Rapport spécial
07 2018

L'aide de préadhésion de l'UE en faveur de la Turquie: des résultats encore limités

En ce qui concerne le rapport Partenaire clé de l'UE en matière de politique étrangère et candidate à l'adhésion à l'UE, la Turquie se place en tête des pays tiers bénéficiant d'une aide de l'Union. Nous avons contrôlé l'efficacité des 3,8 milliards d'euros d'aide de préadhésion dans les domaines de l'état de droit, de la gouvernance et des ressources humaines. Nous avons constaté que l'assistance était globalement bien conçue et que les projets produisent les réalisations attendues. Néanmoins, en raison principalement d'un manque de volonté politique et du fait que la Commission n'a guère fait usage des conditions disponibles, l'aide de l'UE n'a pas permis de répondre de manière satisfaisante à une série de besoins fondamentaux et la viabilité des résultats est souvent compromise. Nous estimons donc que l'efficacité du financement n'est que limitée et formulons un certain nombre de recommandations d'amélioration, y compris un meilleur ciblage des fonds et un recours accru à la conditionnalité.

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Synthèse

I

L'aide financière que l'UE a prévu d'octroyer à la Turquie de 2007 à 2020 au titre de l'instrument d'aide de préadhésion (IAP) s'élève à plus de 9 milliards d'euros. Notre objectif était d'évaluer la conception et l'efficacité de l'IAP en faveur de la Turquie, lequel doit permettre d'aligner le pays candidat sur l'acquis et de renforcer sa capacité administrative. Nous nous sommes intéressés à l'IAP I (période de programmation 2007-2013) et à l'IAP II (période de programmation 2014-2020), et plus particulièrement aux secteurs prioritaires de l'état de droit, de la gouvernance et des ressources humaines (à savoir l'éducation, l'emploi et les politiques sociales), auxquels un budget global de 3,8 milliards d'euros avait été alloué. En raison de retards dans la mise en œuvre de l'IAP II, nous n'avons pu examiner que celle de l'IAP I, notamment sur la base de 15 projets représentant 112 millions d'euros sur les 1,5 milliard d'euros de contrats conclus dans ces secteurs au titre de l'IAP I.

II

Nous sommes parvenus à la conclusion que la Commission avait défini les objectifs de l'IAP de manière appropriée, notamment parce qu'elle a correctement déterminé les conditions nécessaires pour progresser sur la voie de l'adhésion à l'UE et réalisé des évaluations sectorielles concluantes. Cependant, dans la pratique, les fonds de l'IAP dépensés n'ont pas permis de répondre de manière satisfaisante à une série de besoins fondamentaux dans les secteurs de l'état de droit et de la gouvernance, où certaines réformes indispensables se font attendre. Dans les domaines où la volonté politique était plus forte, comme les douanes, l'emploi et la fiscalité, les projets de l'IAP I ont contribué à l'alignement de la Turquie sur l'acquis et au renforcement de ses capacités administratives. Toutefois, la viabilité de ces résultats est compromise par la difficulté de dépenser les fonds de l'IAP disponibles et par le recul des réformes. Nous estimons donc que l'IAP n'a eu qu'une efficacité limitée.

III

Du point de vue de la conception de l'IAP, nous avons constaté que la Commission avait fixé les objectifs de cet instrument de façon appropriée, étant donné qu'ils étaient spécifiques et conformes au cadre juridique. Plus concrètement, les objectifs de l'IAP concernant l'état de droit, la gouvernance et les ressources humaines étaient pertinents et fondés sur des besoins que la Turquie estimait devoir combler pour s'aligner sur l'acquis et renforcer ses capacités administratives.

IV

Cependant, dans les faits, les fonds dépensés au titre des objectifs de l'IAP I n'ont guère permis de répondre à certains besoins fondamentaux dans des domaines tels que l'indépendance et l'impartialité de la justice, la lutte contre la grande corruption et contre la criminalité organisée, la liberté de la presse, la prévention des conflits d'intérêts et le renforcement de l'audit externe et de la société civile. Selon l'analyse réalisée par la Commission elle-même, des progrès insatisfaisants sont enregistrés dans ces domaines depuis plusieurs années, en raison d'un manque de volonté politique de la part des autorités turques.

V

La Commission a décidé de mettre en œuvre l'IAP II suivant une approche sectorielle, soutenant par ce biais des réformes de secteurs entiers plutôt que des projets indépendants. Avant d'appliquer cette nouvelle approche, la Commission a évalué la capacité d'absorption des fonds de l'IAP II dans les différents secteurs. Ces évaluations sectorielles ont livré une analyse pertinente et concluante permettant de déterminer où l'IAP pouvait être mis en œuvre selon l'approche sectorielle. Elles n'étaient toutefois pas toujours complètes, notamment pour trois des cinq critères d'évaluation utilisés, à savoir la coordination des donateurs, l'analyse budgétaire sectorielle et le cadre d'évaluation de la performance de la Turquie.

VI

Parallèlement aux financements de l'UE, la conditionnalité prévue dans le cadre de l'IAP peut également contribuer à stimuler le processus de réforme. Malgré la persistance des progrès insuffisants soulignés dans ses rapports relatifs à la Turquie, nous avons constaté que la Commission s'était peu servie de la conditionnalité attachée à l'IAP pour soutenir les réformes dans les secteurs prioritaires où leur progression n'était pas satisfaisante. En particulier, la Commission a rarement fait usage de la possibilité de recentraliser la gestion des projets IAP ou d'appliquer des mesures correctrices lorsque les conditions des projets n'étaient pas respectées. Par ailleurs, la possibilité de suspendre les financements en cas de non-respect des principes de la démocratie et de l'état de droit, qui existait pour l'IAP I, n'est pas explicitement prévue dans les règlements régissant l'IAP II.

VII

Pour ce qui est de la mise en œuvre de l'IAP, les projets audités ont généralement produit les réalisations escomptées, lesquelles ont contribué à l'alignement de la Turquie sur l'acquis et au renforcement de ses capacités administratives, même si les retards étaient fréquents. Nous avons constaté que la viabilité de ces résultats positifs était compromise, principalement en raison d'un manque de volonté politique, aggravé par les révocations et suspensions massives de fonctionnaires et les nombreuses restrictions imposées à la société civile.

VIII

Le suivi de la performance des projets présentait des insuffisances, comme le fait que les projets ne soient pas tous sélectionnés dans le cadre du système ROM de la Commission, que certains indicateurs ne soient pas pertinents ou pas fiables, ou encore qu'ils ne s'accompagnent pas de valeurs de référence pertinentes.

IX

Les retards importants enregistrés par l'IAP du fait de l'arriéré considérable en matière de programmation et de mise en œuvre constituent une autre source de préoccupation. Ces retards ont conduit à des réductions des financements et du délai dont disposaient les autorités turques pour exécuter par la suite le budget de l'IAP II et mettre en œuvre les projets correspondants, et ils contribueront également à retarder les appels d'offres et les contrats relatifs aux projets. Les causes de ces retards étaient connues: des capacités administratives trop faibles au sein de certains ministères pour pouvoir élaborer des propositions de projets, la transition vers l'approche sectorielle et une rotation excessive du personnel au sein de l'unité centrale de financement et de passation de contrats (UCFC), chargée de gérer la plupart des fonds dépensés en Turquie au titre de l'IAP.

X

Le présent rapport comporte cinq recommandations mesurables visant à améliorer la conception et la mise en œuvre de l'aide de préadhésion en faveur de la Turquie. Par ailleurs, les résultats de l'audit seront pris en considération par la Commission dans son examen à mi-parcours de l'IAP II, ainsi que pour la conception des futurs programmes d'aide de préadhésion en faveur des pays concernés par l'élargissement de l'UE.

Introduction

01

Située au carrefour de l'Europe et du Moyen-Orient (figure 1), la République de Turquie a toujours joué un rôle moteur dans les relations internationales. Elle est un partenaire essentiel de l'UE en matière de défense, de politique étrangère et de commerce. Dans le contexte de la crise des réfugiés, la Turquie et l'UE sont devenues des partenaires encore plus importants l'un pour l'autre (dialogue sur la libéralisation du régime des visas, «facilité en faveur des réfugiés en Turquie» dotée de 3 milliards d'euros, etc.).

Figure 1

Carte de la Turquie indiquant les quatre villes où les visites d'audit ont eu lieu

Les frontières et les noms indiqués sur cette carte ainsi que la désignation qui y est utilisée n'impliquent ni reconnaissance ni acceptation officielle de la part de l'Union européenne.

Source: Eurostat.

02

Comptant plus de 80 millions d'habitants, la Turquie accueille l'une des plus grandes populations musulmanes du monde, ainsi que d'importantes communautés kurde et rom et plusieurs minorités religieuses (chrétienne et juive, notamment).

03

La Turquie s'est lentement mais constamment rapprochée de l'UE depuis les années 1950. Elle reconnaît la juridiction de la Cour européenne des droits de l'homme et fait partie, depuis 1999, des pays candidats à l'adhésion à l'Union1. Depuis qu'ils sont arrivés au pouvoir à l'issue des élections législatives de 2002, les conservateurs du «Parti de la justice et du développement», dit «AKP»2, dirigent le pays sous la houlette de M. Recep Tayyip Erdoğan, qui a d'abord occupé le poste de premier ministre avant de devenir président de la République en 2014.

04

Au cours de cette période, le processus des négociations d'adhésion à l'UE a été notoirement lent et, en 2017, 16 chapitres seulement sur 35 avaient été ouverts aux négociations d'adhésion (dont un seul chapitre clôturé). L'annexe II présente l'état d'avancement du processus d'adhésion de la Turquie, chapitre par chapitre.

05

Ce processus d'adhésion s'accompagne d'une aide de préadhésion de l'UE, consistant en un Instrument d'aide de préadhésion qui doit concourir à l'alignement progressif des pays candidats sur les normes et les politiques de l'UE, communément appelées «acquis», en vue de leur adhésion (voir encadré 1).

Encadré 1

L'adhésion à l'UE

Les principes, politiques, lois, pratiques, obligations et objectifs qui prévalent dans l'Union sont souvent désignés par le terme d'«acquis» dans les institutions de l'UE. Au cœur des négociations d'adhésion, l'acquis consiste en 35 chapitres différents devant faire l'objet de négociations entre l'UE et chacun des pays candidats, dont la Turquie. Le chapitre 23 concerne par exemple le pouvoir judiciaire et les droits fondamentaux, tandis que le chapitre 32 porte sur le contrôle financier et l'audit. L'acquis comprend également les «critères de Copenhague», parmi lesquels l'existence d'institutions stables garantissant la démocratie, l'état de droit, les droits de l'homme et la protection des minorités (voir https://ec.europa.eu/neighbourhood-enlargement/policy/conditions-membership_en).

06

Mise en œuvre en partenariat avec les autorités turques, l'aide à la préadhésion octroyée par la Commission européenne consiste à financer des projets dans toute une série de domaines d'action tels que l'état de droit, la gouvernance, l'agriculture, les infrastructures (par exemple en matière d'environnement ou de transports) et le développement des ressources humaines par l'éducation, l'emploi et les politiques sociales. Avec une dotation prévue de 4,58 milliards d'euros au titre de l'IAP I (2007-2013) et de 4,49 milliards d'euros au titre de l'IAP II (2014-2020) (voir annexe III), la Turquie se place en tête des pays tiers bénéficiant d'une aide de l'UE. La Commission gère l'IAP avec l'assistance des États membres de l'UE, en leur qualité de membres du comité IAP II3.

07

La Commission assume la responsabilité globale de la gestion de l'IAP, mais elle a confié aux autorités turques la responsabilité de gérer la majeure partie de l'IAP, dans le cadre d'une gestion dite «indirecte» des fonds de l'UE. Ce mode de gestion a permis à la Commission de déléguer la gestion budgétaire aux autorités turques, sous sa propre responsabilité et dans le respect du principe de bonne gestion financière4. Cette approche décentralisée de la gestion de l'IAP est comparable à ce qui se fait pour la plupart des Fonds de l'UE, par exemple le Fonds européen de développement régional ou le Fonds social européen, qui relèvent d'une gestion partagée entre la Commission et les États membres de l'Union.

08

En Turquie, dans le cadre de cette approche, les autorités turques doivent assurer la planification, la mise en œuvre, le suivi et l'audit des fonds de l'IAP conformément à un ensemble de règles nationales et de l'Union. Le coordinateur national IAP est chargé de la coordination entre les différents intervenants turcs, tandis que l'unité centrale de financement et de passation de contrats du Trésor public gère 87,2 % des fonds de l'IAP I et 84,2 % de ceux de l'IAP II5, sous la supervision de l'ordonnateur national.

09

La Commission a mis en œuvre l'IAP I suivant l'approche traditionnelle par projet, qui consistait à prendre des décisions de financement pour chacun des différents projets. Pour la mise en œuvre de l'IAP II, le choix stratégique de la Commission s'est porté sur l'approche sectorielle. Dans le cadre de cette approche, les décisions de financement sont fondées sur les objectifs des politiques sectorielles nationales. Le but est de compléter les efforts du gouvernement dans un secteur donné, et de renforcer ainsi les synergies et l'appropriation, au niveau national, des politiques publiques et des décisions concernant la répartition des ressources dans ce secteur. Les fonds de l'IAP doivent donc être concentrés sur les objectifs et les résultats des politiques sectorielles nationales qui sont pertinents pour l'adhésion6. L'approche sectorielle est appliquée secteur par secteur, après une évaluation de la Commission.

10

Depuis 2013, les réformes connaissent une régression en Turquie. Depuis la tentative de coup d'État militaire manquée de juillet 2016, en particulier, la déclaration de l'état d'urgence par les autorités, ainsi que les suspensions, révocations et mises en détention massives ont affaibli la position de la Turquie vis-à-vis de l'Union. Ces mesures répressives, prises par les autorités à la suite du coup d'État sous couvert de lutte contre le terrorisme, ont touché toutes les composantes de la société turque: la justice, la police, la gendarmerie, l'armée, la fonction publique, les universités, les enseignants, les avocats, les médias et le monde des affaires7.

11

Par leur ampleur, ces mesures ont non seulement porté atteinte aux capacités administratives du pays, mais également compliqué et retardé son alignement sur l'acquis. Trois exemples de mesures de ce type prises dans les trois secteurs couverts par notre audit sont présentés à l'encadré 2. En novembre 2016, dans un contexte de dégradation des relations entre l'UE et la Turquie, le Parlement européen a appelé la Commission et les États membres à geler temporairement les négociations d'adhésion en cours avec la Turquie8.

Encadré 2

Exemples de mesures signalées après la tentative de coup d'État en Turquie

Tribunaux et ministère public

Depuis la tentative de coup d'État de juillet 2016, plus de 4 000 juges et procureurs ont été révoqués ou suspendus, ce qui représente environ un tiers du nombre total de juges et de procureurs officiant en Turquie à l'époque. Quelque 2 400 d'entre eux ont été emprisonnés, et ce à tous les niveaux de l'appareil judiciaire, des tribunaux de première instance à la Cour constitutionnelle. Ces destitutions massives et les recrutements tout aussi massifs de nouveaux juges qui ont suivi ont été qualifiés de menace grave pour le fonctionnement et l'indépendance de la justice9.

Fonction publique: l'institution supérieure de contrôle de la Turquie

Disposant d'un pouvoir juridictionnel en sus de ses fonctions en matière d'audit externe, la Cour des comptes turque est une institution publique essentielle au regard des chapitres 23 et 32. En décembre 2016, elle a subi une réduction de 17 % de son personnel d'audit, soit une diminution de 166 postes, dont 96 étaient occupés par des auditeurs placés en détention. Au premier semestre 2017, 41 autres auditeurs ont été suspendus et placés en détention10.

Écoles et universités

Selon les estimations, en avril 2017, 40 000 enseignants avaient été démis de leurs fonctions ou suspendus dans l'ensemble du pays. Tous les niveaux d'éducation ont été touchés, des écoles et organisations de jeunesse aux établissements d'enseignement supérieur. Ces révocations et suspensions massives ont conduit à la fermeture de nombreux établissements, ce qui aura un impact négatif durable sur l'éducation, l'emploi et les politiques sociales en Turquie11.

Étendue et approche de l'audit

12

Notre objectif consistait à évaluer la conception et l'efficacité de la mise en œuvre de l'IAP en faveur de la Turquie, lequel devait permettre d'aligner le pays candidat sur l'acquis et de renforcer sa capacité administrative. L'audit visait à répondre à la question suivante: «L'aide de préadhésion de l'Union à la Turquie a-t-elle été bien gérée et était-elle efficace?» Cette question a ensuite été scindée en deux sous-questions:

  1. La Commission a-t-elle conçu l'IAP en faveur de la Turquie de manière appropriée?
  2. L'IAP a-t-il permis de soutenir efficacement les secteurs jugés prioritaires en Turquie?
13

Le dernier rapport d'audit de la Cour des comptes européenne relatif à l'aide de préadhésion en faveur de la Turquie a été publié en 200912. Depuis lors, l'IAP a été mis en œuvre sur deux périodes de programmation consécutives, et les relations entre la Turquie et l'UE ont considérablement évolué. Le présent rapport devrait être pris en considération par la Commission dans son examen à mi-parcours de l'IAP II, ainsi que pour l'élaboration de la stratégie de l'UE concernant les dotations à l'aide de préadhésion en faveur de la Turquie au titre de l'IAP II (2014-2020) et de la prochaine période de programmation.

14

Nous avons centré nos travaux sur trois secteurs prioritaires définis par le Conseil aussi bien pour la période de programmation de l'IAP I (2007-2013) que pour celle de l'IAP II (2014-2020) et dont la dotation totale s'élève à 3,8 milliards d'euros13:

  1. l'état de droit, qui recouvre les droits fondamentaux, les affaires intérieures et la justice (dotation totale: 1,2 milliard d'euros);
  2. la gouvernance, qui recouvre l'appui à la société civile, la réforme de l'administration publique et la gestion des finances publiques (GFP) (dotation totale: 1,6 milliard d'euros);
  3. les ressources humaines, à savoir l'éducation, l'emploi et l'inclusion sociale (dotation totale: 1 milliard d'euros).
15

Des contrats représentant 1,5 milliard d'euros de fonds de l'UE ont été conclus dans ces secteurs au titre de l'IAP I. Sur ce total, nous avons examiné un échantillon de 15 projets d'une valeur globale de 112 millions d'euros (soit 7,5 %)14. Nous avons sélectionné ces projets en veillant à assurer une couverture équilibrée des différents domaines d'action et régions géographiques qui ont bénéficié de l'aide de préadhésion dans les secteurs de l'état de droit, de la gouvernance et des ressources humaines. Nous nous sommes penchés sur la mise en œuvre des projets, ainsi que sur les types de partenaires auxquels elle a été confiée (partenaires turcs ou organisations des Nations unies).

16

Une part importante de nos travaux a consisté à évaluer les résultats des programmes et des projets financés par l'UE15. Pour collecter des éléments probants, nous avons procédé à un examen documentaire et organisé des entretiens avec différents services de la Commission, ainsi qu'avec la délégation de l'UE à Ankara, les autorités turques, des organisations internationales et des organisations de la société civile (OSC)16. L'audit a comporté une visite de deux semaines en Turquie, au mois de mars 2017. Il n'a pas porté sur l'aide apportée au titre de la «facilité en faveur des réfugiés en Turquie»17.

17

Sauf indication contraire, toute référence à l'IAP dans le présent rapport renvoie à la fois à l'IAP I et à l'IAP II. En raison de retards généralisés dans la programmation et la mise en œuvre, nous n'avons pas été en mesure d'évaluer les projets IAP II dans les secteurs sélectionnés aux fins de cet audit. Les fonds de l'IAP II concernés s'élèvent à 2 milliards d'euros.

Observations

La Commission a défini les objectifs de l'IAP de manière appropriée, mais elle a peiné à soutenir des réformes couvrant des secteurs entiers et n'a guère fait usage de la conditionnalité

18

Dans cette partie, nous avons cherché à déterminer si l'IAP en faveur de la Turquie avait été correctement conçu par la Commission en vue de soutenir les réformes nécessaires pour avancer sur la voie de l'adhésion à l'UE. Nous avons plus particulièrement examiné si la Commission a:

  1. aligné ses objectifs stratégiques pour la Turquie sur les objectifs établis dans la réglementation applicable à l'IAP et tenu compte des besoins de la Turquie dans les secteurs audités;
  2. appliqué correctement l'approche sectorielle pour acheminer les fonds de l'IAP II, en se fondant sur des évaluations pertinentes, concluantes et complètes des secteurs couverts par l'IAP;
  3. défini et appliqué des conditions pertinentes afin d'encourager les réformes nécessaires en Turquie.

La Commission a fixé les objectifs de l'IAP de façon adéquate, mais dans la pratique, certains besoins fondamentaux dans les secteurs de l'état de droit et de la gouvernance n'ont pas suffisamment été pris en considération

19

La Commission a fixé dans ses documents de stratégie les objectifs spécifiques des programmes IAP, à savoir renforcer la capacité de la Turquie à assumer les obligations découlant de l'adhésion à l'UE, et soutenir les réformes politiques et le développement économique, social et territorial18. Ces objectifs stratégiques de l'IAP ont ensuite été précisés dans les conventions de financement qu'elle a conclues avec les autorités turques. Ils étaient tous conformes à la réglementation régissant l'IAP, qui définit les objectifs juridiques de cet instrument en ce qui concerne l'alignement du pays candidat sur l'acquis, critères de Copenhague compris, et le renforcement de ses capacités administratives19.

20

Les objectifs de l'IAP dans les trois secteurs prioritaires que sont l'état de droit, la gouvernance et les ressources humaines étaient pertinents, en ce qu'ils étaient fondés sur des besoins clairement définis par la Turquie dans ses plans nationaux d'alignement sur l'acquis et ses plans de développement pluriannuels, ainsi que dans les plus de 40 stratégies nationales que le pays a élaborées depuis 2007 en vue de renforcer ses capacités administratives.

21

Nous avons examiné les fonds de l'IAP I dépensés dans les trois secteurs prioritaires sélectionnés et avons constaté qu'en réalité, dans les secteurs de l'état de droit et de la gouvernance, certaines réformes fondamentales nécessaires à l'adhésion de la Turquie20 n'avaient pas fait l'objet d'une attention suffisante, principalement en raison du manque de volonté politique des autorités turques.

Certains besoins fondamentaux n'ont pas suffisamment été pris en considération dans le secteur de l'état de droit
22

L'aide de l'IAP dans le secteur de l'état de droit a été conçue pour encourager un large éventail d'organismes étatiques sensibles (ministères, agences, forces de police et pouvoir judiciaire) à s'aligner sur l'acquis, et ce principalement au moyen de conseils et de formations dans les domaines visés par la Turquie dans ses plans nationaux d'alignement sur l'acquis, ses plans de développement pluriannuels et ses stratégies nationales.

23

Cependant, 4,4 % seulement du montant total des contrats conclus au titre de l'IAP I dans le secteur de l'état de droit concernaient les domaines d'action ci-après, dans lesquels les progrès enregistrés ont, depuis 2014, systématiquement été jugés insuffisants par la Commission dans ses rapports annuels sur la Turquie21:

  1. l'indépendance et l'impartialité de la justice22 (7,6 millions d'euros de contrats);
  2. la lutte contre la corruption et la criminalité organisée23 (9,5 millions d'euros de contrats);
  3. la liberté de la presse24 (2,7 millions d'euros de contrats; voir encadré 3).

Encadré 3

Financement de l'IAP en faveur de la liberté de la presse (2007-2016)

Fin 2016, seuls deux projets ayant trait à la liberté de la presse avaient été mis en œuvre à l'aide de fonds de l'IAP I attribués dans le cadre de contrats en Turquie, pour un montant total de 2,7 millions d'euros. Aucun projet concernant la liberté de la presse n'a encore été mis en œuvre au titre de l'IAP II. Pour ce dernier instrument, la Turquie a en outre rejeté l'indicateur composite de la Commission relatif à la liberté de la presse, jugeant qu'il n'était «pas raisonnable». Cet indicateur fusionne les indicateurs de liberté de la presse des organisations non gouvernementales Freedom House et Reporters sans frontières pour mesurer les progrès que les différents pays ont accomplis au cours d'une année et les classer en conséquence. Ces dernières années, et en particulier depuis la tentative de coup d'État de juillet 2016, la Commission a systématiquement fait état de graves atteintes à la liberté de la presse en Turquie, à l'instar d'Amnesty International, de Freedom House et de Reporters sans frontières.

24

Un autre élément qui montre que la Commission et les autorités turques n'ont pas accordé une attention suffisante à ces domaines d'action est l'absence d'indicateurs servant à mesurer les progrès accomplis dans la prévention des conflits d'intérêts25 et dans la lutte contre la grande corruption26.

Certains besoins fondamentaux n'ont pas suffisamment été pris en considération dans le secteur de la gouvernance
25

Dans le secteur de la gouvernance, la Commission a cherché à répondre, essentiellement par des conseils et des formations, à des besoins très spécifiques touchant à la réforme de l'administration publique et à quelques composantes du cycle budgétaire, tels que le recouvrement de l'impôt, l'audit interne et les statistiques.

26

Pourtant, en dépit de l'importance de l'audit externe et des organisations de la société civile pour le processus d'adhésion et de leur rôle dans la lutte contre la corruption et la criminalité organisée, l'IAP ne couvre pas le renforcement de l'audit externe et ne traite pas suffisamment de la capacité de la Turquie à coopérer avec la société civile27. Malgré l'ampleur des besoins des OSC turques, dont la Commission avait connaissance, les financements accordés sont restés faibles du fait des capacités d'absorption limitées des autorités turques (voir encadré 4).

Encadré 4

Financement de l'IAP en faveur de la société civile turque (2007-2016)

Aucune stratégie nationale ne tient compte des besoins de la société civile en Turquie, où la liberté de réunion et la liberté d'expression des OSC, ainsi que leurs capacités, sont sérieusement limitées par des restrictions bureaucratiques disproportionnées qui entravent non seulement ces libertés, mais aussi la collecte de fonds28. Certaines OSC ont déclaré qu'elles n'étaient plus en mesure d'influer sur les décisions, affirmant que les fonctionnaires turcs avaient peur de traiter avec elles et que les financements nationaux étaient réservés aux organisations soutenant le gouvernement.

Entre 2015 et 2016, les associations turques de défense des droits, y compris les droits fondamentaux, ont vu le nombre de leurs adhérents chuter de 200 096 à 50 598 (ce qui représente une baisse de 75 %)29. Dans ce contexte, l'IAP I a servi à financer des projets en faveur des OSC pour un total de 36 millions d'euros (soit 5,5 % du montant total des contrats passés dans le secteur de la gouvernance au titre de l'IAP I), dont quelques-uns seulement concernaient la lutte contre la corruption et la protection des victimes de la criminalité organisée.

Malgré certaines faiblesses, les évaluations de la Commission concernant l'approche sectorielle ont fourni des informations utiles pour déterminer dans quels secteurs elle pouvait être appliquée

27

Même si l'approche sectorielle n'est ni explicitement définie dans la base juridique de l'IAP II (voir point 9) ni juridiquement contraignante pour le bénéficiaire30, la Commission l'a intégrée dans sa stratégie d'élargissement31. La capacité du pays à adopter une approche sectorielle est déterminée au moyen d'évaluations sectorielles réalisées par la Commission en partenariat avec les autorités turques. Selon la Commission, l'approche sectorielle est un processus continu qui doit être conduit tout au long du cycle de programmation32. Ces évaluations se fondent sur cinq critères principaux:

  1. l'existence de stratégies sectorielles nationales bien définies;
  2. l'existence d'un cadre, d'une volonté et de capacités institutionnels permettant de mettre en œuvre la stratégie sectorielle;
  3. la coordination des donateurs, y compris au niveau sectoriel33;
  4. la mise en œuvre des politiques sur la base d'analyse budgétaires sectorielles et d'allocations réalistes par secteur;
  5. l'existence de cadres d'évaluation permettant d'assurer le suivi de la performance.
28

En ce qui concerne les secteurs couverts par notre audit, les évaluations sectorielles ont permis à la Commission de conclure en 2016 que le secteur des ressources humaines et les sous-secteurs de la justice et des affaires intérieures, relevant du secteur de l'état de droit, étaient les seuls en mesure d'absorber les fonds de l'IPA II dans le cadre de l'approche sectorielle34. Même si les évaluations sectorielles ont livré une analyse par secteur pertinente et cohérente fondée sur cinq critères principaux, notre examen nous a permis de mettre au jour les faiblesses suivantes:

  1. dans le secteur de l'état de droit, l'évaluation de la Commission concernant les affaires intérieures ne permettait pas de déterminer si la Turquie était effectivement prête à appliquer l'approche sectorielle;
  2. les évaluations sectorielles de la Commission n'ont pas suffisamment tenu compte de l'impact de certaines faiblesses significatives de l'administration publique turque (voir encadré 5) en ce qui concerne trois des cinq critères d'évaluation principaux (voir point 27).

Encadré 5

Faiblesses de l'administration publique turque (2014-2017) dont il n'a pas été suffisamment tenu compte dans les évaluations sectorielles de la Commission

Critère d'évaluation n° 3: coordination des donateurs

Dans ses évaluations, la Commission n'a pas pris en considération les difficultés éprouvées par le ministère des affaires européennes, responsable de la coordination des donateurs dans le cadre de l'aide de préadhésion. Celui-ci est explicitement chargé d'apporter un soutien en vue de l'alignement de la Turquie sur les règles de l'UE en matière de marchés publics35, mais aussi de cofinancer les phases préparatoires des projets d'infrastructures financés par la Banque européenne d'investissement (BEI)36. Malgré la pertinence et l'importance de l'IAP, le sous-secrétariat d'État au Trésor, qui est chargé de la coordination globale des donateurs au niveau de la Turquie, n'a pas invité le ministère des affaires européennes à participer aux réunions avec la BEI.

Par ailleurs, au moment de notre visite d'audit, le ministère des affaires européennes n'avait pas accès à la base de données centrale des donateurs, ce qui l'empêchait d'assumer sa tâche de coordination des donateurs au niveau des différents secteurs.

Critère d'évaluation n° 4: l'analyse budgétaire sectorielle

En Turquie, la mise en œuvre des politiques est fondée sur des plans de dépenses à moyen terme élaborés par le ministère des finances (pour les dépenses opérationnelles) et par celui du développement (pour les dépenses d'investissement). Cependant, les évaluations de la Commission ne faisaient pas état du fait qu'aucun de ces deux ministères n'avait élaboré ses plans de dépenses de manière suffisamment détaillée pour qu'il soit possible d'apprécier si le volume et la nature de ces dépenses pouvaient permettre à la Turquie d'atteindre les objectifs des politiques menées dans les secteurs concernés37. Par conséquent, la Commission et les autres parties prenantes n'avaient pas une vision claire des allocations budgétaires de la Turquie dans chacun des secteurs. De plus, si la Turquie avait chiffré ses besoins en matière de capacités administratives à l'époque de l'IAP I38, elle ne l'avait pas encore fait depuis le démarrage de l'IAP II en 2014. En l'absence de besoins chiffrés et de plans de dépenses précis par secteur, il est difficile de veiller à ce que les différents secteurs couverts par l'IAP reçoivent une part appropriée des fonds limités qui sont disponibles.

Critère d'évaluation n° 5: cadre d'évaluation de la performance

Le coordinateur national IAP joue un rôle central pour la bonne gestion financière de l'IAP. Cependant, les évaluations de la Commission ne rendaient pas compte des graves faiblesses qu'il présentait en matière de suivi de la performance. En 2015, les auditeurs de la Commission avaient déjà signalé que le coordinateur national IAP n'avait ni mécanisme ni procédure permettant d'exploiter les résultats du suivi et qu'il considérait ce processus comme une simple formalité administrative. Par ailleurs, nous avons constaté que le suivi des projets IAP reposait entièrement sur les visites de suivi de la délégation de l'UE et sur le cadre de suivi axé sur les résultats (ROM) de la Commission. Alors que l'autorité d'audit pour l'IAP et le bureau de l'ordonnateur national établis par la Turquie effectuent des visites de suivi concernant la légalité et la régularité des dépenses, le cadre ROM, qui n'existe que grâce aux fonds et à l'expertise de l'UE, ne permet de contrôler chaque année qu'une petite partie des projets IAP. En outre, le coordinateur national IAP ne dispose pas encore des capacités qui lui permettraient de compléter le cadre ROM pour ce qui est d'évaluer la performance.

29

De surcroît, nous avons constaté que les évaluations sectorielles de la Commission ne pouvaient pas encore tenir compte de l'impact, sur les capacités administratives du pays, des révocations et suspensions massives qui ont suivi la tentative de coup d'État de juillet 2016 (voir encadré 2).

La Commission n'a guère fait usage de la conditionnalité attachée à l'IAP pour soutenir le processus de réforme dans les secteurs prioritaires

30

Outre les financements et le dialogue stratégique et politique, un autre moyen dont dispose la Commission pour soutenir les réformes dans les secteurs prioritaires en Turquie est la conditionnalité. Celle-ci consiste à fixer et à appliquer des conditions préalables à la signature des contrats d'aide et au versement de l'aide en question. Pour l'IAP, toutes les stratégies d'élargissement successives de la Commission faisaient état de «conditions strictes», sans pour autant les définir de façon précise39. Dans le cadre de l'IAP, la conditionnalité peut être appliquée au niveau politique, notamment au moyen de critères d'ouverture et de clôture concernant les négociations d'adhésion, ainsi qu'au niveau des projets.

31

Nous avons examiné le cadre juridique de l'IAP pour distinguer les différents types de conditions disponibles. Nous avons vérifié dans quelle mesure la Commission y a effectivement eu recours en Turquie pour soutenir le processus de réforme dans les secteurs prioritaires de l'état de droit, de la gouvernance et des ressources humaines.

32

Au niveau politique, le législateur de l'UE, en sa qualité d'autorité budgétaire, a le pouvoir de réduire l'aide future. En outre, dans le cadre de l'IAP, le Conseil peut, sans pour autant suspendre les négociations d'adhésion, geler l'aide au titre de l'IAP en cas de non-respect des principes de la démocratie et de l'état de droit40. Le Parlement européen a récemment appelé à suspendre tous les financements de préadhésion si les négociations d'adhésion étaient suspendues41. Cependant, nous avons constaté que dans le cas de l'IAP II, le législateur n'avait pas expressément prévu une telle possibilité42.

33

Le règlement IAP autorise la Commission à utiliser deux types de conditions pour encourager les réformes:

  1. à la fin de 2017 (et de 2020 pour l'IAP II), elle peut décider de ne pas octroyer au pays bénéficiaire de l'IAP la récompense des performances prévue en cas de progrès dans l'alignement sur l'acquis, de mise en œuvre efficiente de l'IPA et d'obtention de bons résultats43;
  2. elle peut «recentraliser» la gestion des projets IAP de manière à assurer elle-même cette gestion, confiée précédemment aux autorités nationales.

Au moment de l'audit, malgré la persistance des progrès insuffisants soulignés dans ses rapports relatifs à la Turquie (voir point 23), la Commission n'avait pas encore pris de mesures concernant cette récompense des performances. Cependant, elle a décidé par la suite de reprendre la gestion de 18 millions d'euros destinés à des projets en faveur des OSC, qu'elle avait initialement prévu de confier aux autorités turques44.

34

Au niveau d'un projet donné, la Commission peut imposer des conditions préalables à toute signature de contrat ou à tout paiement; si celles-ci ne sont pas remplies, elle peut prendre des mesures correctrices, comme l'annulation du projet en cause ou la réduction de sa portée et de son financement. La Commission a effectivement fixé des conditions pour 4 des 15 projets audités. Les quatre projets en question relèvent tous du secteur de l'état de droit. La Commission n'a pas fixé de conditions45 pour le dernier projet relevant de ce secteur46, ni pour aucun des cinq projets du secteur de la gouvernance ou des cinq projets du secteur des ressources humaines. Nous avons constaté que les résultats de trois projets avaient pâti du fait que la Commission n'ait pas fixé de conditions préalables à la signature du contrat dans sa décision (encadré 6).

Encadré 6

Projets dont les résultats ont pâti de l'absence de conditions préalables

Amélioration de l'efficience du système de justice pénale de la Turquie (projet n° 4)

Ce projet, conçu en 2009 pour améliorer l'efficience du système de justice pénale turc, visait à former des juges, des procureurs, des greffiers, des avocats et des fonctionnaires du ministère de la justice. Il a été mis en œuvre de mars 2012 à décembre 2014, et a notamment consisté à mettre sur pied un cursus de formation, ainsi qu'à former plus de 300 personnes au droit pénal et à la coopération judiciaire internationale. Il visait également à constituer une importante réserve de formateurs pour l'école de la magistrature. Parmi les conditions du projet, il n'était pas prévu de période minimale durant laquelle les bénéficiaires des formations auraient dû rester en poste afin d'appliquer les enseignements reçus ou de former leurs pairs, ce qui était regrettable, car la forte rotation du personnel au sein de la justice turque est un problème structurel, qui s'est encore aggravé avec les mesures prises après la tentative de coup d'État47.

Par ailleurs, la Commission et les autorités turques n'ont pas été en mesure de nous fournir des informations sur le maintien en place des juristes ayant suivi ces formations. On ignore donc si les bénéficiaires des formations sont toujours en poste à l'heure actuelle et s'ils sont à même de former leurs pairs.

Renforcement de la société civile turque et de son dialogue avec le secteur public (projet n° 8)

L'objectif du projet était de favoriser la participation active des OSC à la promotion du pluralisme et des valeurs de l'intégration européenne, ainsi que la coopération entre elles et le secteur public turc. Il s'agissait notamment d'adopter un code de conduite devant être appliqué par les administrations publiques dans leur dialogue avec la société civile. Ce projet mené en collaboration avec le ministère des affaires européennes a fait l'objet de quatre modifications de contrat et a été prolongé de 18 mois. En définitive, il n'a guère contribué à la coopération entre les OSC et le secteur public, la Commission n'ayant pas exigé des autorités turques qu'elles adoptent une stratégie nationale concernant les OSC ou le code de conduite prévu, ni qu'elles lèvent certaines des contraintes administratives qui pèsent sur les OSC. Comme ces contraintes relèvent de la responsabilité du cabinet du Premier ministre (consultation des OSC dans le cadre de la bonne gouvernance, contrôle des fondations, etc.) et de celle du ministère de l'intérieur (lois antiterroristes, contrôle des associations, respect de la loi, etc.), les conditions du projet auraient dû également concerner ces deux instances. De plus, compte tenu de l'environnement difficile dans lequel évoluent les OSC (voir encadré 4), il est probable que leur financement au titre de l'IAP continue à dépendre largement des donateurs.

Favoriser l'emploi déclaré (projet n° 13)

Dans le cadre de la lutte de la Turquie contre son importante économie souterraine, l'objectif du projet était de favoriser l'emploi déclaré en renforçant la capacité d'orientation et de contrôle de l'organisme de sécurité sociale, dans un pays où les salaires sont souvent payés en espèces. Le fait qu'il n'effectue des contrôles qu'en cas de plainte, et non en fonction d'une analyse des risques, limite la capacité de l'organisme de sécurité sociale à lutter efficacement contre le travail non déclaré48. Malgré cela, le passage d'un modèle de contrôle fondé sur les plaintes à un autre fondé sur une analyse des risques ne faisait pas partie des conditions.

Malgré des retards dans la mise en œuvre, les projets IAP ont produit les réalisations escomptées, mais la viabilité de celles-ci est compromise en raison d'un manque de volonté politique

35

Depuis 2007, l'IAP est le seul instrument de financement de l'UE qui ait été mis en place pour aider la Turquie à s'aligner sur l'acquis et à renforcer ses capacités administratives. Nous avons évalué l'efficacité de la mise en œuvre de l'IAP dans les secteurs prioritaires de l'état de droit, de la gouvernance et des ressources humaines, et examiné si la Commission et les autorités turques avaient:

  1. obtenu les réalisations escomptées des projets et assuré le suivi des résultats;
  2. obtenu ces réalisations en évitant les retards ou en les atténuant;
  3. produit des résultats durables.
36

Nous avons évalué 15 projets IAP I, qui ont tous fait l'objet d'une gestion indirecte et dont les bénéficiaires finals étaient des organismes publics turcs49. Dans notre échantillon, 14 projets avaient atteint un stade de mise en œuvre suffisamment avancé pour permettre d'évaluer les résultats obtenus50.

L'IAP a généralement permis d'obtenir les réalisations escomptées, mais celles-ci ont souvent été retardées

37

Nos travaux ont reposé sur notre analyse des indicateurs de suivi, des rapports des contractants, des rapports de visites de suivi établis par la délégation de l'UE à Ankara et les autorités turques, des procès-verbaux de réunions des comités de pilotage ou d'autres organismes de gestion de projets équivalents, de rapports ROM51, ainsi que sur des visites sur place52 et des entretiens avec la Commission et les bénéficiaires des projets53.

38

Globalement, nous avons constaté que pour 13 de ces 14 projets IAP I, la Commission et les autorités turques avaient obtenu les réalisations prévues aux contrats. Ces projets ont donc permis de renforcer les capacités administratives du pays dans les secteurs concernés. Cependant, 8 des 14 projets en question ont accusé des retards (voir annexe IV).

39

Même si les réalisations des projets avaient fait l'objet d'un suivi de la Commission et des autorités turques, notre examen des documents de suivi disponibles a révélé les insuffisances suivantes en matière de suivi de la performance:

  1. le système ROM, tel qu'il a été appliqué en Turquie, ne portait ni sur les contrats de fournitures ni sur ceux relevant du secteur des ressources humaines54;
  2. pour 6 des 15 projets IAP I examinés, les indicateurs de résultat étaient parfois vagues et peu fiables. En outre, les valeurs de référence relatives à ces indicateurs faisaient souvent défaut, ce qui empêchait de mesurer les résultats par rapport à la situation de départ55. L'encadré 7 présente un exemple de projet de ce type.

Encadré 7

Promouvoir l'inclusion sociale dans les zones à forte densité de population rom (projet n° 15) – Un exemple de suivi de la performance insuffisant

Financé à hauteur de 8,4 millions d'euros, ce projet a été mis en œuvre par le ministère turc de la famille et des affaires sociales en 2016 et 2017 dans l'ensemble du pays. Il prévoyait la mise en place d'unités de coordination sociale ainsi que la fourniture d'une assistance technique, de matériel informatique et de bureau, d'instruments de musique, d'équipements sportifs, d'articles de papeterie, de jouets pour enfants et de conteneurs (voir photo 1).

La participation des Roms devait être mesurée à l'aide de 21 indicateurs. Toutefois, en l'absence de statistiques fiables sur les citoyens turcs d'origine rom, aucun des indicateurs ne concernait spécifiquement cette population. Même si certains d'entre eux sont pertinents («baisse de 30 % du taux d'absence dans les écoles primaires pilotes» ou encore «augmentation de 10 % du taux de présence au niveau préscolaire dans les districts cibles»), d'autres sont vagues (tels que «modèle de coordination des services sociaux à développer», «guide d'inclusion sociale modulaire élaboré et activement utilisé» et «1 200 employés d'ONG travaillant dans les provinces cibles ont appris à fournir de meilleurs services au groupe cible grâce à des formations et des séminaires»). Par ailleurs, lorsque le projet a été lancé, quatre indicateurs de performance seulement devaient être assortis de valeurs de référence, et aucune d'entre elles n'était encore disponible.

Photo 1

Dans le district stambouliote de Bayrampașa, l'école Cevatpașa a amélioré son offre éducative à destination des enfants roms en installant un conteneur dans sa cour de récréation (projet n° 15)

Source: Cour des comptes européenne.

Projets IAP dans le secteur des ressources humaines
40

Afin d'aider la Turquie à s'aligner sur le chapitre 19 (politique sociale et emploi), des projets d'éducation, d'emploi et d'inclusion sociale ont été financés au titre de l'IAP. Ces projets visaient à renforcer les capacités, comme dans le cas de la lutte contre le travail non déclaré menée par l'organisme de sécurité sociale (voir projet n° 13 dans l'encadré 6), ou à répondre aux besoins de groupes cibles spécifiques au sein de la population turque (voir projets nos 11, 12, 14 et 15). Dans le cadre de ces derniers projets, des outils d'apprentissage (matériel pédagogique, équipement informatique, etc.) ainsi que des conseils et une formation ont été mis à disposition des groupes cibles suivants:

  1. les femmes dépendantes de travail non déclaré dans la région de Trabzon, productrice de noisettes (projet n° 11);
  2. les jeunes entrepreneurs et les petites entreprises dans la région d'Ankara (projets nos 12 et 14);
  3. les enfants roms dans l'ensemble du pays (projet n° 15, voir encadré 7).
41

Les cinq projets audités ont été entièrement menés à bien, même si trois d'entre eux ont accusé un retard de plus de deux mois (projets nos 11, 13 et 1556). Bien que ces retards n'aient eu aucun impact sur les résultats des projets, ils étaient symptomatiques du fait que le ministère turc du travail et de la sécurité sociale ne disposait pas des capacités administratives suffisantes pour mettre en œuvre les projets IAP dans les délais prévus (voir point 46).

Projets IAP dans le secteur de la bonne gouvernance
42

Dans ce secteur, l'IAP a servi à financer un nombre limité de projets sur mesure là où les autorités turques étaient disposées à utiliser les fonds de l'IAP pour aligner le pays sur l'acquis57 et pour renforcer ses capacités administratives. Les projets audités visaient soit à renforcer la coopération entre le secteur public et la société civile (voir projet n° 8 dans l'encadré 6), soit à renforcer les capacités d'institutions publiques telles que:

  1. l'ordonnateur national, aux fins de la supervision de la gestion de l'IAP en Turquie (projet n° 6);
  2. l'administration des recettes, aux fins de la lutte contre la fraude fiscale liée aux salaires non déclarés (projet n° 7, qui n'était pas encore mis en œuvre au moment de l'audit);
  3. le ministère de l'intérieur, afin d'améliorer la planification au niveau local (projet n° 9);
  4. l'administration douanière turque (projet n° 10, voir encadré 8).
43

Les projets nos 6, 9 et 10, relevant du secteur de la gouvernance, ont été réalisés dans les délais prévus. Ces projets ont contribué à la bonne gouvernance en matière de gestion des finances publiques (GFP) en Turquie et ont aidé le pays à réformer son administration. Néanmoins, dans le cas du projet n° 8 (voir encadré 6), l'impact du retard n'a été atténué que grâce à une modification de la conception du projet et à une prolongation de 18 mois autorisées par la Commission, ce qui montre que le ministère des affaires européennes ne disposait pas des capacités administratives suffisantes pour mettre en œuvre les projets IAP dans les délais prévus (voir point 46).

Encadré 8

«Modernisation de l'administration douanière turque» (projet n° 10)

Dernier d'une série de sept projets douaniers de l'UE en Turquie, ce projet de 7 millions d'euros a effectivement démarré en 2015 et devrait être entièrement achevé d'ici février 2018. Il a pour but de renforcer les capacités administratives, techniques et de surveillance de l'administration douanière turque conformément au chapitre 29 (union douanière). À cette fin, le projet prévoyait des préparatifs en vue de l'harmonisation de la législation douanière turque, le renforcement des capacités de contrôle, par les autorités douanières, du respect des droits de propriété intellectuelle, l'amélioration des normes de qualité dans les laboratoires douaniers, la restructuration organisationnelle de l'administration, ainsi que la livraison de systèmes d'inspection mobiles aux postes frontières internationaux de la Turquie (voir photo 2).

Au moment de l'audit, la mise en œuvre de l'un des volets était encore en cours (et en bonne voie), tandis que les cinq autres volets avaient été achevés dans les délais prévus et que leurs réalisations avaient été mesurées à l'aide d'indicateurs appropriés. Par exemple, pour ce qui est de «la refonte de la législation dérivée relative au recouvrement, au remboursement et à la remise des droits de douane» et de «l'analyse des besoins en matière de contrôle, par les services des douanes, du respect des droits de propriété intellectuelle», les autorités ont déclaré que les évaluations des lacunes de la législation turque étaient terminées et approuvées.

Photo 2

Véhicule d'inspection mobile financé par l'IAP et utilisé à l'aéroport international Esenboğa d'Ankara pour contrôler les bagages déchargés des soutes des avions (projet n° 10)

Source: Cour des comptes européenne.

Projets IAP dans le secteur de l'état de droit
44

Dans la perspective de l'alignement de la Turquie sur l'acquis58 et du renforcement de ses capacités administratives dans des domaines sélectionnés du secteur de l'état de droit, les cinq projets audités visaient à renforcer les capacités en matière:

  1. de justice – instauration d'un réseau de porte-parole du pouvoir judiciaire (projet n° 2, voir encadré 9) et fourniture d'une expertise et de formations aux professionnels dans le domaine de la justice pénale (projet n° 4);
  2. d'affaires intérieures – déminage et renforcement des capacités de surveillance aux frontières orientales de la Turquie (projet n° 1), mise en place d'un réseau de comités de contrôle civil (projet n° 3) et fourniture de matériel informatique, d'expertise et de formations dans le domaine de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (projet n° 5).

Encadré 9

«Amélioration des relations entre les médias et le pouvoir judiciaire» (projet n° 2)

Mis en œuvre au ministère de la justice de 2013 à 2015, ce projet prévoyait deux grandes réalisations, à savoir la création d'une «fonction de porte-parole judiciaire fiable et opérationnelle» pour les tribunaux turcs, ainsi que l'instauration de «relations saines et opérationnelles entre le pouvoir judiciaire et les médias indépendants». Selon les rapports ROM de la Commission, comme les réalisations ont été menées à bien, la performance globale du projet a été considérée comme «bonne» (note B), y compris en ce qui concerne la viabilité. Le projet a effectivement permis de mettre en place un réseau de centres de presse judiciaires, avec des porte-parole ayant bénéficié d'une formation, d'abord dans cinq provinces pilotes puis, à l'issue du projet, dans l'ensemble du pays.

Cependant, comme les rapports ROM ne prenaient pas en considération la dimension essentielle de l'indépendance des médias et que les notes accordées ne tenaient compte ni de la rotation structurelle du personnel au ministère de la justice ni de la dépendance à l'égard des donateurs, nous estimons que les réalisations de ce projet ne seront probablement pas viables.

45

Quatre des cinq projets audités ont été menés à bien, mais le projet n° 1 n'a, quant à lui, pas été mis en œuvre comme prévu et il n'a pas permis d'atteindre les résultats escomptés (voir encadré 10). Par ailleurs, quatre projets du secteur de l'état de droit ont accusé un retard de plus de deux mois (projets nos 1, 2, 3 et 5)59. Dans un cas (projet n° 1), ce retard a eu un impact considérable sur les résultats du projet et a montré que les autorités turques n'étaient pas suffisamment préparées à le mettre en œuvre. Dans un autre cas (projet n° 5), l'impact du retard a pu être atténué par une prolongation de cinq mois accordée par la Commission. Globalement, ces retards étaient révélateurs du fait que les ministères de l'intérieur et de la justice ne disposaient pas des capacités administratives suffisantes pour mettre en œuvre les projets IAP dans les délais prévus (voir point 46).

Encadré 10

Projet de déminage aux frontières orientales de la Turquie (projet n° 1)

C'est en décembre 2014 qu'a démarré la première phase de ce projet mis en œuvre par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) aux frontières de la Turquie avec l'Arménie et l'Iran. Celui-ci consistait en une grande opération de déminage humanitaire, qui a été considérablement retardée, à tel point qu'en mars 2017, moins de 15 % de la surface prévue avait été déminée et que la deuxième phase du projet, prévue aux frontières avec l'Iran et l'Irak et qui accusait un retard de 21 mois, n'a pas pu démarrer. Bien que la première phase ait été prolongée de 7 mois et demi, il sera impossible de terminer le projet aux échéances fixées dans le cadre du programme IAP pour la passation des contrats et les paiements, à savoir fin 2017 et fin 2018 respectivement. En septembre 2017, plus de 43 millions d'euros avaient déjà été payés.

Les ratés du projet étaient principalement dus au fait que le ministère de la défense ne disposait pas de capacités administratives suffisantes pour fournir des relevés complets et fiables des mines en temps opportun, ainsi qu'au taux de rotation élevé du personnel affecté au projet. Par ailleurs, la mise en place tardive de la «TURMAC», autorité turque de déminage, par le ministère a contribué à générer des retards supplémentaires.

La programmation de l'IAP a été considérablement retardée

46

Indépendamment des retards dans la mise en œuvre des projets IAP I, les retards accusés dans la programmation de l'IAP I étaient importants et préjudiciables en ce qu'ils ont conduit à des réductions des financements encore disponibles et du délai dont disposaient les autorités turques pour exécuter ensuite le budget de l'IAP II et mettre en œuvre les projets correspondants.

47

Par exemple, en 2017, les autorités devaient encore conclure des contrats pour plus de 93 % des crédits disponibles au titre de l'accord de financement de l'IAP pour 2014 (voir tableau 1), ce qui donne une idée de l'importance de l'arriéré en matière de mise en œuvre. Cet arriéré était déjà perceptible à l'ampleur des dégagements opérés pour les deux précédents accords de financement, lesquels se sont élevés à plus de 110 millions d'euros60.

Tableau 1

Pourcentages des dégagements et pourcentages des montants devant encore faire l'objet de contrats sur les enveloppes IAP annuelles, par année de programmation

Convention de financement Fonds de l'UE
(euros)
Montant dégagé
(euros)
Dégagement en % Montant devant faire l'objet de contrats, en %
2012 225 749 161 56 437 290 25 % Expiré
2013 236 750 014 53 979 003 23 % Expiré
2014 366 040 000 À établir s.o. 93 %
2015 255 100 000 À établir s.o. 92 %
2016 477 890 000 À établir s.o. 100 %

Source: Commission européenne, septembre 2017.

48

Les causes de cet arriéré étant persistantes, elles sont bien connues de la Commission et des autorités turques61. En 2017, les trois principales causes se présentent comme suit:

  1. selon l'UCFC et la délégation de l'UE, une faiblesse des capacités administratives dans certains ministères en matière d'élaboration de propositions de projets, en particulier pour des appels d'offres ouverts, qui a généré des retards importants;
  2. les difficultés éprouvées par la Turquie pour assurer une transition sans heurts entre l'IAP I et l'IAP II, et notamment pour passer à une approche sectorielle et assumer des responsabilités plus exigeantes pour les structures opérationnelles des institutions chefs de file telles qu'elles apparaissent à l'annexe VI, le pays ayant ainsi dû gérer des projets dont le nombre et la complexité allaient croissant;
  3. la rotation excessive du personnel au sein de l'UCFC. Comme le montre la figure 2, le pourcentage de rotation annuelle du personnel au sein de cette dernière a souvent dépassé les 20 % depuis 2002.

Figure 2

Effectif de l'UCFC et taux annuel de rotation du personnel depuis sa création

Source: Analyse de la Cour des comptes européenne fondée sur des données de l'UCFC (mars 2017).

49

La persistance des problèmes d'effectifs au sein de cette unité constitue un obstacle majeur pour la mise en œuvre future de l'IAP: le taux de rotation du personnel est élevé et les recrutements fréquents obligent à investir beaucoup de temps dans la formation et l'accompagnement des nouveaux arrivants.

50

Le coordinateur national IAP coordonne et contrôle tous les programmes IAP en vue d'en faciliter la mise en œuvre, tandis que l'ordonnateur national s'occupe de l'accréditation, du suivi et du contrôle de l'UCFC, ainsi que des structures opérationnelles de l'IAP en Turquie62. Alors qu'ils étaient clairement en mesure d'agir, ni le coordinateur national IAP ni l'ordonnateur national ne se sont saisis en temps utile du problème des retards généralisés dans la programmation de l'IAP. Par conséquent, les problèmes d'effectifs ont subsisté. Ces difficultés à remédier efficacement à la rotation excessive du personnel de l'UCFC contribueront également à retarder les appels d'offres et les contrats relatifs aux projets.

51

Ce n'est qu'au deuxième semestre 2016 que le Trésor a commencé à analyser en détail la charge de travail, ainsi qu'à élaborer des stratégies de recrutement et de fidélisation du personnel pour chacune des structures opérationnelles de l'IAP, dans le but de réduire les retards accumulés63. Il est donc encore trop tôt pour évaluer les résultats de ces mesures.

La viabilité des projets est compromise en raison d'un manque de volonté politique

52

Pour pouvoir atteindre les objectifs de l'IAP, à savoir le renforcement des capacités administratives de la Turquie et son alignement sur l'acquis, il importe que les contributions positives des projets IAP décrites aux points 40 à 44 (comme le renforcement des capacités et la diffusion des bonnes pratiques de l'UE) s'inscrivent dans la durée. Il conviendrait par exemple que les réformes législatives ou administratives mises en œuvre soient maintenues, que les codes de conduite, les guides et les manuels continuent à être utilisés et que le personnel formé reste en service actif dans le domaine pour lequel il a été formé.

53

Nous avons évalué la viabilité des 15 projets de notre échantillon au moyen d'un examen approfondi de la documentation relative aux projets, de visites sur place et d'entretiens avec les parties prenantes des projets. Parmi les 14 projets de notre échantillon qui avaient déjà été mis en œuvre, nous avons constaté que dans six cas (un projet dans le secteur de l'état de droit, trois dans celui de la gouvernance et deux dans celui des ressources humaines64), la Commission et les autorités turques avaient réussi à transformer les réalisations des projets en résultats susceptibles d'être durables.

54

L'encadré 11 présente un exemple de projet audité relatif à la gouvernance et explique en quoi il est susceptible d'être durable.

Encadré 11

Les réalisations du projet «Capacité de planification des investissements locaux» (projet n° 9) ont de bonnes chances d'être durables

Mis en œuvre en 2015 et en 2016, ce projet pilote d'un montant de 2 millions d'euros a permis d'améliorer les capacités de planification et de coordination des investissements de l'administration publique provinciale turque en renforçant ses moyens d'analyse et de promotion des propositions d'investissements locaux. Le projet a notamment permis d'élaborer un guide de planification des investissements locaux et de former 231 experts en planification au niveau provincial.

La probabilité que les réalisations du projet soient durables est élevée; en effet, au moment de la visite d'audit (mars 2017), le guide de planification des investissements locaux était toujours utilisé et la plupart des experts en planification au niveau provincial étaient en service actif. Selon une étude effectuée par un consultant indépendant, la grande majorité des répondants (85,5 %) estimaient que leur expérience pourrait être reproduite dans le reste de la Turquie. La clé de la viabilité du projet réside dans le fait que ce dernier a bénéficié d'une volonté politique au plus haut niveau, puisque le ministre de l'intérieur l'avait explicitement soutenu.

55

Cependant pour 8 des 13 autres projets mis en œuvre, nous avons constaté que les réalisations étaient compromises ou peu susceptible d'être durables65. Les raisons sont présentées de manière synthétique dans le tableau 2.

Tableau 2

Projets IAP I mis en œuvre en Turquie – Raisons pour lesquelles la viabilité est compromise

Projet n° Manque de volonté politique Taux élevé de rotation du personnel Faiblesse des capacités administratives Conditionnalité absente ou insuffisante
1
2
3
4
8
11
13
15

Source: Cour des comptes européenne, septembre 2017.

56

Nous avons constaté que la principale raison pour laquelle les réalisations de ces huit projets IAP I risquaient de ne pas être durables était le manque de volonté politique, qui s'est aggravé avec la régression observée en Turquie (comme les révocations et suspensions massives de fonctionnaires et les nombreuses restrictions imposées à la société civile). Un exemple de projet de ce type est fourni dans l'encadré 12 et illustré par la photo 3.

Encadré 12

«Amélioration du contrôle civil» (projet n° 3)

Ce projet dans le secteur de l'état de droit visait à préparer des modifications législatives, ainsi que des changements d'ordre organisationnel (comités locaux de sécurité), et à fournir du matériel de formation sur mesure (voir photo 3). Doté de 3,5 millions d'euros, il a été mis en œuvre par le PNUD pour le compte du ministère de l'intérieur. Ce dernier a eu besoin d'une prolongation de huit mois pour mener le projet à terme, principalement en raison de faiblesses dans ses capacités administratives, telles qu'une mauvaise compréhension de la notion de contrôle civil, une faible participation de la part de la gendarmerie, la rotation de personnel occupant des postes clés et des changements administratifs. Les réalisations du projet ne seront probablement pas durables, et ce pour deux raisons principales.

Les comités locaux de sécurité, cruciaux pour le projet, doivent mobiliser la société civile afin d'améliorer le contrôle civil sur les forces de sécurité intérieure (police, garde-côtes et gendarmerie). Toutefois, le fait que les forces de sécurité intérieure aient récemment exercé des pouvoirs discrétionnaires temporaires en l'absence de contrôle civil approprié66 a en réalité affaibli le contrôle civil dont elles étaient censées faire l'objet.

Bien que ce même objectif ait été visé dans deux projets IAP successifs (un premier en 2008-2010, et celui dont il est question ici, de 2012 à 2015), selon le rapport final du projet, des ressources supplémentaires sont essentielles pour assurer la viabilité. Le fait qu'une troisième phase soit prévue dans le cadre de l'IAP II (IAP 2014) montre que ce projet est fortement tributaire des donateurs.

57

Par ailleurs, les réductions des financements encore disponibles et du délai dont disposent les ministères turcs pour mettre en œuvre les projets IAP (voir points 46 et 47) vont limiter leur capacité à enchaîner les contrats ultérieurs concernant ces mêmes projets ou à répondre aux besoins qui n'ont encore été pris en considération ni dans le cadre de l'IAP ni par les autorités turques. Les retards de programmation enregistrés par la Turquie ont donc également une incidence directe sur la viabilité globale des projets IAP.

Photo 3

Exemplaires d'études d'experts financées au titre de l'IAP et réalisées pour le ministère de l'intérieur afin d'améliorer le contrôle civil des forces de sécurité intérieure turques

Source: Cour des comptes européenne.

Conclusions et recommandations

58

Nous sommes parvenus à la conclusion que la Commission avait défini les objectifs de l'IAP de manière appropriée, notamment parce qu'elle a correctement déterminé les conditions nécessaires pour progresser sur la voie de l'adhésion à l'UE et réalisé des évaluations sectorielles concluantes. Cependant, dans la pratique, les fonds de l'IAP dépensés n'ont pas permis de répondre de manière satisfaisante à une série de besoins fondamentaux dans les secteurs de l'état de droit et de la gouvernance, où certaines réformes indispensables se font attendre. Dans les domaines où la volonté politique était plus forte, comme les douanes, l'emploi et la fiscalité, les projets de l'IAP I ont contribué à l'alignement de la Turquie sur l'acquis et au renforcement de ses capacités administratives. Toutefois, la viabilité de ces résultats est compromise par la difficulté de dépenser les fonds de l'IAP disponibles et par le recul des réformes. Nous estimons donc que l'IAP n'a eu qu'une efficacité limitée.

59

Du point de vue de la conception de l'IAP, nous avons constaté que la Commission avait fixé les objectifs de cet instrument de façon appropriée, étant donné qu'ils étaient spécifiques et conformes au cadre juridique. Plus concrètement, les objectifs de l'IAP concernant l'état de droit, la gouvernance et les ressources humaines étaient pertinents et fondés sur des besoins que la Turquie estimait devoir combler pour s'aligner sur l'acquis et renforcer ses capacités administratives (points 19 et 20).

60

Cependant, dans les faits, les fonds dépensés au titre des objectifs de l'IAP I n'ont guère permis de répondre à certains besoins fondamentaux dans des domaines tels que l'indépendance et l'impartialité de la justice, la lutte contre la grande corruption et contre la criminalité organisée, la liberté de la presse, la prévention des conflits d'intérêts et le renforcement de l'audit externe et de la société civile. Selon l'analyse réalisée par la Commission elle-même, des progrès insatisfaisants sont enregistrés dans ces domaines depuis plusieurs années, en raison d'un manque de volonté politique de la part des autorités turques (points 21 à 26).

Recommandation n° 1 – Mieux affecter les fonds de l'IAP en fonction des objectifs fixés

À compter du programme IAP de 2018, la Commission devrait veiller à une meilleure affectation des fonds de l'IAP dans les domaines où les réformes nécessaires pour progresser de manière crédible sur la voie de l'adhésion à l'UE accusent un retard, à savoir, en particulier, l'indépendance et l'impartialité de la justice, la lutte contre la grande corruption et contre la criminalité organisée, la prévention des conflits d'intérêts et le renforcement de la liberté de la presse, de l'audit externe et de la société civile.

Délai de mise en œuvre de cette recommandation: à partir du programme IAP de 2018.

61

La Commission a décidé de mettre en œuvre l'IAP II suivant une approche sectorielle, soutenant par ce biais des réformes de secteurs entiers plutôt que des projets indépendants. Avant d'appliquer cette nouvelle approche, la Commission a évalué la capacité d'absorption des fonds de l'IAP II dans les différents secteurs. Ces évaluations sectorielles ont livré une analyse pertinente et concluante permettant de déterminer où l'IAP pouvait être mis en œuvre selon l'approche sectorielle. Elles n'étaient toutefois pas toujours complètes, notamment pour trois des cinq critères d'évaluation utilisés, à savoir la coordination des donateurs, l'analyse budgétaire sectorielle et le cadre d'évaluation de la performance de la Turquie (points 27 à 29).

Recommandation n° 2 – Améliorer les évaluations sectorielles

Dans le cadre de la prochaine mise à jour de ses évaluations sectorielles, la Commission devrait veiller à couvrir de manière exhaustive tous les aspects majeurs de la coordination des donateurs, de l'analyse budgétaire sectorielle et, en particulier, du cadre d'évaluation de la performance de la Turquie.

Délai de mise en œuvre de cette recommandation: 31 mars 2019.

62

Parallèlement aux financements de l'UE, la conditionnalité prévue dans le cadre de l'IAP peut également contribuer à stimuler le processus de réforme. Malgré la persistance des progrès insuffisants soulignés dans ses rapports relatifs à la Turquie, nous avons constaté que la Commission s'était peu servie de la conditionnalité attachée à l'IAP pour soutenir les réformes dans les secteurs prioritaires où leur progression n'était pas satisfaisante. En particulier, la Commission a rarement fait usage de la possibilité de recentraliser la gestion des projets IAP ou d'appliquer des mesures correctrices lorsque les conditions des projets n'étaient pas respectées. Par ailleurs, la possibilité de suspendre les financements en cas de non-respect des principes de la démocratie et de l'état de droit, qui existait pour l'IAP I, n'est pas explicitement prévue dans les règlements régissant l'IAP II (points 30 à 34).

63

Pour ce qui est de la mise en œuvre de l'IAP, les projets audités ont généralement produit les réalisations escomptées, lesquelles ont contribué à l'alignement de la Turquie sur l'acquis et au renforcement de ses capacités administratives, même si les retards étaient fréquents. Nous avons constaté que la viabilité de ces résultats positifs était compromise, principalement en raison d'un manque de volonté politique, aggravé par les révocations et suspensions massives de fonctionnaires et les nombreuses restrictions imposées à la société civile (points 35 à 38, 40 à 45 et 52 à 57).

Recommandation n° 3 – Utiliser davantage la conditionnalité

Compte tenu de l'impact déjà perceptible de la régression sur la viabilité des projets en Turquie, la Commission devrait recourir davantage à la conditionnalité au niveau politique et à celui des projets:

  1. en proposant au comité IAP II un ajustement du montant total des enveloppes IAP II pour l'année «n», y compris une éventuelle réorientation ou réduction des fonds de l'IAP II, en réponse aux régressions dans les secteurs de l'état de droit et de la gouvernance constatées dans son rapport annuel sur la Turquie relatif à l'année «n-1»;
  2. en décidant, fin 2017 et fin 2020 respectivement, s'il convient d'octroyer ou non la récompense des performances à la Turquie. Cette décision devrait refléter précisément les progrès accomplis sur la voie de l'adhésion, l'efficience de la mise en œuvre de l'IAP et l'obtention de résultats de qualité;
  3. en recourant de plus en plus à la gestion directe pour répondre aux besoins fondamentaux en cas de manque de volonté politique, notamment en ce qui concerne la lutte contre la grande corruption et contre la criminalité organisée, la liberté de la presse, la prévention des conflits d'intérêts et le renforcement de la société civile;
  4. pour les nouveaux projets et au besoin, en fixant des conditions qui définissent des exigences minimales afin de garantir l'obtention, dans les délais, des réalisations escomptées, ainsi que leur viabilité. Le non-respect de ces conditions devrait entraîner l'adoption de mesures correctrices (comme la suspension des paiements ou l'annulation du projet).

Délai de mise en œuvre de cette recommandation: a) à partir du 31 décembre 2018; b) le 31 décembre 2018 et le 31 décembre 2020; c) et d) le 31 décembre 2018.

64

Le suivi de la performance des projets présentait des insuffisances, comme le fait que les projets ne soient pas tous sélectionnés dans le cadre du système ROM de la Commission, que certains indicateurs ne soient pas pertinents ou pas fiables, ou encore qu'ils ne s'accompagnent pas de valeurs de référence pertinentes (point 39).

Recommandation n° 4 – Améliorer le suivi de la performance des projets

La Commission devrait étendre la portée de ses rapports ROM concernant les opérations financées par l'UE en Turquie et renforcer la pertinence et la fiabilité de ses indicateurs de projet en prévoyant la disponibilité de données de référence, le cas échéant.

Délai de mise en œuvre de cette recommandation: à partir de 2018.

65

Les retards importants enregistrés par l'IAP du fait de l'arriéré considérable en matière de programmation et de mise en œuvre constituent une autre source de préoccupation. Ces retards ont conduit à des réductions des financements et du délai dont disposaient les autorités turques pour exécuter par la suite le budget de l'IAP II et mettre en œuvre les projets correspondants, et ils contribueront également à retarder les appels d'offres et les contrats relatifs aux projets. Les causes de ces retards étaient connues: des capacités administratives trop faibles au sein de certains ministères pour pouvoir élaborer des propositions de projets, la transition vers l'approche sectorielle et une rotation excessive du personnel au sein de l'UCFC, qui gère la plupart des fonds dépensés en Turquie au titre de l'IAP (points 46 à 51).

Recommandation n° 5 – Réduire l'arriéré par une application sélective de la gestion indirecte

Dans le cadre de l'IAP II, la Commission devrait appliquer la gestion indirecte de manière sélective, en tenant compte du volume des fonds concernés, de la complexité des projets que les autorités turques doivent définir et soumettre à des appels d'offres et, enfin, des capacités de l'UCFC.

Délai de mise en œuvre de cette recommandation: mise en œuvre progressive avec démarrage immédiat.

Le présent rapport a été adopté par la Chambre III, présidée par M. Karel PINXTEN, Membre de la Cour des comptes, à Luxembourg en sa réunion du 6 février 2018.

Par la Cour des comptes

Klaus-Heiner LEHNE
Président

Annexes

Annexe I

Principaux événements qui ont marqué les relations entre l'UE et la Turquie

1950 13 avril – La Turquie devient membre du Conseil de l'Europe.
1954 18 mai – La Turquie ratifie la convention européenne des droits de l'homme.
1959 31 juillet – La Turquie introduit une demande d'association avec la Communauté économique européenne.
1963 12 septembre – La Turquie signe l'accord d'association avec la Communauté économique européenne, qui lui donne accès aux programmes communautaires (et ultérieurement à ceux de l'Union).
1987 14 avril – La Turquie introduit une demande d'adhésion à la Communauté économique européenne.
1995 31 décembre – Entrée en vigueur de l'accord d'union douanière UE-Turquie.
1999 12 décembre – Le Conseil confirme le statut de pays candidat de la Turquie.
2001 24 mars – Le Conseil adopte le premier partenariat pour l'adhésion avec la Turquie, le dernier sera adopté le 18 février 2008.
2005 3 octobre – Lancement officiel des négociations d'adhésion avec la Turquie.
2006 12 juin – Un premier chapitre est ouvert à la négociation avec la Turquie (chapitre 25 «science et recherche»).
2010 Septembre – Le parlement turc modifie la Constitution pour renforcer l'obligation de rendre compte de l'armée devant les tribunaux civils ainsi que les prérogatives du pouvoir législatif en matière de nomination des juges. Les opposants au référendum y voient une atteinte à l'indépendance de l'armée et du pouvoir judiciaire.
2011 Décembre – Étant donné que 13 chapitres seulement ont été ouverts depuis 2006, le Conseil approuve le programme pour le développement de relations constructives, censé donner un nouvel élan aux négociations d'adhésion.
2013 Mai - Lors de manifestations au parc Gezi à Istanbul, de nombreux citoyens sont arrêtés et accusés d'appartenance à une organisation terroriste.
17 et 25 décembre – Quatre ministres, des proches de membres du gouvernement et différents fonctionnaires et hommes d'affaires sont accusés de grande corruption; de nombreuses mutations et révocations de procureurs, de juges et d'officiers de police s'ensuivent.
2014 14 décembre – À la suite de mesures répressives concertées, des représentants des médias et journalistes turcs de renom sont placés en détention.
2016 30 juin – Un seizième chapitre est ouvert à la négociation (chapitre 33 «dispositions financières et budgétaires»).
15 juillet – 241 personnes décèdent et 2 196 autres sont blessées lors d'une tentative de coup d'état militaire. La Turquie accuse le mouvement Gülen, qu'elle considère comme une organisation terroriste, d'être à l'origine du coup d'état avorté.
9 et 10 décembre – La commission de Venise adopte des avis faisant état de graves préoccupations concernant le recours massif aux décrets-lois promulgués dans le cadre de l'état d'urgence.
2017 10 et 11 mars – La commission de Venise adopte des avis faisant état de graves préoccupations quant à la modification de la Constitution visant à conférer davantage de pouvoirs au président de la République, et quant au recours massif aux décrets-lois promulgués dans le cadre de l'état d'urgence en ce qui concerne la liberté de la presse.
16 avril – Lors d'un référendum sur la nouvelle constitution, une majorité du vote populaire s'exprime en faveur de la transformation de la démocratie parlementaire turque en régime présidentiel.

Source: Cour des comptes européenne, sur la base des données de la Commission.

Annexe II

État d'avancement des négociations d'adhésion de la Turquie à l'Union

Chapitre Intitulé État d'avancement des négociations d'adhésion
1 Libre circulation des marchandises Non ouvert
2 Libre circulation des travailleurs Non ouvert
3 Droit d'établissement et de libre prestation de services Non ouvert
4 Libre circulation des capitaux Ouvert
5 Marchés publics Non ouvert
6 Droit des sociétés Ouvert
7 Droit de propriété intellectuelle Ouvert
8 Politique de la concurrence Non ouvert
9 Services financiers Non ouvert
10 Société de l'information et médias Ouvert
11 Agriculture et développement rural Non ouvert
12 Sécurité alimentaire, politique vétérinaire et phytosanitaire Ouvert
13 Pêche Non ouvert
14 Politique des transports Non ouvert
15 Énergie Non ouvert
16 Fiscalité Ouvert
17 Politique économique et monétaire Ouvert
18 Statistiques Ouvert
19 Politique sociale et emploi Non ouvert
20 Politique d'entreprise et politique industrielle Ouvert
21 Réseaux transeuropéens Ouvert
22 Politique régionale et coordination des instruments structurels Ouvert
23 Pouvoir judiciaire et droits fondamentaux Non ouvert
24 Justice, liberté et sécurité Non ouvert
25 Science et recherche Clôturé
26 Éducation et culture Non ouvert
27 Environnement et changement climatique Ouvert
28 Santé et protection des consommateurs Ouvert
29 Union douanière Non ouvert
30 Relations extérieures Non ouvert
31 Politique étrangère, de sécurité et de défense Non ouvert
32 Contrôle financier Ouvert
33 Dispositions financières et budgétaires Ouvert
34 Institutions Non ouvert
35 Autres questions Non ouvert

Source: Commission européenne, 2017.

Annexe III

Secteurs couverts par l'IAP en Turquie, enveloppe allouée à chacun d'eux (y compris en pourcentage de la dotation totale) et, pour les secteurs prioritaires sélectionnés, montant des contrats passés

IAP I (2007-2013)

(euros)

Volets Dotation % de la dotation totale Montant des contrats
Aide à la transition et renforcement des institutions (I) État de droit 548 702 551 11,98 % 452 341 541
Gouvernance 681 747 546 14,88 % 649 386 948
Autres 388 179 777 8,47 %
Coopération régionale et transfrontalière (II) 7 000 000 0,15 %
Développement régional (III) 1 626 891 869 35,51 %
Développement des ressources humaines (IV) 455 055 077 9,93 % 395 641 762
Développement rural (V) 873 890 000 19,07 %
Total général 4 581 466 820 100 %
IAP II (2014-2020)

(euros)

Secteurs Dotation % de la dotation totale Montant des contrats
État de droit et droits fondamentaux 624 900 000 13,91 % 44 793 588
Gouvernance et démocratie 956 500 000 21,30 % 170 771 646
Énergie 93 500 000 2,08 %
Agriculture 912 200 000 20,31 %
Transports 442 800 000 9,86 %
Environnement 644 600 000 14,35 %
Compétitivité et innovation 344 400 000 7,67 %
Éducation, emploi et politiques sociales 435 000 000 9,69 % 0
Coopération territoriale et régionale 36 995 265 0,82 %
Total général 4 490 895 265 100 %

Note: Les secteurs sélectionnés aux fins du présent audit apparaissent sur fond vert.

Source: Commission européenne, données au 30 septembre 2017.

Annexe IV

Aperçu des projets IAP I audités

Projet Montant des contrats (euros) Montant versé (euros) Montant absorbé, en % (versé/total des contrats) Secteur Volet Démarrage du projet Fin prévue Date prorogée Date de fin effective Réalisations Retard Durabilité Retard (K-I) Durée du projet % de retard
1 Développement socioéconomique par le déminage et l'augmentation des capacités de surveillance des frontières orientales de la Turquie - phases I et II 65 481 515 43 452 609 66 % État de droit Phase I 29.5.15 29.5.17 15.12.17 196 720 27 %
Phase II 10.12.15 15.3.17 31.12.18 645 455 142 %
2 Amélioration des relations entre les médias et le pouvoir judiciaire 1 615 000 1 453 500 90 % État de droit 7.5.13 15.2.15 30.10.15 255 638 40 %
3 Amélioration du contrôle civil en Turquie phase II 3 800 000 3 433 935 90 % État de droit 27.7.12 27.7.14 27.3.15 240 720 33 %
4 Amélioration de l'efficience du système de justice pénale de la Turquie 3 220 000 2 534 872 79 % État de droit 12.3.12 12.12.14 12.12.14 0 990 NA
5 Efficacité de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme 2 493 879 2 341 879 94 % État de droit Jumelage 2.3.15 2.3.17 1.8.17 1.8.17 149 720 21 %
Fournitures 16.12.15 30.7.16 30.7.16 0 224 NA
Total État de droit 76 610 394 53 216 795 69 %
6 Renforcer la capacité institutionnelle du bureau de l'ordonnateur national en Turquie à accomplir ses tâches concernant la mise en œuvre de l'IAP 220 607 192 506 87 % Gouvernance 21.1.16 7.9.16 7.9.16 0 226 0 %
7 Lutte contre l'économie informelle et renforcement des capacités administratives de l'administration fiscale turque 2 569 950 1 027 980 40 % Gouvernance 21.3.16 21.2.18 NA NA NA
NA NA NA
8 Renforcer le développement de la société civile et la coopération entre la société civile et le secteur public en Turquie (premier volet) 3 757 500 3 473 908 92 % Gouvernance 1.6.12 26.11.14 1.12.15 1.12.15 365 895 41 %
9 Capacité de planification des investissements locaux 1 714 500 1 714 500 100 % Gouvernance 1.11.14 3.11.16 3.11.16 0 722 0 %
10 Modernisation de l'administration douanière turque VIII 7 083 015 4 856 998 69 % Gouvernance Jumelage 1 21.12.15 16.6.16 16.6.16 0 175 0 %
Jumelage 2 21.12.15 20.9.17 20.11.17 NA 629 NA
Jumelage 3 8.12.15 8.6.16 8.6.16 0 180 0 %
Services 1 8.2.16 8.2.18 NA 720 NA
Services 2 7.3.16 6.9.17 6.9.17 0 539 0 %
Fournitures 7.9.15 17.9.16 17.9.16 0 370 0 %
Total Gouvernance 15 345 572 11 265 892 73 %
11 Initiative pour la formation et l'entrepreneuriat dans le domaine de la confection 2 517 049 1 482 684 59 % Ressources humaines Services 20.1.16 19.9.17 19.9.17 0 599 0 %
Fournitures 31.5.16 27.9.16 16.1.17 109 117 93 %
12 Faire croître et prospérer l'écosystème de l'entrepreneuriat à Ankara pour stimuler l'emploi des jeunes 2 086 710 1 059 219 51 % Ressources humaines Services 27.6.16 27.10.17 27.10.17 0 480 0 %
Fournitures 11.1.16 29.3.17 15.5.17 46 438 11 %
13 Favoriser l'emploi déclaré en améliorant les orientations et les inspections 4 179 877 4 094 551 98 % Ressources humaines Services 16.9.14 15.9.16 15.10.16 30 719 4 %
Fournitures 26.3.14 26.7.14 13.11.14 107 120 89 %
14 Développement des capacités des employés et des employeurs grâce aux technologies de l'information et de la communication 2 392 321 964 321 40 % Ressources humaines Services 17.12.15 17.8.17 17.10.17 17.10.17 60 600 10 %
Fournitures 22.6.16 20.10.16 15.12.16 55 118 47 %
15 Promouvoir l'inclusion sociale dans les zones à forte densité de population rom 8 440 644 3 912 423 46 % Ressources humaines Services 9.11.15 8.11.17 719 0 %
Fournitures 20.10.15 1.4.16 2.11.16 211 161 131 %
Total Ressources humaines 19 616 600 11 513 198 59 %
Total général 111 572 566 75 995 885 68 %

Source: Analyse de la Cour des comptes européenne sur la base des dates et des chiffres communiqués par la Commission européenne (situation au 30 septembre 2017).

Réalisations Retard Durabilité
Obtenues Maximum 2 mois Probable
Obtenues en partie Plus de 2 mois, mais atténué Compromise
Pas obtenues Plus de 2 mois, non atténué Improbable
L'état d'avancement n'a pas permis de procéder à une évaluation

Date de fin effective: date prévue au contrat (date d'achèvement, date d'expiration ou date d'achèvement escomptée).

Annexe V

Liste des entretiens d'audit effectués en Turquie en 2017

Visites Dénomination de l'entité visitée
13 mars Délégation de l'UE, ambassadeur et différentes unités
14 mars Ministère des affaires européennes, ambassadeur/coordinateur national IAP et direction de la coopération financière
14 mars Institution supérieure de contrôle de la Turquie (Président)
15 mars Ministère de l'intérieur, service des affaires européennes et des relations étrangères
15 mars Ministère de l'intérieur (bureau pour la gestion des frontières, centre turc d'action antimines), avec la participation de délégués du ministère de la défense
15 mars PNUD (bureau de projets)
15 mars Ministère des affaires européennes, équipe chargée de la société civile
15 mars Ministère de l'intérieur, service d'élaboration des stratégies
16 mars Ministère de la justice (différents services)
16 mars Conseil de l'Europe (bureau de projets)
16 mars Ministère des finances, administration des recettes
16 mars Conseil des contrôleurs du Trésor, autorité d'audit pour l'IAP
17 mars Sous-secrétariat d'État au Trésor, unité centrale de financement et de passation de contrats pour l'IAP
17 mars Équipe de conseillers confirmés de l'initiative Soutien à l'amélioration de l'administration et de la gestion (SIGMA) en charge d'évaluer la Turquie
17 mars Sous-secrétariat d'État au trésor, ordonnateur national IAP
20 mars Bureau d'inspection du Premier ministre, service de coordination antifraude
20 mars Ministère des douanes et du commerce, direction générale des relations européennes et extérieures et direction générale de l'application des mesures douanières
20 mars Ministère du travail et de la sécurité sociale, direction chargée de l'assistance financière et de l'UE
20 mars Agence de développement d'Ankara
21 mars Banque mondiale
21 mars Organisme de sécurité sociale
21 mars Université technique du Moyen-Orient
21 mars Ministère de la famille et des affaires sociales
21 mars Ministère des finances (bureau d'enquête sur la criminalité financière), avec la participation de délégués de l'agence de régulation et de surveillance du secteur bancaire turque
22 mars Agence de développement de la mer Noire orientale à Trabzon
22 mars Centre d'enseignement public à Giresun
22 mars Ministère du développement
22 mars Délégation de l'UE
23 mars Centre de services sociaux à Istanbul

Source: Cour des comptes européenne. Toutes les visites ont eu lieu à Ankara, sauf mention contraire.

Annexe VI

Gestion indirecte au titre de l'IAP I

IAP I

 

Gestion indirecte au titre de l'IAP II

IAP II

Réponses de la Commission

Observations

Encadré 3 – Financement de l’IAP en faveur de la liberté de la presse (2007-2016)

La Commission observe que dans le cadre de l’IAP II, 35 % de la dotation indicative 2014-2020 sont destinés à soutenir la démocratie et l’état de droit. Les droits fondamentaux, y compris la liberté de la presse, constituent clairement un domaine prioritaire. En raison des retards généraux dans le démarrage de la mise en œuvre de l’IAP II, les projets concernés n’ont pas encore commencé. La Commission souhaiterait souligner que l’IAP n’est pas le seul instrument qui soutient la liberté de la presse; l’instrument européen pour la démocratie et les droits de l’homme et le mécanisme multilatéral en faveur de la société civile sont des instruments complémentaires. Par exemple, au titre de l’IEDDH, sept projets relevant du domaine des médias étaient destinés à la Turquie pour la période 2013-2016.

Encadré 9 – «Amélioration des relations entre les médias et le pouvoir judiciaire» (projet n° 2)

La Commission observe que les rapports ROM donnent un aperçu des progrès réalisés dans la mise en œuvre d’un projet à un instant donné.

Conclusions et recommandations

Recommandation n° 1 – Mieux affecter les fonds de l'IAP en fonction des objectifs fixés

La Commission accepte cette recommandation.

La Commission prend note de la date de mise en œuvre cible et envisagera le recentrage dans le cadre de l’exercice de programmation 2018, dans le respect des orientations politiques.

La Commission relève que la réalisation de progrès dans ces domaines sensibles n’est pas seulement tributaire des financements alloués au titre de l’IAP, mais qu’elle dépend au contraire bien plus de la volonté politique des autorités turques.

Recommandation n° 2 – Améliorer les évaluations sectorielles

La Commission accepte cette recommandation.

Recommandation n° 3 – Utiliser davantage la conditionnalité

La Commission accepte cette recommandation.

Recommandation n° 4 – Améliorer le suivi de la performance des projets

La Commission accepte cette recommandation.

Recommandation n° 5 – Réduire l'arriéré par une application sélective de la gestion indirecte

La Commission accepte cette recommandation.

Sigles et acronymes

GFP: Gestion des finances publiques

IAP: Instrument d'aide de préadhésion

OSC: Organisation de la société civile

PNUD: Programme des Nations unies pour le développement

ROM: Suivi axé sur les résultats (results-oriented monitoring)

UCFC: Unité centrale de financement et de passation de contrats

Notes

1 L'annexe I présente les principaux événements qui ont marqué les relations entre l'UE et la Turquie.

2 En turc: Adalet ve Kalkınma Partisi.

3 Le comité IAP II, qui est présidé par la Commission, a été institué par l'article 13 du règlement (UE) n° 231/2014 du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2014 instituant un instrument d'aide de préadhésion (IAP II). Il a repris les attributions du «comité IAP», compétent pour l'IAP I et institué en son temps par l'article 14 du règlement (CE) n° 1085/2006 du Conseil du 17 juillet 2006 établissant un instrument d'aide de préadhésion (IAP).

4 Dans le cadre de la gestion indirecte, la Commission délègue des tâches d'exécution budgétaire et leur réalisation à des entités tierces (par exemple au pays bénéficiant de l'IAP II ou à une entité désignée par lui, ou encore à des organisations internationales). Voir article 188 du règlement (UE, Euratom) n° 966/2012 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 relatif aux règles financières applicables au budget général de l'Union (JO L 298 du 26.10.2012, p. 1). Précédemment, pour l'IAP I, la gestion budgétaire avait été confiée aux autorités turques dans le cadre du «système de mise en œuvre décentralisée» (DIS). Un aperçu graphique de la gestion indirecte est fourni à l'annexe VI.

5 Pourcentages fondés sur les données fournies par la Commission (2017).

6 «Evaluation of Sector approach under IPA II assistance - Roadmap», Direction générale pour le voisinage et les négociations d'élargissement, novembre 2016, et «Mapping of Sector Strategies», rapport final, 28 février 2014.

7 Voir le rapport annuel 2016 de la Commission sur la Turquie, p. 9.

8 Point 1 de la résolution du Parlement européen du 24 novembre 2016 sur les relations entre l'Union européenne et la Turquie.

9 Rapport 2016 de la Commission sur la Turquie, p. 18 et 19, et article du Financial Times intitulé «Turkey says purge of judiciary over after sacking 4 000», 26 mai 2017, voir https://www.ft.com.

10 Analyse de la Cour des comptes européenne concernant les effectifs de la Cour des comptes turque entre décembre 2015 et décembre 2016; les rapports d'activité de l'ISC de Turquie sont disponibles en langue turque à l'adresse www.sayistay.gov.tr. Pour les comptes rendus de presse, voir l'article (rédigé en turc) du 11 août 2016 à l'adresse https://www.haberler.com/sayistay-da-feto-operasyonu-8692128-haberi/, ainsi que l'article du 4 avril 2017 intitulé «Detention warrants issued for 41 Court of Accounts employees over Gülen links», à l'adresse https://stockholmcf.org

11 Rapport 2016 de la Commission sur la Turquie, p. 86, et article du New York Times intitulé «Turkey in turmoil and chaos since purge aimed at dissenters», 12 avril 2017 (voir https://www.nytimes.com/2017/04/12/world/europe/turkey-erdogan-purge.html?_r=1).

12 Dans son rapport spécial n° 16/2009 intitulé La gestion, par la Commission européenne, de l'aide de préadhésion en faveur de la Turquie, la Cour s'était intéressée au programme d'aide de préadhésion en faveur de la Turquie (ou APT, qui a précédé l'IAP) et avait contrôlé un échantillon de projets relevant des programmes nationaux de 2002 à 2004.

13 L'annexe de la décision du Conseil du 18 février 2008 relative aux principes, aux priorités et aux conditions du partenariat pour l'adhésion de la République de Turquie énonce notamment les priorités à court terme suivantes, ayant le renforcement des «capacités administratives» pour objectif transversal: «démocratie et État de droit», «droits de l'homme et protection des minorités», ainsi que les chapitres 5 (marchés publics), 16 (fiscalité), 19 (politique sociale et emploi), 23 (pouvoir judiciaire et droits fondamentaux), 24 (justice, liberté et sécurité), 29 (union douanière) et 32 (contrôle financier).

14 La liste des dotations de l'IAP I et de l'IAP II est fournie à l'annexe III. La liste complète des projets audités figure à l'annexe IV.

15 Au sens du considérant 12 et de l'article 12 du règlement (UE) n° 236/2014 du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2014 énonçant des règles et des modalités communes pour la mise en œuvre des instruments de l'Union pour le financement de l'action extérieure (JO L 77 du 15.3.2014, p. 95).

16 La liste des entités publiques avec lesquelles nous nous sommes entretenus en Turquie figure à l'annexe V. Par ailleurs, nous avons organisé trois réunions de groupes de consultation en Turquie avec plus de dix OSC différentes.

17 Cette facilité fera l'objet d'un audit de performance de la Cour des comptes européenne en 2018.

18 Pour l'IAP I, dans le document de planification annuelle (2011-2013), et pour l'IAP II, dans le document de stratégie indicatif pour la Turquie (2014-2020).

19 Voir: articles 1er et 2 du règlement (CE) n° 1085/2006 du Conseil du 17 juillet 2006 établissant un instrument d'aide de préadhésion (IAP) (JO L 210 du 31.7.2006, p. 82); annexe de la décision 2008/157/CE du Conseil du 18 février 2008 relative aux principes, aux priorités et aux conditions du partenariat pour l'adhésion de la République de Turquie (JO L 51 du 26.2.2008, p. 4); articles 1er et 2 du règlement (UE) n° 231/2014 du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2014 instituant un instrument d'aide de préadhésion (IAP II) (JO L 77 du 15.3.2014, p. 11).

20 Voir l'encadré 1, ainsi que la communication Stratégie d'élargissement et principaux défis 2012-2013 [COM(2012) 600 final du 10 octobre 2012], p. 2 à 4.

21 Ces rapports sont disponibles (en anglais) à l'adresse suivante: https://ec.europa.eu/neighbourhood-enlargement/countries/package_en

22 L'indépendance et l'impartialité de la justice font partie intégrante du chapitre 23 «pouvoir judiciaire et droits fondamentaux». À cet égard, la Commission a précisé dans son rapport annuel 2014 sur la Turquie (p. 63) que la législation adoptée dans le domaine de la justice avait suscité de sérieuses inquiétudes concernant l'indépendance et l'impartialité du pouvoir judiciaire, la séparation des pouvoirs et l'état de droit et qu'il convenait de renforcer davantage le cadre institutionnel en matière de droits de l'homme et d'en dresser le bilan.

23 En ce qui concerne la lutte contre la corruption et la criminalité organisée, qui relève également du chapitre 23, la Commission a constaté dans son rapport annuel 2014 sur la Turquie (p. 14) qu'une plus grande volonté politique et une participation accrue de la société civile étaient nécessaires pour obtenir des résultats sur le terrain et ainsi établir un bilan en matière d'enquêtes, de poursuites et de condamnations.

24 La liberté de la presse fait partie des droits de l'homme mentionnés dans les critères de Copenhague (voir encadré 1). En 2015, pour ce qui est de la liberté d'expression, des médias et d'internet, la Commission indiquait dans son rapport sur la Turquie (p. 22) qu'après plusieurs années de progrès, une grave régression avait été constatée au cours des deux années précédentes.

25 Voir le rapport d'octobre 2015 du GRECO sur la Turquie, qui traite des principes éthiques, du code de conduite et des conflits d'intérêts des juges (paragraphes 125 et 160 à 163).

26 Voir le rapport 2016 de Transparency International sur les Balkans occidentaux et la Turquie, dans lequel il est dit de la Turquie qu'elle présente un bilan très médiocre en matière de répression de la corruption, en particulier parmi les hauts fonctionnaires.

27 L'audit externe fait partie intégrante du chapitre 32 «contrôle financier». En ce qui concerne les OSC, le dynamisme de la société civile est un signe de pluralisme effectif impliquant le respect des droits fondamentaux et des libertés fondamentales, l'état de droit et la possibilité de changement politique et social. Les activités de la société civile peuvent stimuler et étendre l'espace de dialogue et de coopération sur des questions d'intérêt général, notamment liées à l'adhésion à l'UE. Le pays a besoin d'approches plus inclusives en matière d'élaboration des politiques et de prise des décisions d'intérêt général (document de stratégie indicatif pour la Turquie pour la période 2014-2020, p. 11 et 12).

28 Thematic Evaluation of EU's Support to civil society in the Western Balkans and Turkey, IBF Consulting, avril 2012; Civil Society Needs Assessment Report, TACSO, février 2014; rapports annuels 2015 et 2016 de la Commission sur la Turquie (2.4); contribution de la fondation TÜSEV au rapport de Civicus sur l'état de la société civile, p. 96 à 98.

29 Analyse de la Cour des comptes européenne, sur la base des données fournies par le ministère turc de l'intérieur au 24 mars 2017.

30 Article 4 du règlement (UE) n° 231/2014 du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2014 instituant un instrument d'aide de préadhésion; règlement d'exécution (UE) n° 447/2014 de la Commission relatif aux règles spécifiques de mise en œuvre du règlement (UE) n° 231/2014; accord-cadre sur l'IAP II passé le 11 février 2015 entre la République de Turquie et la Commission européenne.

31 Communication de la Commission intitulée «Stratégie d'élargissement et principaux défis 2013-2014» [COM(2013) 700 final du 16 octobre 2013], p. 3, 7 et 16.

32 Mapping of Sector Strategies, rapport final, 28 février 2014, p. 3.

33 La déclaration de Paris sur l'efficacité de l'aide (2005), dont la Turquie est signataire, dispose que chaque pays bénéficiaire devrait fixer des objectifs réalistes dans un petit nombre de secteurs et faire en sorte qu'il n'y ait pas de double emploi entre les aides des donateurs. Ces principes s'appliquent également à l'IAP.

34 Document de planification stratégique (SPD - Strategic Planning Document) «société civile», p. 20. SPD «pouvoir judiciaire et droits fondamentaux», p. 14. SPD «droits fondamentaux», p. 11. SPD «affaires intérieures», p. 23. Programme opérationnel sectoriel, p. 30.

35 En ce qui concerne le chapitre 5, selon le rapport annuel 2016 de la Commission sur la Turquie (p. 20, 21 et 43 à 45), il subsiste des lacunes importantes pour ce qui est de l'alignement du pays sur les règles de l'UE en matière de marchés publics (concernant par exemple la transparence des procédures d'appel d'offres, ou les nombreuses exceptions légales par rapport à l'acquis).

36 La Banque européenne d'investissement est l'un des plus grands pourvoyeurs de prêts de l'UE à la Turquie; ces prêts représentent plus de trois fois le montant des fonds de l'IAP octroyés à ce pays (voir https://euaidexplorer.ec.europa.eu/DevelopmentAtlas.do).

37 Voir la loi relative à la gestion et au contrôle des finances publiques n° 5018 d'août 2012 (traduction officielle en anglais), p. 6 et 11. Voir également les programmes annuels d'investissement (Yili Yatirim Programi en langue turque) relatifs aux années 2009 à 2017.

38 Voir, pour l'IAP I, le plan national pour l'adoption de l'acquis (2008) et, pour l'IAP II, le 10e Plan national de développement (2014-2018), les différents plans d'action nationaux pour l'adhésion à l'UE qui se sont succédé (2014-2019) et le programme de réforme économique de préadhésion (2017).

39 Selon la stratégie d'élargissement 2011-2012 de la Commission, «l'engagement, le respect des conditions fixées et la crédibilité constituent la pierre angulaire du processus d'adhésion et de sa réussite» (p. 2); en outre, la conditionnalité serait rigoureuse et stricte (p. 18 et 23). Il était question de conditions strictes dans la stratégie d'élargissement 2012-13 de la Commission (p. 2, 3, 16 et 22), de même que dans celle de 2014 (p. 2 et 19) et dans celle de 2015 (p. 12).

40 Règlement (CE) n° 1085/2006 du Conseil, article 21 relatif à la suspension de l'aide: «Lorsqu'un pays bénéficiaire ne respecte pas ces principes [démocratiques et de l'état de droit, ainsi que les droits de l'homme et des minorités, et les libertés fondamentales] ou les engagements contenus dans le partenariat avec l'UE, ou que les progrès concernant le respect des critères d'adhésion sont insuffisants, le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission, peut prendre les mesures appropriées en ce qui concerne toute aide fournie au titre du présent règlement».

41 Résolution du Parlement européen du 6 juillet 2017 sur le rapport annuel 2016 de la Commission sur la Turquie (point 25).

42 Voir la déclaration du Parlement européen jointe (p. 25) au règlement (UE) n° 231/2014 du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2014 instituant un instrument d'aide de préadhésion (IAP II) (JO L 77 du 15.3.2014, p. 11).

43 À l'article 14 du règlement (UE) n° 231/2014, il est question de «progrès particuliers en vue de satisfaire aux critères d'adhésion et/ou d'un déploiement efficace de l'aide de préadhésion» ayant «permis d'obtenir des résultats particulièrement bons».

44 Commission implementing decision of 30 November 2017 amending Commission implementing decision C(2016) 4889 final of 20 July 2016 adopting a Civil Society Facility and Media Programme for the years 2016-2017 under IPA II.

45 Voir projets nos 4 et 7 à 15 à l'annexe IV.

46 À savoir le projet n° 4, du ministère de la justice.

47 L'analyse, par la Cour des comptes européenne, des données communiquées par le ministère de la justice indique que le nombre de juges et de procureurs transférés, qui était de 2 072 en 2013, a régulièrement augmenté, passant à 2 517 en 2014 pour atteindre 3 746 juste avant la tentative de coup d'État de 2016. Même si, selon le ministère de la justice, cette rotation obligatoire des juges et des procureurs tient aux particularités géographiques du pays et à la nécessité d'assurer des services judiciaires dans les zones reculées, son application n'est pas fondée sur des critères objectifs. Voir: Union internationale des magistrats, Résolution du 8 octobre 2015 concernant la situation du système judiciaire en Turquie; Commission de Venise, Avis relatif au projet de loi sur les juges et les procureurs de la Turquie (CDL-AD(2011)004), 29 mars 2011, paragraphes 47 à 49; Commission internationale de juristes, Turkey: the Judicial System in Peril, 2016, p. 17.

48 Voir Technical assistance for promoting registered employment through better guidance and inspection, rapport initial à l'intention du ministère du travail et de la sécurité sociale, février 2015, et en particulier la page 6.

49 L'UCFC turque a signé tous les engagements contractuels pour 14 projets, mais pas pour le projet n° 3. En raison de sa sensibilité politique, ce projet concernant le contrôle civil des forces de sécurité intérieure a été signé par la délégation de l'UE à Ankara et non par l'UCFC.

50 Le projet n° 7 devrait être achevé d'ici à février 2018.

51 Six des quinze projets audités ont fait l'objet d'un suivi axé sur les résultats. Le suivi axé sur les résultats (ROM) consiste en un examen indépendant des interventions extérieures financées par l'UE, qui se fonde sur des missions d'évaluation sur place. Sa méthodologie, qui comporte cinq critères d'évaluation (pertinence, efficacité, efficience, impact et durabilité), permet d'attribuer une note allant de A («très bon») à D («insuffisances graves») et d'assurer la comparabilité des données collectées sur les projets en cours. Voir https://europa.eu/capacity4dev/rom/blog/what-results-oriented-monitoring-rom.

52 Pour tous les projets concernés à l'exception du projet n° 1 (pour des raisons de sécurité). Faute de temps, seuls quelques sites ont été visités pour les projets nos 11 et 15.

53 Voir annexe V.

54 Cette faiblesse concerne 7 des 15 projets audités.

55 Tel était le cas pour les projets nos 2 et 3 dans le secteur de l'état de droit, 6 et 7 dans celui de la gouvernance et 15 dans celui des ressources humaines.

56 La mise en œuvre des contrats de fourniture afférents aux projets nos 11 et 13 a duré huit mois au lieu de quatre, tandis que celle du contrat de fourniture afférent au projet n° 15 a duré douze mois au lieu de cinq. Voir annexe IV.

57 Conformité aux «critères politiques de Copenhague» (des institutions stables garantissant la démocratie, l'état de droit, les droits de l'homme ainsi que le respect des minorités et leur protection), définis lors de la réunion du Conseil européen de Copenhague en juin 1993 (projet n° 8), au chapitre 16 «fiscalité» (projet n° 7) et au chapitre 29 «union douanière» (projet n° 10).

58 Conformité aux «critères politiques de Copenhague» (projets nos 1 à 5), au chapitre 23 «pouvoir judiciaire et droits fondamentaux» (projets nos 2 et 4) et au chapitre 24 «justice, liberté et sécurité» (projets nos 1, 3 et 5).

59 Le projet n° 1 (phase 1) a duré 30,5 mois au lieu de 24, et aucune de ses deux phases n'a encore été complétée; le projet n° 2 a duré 29,5 mois au lieu de 21; le projet n° 3 a duré 33 mois au lieu de 24; le projet n° 5 (volet jumelage) a duré 29 mois au lieu de 24. Voir annexe IV.

60 Voir http://www.cfcu.gov.tr/FinancialAgreements

61 En 2009, la Cour a déjà fait observer que les autorités turques «ne disposai[ent]t pas de suffisamment de personnel qualifié et correctement formé pour traiter la masse budgétaire et le nombre élevé de projets». Voir rapport spécial n° 16/2009, point 38.

62 Les fonctions et responsabilités du coordinateur national IAP et de l'ordonnateur national sont définies aux articles 22 et 25 du règlement (CE) n° 718/2007 de la Commission portant application du règlement (CE) n° 1085/2006 du Conseil établissant un instrument d'aide de préadhésion (JO L 170 du 29.6.2007, p. 1), ainsi qu'aux articles 4, 8 et 9 du règlement d'exécution (UE) n° 447/2014 de la Commission du 2 mai 2014 relatif aux règles spécifiques de mise en œuvre du règlement (UE) n° 231/2014 du Parlement européen et du Conseil instituant un instrument d'aide de préadhésion (JO L 132 du 3.5.2014, p. 32).

63 Ces actions ont principalement été menées grâce au projet n° 6 de notre échantillon, qui relevait du secteur de la gouvernance.

64 Projets n° 5, 6, 9, 10, 12 et 14 (voir annexe IV).

65 Pour le projet n° 7, relevant du secteur de la gouvernance, le temps écoulé depuis la clôture du projet était insuffisant pour nous permettre d'évaluer la viabilité.

66 Voir les rapports annuels 2015 et 2016 de la Commission sur la Turquie (chapitre 24, p. 5, dans les deux cas).

Étape Date
Adoption du plan d'enquête/début de l'audit 17.1.2017
Envoi officiel du projet de rapport à la Commission (ou à toute autre entité auditée) 7.12.2017
Adoption du rapport définitif après la procédure contradictoire 6.2.2018
Réception des réponses officielles de la Commission (ou de toute autre entité auditée) dans toutes les langues 8.3.2018

Équipe d'audit

Les rapports spéciaux de la Cour présentent les résultats de ses audits relatifs aux politiques et programmes de l'UE ou à des questions de gestion concernant des domaines budgétaires spécifiques. La Cour sélectionne et conçoit ces activités d'audit de manière à maximiser leur incidence en tenant compte des risques susceptibles d'affecter la performance ou la conformité, du niveau des recettes ou des dépenses concernées, des évolutions escomptées ainsi que de l'importance politique et de l'intérêt du public.

Cet audit de la performance a été réalisé par la Chambre III (Action extérieure/Sécurité et justice), présidée par M. Karel Pinxten, Membre de la Cour. L'audit a été effectué sous la responsabilité de Mme Bettina Jakobsen, Membre de la Cour, assistée de: Mme Katja Mattfolk, chef de cabinet; M. Kim Storup, attaché de cabinet; M. Alejandro Ballester Gallardo, manager principal; M. Dennis Wernerus, chef de mission; MM. Nicola Berloco, Cyril Messein et Alexandre Tan, auditeurs. L'assistance linguistique a été assurée par Mme Fiona Urquhart.

De gauche à droite: Dennis Wernerus, Cyril Messein, Bettina Jakobsen, Kim Storup et Katja Mattfolk.

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