Rapport spécial
06 2023

Conflits d’intérêts et dépenses agricoles et de cohésion de l’UE Un cadre de prévention bien en place, non sans failles dans les mesures de transparence et de détection

À propos du rapportUn conflit d’intérêts est une irrégularité portant atteinte au budget de l’Union, qui survient lorsque l’exercice impartial et objectif des fonctions d’une personne intervenant dans la gestion du budget de l’UE est compromis pour des motifs familiaux, affectifs, d’affinité politique ou nationale, d’intérêt économique ou pour tout autre intérêt personnel.

Nous avons examiné si le traitement réservé aux conflits d’intérêts dans le cadre de la politique agricole et de la politique de cohésion était adéquat. Nous concluons que la Commission et les États membres ont mis en place un cadre pour prévenir et gérer les conflits d’intérêts, mais que la promotion de la transparence et la détection des situations à risque présentent encore des failles.

Nous recommandons à la Commission de prendre des mesures pour améliorer sa capacité à prévenir et à détecter et signaler les conflits d’intérêts, ainsi que pour promouvoir la transparence.

Rapport spécial de la Cour des comptes européenne présenté en vertu de l’article 287, paragraphe 4, deuxième alinéa, du TFUE.

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PDF Rapport spécial – Audit sur les conflits d’intérêts portant sur les dépenses agricoles et de cohésion de l’UE

Synthèse

I Un conflit d’intérêts est une irrégularité portant atteinte au budget de l’Union susceptible d’aller de pair avec des activités frauduleuses. Cette notion est définie dans le règlement financier de l’UE et dans les directives de l’UE sur les marchés publics.

II En 2018, une révision de l’article 61 du règlement financier a étendu explicitement les obligations de prévention des conflits d’intérêts aux personnes participant à la gestion partagée des fonds de l’UE dans les États membres. Il y a conflit d’intérêts lorsque l’exercice impartial et objectif des fonctions d’une personne intervenant dans l’exécution du budget de l’UE est compromis pour des motifs familiaux, affectifs, d’affinité politique ou nationale, d’intérêt économique ou pour tout autre intérêt personnel direct ou indirect.

III L’audit avait pour objectif de vérifier, à la lumière de la législation révisée, des affaires récentes et des intérêts des principales parties prenantes et des citoyens, si la Commission et les États membres ont traité de manière adéquate les conflits d’intérêts dans le cadre de la politique agricole commune et de la politique de cohésion. Il visait à mettre en évidence les éventuelles lacunes dans la gestion des conflits d’intérêts au niveau de la Commission et des États membres et à recommander des améliorations.

IV Nous avons évalué le cadre et les procédures en place pour prévenir les conflits d’intérêts, ainsi que les mesures visant à détecter, à résoudre et à signaler ces situations.

V Nous avons constaté que tant la Commission que les États membres ont déployé des efforts pour lutter contre les conflits d’intérêts. Des failles persistent toutefois et touchent notamment la promotion de la transparence, et, dans les États membres, la détection des situations à risque, ainsi que le signalement des cas de conflits d’intérêts qui, s’il était complet, donnerait à la Commission et aux autorités des États membres une vue d’ensemble claire.

VI Nous recommandons des mesures pour aider la Commission à améliorer sa capacité à prévenir et à détecter les conflits d’intérêts et à promouvoir la transparence.

Introduction

Conflits d’intérêts et budget de l’UE

01 Un conflit d’intérêts est une irrégularité portant atteinte au budget de l’UE susceptible d’aller de pair avec des activités frauduleuses. La Cour de justice de l’Union européenne a jugé que «la confusion d’intérêts constitue en soi et objectivement un dysfonctionnement grave, sans qu’il soit nécessaire de tenir compte, pour sa qualification, des intentions des intéressés et de leur bonne ou mauvaise foi»1. La notion de conflit d’intérêts est définie dans le règlement financier de l’UE2 et dans les directives de l’Union sur les marchés publics3.

02 Une révision de l’article 61 du règlement financier effectuée en 2018 étend explicitement les obligations de prévention des conflits d’intérêts aux personnes intervenant dans la gestion des fonds de l’UE dans les États membres. Cet article s’applique également aux personnes participant à la prise de décisions liées aux actes préparatoires des programmes de dépenses de l’UE, comme les membres de gouvernements. En vertu de l’article 61, paragraphe 3, il y a conflit d’intérêts lorsque l’exercice impartial et objectif des fonctions d’une personne intervenant dans l’exécution du budget de l’UE est compromis pour des motifs familiaux, affectifs, d’affinité politique ou nationale, d’intérêt économique ou pour tout autre intérêt personnel direct ou indirect.

03 En présence d’un conflit d’intérêts effectif ou apparent, l’autorité compétente doit veiller à ce que la personne concernée cesse toutes ses activités en rapport avec la matière concernée. L’article 36, paragraphe 3, du règlement financier exige que l’exécution du budget de l’UE soit soumise à un contrôle interne efficace, fondé sur les bonnes pratiques internationales et comprenant, notamment, la prévention des conflits d’intérêts.

04 Aux fins du présent rapport, nous entendons par «intérêt» un engagement, une obligation, un devoir ou un objectif associé à une pratique ou à un rôle socio-économique particulier. Cet intérêt peut amener à favoriser ou à défavoriser certaines personnes ou certains groupes. Un intérêt peut être direct ou indirect, financier ou non financier (voir figure 1).

Figure 1 – Différents types d’intérêts

Source: Victorian Public Sector Commission, 2016.

05 L’OCDE4 distingue différents types de conflits d’intérêts: les situations de conflit d’intérêts «effectif», «potentiel» et «apparent». Les différences entre ces situations, qui ne sont pas définies dans le droit de l’Union, sont présentées à la figure 2 ci-après, où elles sont replacées dans le contexte d’un financement de l’UE.

Figure 2 – Exemples de conflits d’intérêts effectif, apparent et potentiel

Source: Cour des comptes européenne.

06 Par ailleurs, des règles nationales peuvent également encadrer les conflits d’intérêts touchant les bénéficiaires privés de projets financés par l’UE (par exemple, entre des bénéficiaires et leurs fournisseurs), qui ne sont pas couverts par le règlement financier. Ces règles visent généralement à éviter le gonflement des prix, l’usage de faux pour justifier des dépenses ou le contournement des règles d’éligibilité5. Ce type de pratiques a été détecté par l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) ces dernières années6.

Conflits d’intérêts et gestion partagée

07 Environ la moitié des dépenses de l’UE sont en gestion partagée entre la Commission et les États membres (voir figure 3). C’est le cas des deux Fonds agricoles – le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) – et des trois principaux Fonds relevant de la politique de cohésion: le Fonds européen de développement régional (FEDER), le Fonds social européen (FSE) et le Fonds de cohésion (FC).

Figure 3 – Dépenses de l’UE en gestion partagée en 2021

Source: Cour des comptes européenne, sur la base de Commission européenne, Comptes annuels de l’Union européenne relatifs à l’exercice 2021.

08 En gestion partagée, la Commission reste responsable en dernier ressort de l’exécution du budget. La Commission obtient l’assurance nécessaire des systèmes de contrôle interne et d’information en place, fournit orientations et assistance aux organismes chargés de la mise en œuvre et de l’audit dans les États membres, effectue des audits et peut appliquer des corrections financières si les États membres ne protègent pas le budget de l’UE. Les États membres sont tenus de prendre des mesures efficaces et proportionnées pour prévenir, détecter et corriger les irrégularités (telles que les conflits d’intérêts) en gestion partagée, y compris celles résultant d’une fraude, et pour recouvrer les montants indûment versés.

09 Dans le domaine de la cohésion, les autorités de gestion sont chargées d’évaluer les demandes de subvention, de sélectionner les projets à financer, de réaliser les vérifications administratives et sur place, d’ordonnancer les paiements, de collecter des données sur chaque opération et de mettre en place des mesures de lutte contre la fraude. Les autorités de gestion peuvent confier certaines de leurs fonctions à des organismes intermédiaires ou délégués, comme des ministères ou d’autres organismes publics ou privés. Des autorités d’audit indépendantes vérifient le bon fonctionnement des systèmes de gestion et des contrôles internes d’un programme opérationnel.

10 Dans le domaine de l’agriculture (voir figure 4), les autorités de gestion gèrent les programmes de développement rural financés par le Feader. La gestion et le contrôle des dépenses du FEAGA et du Feader relèvent de la compétence des organismes payeurs. Ils peuvent déléguer à d’autres autorités publiques ou privées des fonctions telles que la gestion des demandes d’aide ou les contrôles sur place des bénéficiaires finals. Les organismes de certification émettent un avis sur l’exhaustivité, l’exactitude et la véracité des comptes annuels de l’organisme payeur, sur le bon fonctionnement de son système de contrôle interne ainsi que sur la légalité et la régularité des dépenses dont le remboursement a été demandé à la Commission.

Figure 4 – La gestion partagée dans la PAC

Source: Cour des comptes européenne.

Risques de conflit d’intérêts et protection de l’état de droit

11 Un rapport de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)7 souligne le risque majeur que peuvent représenter les conflits d’intérêts dans le cadre de la gestion partagée tout au long du cycle de gestion d’un projet. Au cours de la phase de présentation des demandes et de sélection des projets, toute collusion entre des fonctionnaires, des demandeurs et des tiers peut se solder par des attributions inéquitables. Des fraudeurs peuvent corrompre des fonctionnaires et falsifier des documents. Au cours de la phase de clôture et d’évaluation des projets, les conflits d’intérêts peuvent compromettre l’objectivité des rapports d’évaluation.

12 En janvier 2022, Transparency International a publié la dernière version de son indice de perception de la corruption (IPC). Cet indice porte sur la corruption, mais aussi sur d’autres formes de détournement de fonds publics. Il évalue les mécanismes de prévention, tels que la capacité des pouvoirs publics à faire appliquer des systèmes visant à garantir l’intégrité, ou encore l’existence de lois adéquates sur l’information financière, la prévention des conflits d’intérêts et l’accès à l’information. Dans l’ensemble, l’UE est, en moyenne, perçue comme moins corrompue que les autres régions. Le Danemark, la Suède et la Finlande figurent dans le haut du classement. La Roumanie, la Hongrie et la Bulgarie sont les pays de l’UE les moins bien classés (voir figure 5).

Figure 5 – Indice de perception de la corruption 2021 – Union européenne

Source: Cour des comptes européenne, sur la base de Transparency International, Indice de perception de la corruption 2021, 2022.

13 En décembre 2020, le Parlement européen et le Conseil ont adopté le règlement (UE, Euratom) 2020/2092 relatif à un régime général de conditionnalité pour la protection du budget de l’Union. Le règlement dresse une liste des situations qui peuvent être indicatives de violations des principes de l’état de droit. Selon l’article 3 du règlement, «le fait de ne pas veiller à l’absence de conflits d’intérêts» fait partie de ces situations. Lorsque ces violations ont une incidence suffisamment directe sur la bonne gestion financière du budget de l’UE ou si le risque qu’elles aient une telle incidence est sérieux, la Commission doit proposer des mesures appropriées. La Commission a publié en mars 2022 des lignes directrices détaillant les modalités d’application des dispositions8. Le 27 avril 2022, elle a envoyé une lettre de notification à la Hongrie, lançant officiellement la procédure prévue par le règlement 2020/2029 pour protéger le budget de l’UE. Le 18 septembre 2022, la Commission a proposé au Conseil des mesures visant à protéger le budget de l’UE et les intérêts financiers de celle-ci contre les violations des principes de l’état de droit en Hongrie9.

Étendue et approche de l’audit

14 Notre objectif était de vérifier si les conflits d’intérêts sont traités de manière adéquate dans le cadre de la politique agricole commune et de la politique de cohésion, à la lumière de la législation révisée, des affaires récentes et des intérêts des principales parties prenantes telles que le Parlement européen et les citoyens. Pour ce faire, nous avons examiné si la Commission et les États membres avaient:

  • mis en place un cadre juridique complet, élaboré des procédures adéquates et mené des actions de sensibilisation pour prévenir les situations de conflit d’intérêts;
  • pris des mesures pour détecter, résoudre et signaler les conflits d’intérêts.

15 Nous nous sommes concentrés sur les conflits d’intérêts dans le cadre de la gestion partagée au sens du règlement financier et de la directive sur les marchés publics, mais nous avons également abordé la question des conflits d’intérêts touchant des bénéficiaires privés des fonds de l’UE. Notre examen a porté sur les mesures financées par le FEDER et le FC, le FSE, le FEAGA et le Feader, qui représentent près de 95 % de l’ensemble des dépenses en gestion partagée.

16 Nous avons collecté des éléments probants par différents moyens:

  • un contrôle documentaire des documents stratégiques, législatifs, politiques et d’orientation sur les conflits d’intérêts;
  • des entretiens avec des représentants de cinq directions générales (DG) de la Commission10 ainsi que de l’OLAF, du Parquet européen11, du Médiateur européen, de l’OCDE, du GRECO12, du Bureau de la déontologie des Nations Unies, de groupes de réflexion, des universitaires et experts scientifiques, et d’autres parties prenantes concernées;
  • des entretiens avec des représentants de plus de 50 autorités nationales et régionales dans quatre États membres (l’Allemagne13, la Hongrie, Malte et la Roumanie), qui gèrent les fonds de cohésion et les fonds agricoles, ainsi que d’organisations non gouvernementales. Nous avons sélectionné ces quatre États membres en fonction de critères tels que la taille, la structure nationale et régionale, la couverture géographique, l’importance relative de l’aide de l’UE en faveur de la cohésion et de l’agriculture, le classement dans différents indices de corruption et le signalement des conflits d’intérêts à la Commission (OLAF). Nous avons par ailleurs pris contact avec deux autres États membres (l’Italie et le Luxembourg) au sujet d’affaires particulières impliquant des conflits d’intérêts rapportées par les médias et nous avons inclus des exemples pertinents relevés en Tchéquie lors de nos travaux à l’appui de la déclaration d’assurance;
  • une enquête menée auprès de tous les États membres de l’UE pour recueillir leur avis ainsi que des informations en vue de compléter les travaux d’audit effectués sur notre échantillon d’États membres. Nous avons adressé cette enquête aux principaux organismes intervenant dans la gestion partagée, notamment les autorités de gestion, les organismes payeurs, les autorités d’audit, les organismes de certification et les autorités de certification. Nous avons obtenu un taux de réponse supérieur à 90 %.

17 En décembre 2021, nous avons organisé une table ronde sur les conflits d’intérêts dans le contexte de la gestion partagée avec des experts scientifiques et des spécialistes de l’administration et des politiques publiques. Ces personnes nous ont aidés à élaborer nos constatations d’audit et les ont corroborées.

Observations

Les mesures visant à améliorer la transparence et à protéger les lanceurs d’alerte ne sont pas encore en place

18 Les autorités des États membres intervenant dans la gestion partagée devraient avoir une politique rigoureuse en matière de prévention des conflits d’intérêts, fondée sur un cadre juridique, des stratégies et des procédures clairs et complets ainsi que sur des activités de sensibilisation récurrentes. La transparence de l’accès aux informations sur les bénéficiaires de fonds de l’UE et la protection des lanceurs d’alerte contribuent également à prévenir les conflits d’intérêts.

19 Afin d’éviter les conflits d’intérêts en interne, la Commission devrait recenser les risques en la matière, sensibiliser ses agents à cette question et leur proposer des formations appropriées. Étant donné qu’elle est responsable en dernier ressort du budget de l’UE, elle devrait vérifier que les systèmes de contrôle des États membres qui traitent le risque de conflit d’intérêts fonctionnent efficacement et elle devrait fournir des orientations aux autorités compétentes.

La Commission propose une offre de formation complète et exige obligatoirement des déclarations, mais ses procédures en matière de pantouflage comportent des failles

20 En interne, la Commission a intégré la question des conflits d’intérêts à son cadre en matière d’éthique et d’intégrité, dont les contours sont principalement définis par le statut des fonctionnaires de l’UE14, ses modalités d’application15 ainsi que les codes et guides de déontologie. Les règles de la Commission imposent aux membres du personnel de déclarer ponctuellement les conflits d’intérêts susceptibles de compromettre leur impartialité. Les règles régissent l’acceptation de cadeaux, d’offres d’hospitalité et de faveurs, la déclaration des activités professionnelles exercées par les conjoints ou partenaires des membres du personnel, ainsi que l’obligation de demander une autorisation préalable pour toute activité extérieure et de déclarer les activités après la cessation de fonctions. Les procédures d’application varient d’une DG à l’autre.

21 Les membres du personnel de la Commission doivent déclarer d’éventuels conflits d’intérêts à différents moments de leur vie professionnelle: à leur entrée en service, s’ils participent à une procédure de marché public, lorsqu’ils quittent l’institution et lorsqu’ils rentrent d’un congé de convenance personnelle. Dans les DG Politique régionale et urbaine (DG REGIO) et Emploi, affaires sociales et inclusion (DG EMPL), les auditeurs présentent une déclaration avant chaque mission d’audit, tandis que les auditeurs de la DG Agriculture et développement rural (DG AGRI) sont tenus de signaler les situations dans lesquelles ils pourraient se trouver confrontés à un conflit d’intérêts.

22 La Commission a publié des orientations internes16 et dispose d’un programme de formation complet en matière d’éthique, ainsi que d’une page consacrée à ce thème sur son intranet. Les membres du personnel qui estiment se trouver dans une situation de conflit d’intérêts doivent en informer immédiatement l’entité organisationnelle responsable de leur nomination («l’autorité investie du pouvoir de nomination») et sont invités à en informer également leur supérieur hiérarchique. L’autorité investie du pouvoir de nomination est chargée de prévenir tout conflit d’intérêts potentiel. Les déclarations d’intérêts des agents sont stockées dans l’application de gestion des ressources humaines de la Commission. Les orientations de la Commission sur la gestion des fonctions sensibles prônent une gestion plus efficace et proactive des risques de contrôle interne. Il s’agit notamment de repenser les processus, de mettre en place des contrôles internes renforcés, de prendre des mesures de sensibilisation ou de travailler tous ces aspects à la fois. Dans les orientations, une rotation obligatoire des membres du personnel exerçant des fonctions sensibles est recommandée en dernier ressort.

23 Le Médiateur européen, un organe indépendant et impartial qui examine les plaintes pour mauvaise administration de la part des institutions et organes de l’UE, a traité quelque 70 affaires de conflits d’intérêts au sein des institutions de l’UE depuis 2013. La majorité de ces affaires (44) concernaient des conflits d’intérêts au sein de la Commission, notamment la question du «pantouflage», qui consiste pour une personne à passer d’un emploi dans la fonction publique à un emploi en lien avec ce poste, mais dans le secteur privé. En 2019, la Médiatrice européenne a conclu que si les pratiques de la Commission respectaient bien les règles, cette dernière pourrait toutefois faire davantage pour les rendre plus efficaces et plus utiles. Elle a notamment recommandé à la Commission d’adopter une approche plus solide dans son traitement des situations de pantouflage, lorsque de hauts fonctionnaires sont concernés17.

24 Plus récemment, la Médiatrice a examiné 100 décisions prises par la Commission entre 2019 et 2021 concernant des situations de «pantouflage» dont ont fait l’objet des membres de son personnel18. Elle a constaté des progrès depuis sa dernière enquête, mais a tout de même formulé plusieurs suggestions. L’une d’entre elles consistait pour la Commission à interdire temporairement aux anciens fonctionnaires d’accepter tout emploi qui présenterait un risque que des restrictions dûment contrôlées et appliquées ne permettraient pas d’atténuer19.

La Commission constate des faiblesses dans les procédures de prévention des États membres et fournit des orientations utiles

25 La Commission gère le risque de conflit d’intérêts dans le contexte de la gestion partagée au niveau des États membres principalement en réalisant des audits des systèmes de gestion et de contrôle et en fournissant des orientations. Les audits des systèmes visent à obtenir l’assurance que les systèmes de gestion et de contrôle des États membres sont efficaces pour prévenir, détecter et corriger les erreurs et les irrégularités, y compris celles liées aux conflits d’intérêts. En outre, dans le domaine de la cohésion, la Commission a commencé, fin 2021, à réaliser des audits thématiques des mesures prises dans le cadre de programmes spécifiques ou dans des États membres particuliers afin d’éviter les conflits d’intérêts.

26 Nous avons examiné un échantillon de dossiers d’audits des systèmes de la Commission, dix dans le domaine de la cohésion et dix autres dans celui de l’agriculture. Les dix audits dans le domaine de la cohésion ont consisté à évaluer les systèmes de gestion et de contrôle des marchés publics et comportaient des constatations spécifiques sur l’absence d’éléments attestant que les conflits d’intérêts faisaient bien l’objet de contrôles (voir encadré 1).

Encadré 1

Faiblesses dans les procédures de marchés publics en Hongrie

En 2019, la Commission a constaté de graves lacunes dans le fonctionnement du système de gestion et de contrôle en Hongrie en ce qui concerne le contrôle des procédures de marchés publics. Elle a appliqué une correction forfaitaire de 10 % à tous les marchés concernés.

Source: Commission.

27 Sur les dix dossiers d’audit que nous avons examinés dans le domaine de l’agriculture, quatre concernaient l’agrément des organismes payeurs, tandis que six autres portaient sur des investissements en faveur du développement rural réalisés par des bénéficiaires publics. Les constatations concernaient principalement des lacunes dans les procédures de marchés publics, comme des déclarations de conflits d’intérêts manquantes ou non datées, ou des listes de contrôle des organismes payeurs insuffisamment détaillées. Nous avons constaté qu’en dehors des contrôles des systèmes portant sur les critères d’agrément des organismes payeurs, les audits de la DG AGRI ne couvraient pas spécifiquement les mesures visant à prévenir les conflits d’intérêts dans le domaine des paiements directs jusqu’en 2021, alors même que des conflits d’intérêts peuvent survenir dans la gestion de ces paiements (voir exemples dans l’encadré 2 ci-après).

Encadré 2

Conflits d’intérêts dans les paiements directs

Au Luxembourg, un employé du ministère de l’agriculture ayant accès à des données confidentielles sur des parcelles agricoles pour lesquelles personne n’avait demandé d’aide a partagé ces informations avec son épouse, elle-même agricultrice. Celle-ci a alors déposé une demande d’aide pour ce terrain. L’employé, qui n’a pas signalé ce conflit d’intérêts à son supérieur hiérarchique, a été condamné à deux ans d’emprisonnement avec 18 mois de sursis.

En Roumanie, un fonctionnaire de l’organisme payeur chargé des paiements directs a approuvé des demandes d’aide pour une entreprise dont il était actionnaire. L’Agence nationale roumaine pour l’intégrité a confirmé qu’il s’agissait d’un conflit d’intérêts et a demandé à l’organisme payeur de prendre les mesures appropriées. À l’issue d’une procédure disciplinaire, le fonctionnaire a été sanctionné et son salaire a été réduit pendant trois mois.

Source: Cour des comptes européenne.

28 En avril 2021, la Commission a publié de nouvelles orientations sur les conflits d’intérêts qui couvrent tous les modes de gestion. Les dernières lignes directrices consacrées aux conflits d’intérêts, élaborées en concertation avec des experts des États membres, datent de 2015 dans le domaine de l’agriculture et de 2013 dans celui de la cohésion20. Le Centre de connaissances anti-fraude de la Commission a publié des orientations sur la détection, la gestion et le suivi des conflits d’intérêts dans le cadre du FEDER et du FSE. Son site internet héberge une bibliothèque d’études de cas, qui contient des cas de fraude détectés anonymisés et les enseignements qui en ont été tirés. En 2011, l’OLAF a également publié un recueil ponctuel compilant des cas de fraude détectés anonymisés et les enseignements qui en ont été tirés, dont l’un des chapitres porte sur des affaires de conflits d’intérêts.

Les États membres disposent d’un cadre pour prévenir les conflits d’intérêts, mais il n’a pas évolué depuis l’adoption de la nouvelle définition par l’UE

29 L’article 61 du règlement financier, relatif aux conflits d’intérêts, est directement applicable dans tous les États membres. En outre, tous les États membres et toutes les régions de notre échantillon disposent, aux échelons national et régional, de définitions et de descriptions des situations de conflit d’intérêts ainsi que de règles applicables aux fonctionnaires et aux membres de l’exécutif. Dans les États membres que nous avons examinés, nous avons constaté que ces règles nationales ou régionales étaient disséminées dans différents textes de droit pénal et administratif, ce qui crée un cadre juridique très fragmenté, dont le champ d’application est généralement moins détaillé qu’à l’article 61 du règlement financier.

30 Par exemple, en Allemagne, les règles n’incluent pas explicitement les situations de conflit d’intérêts résultant d’«affinités politiques» ou de liens «affectifs». Dans les quatre États membres de notre échantillon, les règles relatives aux conflits d’intérêts font partie du cadre général en matière d’éthique, d’intégrité et de lutte contre la fraude applicable aux fonctionnaires. Nous avons constaté qu’aucune modification majeure n’avait été apportée aux règles et procédures des États membres de l’échantillon en ce qui concerne les fonds de l’UE depuis l’ajout de la gestion partagée dans le règlement financier en 2018.

Les États membres disposent de procédures pour gérer les conflits d’intérêts, mais des failles persistent

31 Dans le domaine de l’agriculture, les critères d’agrément exigent des organismes payeurs qu’ils prennent les mesures nécessaires pour éviter les situations de conflit d’intérêts. Les organismes de certification de notre échantillon de régions et d’États membres n’ont signalé aucune faiblesse systémique concernant ces mesures au cours de la période de programmation 2014-2020.

32 Dans le domaine de la cohésion, avant que les programmes 2014-2020 ne débutent, les autorités de gestion devaient procéder à des évaluations des risques concernant l’incidence et la probabilité de fraudes sur les principaux processus de gestion des programmes, et mettre en place des mesures adéquates pour atténuer ces risques. Les mesures antifraude mises en place devaient être vérifiées par un organisme d’audit indépendant dans le cadre du processus de désignation des autorités de gestion. La mise en œuvre de ces mesures antifraude a fait l’objet de plusieurs audits réalisés ultérieurement par la Commission ainsi que par les États membres.

33 La mesure préventive la plus couramment utilisée par les autorités des États membres que nous avons examinées est la déclaration d’intérêts sur l’honneur. Elles doivent généralement être remplies lors du recrutement et avant des étapes importantes de la gestion des fonds de l’UE (octroi de subventions, marchés publics, contrôles et audits), mais ce principe ne s’applique pas aux ministres ou aux secrétaires d’État qui élaborent et décident des programmes de l’UE. La Roumanie est le seul État membre de notre échantillon à recueillir et à publier les déclarations annuelles de patrimoine et d’intérêts de tous les fonctionnaires. Toutefois, l’Agence n’analyse ou ne vérifie le contenu de ces déclarations que si une enquête est ouverte.

34 À Malte, en Hongrie et en Roumanie, les ministres du gouvernement doivent fournir régulièrement des déclarations de revenus et de patrimoine. Ce n’est pas le cas en Allemagne, tant au niveau fédéral que régional. Les ministres ne doivent présenter ce type de déclarations que s’ils sont également membres du parlement, et celles-ci comportent moins d’éléments que celles des autres États membres de notre échantillon.

35 En vertu de l’article 61, paragraphe 2, du règlement financier, les agents de la fonction publique des États membres confrontés à une situation présentant un risque de conflit d’intérêts doivent en référer à leur supérieur hiérarchique et, si l’existence d’un conflit d’intérêts est établie, cesser toute activité en rapport avec la matière concernée. Les autorités que nous avons consultées nous ont informés que ces déclarations étaient recueillies sur support papier et stockées par le service des ressources humaines et qu’elles pouvaient être utilisées si des allégations de conflits d’intérêts venaient à être portées ultérieurement. Toutefois, les autorités nationales ou régionales n’enregistrent généralement pas ces déclarations dans une base de données centrale, à l’exception de la Roumanie et de l’organisme payeur en charge des fonds agricoles en Hongrie.

36 Les autorités des États membres de notre échantillon jugeaient importantes les mesures de formation et d’information visant à prévenir les conflits d’intérêts. Dans l’ensemble, nous avons constaté qu’elles dispensaient des formations adaptées en matière d’éthique et de lutte contre la corruption et la fraude. Les conflits d’intérêts sont généralement abordés dans le cadre de la formation consacrée à la lutte contre la fraude, mais souvent comme un thème secondaire.

37 Les autorités des États membres mènent également des actions de sensibilisation auprès des agents intervenant dans la gestion des fonds de l’UE. Nous avons trouvé plusieurs exemples de bonnes pratiques dans ce domaine (voir exemple dans l’encadré 3).

Encadré 3

Activités de sensibilisation au risque de conflit d’intérêts au sein d’entités publiques

En Roumanie, dans le cadre du projet LINC, l’Agence nationale pour l’intégrité, en coopération avec Transparency International, a organisé dans les ministères, les autorités de gestion et les organismes intermédiaires des séances d’information sur la lutte contre la fraude et la corruption. L’Agence a élaboré des guides expliquant comment déclarer ses intérêts et son patrimoine, ainsi qu’un recueil compilant des cas de conflits d’intérêts. Les autorités de gestion et les agences roumaines organisent chaque année des séances de formation afin d’expliquer comment remplir ces déclarations.

En Allemagne, deux autorités de gestion régionales ont organisé conjointement des séances de formation à la lutte contre la corruption dans le but de partager leurs expériences. Une autre région propose régulièrement à l’ensemble des agents de la fonction publique des formations sur la prévention de la corruption et des conflits d’intérêts dispensées sur une plateforme d’apprentissage en ligne.

Source: Cour des comptes européenne.

38 Les autorités allemandes publient des rapports annuels sur la corruption et l’intégrité, accessibles au public, où elles présentent le niveau global de corruption dans le secteur public au niveau fédéral. Ces rapports contiennent des statistiques sur les infractions pénales de cette nature ainsi que des exemples anonymisés d’affaires de corruption, dont des conflits d’intérêts. Ils ne fournissent aucune information sur la corruption en lien avec la gestion des fonds de l’UE, et il n’existe pas de rapports comparables à l’échelon régional. Or c’est à ce niveau que sont gérés la plupart des programmes de l’UE dans les domaines de l’agriculture et de la cohésion.

39 En Roumanie, l’Agence nationale pour l’intégrité publie des rapports d’activité annuels et trimestriels sur son site internet, où elle présente des informations telles que le nombre de cas de conflit d’intérêts établis par les tribunaux, le nombre de fonctionnaires sanctionnés, leur fonction et l’institution pour laquelle ils travaillent, ainsi que la nature des sanctions infligées. Ces rapports, bien que très détaillés, ne présentent que les cas sur lesquels des inspecteurs de l’Agence ont enquêté.

40 Les autorités des États membres appliquent également d’autres mesures préventives:

  • la répartition fonctionnelle des tâches (séparation des fonctions);
  • l’application du principe des «quatre yeux»;
  • la réalisation de contrôles à la fois lors de la phase de présentation des demandes et lors de la phase de mise en œuvre d’un projet;
  • la réalisation de contrôles, y compris par des auditeurs internes, ou, dans le cas d’autorités subordonnées/locales, par l’autorité supérieure;
  • des audits effectués par l’organisme de certification/l’autorité d’audit, les institutions de contrôle nationales ou régionales, la Commission et la Cour des comptes européenne;
  • la rotation du personnel dans la mesure du possible ou un changement des responsabilités.

41 La rotation du personnel est un outil important pour éviter les conflits d’intérêts. Pourtant, les autorités responsables de la gestion partagée dans les États membres retenus dans notre échantillon n’ont pas appliqué ce principe de manière régulière et cohérente. En Allemagne, l’accent a été davantage mis sur la séparation des fonctions et sur le principe des «quatre yeux». À Malte, les agents expérimentés et formés n’étaient pas suffisamment nombreux pour permettre une rotation efficace. En Roumanie, les fonctionnaires du service chargé d’évaluer et de sélectionner les projets susceptibles de bénéficier de fonds de cohésion n’ont pas fait l’objet d’une rotation car les connaissances et les compétences requises pour ce travail devaient être préservées.

42 Les règles en matière de «pantouflage» (voir point 23) peuvent également contribuer à prévenir les conflits d’intérêts. Trois des quatre États membres que nous avons examinés ont prévu des dispositions juridiques visant à limiter ce risque, la Hongrie faisant exception. Toutefois, en Roumanie et en Allemagne, les organismes intervenant dans la gestion des fonds de l’UE ne vérifient pas que les membres du personnel qui quittent leur organisation respectent les règles applicables après la cessation de leurs fonctions. À Malte, les personnes dont le poste inclut des fonctions de réglementation ou d’inspection sont soumises à la directive sur les règles en matière de pantouflage pour les employés du secteur public. Cependant, l’annexe de la directive ne cite pas les employés des autorités que nous avons contrôlées parmi les personnes exerçant ce type de fonctions, ce qui signifie qu’ils ne sont pas soumis à la directive. Un audit interne réalisé en 2021 par les autorités roumaines de gestion des Fonds structurels a également mis au jour des faiblesses au niveau des mesures de prévention des conflits d’intérêts et du pantouflage.

Des efforts constants pour accroître la transparence autour des bénéficiaires de financements de l’UE

43 L’accès à des informations ouvertes, comparables et transparentes sur les bénéficiaires finals des financements de l’UE facilite le contrôle public et les enquêtes en cas de soupçons de conflits d’intérêts. Il augmente la probabilité de détecter un conflit d’intérêts et peut donc avoir un effet préventif et dissuasif.

44 Les sites internet des DG de la Commission travaillant en gestion partagée contiennent des liens vers des sites internet nationaux et régionaux répertoriant les bénéficiaires de fonds de l’UE dans les domaines de l’agriculture et de la cohésion21. En outre, la Commission met à la disposition du public la plateforme en ligne Kohesio, qui contient des informations sur les projets financés par la politique de cohésion dans tous les États membres. Toutefois, les données publiées à des fins de transparence sont limitées, notamment pour ne pas enfreindre les réglementations européennes et nationales en matière de protection des données. Par exemple, l’identité des bénéficiaires de la PAC ayant reçu jusqu’à 1 250 euros n’est pas divulguée22. Lorsque les bénéficiaires finals sont des personnes morales, les sites internet ne contiennent aucune information à leur sujet, ce qui ne figurait pas parmi les exigences de la législation applicable à la période 2014-2020.

45 Selon une étude récente commandée par le Parlement européen, les organismes publics, les sociétés à responsabilité limitée et autres personnes morales représentaient environ un dixième des bénéficiaires de la PAC, mais captaient plus d’un tiers des fonds de l’UE23. Dans le domaine de la cohésion, l’identification des bénéficiaires effectifs finals des entreprises recevant un financement de l’UE devient obligatoire pour la nouvelle période de programmation, qui succède à la période 2014-202024. En ce qui concerne l’agriculture, le cadre juridique pour la période 2023-2027 impose aux bénéficiaires de fournir, le cas échéant, des informations sur les groupes d’entreprises auxquels ils participent25. Il n’exige toutefois pas que les bénéficiaires effectifs finals soient identifiés.

46 La directive anti-blanchiment a institué la mise en place de registres des bénéficiaires effectifs en 2017. Transparency International pointe le fait que les registres ne sont pas rendus publics en Hongrie et en Roumanie, tandis que l’accès à ceux de l’Allemagne et de Malte est payant. Les bases de données des autorités en charge de la gestion partagée dans notre échantillon d’États membres ne sont pas interconnectées avec ces registres, ce qui accroît le risque que des conflits d’intérêts ne soient pas détectés. Toute démarche visant à renforcer la transparence doit toutefois respecter l’arrêt de novembre 2022 de la Cour de justice de l’Union européenne sur l’accès aux données sur les bénéficiaires effectifs.

Transposition tardive de la directive sur la protection des lanceurs d’alerte

47 On entend par «alerte éthique» une situation dans laquelle une personne révèle des informations obtenues dans l’exercice de ses fonctions pour une organisation, ou en relation avec celle-ci, concernant des faits de corruption ou tout autre acte répréhensible commis par cette organisation ou en son sein. Une personne ne peut être qualifiée de «lanceur d’alerte» que si elle fait partie de cette organisation et s’expose donc à des représailles, contrairement à des clients, par exemple, ou à d’autres personnes qui ne travailleraient pas pour cette organisation ou avec elle. Les mesures de protection des lanceurs d’alerte peuvent contribuer à prévenir et à détecter la corruption et la fraude. Les États membres avaient jusqu’à décembre 2021 pour transposer les dispositions de la directive européenne sur les lanceurs d’alerte concernant la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union, y compris des conflits d’intérêts portant atteinte à la protection des intérêts financiers de l’UE.

48 Début 2022, la Commission a adressé des lettres de mise en demeure à 24 États membres qui n’avaient pas notifié de mesures visant à assurer la transposition complète de la directive avant l’échéance du 17 décembre 2021. En mai 2022, seuls huit États membres avaient transposé la directive dans leur législation nationale26. La Commission suit la situation dans les autres États. Parmi ceux que nous avons examinés, Malte est le seul à avoir transposé la directive, mais l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a relevé des lacunes graves dans la loi maltaise sur la protection des lanceurs d’alerte27.

Des failles dans les mesures prises pour détecter, résoudre et signaler les conflits d’intérêts

49 La Commission et les autorités des États membres devaient mettre en place des procédures permettant de détecter les situations de conflit d’intérêts impliquant des membres de leur personnel. Dans le contexte de la gestion partagée, il incombe en premier lieu aux autorités nationales de détecter et de gérer les conflits d’intérêts au niveau des bénéficiaires. La Commission peut également détecter des conflits d’intérêts dans les États membres lorsqu’elle vérifie le fonctionnement des systèmes de contrôle nationaux. L’exploration de données, par le recoupement d’informations provenant de différentes sources, peut contribuer à détecter d’éventuels conflits d’intérêts.

50 Une fois que des irrégularités liées à des conflits d’intérêts sont mises au jour, elles doivent être traitées et résolues de manière appropriée. Pour mieux surveiller les risques associés, il est essentiel de recueillir des informations fiables sur les conflits d’intérêts détectés.

La Commission se concentre sur les cas suspects signalés

51 L’Office d’investigation et de discipline de la Commission (IDOC) mène des enquêtes administratives et des procédures disciplinaires concernant le personnel de la Commission. Il ouvre une enquête sur la base du mandat que lui confie l’autorité investie du pouvoir de nomination lorsqu’un lanceur d’alerte ou une autre source lui fait part d’allégations. L’exactitude, la fiabilité et l’exhaustivité des informations communiquées à l’autorité investie du pouvoir de nomination relèvent de la responsabilité individuelle de chaque membre du personnel.

52 Les DG retenues dans notre échantillon responsables de domaines d’action en gestion partagée ne vérifient pas non plus les informations fournies par les agents dans leurs déclarations sur l’honneur (voir point 22), à moins qu’il n’existe des raisons de penser qu’une enquête pourrait être justifiée. En 2020, selon le rapport d’activités de l’IDOC28, trois des 83 nouvelles affaires enregistrées concernaient des conflits d’intérêts au sein de la Commission.

53 L’OLAF est également habilité à enquêter sur des infractions graves qui auraient pu être commises par des agents de l’UE dans l’exercice de leurs activités professionnelles et à formuler des recommandations à caractère disciplinaire. Dans son rapport annuel 202029, l’OLAF a publié un instantané des recommandations disciplinaires formulées entre 2016 et 2020. Dans 21 cas, il s’agissait de situations de conflit d’intérêts potentiel.

54 Il arrive parfois que la Commission détecte des conflits d’intérêts lors de ses audits généraux des systèmes dans les États membres. L’échantillon de 20 audits des systèmes de la Commission que nous avons examiné (voir points 26 et 27) comprenait un cas dans lequel la DG AGRI avait détecté un conflit d’intérêts au sein du personnel d’un organisme délégué en Espagne et avait appliqué une correction financière.

55 Les DG responsables de domaines d’action spécifiques (comme la DG REGIO et la DG AGRI) assurent également le suivi des allégations portées par des lanceurs d’alerte ou des médias, comme dans le cas de l’ancien Premier ministre tchèque (voir encadré 4).

Encadré 4

Allégations de conflits d’intérêts en Tchéquie

Des ONG et des médias ont porté des allégations de conflit d’intérêts à l’encontre du Premier ministre tchèque de l’époque dénonçant le fait que des entreprises se trouvant sous son contrôle bénéficiaient d’aides de l’UE dans le domaine de l’agriculture et de la cohésion. La Commission (DG AGRI, EMPL et REGIO) a réalisé un audit coordonné au début de 2019. La DG EMPL et la DG REGIO ont publié leur rapport d’audit final en décembre 2019. Tout au long de 2020 et de 2021, ces deux DG ont contrôlé les suites données aux conclusions et recommandations tirées de leur audit par les autorités tchèques. Compte tenu de l’intérêt public et de la demande du Parlement européen, le rapport d’audit final a été rendu public le 24 avril 2021. Dans son rapport annuel d’activités 2021, la DG REGIO a indiqué publiquement que des progrès avaient été accomplis en ce qui concerne la plupart des recommandations, mais que trois d’entre elles étaient toujours en cours de mise en œuvre, y compris celle concernant le conflit d’intérêts supposé. En juillet 2022, la DG EMPL et la DG REGIO ont clôturé le suivi de cet audit, toutes les recommandations en suspens ayant été mises en œuvre.

La DG AGRI a contrôlé les mesures d’investissement du Feader concernées. Elle a émis une réserve à l’égard de l’organisme payeur tchèque en ce qui concerne son programme de développement rural, comme elle l’indique dans son rapport annuel d’activités 2021. La réserve a donné lieu à un plan d’action – en cours actuellement – invitant les autorités tchèques à prendre des mesures correctives. À l’issue de l’audit, la décision a été prise d’imposer des corrections financières à la Tchéquie.

Source: Commission européenne.

56 En outre, l’OLAF a le pouvoir de diligenter des enquêtes sur de potentiels cas de fraude, actes de corruption et toute autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de l’UE, y compris les conflits d’intérêts, s’il existe suffisamment d’éléments de nature à éveiller des soupçons. Il peut conclure ses enquêtes par des recommandations aux DG en vue du recouvrement des montants dépensés de manière irrégulière, et transmettre les dossiers aux organes nationaux chargés des poursuites ou au Parquet européen.

57 L’OLAF a clôturé 10 dossiers ouverts au cours des trois dernières périodes de programmation relatifs à des projets relevant de la PAC et comportant un volet lié à un conflit d’intérêts (cinq concernaient des fonds de préadhésion, un pour la période 2000-2006, trois pour la période 2007-2013 et un pour la période 2014-2020). Il a recommandé à la DG AGRI le recouvrement d’un montant total de 20 347 891 euros auprès des États membres concernés.

58 Dans le domaine de la cohésion, entre 2000 et 2021, l’OLAF a clôturé 18 dossiers de conflits d’intérêts concernant le FEDER et le FC, dont 16 comportaient des recommandations financières adressées à la DG REGIO pour un montant total de 162 970 401 euros. Au cours de la période 2000-2022, l’OLAF n’a ouvert aucune enquête sur des conflits d’intérêts en lien avec le FSE.

Les États membres accordent une grande importance à la détection des conflits d’intérêts dans les marchés publics, mais ne portent pas une attention suffisante à certains signaux d’alerte

59 L’article 61, paragraphe 3, du règlement financier, prévoit que l’exercice des fonctions d’une personne intervenant dans l’exécution du budget de l’UE ou dans l’élaboration du cadre juridique correspondant ne doit pas être «compromis pour des motifs familiaux, affectifs, d’affinité politique ou nationale, d’intérêt économique ou pour tout autre intérêt personnel direct ou indirect». Plusieurs des autorités que nous avons consultées nous ont confié qu’il était difficile d’obtenir des informations sur la vie affective, les affinités politiques et les intérêts personnels de ces personnes et que ces informations étaient souvent couvertes par les règles en matière de protection des données. Il n’est donc pas possible de détecter tous les motifs qui pourraient donner lieu à un conflit d’intérêts en recoupant des registres et des bases de données.

60 Les autorités des États membres accordent une plus grande importance à la détection des conflits d’intérêts dans les procédures de marchés publics que dans d’autres domaines d’activité. Les lignes directrices de la Commission pour la détermination des corrections financières à appliquer aux dépenses financées par l’Union en cas de non-respect des règles en matière de marchés publics, publiées en 2019, recommandent une correction de 100 % «chaque fois qu’a été identifié un conflit d’intérêts non déclaré ou insuffisamment atténué ayant une incidence sur l’issue de la procédure de passation de marché».

61 Ces dernières années, nos audits à l’appui de la déclaration d’assurance ont permis de détecter des irrégularités qui n’avaient pas été préalablement évitées ou corrigées par les autorités nationales et qui concernaient des conflits d’intérêts potentiels impliquant des demandeurs qui entretenaient des liens avec d’autres parties prenantes participant à des projets financés par l’UE (voir exemples dans l’encadré 5).

Encadré 5

Exemples de conflits d’intérêts dans le cadre de marchés publics impliquant des bénéficiaires privés

En Tchéquie, dans le cadre d’un projet d’achat de bus au gaz naturel comprimé destinés à renouveler un parc vieillissant, nous avons constaté que le bénéficiaire et le soumissionnaire retenu étaient tous deux détenus et contrôlés par le même groupe. Le bénéficiaire n’exigeait pas des soumissionnaires potentiels qu’ils disposent d’une quelconque expérience, ce qui était très inhabituel compte tenu des références généralement requises pour des projets similaires. Le bénéficiaire n’a pas apporté la preuve suffisante qu’il avait pris les mesures appropriées pour prévenir, détecter et corriger les conflits d’intérêts découlant des liens personnels et de propriété l’unissant à l’adjudicataire. Ce point ne figurait pas sur la liste de vérification de l’autorité d’audit.

En Roumanie, une entreprise a bénéficié d’une aide de l’UE pour la restructuration et la conversion de vignobles sur une parcelle de 15 hectares mise à disposition sans contrepartie financière par une personne physique pour une période de 15 ans, après quoi le vignoble serait restitué à cette personne. La législation roumaine impose aux bénéficiaires de prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter les situations donnant lieu à des conflits d’intérêts, en particulier lorsqu’il existe des liens entre les bénéficiaires et leurs fournisseurs. Le bénéficiaire a signé un contrat avec une autre société pour le désherbage mécanique et manuel du vignoble et l’installation d’une structure de soutien. Nous avons constaté que le seul actionnaire et administrateur de cette société n’était autre que le propriétaire du terrain. Nous avons transmis ce dossier à l’OLAF pour une enquête plus approfondie.

Source: Cour des comptes européenne.

62 Nous avons constaté que les États membres avaient mis en place un large éventail de contrôles et de procédures liés aux marchés publics. Ces contrôles sont généralement ciblés sur les déclarations de conflits d’intérêts et consistent parfois à vérifier les noms des décideurs dans les bases de données sur la population ou à effectuer des recoupements à l’aide d’outils en ligne accessibles publiquement, tels que les registres du commerce. D’autres exemples de situations potentiellement révélatrices d’un conflit d’intérêts, communément appelées «signaux d’alerte», sont présentés dans l’encadré 6.

Encadré 6

Exemples de signaux d’alerte concernant des conflits d’intérêts dans les marchés publics

Les autorités de gestion du FEDER pour la Sarre et la Bavière, lors de leurs contrôles réguliers des procédures de marchés publics, ont répertorié un certain nombre de signaux d’alerte potentiellement révélateurs de conflits d’intérêts. Il s’agit notamment de situations:

  • où le même contractant remporte systématiquement les procédures organisées par un pouvoir adjudicateur donné;
  • où le pouvoir adjudicateur s’écarte des procédures d’appel d’offres standard sans raison valable, par exemple en optant pour une procédure négociée alors qu’une procédure ouverte aurait pu être utilisée;
  • où les offres des soumissionnaires diffèrent toujours du même pourcentage, l’une étant toujours inférieure de 10 % à l’autre par exemple.

Source: Cour des comptes européenne, sur la base des informations recueillies au cours de l’audit.

63 Parmi les autres signaux d’alerte susceptibles de trahir l’existence d’un conflit d’intérêts dans le cadre de marchés publics, citons un pourcentage élevé de procédures ne comportant qu’un seul soumissionnaire (procédures avec «offre unique») ou un nombre inhabituel de commandes directes (marchés sans mise en concurrence). Dans le cadre de son rapport sur les marchés publics, la Hongrie a informé la Commission qu’entre 2015 et 2017, la proportion de procédures avec offre unique utilisées par les différents pouvoirs adjudicateurs du pays oscillait entre 10 % et 28 %. Dans l’ensemble, ces procédures ont été utilisées pour près de 17 % des quelque 8 800 marchés attribués en Hongrie. Malte a elle aussi fait état d’un pourcentage similaire, avec 18,9 % de procédures avec offre unique, tandis que la Roumanie a déclaré qu’elles représentaient 50 % de ses procédures30. Les derniers rapports des différents pays pour la période 2018-2020 ne contiennent plus d’informations quantitatives de cette nature.

64 Le tableau d’affichage du marché unique de la Commission montre une proportion relativement élevée de procédures à un seul soumissionnaire en 2020, qui varie de 9 % en Lituanie et en Suède à 51 % en Pologne. Pour les États membres de notre échantillon, ce taux s’élève à 41 % en Roumanie, à 39 % en Hongrie, à 19 % en Allemagne et à 16 % à Malte. Dans ce contexte, l’institution supérieure de contrôle nationale maltaise a fait part de ses préoccupations concernant les marchés publics, et notamment le recours à des commandes directes sans les approbations nécessaires et sans publication au journal des marchés publics du pays31. L’indicateur n° 2 du tableau d’affichage du marché unique concerne les procédures de marchés publics consistant à mener des négociations avec une entreprise sans appel d’offres, qui sont plus exposées aux conflits d’intérêts que les procédures ouvertes. Les chiffres correspondant à cet indicateur sont relativement bas pour notre échantillon d’États membres. Ce type de procédure a toutefois été utilisée en Roumanie dans 22 % des cas.

Les autorités d’audit des États membres ont relevé des faiblesses dans la gestion des conflits d’intérêts

65 Dans le domaine de l’agriculture, les organismes de certification rendent chaque année un avis sur le bon fonctionnement des systèmes de contrôle interne des organismes payeurs ainsi que sur la légalité et la régularité des dépenses dont le remboursement a été demandé à la Commission. Selon les lignes directrices de la Commission en la matière32, ces travaux devraient couvrir les irrégularités telles que les conflits d’intérêts. Dans les États membres retenus dans notre échantillon, les organismes de certification n’ont pas signalé de faiblesses systémiques dans la gestion des conflits d’intérêts par les organismes payeurs. En Hongrie et en Allemagne (Bavière), ils ont détecté, ces dernières années, moins de 10 erreurs (principalement sur la forme) liées à des conflits d’intérêts lors de l’évaluation de la régularité des opérations.

66 Dans le domaine de la cohésion, les autorités d’audit nationales ou régionales ont réalisé des audits au cours de la période 2014-2020 afin d’évaluer les systèmes de gestion et de contrôle dans les États membres, et notamment la gestion des conflits d’intérêts. Les autorités de notre échantillon en Allemagne et en Hongrie n’ont signalé aucune faiblesse. L’autorité d’audit maltaise a conclu que les systèmes de gestion et de contrôle du pays fonctionnaient, mais que certaines améliorations étaient nécessaires. L’autorité d’audit roumaine a mentionné certaines faiblesses dans l’utilisation d’Arachne (l’outil de calcul du risque fourni par la Commission, voir points 67 à 69) pour la gestion du FEDER et du FC.

L’exploration de données n’est pas suffisamment exploitée pour détecter les conflits d’intérêts

67 La Commission recommande aux États membres d’utiliser l’application d’exploration de données Arachne, qu’elle met gratuitement à leur disposition, pour prévenir et détecter la fraude. Arachne est un outil de calcul du risque qui combine plusieurs sources de données et signale les projets et les bénéficiaires potentiellement à risque.

68 Dans Arachne, la Commission propose un module qui permet aux autorités de gestion et aux organismes payeurs d’évaluer le risque de fraude et de conflits d’intérêts au cours de la phase de sélection des projets. En soi, l’outil ne permet pas de mettre en évidence des conflits d’intérêts effectifs, mais il peut aider les autorités de gestion et les organismes payeurs à repérer les signaux d’alerte justifiant une enquête plus approfondie. Arachne peut s’avérer utile pour signaler des conflits d’intérêts dans les procédures de marchés publics au niveau des bénéficiaires/contractants/sous-traitants. Toutefois, ses ensembles de données ne contenaient pas d’informations sur les fonctionnaires qui approuvent les projets dans le cadre de la gestion partagée et qui sont responsables des contrôles dans les États membres de notre échantillon.

69 L’utilisation d’Arachne en gestion partagée au niveau des États membres est plus courante dans le domaine de la cohésion que dans celui de l’agriculture. Environ un quart des organismes participant à la gestion et au contrôle des fonds de l’UE qui ont répondu à notre enquête utilisaient Arachne pour vérifier l’absence de conflits d’intérêts ou détecter les conflits existants (26 %). Près de la moitié des participants à l’enquête n’utilisaient pas Arachne (49 %) et un quart d’entre eux ne savaient pas s’il était utilisé ou ne souhaitaient pas s’exprimer à ce sujet (25 %). Les autorités de gestion sont celles qui utilisent le plus Arachne (47 %), alors que les organismes payeurs et les organismes de certification sont ceux qui l’utilisent le moins (respectivement 12 % et 6 %). Sur 130 autorités qui utilisent Arachne, plus de la moitié (54 %) le font «toujours» ou «souvent», tandis que les autres ne le font que «parfois» ou «rarement» (voir figure 6 ci-après).

Figure 6 – Utilisation d’Arachne pour contrôler l’absence de conflits d’intérêts dans les projets*

* 160 participants à l’enquête dans tous les États membres (principalement des autorités de gestion, agissant souvent en qualité de coordonnateurs) ont fourni des réponses pour le compte de 501 institutions au total.

Source: Cour des comptes européenne, sur la base d’une enquête menée dans tous les États membres.

70 En 2016, la Commission a mis en place un système de détection rapide et d’exclusion (EDES)33 pour les fonds dépensés en gestion directe et indirecte. Le système garantit que les demandeurs représentant un risque pour les intérêts financiers de l’Union sont détectés à un stade précoce et exclus de la participation aux procédures d’attribution ou de la sélection pour l’exécution des fonds de l’UE. L’exclusion s’applique aux personnes soupçonnées ou reconnues coupables de fraude, de corruption, de faute professionnelle grave (y compris les tentatives d’influer indûment sur une procédure d’attribution) ou d’autres activités illégales. Les informations relatives à ces demandeurs seraient tout aussi utiles pour la gestion partagée. Comme nous l’indiquions dans le rapport spécial 11/2022 intitulé «Protection du budget de l’UE – La mise sur liste noire, un outil à mieux utiliser», en ce qui concerne la gestion partagée, il n’existe à ce jour aucun mécanisme au niveau de l’UE pour exclure des cocontractants, ni aucune interconnexion entre Arachne et l’EDES. Étant donné que les deux applications sont développées par la Commission, l’absence d’intégration entre elles se traduit par des occasions manquées de prévenir des situations de conflit d’intérêts.

71 Les autorités des États membres de notre échantillon ont expliqué qu’elles préféraient utiliser les bases de données nationales, comme les registres nationaux du commerce et les bases de données sur la population. D’après elles, ces bases de données contiennent des informations plus récentes et plus complètes qu’Arachne. En outre, pour appuyer leurs efforts visant à garantir des procédures de marchés équitables et à prévenir les conflits d’intérêts, un certain nombre d’autorités hongroises, maltaises et roumaines utilisent des outils nationaux d’exploration de données (voir exemple dans l’encadré 7). Les autorités allemandes n’utilisent pas Arachne ni aucun outil national d’exploration de données en raison de doutes concernant la protection des données ainsi que l’exactitude et la fiabilité des données d’Arachne.

Encadré 7

Système PREVENT en Roumanie

En Roumanie, l’Agence nationale pour l’intégrité a mis en place PREVENT, un système d’information destiné à prévenir les conflits d’intérêts dans le cadre des marchés publics. Le système repose sur des «formulaires d’intégrité», générés par le système informatique utilisé pour toutes les procédures de marchés publics organisées via le système d’appel d’offres électronique du pays. Lorsqu’ils remplissent ces formulaires, les pouvoirs adjudicateurs doivent indiquer le nom de tous les décideurs concernés au sein de leur propre organisation et des organisations candidates. PREVENT effectue ensuite automatiquement des recoupements avec le registre de la population et le registre du commerce. Il attribue un score de 0 ou 1, 1 indiquant une possible situation de conflit d’intérêts. Dans ce cas, un inspecteur de l’Agence pour l’intégrité analyse le dossier afin d’exclure la possibilité qu’il s’agisse d’un faux positif et, si un conflit d’intérêts est établi, il envoie un avertissement au pouvoir adjudicateur.

Source: Cour des comptes européenne, sur la base des informations recueillies au cours de l’audit.

72 Le système PREVENT mis en place en Roumanie illustre la manière dont la technologie peut être utilisée pour contrôler des milliers de procédures de marchés publics. Il n’est toutefois pas infaillible. Par exemple, il ne peut être utilisé que pour les appels d’offres publiés dans le système d’appel d’offres électronique (ce qui exclut 16 % des appels d’offres lancés entre 2018 et 2020), aucune sanction n’est prévue à l’encontre des pouvoirs adjudicateurs qui négligent de remplir les formulaires d’intégrité, et des conflits d’intérêts potentiels peuvent passer sous le radar, étant donné que seuls les dossiers ayant obtenu un score de 1 font l’objet d’une analyse plus poussée. En 2020, 19 506 procédures de marchés publics ont été analysées par le système PREVENT, et les inspecteurs de l’Agence pour l’intégrité ont envoyé 10 avertissements, dont quatre concernant des fonds de l’UE. En outre, l’efficacité d’un tel outil est largement tributaire de la qualité de son algorithme et des données provenant des formulaires d’intégrité.

73 La disponibilité croissante de «mégadonnées» sur les marchés publics, conjuguée à l’évolution de la capacité des outils numériques à analyser ces données, permet de dégager des constantes dans l’attribution des marchés publics34 qui pourraient constituer des signaux d’alerte justifiant une enquête plus approfondie. Il en va de même pour l’octroi de subventions publiques. Dans l’ensemble, les outils d’exploration de données restent sous-utilisés pour ce qui est de détecter les conflits d’intérêts.

Des mécanismes de résolution sont en place, mais les procédures peuvent prendre du temps

74 Les conflits d’intérêts peuvent être liés à d’autres comportements irréguliers ou frauduleux. En atteste l’éventail des options disponibles pour gérer ces situations une fois qu’elles sont détectées:

  • des sanctions ou des procédures disciplinaires à l’encontre des fonctionnaires de l’UE ou des États membres qui contreviennent aux règles ou manquent à leurs obligations professionnelles;
  • des procédures visant à protéger le budget de l’UE, comme le recouvrement des fonds indûment versés auprès du bénéficiaire ou l’application de corrections financières par la Commission;
  • des poursuites pénales devant les juridictions nationales.

75 Les autorités des États membres de notre échantillon ont indiqué que, lorsqu’elles sanctionnent les conflits d’intérêts, elles n’établissent généralement aucune distinction entre les fonds de l’UE et les fonds nationaux. Les autorités roumaines nous ont exposé trois affaires sur la période 2014-2020 dans lesquelles elles ont sanctionné des membres du personnel qui se sont rendus coupables de conflits d’intérêts (voir figure 7).

Figure 7 – L’instruction des conflits d’intérêts prend du temps

Source: Cour des comptes européenne, sur la base des informations recueillies au cours de l’audit.

76 Lorsque les faits peuvent être considérés comme une infraction pénale, les procureurs peuvent porter les affaires devant les tribunaux (voir encadré 8).

Encadré 8

Les conflits d’intérêts peuvent être liés à diverses infractions pénales pour lesquelles une enquête est en cours

En Italie, des délégués d’un organisme payeur qui avaient accès au système d’enregistrement des parcelles agricoles de l’organisme ont été accusés d’avoir fourni à des tiers des informations sur des parcelles pour lesquelles aucun agriculteur n’avait encore présenté de demande d’aide. Ces tiers ont été à leur tour accusés d’avoir introduit des demandes pour ces parcelles, alors qu’ils ne disposaient d’aucun titre légal valable attestant la propriété du terrain et qu’ils n’y exerçaient aucune activité agricole. Ces possibles infractions font partie d’une vaste affaire de fraude présumée concernant des demandes d’aide remontant à 2010, pour laquelle une procédure pénale a débuté en 2021 et est toujours en cours.

Source: Cour des comptes européenne, sur la base d’informations recueillies au cours de l’audit.

77 Lorsqu’un conflit d’intérêts entraîne le versement irrégulier de fonds de l’UE, les montants concernés doivent être recouvrés auprès du bénéficiaire35. Si un État membre ne prend pas les mesures de recouvrement qui s’imposent, la Commission peut décider d’appliquer des corrections financières sur son budget national. La Commission peut également appliquer des corrections financières lorsqu’elle détecte des faiblesses dans les systèmes de contrôle des organismes nationaux participant à la gestion et au contrôle des fonds de l’UE, comme dans le cas décrit plus haut dans l’encadré 1.

Les informations communiquées sur les conflits d’intérêts sont incomplètes

78 La Commission et les États membres de notre échantillon ne publient pas d’informations sur l’ampleur des conflits d’intérêts dans le cadre de la gestion partagée. Les rapports annuels d’activités des DG, les rapports annuels de l’OLAF ou les rapports annuels sur la protection des intérêts financiers de l’UE ne contiennent pas d’informations quantitatives exhaustives sur les cas de conflit d’intérêts ou sur les constatations à cet égard. Il n’existe pas d’indicateur correspondant qui mesurerait la fréquence et l’ampleur des irrégularités liées aux conflits d’intérêts dans le cadre de la gestion partagée.

79 Les États membres signalent les irrégularités et les cas de fraude à l’OLAF par l’intermédiaire du système de gestion des irrégularités (IMS). Depuis 2000, les États membres ont déclaré dans l’IMS 440 cas de conflits d’intérêts dans les domaines de la cohésion et de l’agriculture. Plus de la moitié de ces cas (55,4 %) portent sur le FEDER, 19 % sur les fonds de préadhésion et 17 % sur le FSE. Le FEAGA et le FC affichent les chiffres les plus faibles (respectivement 2 % et 3,4 %) (voir figure 8 ci-après). Les conflits d’intérêts enregistrés dans l’IMS représentent 0,4 % du nombre total d’irrégularités signalées (données de mars 2022).

Figure 8 – Cas de conflit d’intérêts déclarés dans l’IMS ventilés par Fonds

Source: Cour des comptes européenne, sur la base des données de l’IMS.

80 Toutefois, en vertu de certaines dispositions juridiques dérogatoires36, toutes les irrégularités ne sont pas saisies dans l’IMS. Selon le guide de l’UE intitulé «Reporting of irregularities in shared management», les États membres ne sont aucunement tenus de signaler les irrégularités à l’OLAF s’ils les ont détectées et corrigées avant de soumettre les dépenses à la Commission pour remboursement, ou si le montant concerné est inférieur à 10 000 euros. Comme nous l’avons constaté lors d’audits précédents37, la quantité et la qualité des données et des informations saisies dans l’IMS varient d’un État membre à l’autre. Toutes les affaires sur lesquelles enquête l’OLAF ne sont pas non plus enregistrées dans l’IMS. Par exemple, seuls six des 18 dossiers ouverts par l’OLAF avec un volet lié à un conflit d’intérêts dans le domaine de la cohésion ont été enregistrés dans l’IMS par les États membres concernés. Les États membres peuvent également considérer un conflit d’intérêts comme un élément mineur dans une affaire de fraude plus vaste (par exemple, falsification de documents ou de déclarations, ou corruption) et ne pas signaler ces cas comme des conflits d’intérêts.

81 Outre les données de l’IMS, la DG REGIO et la DG EMPL reçoivent des informations des États membres par l’intermédiaire du SFC, le système de gestion des fonds de l’UE, sur les cas de conflits d’intérêts et les recouvrements correspondants dans le cadre des marchés publics au titre du FSE, du FC et du FEDER. Au cours de la période 2014-2020, les États membres ont communiqué 31 irrégularités liées à des conflits d’intérêts, pour un montant total de 3,4 millions d’euros, qui ont eu une incidence sur l’issue des procédures de marchés (quatre au titre du FC, 24 au titre du FEDER et trois au titre du FSE). Ces 31 irrégularités concernent 16 programmes dans 11 États membres.

82 La DG AGRI ne reçoit pas d’informations sur des cas similaires dans le cadre du Feader via le SFC, car les États membres n’envoient que des tableaux récapitulatifs, qui ne détaillent pas le type d’irrégularité commise dans chaque cas.

Conclusions et recommandations

83 Dans l’ensemble, nous concluons que la Commission comme les États membres ont déployé des efforts pour lutter contre les conflits d’intérêts, mais que des failles persistent, en particulier en ce qui concerne la promotion de la transparence et la détection des situations à risque.

84 Le cadre mis en place par la Commission pour prévenir les conflits d’intérêts en interne repose sur le statut des fonctionnaires de l’UE, ses modalités d’application ainsi que les codes et guides de déontologie, et comprend un programme de formation complet en matière d’éthique (points 20 à 22). En outre, le Médiateur européen a analysé les pratiques de la Commission en matière de pantouflage et a recommandé qu’elle interdise temporairement aux anciens fonctionnaires d’accepter tout emploi qui présenterait un risque que des restrictions dûment contrôlées et appliquées ne permettraient pas d’atténuer (point 24).

85 Les audits de la Commission dans les domaines de la cohésion et de l’agriculture peuvent, le cas échéant, porter sur les conflits d’intérêts, y compris, depuis 2021, s’il s’agit de paiements directs en faveur des agriculteurs. Ils contribuent à la détection de lacunes dans la prévention des conflits d’intérêts, souvent en ce qui concerne des questions de procédure, mais aussi des faiblesses plus générales dans la gestion des marchés publics (points 25 à 28).

86 Les États membres que nous avons examinés ont mis en place des règles et des procédures pour prévenir et gérer les conflits d’intérêts, mais celles-ci n’ont connu aucune modification majeure depuis la mise à jour du règlement financier de 2018. Les déclarations sur l’honneur sont la méthode la plus utilisée, de même que les activités de formation et de sensibilisation dans le domaine de l’éthique et de l’intégrité; la rotation du personnel est en revanche moins pratiquée. Les membres de l’exécutif participant à la prise de décision et à l’attribution de fonds dans le cadre de programmes de l’UE n’étaient tenus de fournir aucune déclaration (points 29 à 42).

87 L’accès à des informations ouvertes, comparables et transparentes sur les bénéficiaires finals des fonds de l’UE permet également un meilleur contrôle public. Sur son site internet, la Commission publie des liens vers des sites internet nationaux et régionaux répertoriant les bénéficiaires de fonds de l’UE dans les domaines de l’agriculture et de la cohésion. En outre, elle met à la disposition du public la plateforme en ligne Kohesio, qui contient des informations sur les projets financés par la politique de cohésion dans tous les États membres. Ces sites ne contiennent à ce jour aucune information sur les bénéficiaires finals lorsque ces derniers sont des personnes morales, ce qui limite la transparence. Dans le domaine de la cohésion, l’identification des bénéficiaires effectifs finals des entreprises recevant un financement de l’UE deviendra obligatoire dans les systèmes de gestion et de contrôle des États membres pour la nouvelle période de programmation. Les bénéficiaires de fonds agricoles devront quant à eux fournir des informations sur les groupes d’entreprises auxquels ils participent à partir de 2023 (points 43 à 46).

88 Nous concluons de nos échanges avec les autorités des États membres qu’il est difficile d’obtenir des informations sur la vie affective, les affinités politiques et les intérêts personnels, et que ces informations sont souvent couvertes par les règles en matière de protection des données. En ce qui concerne les marchés publics, nous avons observé toute une série de procédures de vérification dans les États membres, qui se concentrent généralement sur les déclarations de conflits d’intérêts et incluent parfois des contrôles consistant à recouper les noms des décideurs avec les bases de données sur la population et des outils en ligne accessibles publiquement, tels que les registres du commerce (points 59 à 62).

89 Les autorités participant à la gestion partagée vérifient également, dans le cadre des marchés publics, les situations susceptibles d’indiquer un conflit d’intérêts, communément regroupées sous le terme «signaux d’alerte». Toutefois, nous avons constaté qu’une attention insuffisante était portée à certains signaux d’alerte, par exemple une proportion élevée de procédures à un seul soumissionnaire ou dans lesquelles les marchés sont négociés avec des fournisseurs sans mise en concurrence (points 63 et 64).

90 L’utilisation d’Arachne est volontaire. Par ailleurs, cet outil ne contient pas d’informations sur les fonctionnaires participant à la gestion et au contrôle des fonds de l’UE, ce qui limite le spectre des situations de conflit d’intérêts qu’il peut contribuer à détecter (points 67 à 69). Comme tout outil d’exploration de données, son utilité dépend en grande partie de la quantité et de la qualité des données sous-jacentes disponibles.

91 Les États membres recueillent des données sur les conflits d’intérêts au titre de l’obligation qui leur est faite de consigner les irrégularités et de les signaler à la Commission. Ces signalements étant lacunaires, ni la Commission ni les États membres ne disposent d’une vue d’ensemble complète des montants exposés à des conflits d’intérêts en gestion partagée, et il n’existe pas d’indicateur correspondant (points 78 à 82).

Recommandation n° 1 – Améliorer la capacité à prévenir, détecter et signaler les conflits d’intérêts

La Commission devrait:

  1. faciliter et promouvoir le partage de bonnes pratiques avec les autorités des États membres, et entre celles-ci, sur la manière de détecter les différentes situations de conflit d’intérêts décrites à l’article 61, paragraphe 3, du règlement financier, à savoir celles où l’exercice des fonctions est compromis pour des motifs familiaux, affectifs, d’affinité politique ou nationale, d’intérêt économique ou pour tout autre intérêt personnel direct ou indirect;
  2. promouvoir l’échange de bonnes pratiques sur l’utilisation des outils d’exploration de données et de mégadonnées dans les États membres pour détecter les conflits d’intérêts, et inviter les États membres à mettre ces outils à la disposition de toutes leurs autorités et à les utiliser systématiquement;
  3. établir des orientations claires à l’intention des États membres sur les circonstances où les cas de fraude et les irrégularités liés à des conflits d’intérêts doivent être signalés à la Commission par l’intermédiaire de l’IMS et sur la manière de procéder, afin d’obtenir un signalement exhaustif et uniforme.

Quand? Au plus tard en 2024.

Recommandation n° 2 – Promouvoir la transparence

La Commission devrait:

  1. recenser et diffuser les bonnes pratiques, y compris les procédures appliquées pour prévenir les conflits d’intérêts lors de la conception et de l’adoption de programmes et de mesures;
  2. faciliter l’échange de bonnes pratiques parmi les États membres en ce qui concerne les déclarations obligatoires des revenus et du patrimoine des agents de la fonction publique nationale ou régionale occupant des postes décisionnels dans le cadre de la gestion partagée, afin d’accroître la transparence, de renforcer l’obligation de rendre compte et de réduire au minimum le risque de conflits d’intérêts dissimulés.

Quand? Au plus tard en 2024.

Le présent rapport a été adopté par la Chambre I, présidée par Mme Joëlle Elvinger, Membre de la Cour des comptes, à Luxembourg en sa réunion du 25 janvier 2023.

 

Par la Cour des comptes

Tony Murphy
Président

Sigles et acronymes

DG AGRI: direction générale de l’agriculture et du développement rural

DG BUDG: direction générale du budget

DG EMPL: direction générale de l’emploi, des affaires sociales et de l’inclusion

DG HR: direction générale des ressources humaines et de la sécurité

DG REGIO: direction générale de la politique régionale et urbaine

EDES: système de détection rapide et d’exclusion (Early Detection and Exclusion System)

FC: Fonds de cohésion

Feader: Fonds européen agricole pour le développement rural

FEAGA: Fonds européen agricole de garantie

FEDER: Fonds européen de développement régional

FSE: Fonds social européen

GRECO: Groupe d’États contre la corruption

IDOC: Office d’investigation et de discipline de la Commission (Investigation and Disciplinary Office)

IMS: système de gestion des irrégularités

OCDE: Organisation de coopération et de développement économiques

OLAF: Office européen de lutte antifraude

PAC: politique agricole commune

SFC: système de gestion des fonds de l’Union européenne

Glossaire

Arachne: outil d’exploration de données et de calcul du risque mis au point par la Commission pour appuyer les autorités de gestion et les organismes payeurs dans la gestion et le contrôle des Fonds ESI et des fonds de la PAC.

Autorité de gestion: autorité (publique ou privée) nationale, régionale ou locale désignée par un État membre pour gérer un programme financé par l’UE.

Bénéficiaire effectif final: personne qui, en dernier ressort, tire profit d’une entreprise ou d’une organisation ou y a des intérêts.

Bénéficiaire: personne physique ou morale qui reçoit une subvention ou un prêt financés sur le budget de l’UE.

Corruption: le fait d’user de sa fonction au sein d’une entité publique ou privée, ou de son pouvoir personnel, pour réaliser des profits illicites.

Déclaration d’assurance: déclaration publiée dans le rapport annuel de la Cour des comptes européenne, dans laquelle celle-ci formule son opinion d’audit sur la fiabilité des comptes de l’UE ainsi que sur la régularité des opérations sous-jacentes à ces derniers.

Erreur: résultat d’un calcul incorrect ou d’une irrégularité découlant du non-respect des obligations légales et contractuelles.

Fraude présumée: toute irrégularité donnant lieu à une procédure administrative ou judiciaire afin de déterminer son caractère frauduleux ou non.

Fraude: utilisation intentionnelle et illégale de la tromperie en vue d’obtenir un avantage matériel en privant une autre partie d’un ou de plusieurs biens ou de sommes d’argent.

Gestion partagée: méthode d’exécution du budget de l’UE selon laquelle, contrairement à ce qui se passe dans la gestion directe, la Commission délègue les tâches d’exécution à un État membre, tout en restant responsable en dernier ressort.

Irrégularité: violation des règles de l’UE (ou des règles nationales applicables) ou d’obligations contractuelles.

Lanceur d’alerte: personne, souvent un employé, qui révèle des informations sur des actes répréhensibles commis au sein d’une entreprise ou d’une organisation.

Mégadonnées: grands volumes de données non structurées, provenant de sources diverses, traitées, collectées, stockées et analysées afin de dégager des modèles, des tendances et des associations significatifs.

Organisme de certification: dans le cas des dépenses agricoles, entité publique ou privée chargée par un État membre d’agréer des organismes payeurs et de certifier chaque année la fiabilité de leurs comptes, ainsi que la légalité et la régularité des opérations sous-jacentes.

Organisme payeur: organisme désigné par un État membre pour gérer les dépenses agricoles de l’UE.

Paiements directs: paiements d’aides, le plus souvent des aides à la surface, effectués directement en faveur des agriculteurs au titre du Fonds européen agricole de garantie.

Pantouflage: situation dans laquelle une personne quitte des fonctions législatives ou réglementaires pour occuper un poste en lien avec son précédent emploi dans le secteur privé, ou inversement.

Plan d’action: document exposant les mesures à prendre pour atteindre un objectif particulier.

Programme de développement rural: ensemble d’objectifs et d’actions pluriannuels, nationaux ou régionaux, approuvés par la Commission aux fins de la mise en œuvre de la politique de développement rural de l’UE.

Programme opérationnel: cadre pour la mise en œuvre des projets de cohésion financés par l’UE pour une période donnée, qui tient compte des priorités et des objectifs fixés dans les accords de partenariat conclus entre la Commission et les différents États membres.

Signal d’alerte: indicateur selon lequel une opération ou une autre activité pourrait être frauduleuse.

Système de gestion des irrégularités: application utilisée par les États membres pour signaler les irrégularités, y compris les cas de fraude présumée, à l’OLAF.

Équipe d’audit

Les rapports spéciaux de la Cour présentent les résultats de ses audits relatifs aux politiques et programmes de l’Union ou à des questions de gestion concernant des domaines budgétaires spécifiques. La Cour sélectionne et conçoit ces activités d’audit de manière à maximiser leur impact en tenant compte des risques pour la performance ou la conformité, du niveau des recettes ou des dépenses concernées, des évolutions escomptées ainsi que de l’importance politique et de l’intérêt du public.

L’audit de la performance objet du présent rapport a été réalisé par la Chambre I (Utilisation durable des ressources naturelles), présidée par Joëlle Elvinger, Membre de la Cour. L’audit a été effectué sous la responsabilité de Pietro Russo, Membre de la Cour, assisté de: Chiara Cipriani, cheffe de cabinet; Benjamin Jakob, attaché de cabinet; Richard Hardy, manager principal; Jan Huth, chef de mission; Anca Florinela Cristescu, cheffe de mission adjointe; Servane de Becdelièvre, Maciej Szymura, Mihaela Vacarasu et Lutz Venske, auditeurs. L’assistance graphique a été fournie par Marika Meisenzahl. L’assistance linguistique a été fournie par Michael Pyper.

De gauche à droite: Pietro Russo, Benjamin Jakob, Anca Florinela Cristescu, Richard Hardy, Servane de Becdelievre et Jan Huth.

Notes

1 Ismeri Europa Srl contre Cour des comptes des Communautés européennes.

2 Article 61 du règlement financier de l’UE.

3 Article 35 de la directive 2014/23/UE, article 24 de la directive 2014/24/UE et article 42 de la directive 2014/25/UE.

4 OCDE, Gérer les conflits d’intérêts dans le secteur public, 2006.

5 Voir, par exemple, OCDE, Collusion and Corruption in Public Procurement, 2010.

6 Voir le rapport de l’OLAF 2021, p. 18, ou le rapport de l’OLAF 2020, p. 15-16.

7 OCDE, Fraud and Corruption in European Structural and Investment Funds, 2019.

8 Lignes directrices sur l’application du règlement (UE, Euratom) 2020/2092 relatif à un régime général de conditionnalité pour la protection du budget de l’Union, C(2022) 1382 final, 2.3.2022, Bruxelles.

9 Proposition de décision d’exécution du Conseil relative à des mesures de protection du budget de l’Union contre les violations des principes de l’État de droit en Hongrie, COM(2022) 485 final.

10 Directions générales de l’agriculture et du développement rural (DG AGRI), du budget (DG BUDG), de l’emploi, des affaires sociales et de l’inclusion (DG EMPL), des ressources humaines et de la sécurité (DG HR) et de la politique régionale et urbaine (DG REGIO) de la Commission.

11 Le Parquet européen est le parquet indépendant de l’Union européenne.

12 Le Groupe d’États contre la corruption (GRECO) est l’organe de lutte contre la corruption du Conseil de l’Europe.

13 En particulier la Bavière et la Sarre.

14 Statut des fonctionnaires de l’UE.

15 Décision de la Commission du 29.6.2018 relative aux activités extérieures et aux mandats ainsi qu’aux activités professionnelles après la cessation de fonctions, C(2018) 4048 final, 29.6.2018, Bruxelles.

16 Orientations relatives à la prévention et à la gestion des conflits d’intérêts en vertu du règlement financier (2021/C 121/01).

17 Décision de la Médiatrice européenne sur la manière dont la Commission européenne gère le «pantouflage» des membres de son personnel.

18 Décision de la Médiatrice européenne: «pantouflage».

19 Communiqué de presse de la Médiatrice européenne n° 3/2022: «Stade critique de l’administration de l’UE dans la gestion du pantouflage», 18 mai 2022.

20 Portail de lutte contre la fraude de la Commission européenne.

21 Pour la cohésion, voir la page internet de la Commission «Les bénéficiaires de la politique de cohésion de l’Union européenne», et pour l’agriculture, la page «Beneficiaries of CAP funds».

22 Conformément aux dispositions de l’article 112 du règlement (UE) n° 1306/2013.

23 Étude commandée par la commission du contrôle budgétaire (CONT) du Parlement européen: The Largest 50 Beneficiaries in each EU Member State of CAP and Cohesion Funds, 2021.

24 Article 69, paragraphe 2, du règlement (UE) 2021/1060.

25 Article 59, paragraphe 4, du règlement (UE) 2021/2116.

26 Chypre, le Danemark, la France, la Lettonie, la Lituanie, Malte, le Portugal et la Suède.

27 Agence Europe, «L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe estime que la loi maltaise sur la protection des lanceurs d’alerte ne répond pas à son objectif», 20 décembre 2021.

28 Rapport d’activités de l’Office d’investigation et de discipline de la Commission (IDOC), 2020.

29 Rapport annuel de l’OLAF, 2020.

30 Voir les rapports sur les marchés publics 2018 (rapports par pays et informations sur les pays de l’UE) présentés par les pays de l’UE et de l’EEE à la Commission européenne.

31 Auditor General Report, 2019, Malta National Audit Office.

32 Commission européenne (DG AGRI), Guideline No 1 – Guidelines for the certification audit of the EAGF/EAFRD accounts – Guideline for accreditation, FY 2021.

33 Système de détection rapide et d’exclusion.

34 Voir, par exemple, Elizabeth Dávid-Barrett et Mihály Fazekas, «Grand corruption and government change: an analysis of partisan favoritism in public procurement», European Journal on Criminal Policy and Research 26, 411-430 (2020).

35 Article 54 du règlement (UE) n° 1306/2013 et article 122 du règlement (UE) n° 1303/2013.

36 Article 122, paragraphe 2, du règlement (UE) n° 1303/2013 et article 50, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 1306/2013.

37 Rapports spéciaux 01/2019 «Dépenses financées par l’UE: des mesures s’imposent pour lutter contre la fraude», points 23 à 28, et  06/2019 «La lutte contre la fraude au détriment des dépenses de cohésion de l’UE», points 47 à 57.

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