 du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2020 modifiant le règlement (CE) n °862/2007 relatif aux statistiques communautaires sur la migration et la protection internationale.

63 Règlement (CE) n °862/2007, article 7.

64 Par exemple dans le document COM(2018) 634 final, p. 2.

65 Voir, par exemple, Eurostat, Statistics explained – Enforcement of immigration legislation statistics, 11 juillet 2019, section «Non-EU citizens ordered to leave the EU‑27».

66 Frontex a expliqué ces faiblesses dans les sections 5.7 et 6.3 de son analyse des risques pour 2019.

67 Voir l'analyse des risques pour 2019, p. 25, et l'analyse des risques pour 2020, p. 32, publiées par Frontex.

68 Règlement relatif au code des visas, article 25 bis, paragraphe 2.

69 Frontex a commencé, en 2020, à collecter ces données chaque mois auprès des États membres.

70 Rapport de la Commission au Conseil, Assessment of third countries' level of cooperation on readmission in 2019, COM(2021) 55 final (non public).

71 Règlement relatif au code des visas, article 25 bis, paragraphes 5 et 8.

Équipe d'audit

Les rapports spéciaux de la Cour présentent les résultats de ses audits relatifs aux politiques et programmes de l'UE ou à des questions de gestion concernant des domaines budgétaires spécifiques. La Cour sélectionne et conçoit ces activités d'audit de manière à maximiser leur impact en tenant compte des risques pour la performance ou la conformité, du niveau des recettes ou des dépenses concernées, des évolutions escomptées ainsi que de l'importance politique et de l'intérêt du public.

L'audit de la performance objet du présent rapport a été réalisé par la Chambre III (Action extérieure, sécurité et justice), présidée par Mme Bettina Jakobsen, Membre de la Cour. L'audit a été effectué sous la responsabilité de M. Leo Brincat, Membre de la Cour, assisté de: M. Romuald Kayibanda, chef de cabinet; Mme Annette Farrugia, attachée de cabinet; Mme Sabine Hiernaux-Fritsch, manager principal; M. Karel Meixner, chef de mission; MM. Jiri Lang et Piotr Zych, auditeurs. L'assistance linguistique a été assurée par M. Mark Smith.

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