AVANT-PROPOS
L’ordre juridique qui sous-tend l’Union européenne fait désormais partie intégrante de notre réalité politique et sociale. Chaque année, les traités de l’UE sont à l’origine de milliers de décisions qui influent considérablement sur la réalité des États membres de l’UE et de leurs ressortissants. Désormais, le particulier n’est plus seulement citoyen de son pays, de sa ville ou de sa commune, il est également citoyen de l’UE. Aussi est-il d’autant plus important que le citoyen de l’UE soit informé sur un ordre juridique qui concerne sa vie quotidienne. Il lui est toutefois difficile d’appréhender l’ensemble de l’Union et son ordre juridique. D’une part, les textes des traités eux-mêmes sont souvent peu clairs et leur portée est difficile à saisir. D’autre part, nombre de concepts utilisés dans les traités pour répondre à de nouvelles situations sont inhabituels. Ainsi, on s’efforcera ici de transmettre aux citoyennes et citoyens intéressés un premier aperçu de la construction de l’UE ainsi que les piliers de l’ordre juridique européen. Bien que la structure de base de l’UE — et son ordre juridique, qui nous intéresse particulièrement ici — soit très stable, elle subit néanmoins d’innombrables changements à plus ou moins grande échelle, par exemple les conséquences du retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne. La présente édition de L’ABC du droit de l’Union européenne étudie toutes les grandes évolutions de l’ordre juridique de l’Union jusqu’en 2023.
GLOSSAIRE DES ABRÉVIATIONS
ACP | Afrique, Caraïbes et Pacifique |
BCE | Banque centrale européenne |
CE | Communauté européenne |
CECA | Communauté européenne du charbon et de l’acier |
CEDH | Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (convention européenne des droits de l’homme) |
CEE | Communauté économique européenne |
CEEA | Communauté européenne de l’énergie atomique ou Euratom |
CESE | Comité économique et social européen |
CSP | Coopération structurée permanente |
EEE | Espace économique européen |
Europol | Agence de l’Union européenne pour la coopération des services répressifs |
MES | Mécanisme européen de stabilité |
OCDE | Organisation de coopération et de développement économiques |
OECE | Organisation européenne de coopération économique |
OSCE | Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe |
OTAN | Organisation du traité de l’Atlantique Nord |
PSA | Processus de stabilisation et d’association |
RMA | Rapport sur le mécanisme d’alerte |
Traité CE | Traité instituant la Communauté européenne |
Traité FUE | Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
Traité UE | Traité sur l’Union européenne |
UE | Union européenne |
UEO | Union de l’Europe occidentale |
CHRONOLOGIE
26 juin 1945: Signature à San Francisco de la charte des Nations unies.
9 septembre 1946: Discours de Winston Churchill à Zurich sur les avantages des États-Unis d’Europe.
17 mars 1948: Signature à Bruxelles du traité instituant l’Union de l’Europe occidentale.
4 avril 1949: Signature à Washington du traité de l’Atlantique Nord établissant l’OTAN.
16 avril 1949: Fondation à Paris de l’Organisation européenne de coopération économique.
5 mai 1949: Signature à Strasbourg du traité instituant le Conseil de l’Europe.
9 mai 1950: Déclaration de Robert Schuman sur la création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier comme première étape d’une Fédération européenne.
4 novembre 1950: Signature à Rome de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
18 avril 1951: Signature à Paris du traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier (traité CECA) par la Belgique, l’Allemagne de l’Ouest, la France, l’Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas, pour une durée de 50 ans.
23 juillet 1952: Entrée en vigueur du traité CECA.
1er juin 1955: Conférence des ministres des affaires étrangères à Messine concernant la préparation du traité CEE.
25 mars 1957: Signature à Rome des traités instituant la Communauté économique européenne (traité CEE) et la Communauté européenne de l’énergie atomique (traité Euratom) par la Belgique, l’Allemagne de l’Ouest, la France, l’Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas (traités de Rome).
1er janvier 1958: Entrée en vigueur des traités de Rome.
4 janvier 1960: Création à Stockholm de l’Association européenne de libre-échange par l’Autriche, le Danemark, la Norvège, le Portugal, le Royaume-Uni, la Suède et la Suisse.
14 décembre 1960: Signature à Paris de la convention relative à l’Organisation de coopération et de développement économiques.
8 avril 1965: Signature du traité instituant un Conseil unique et une Commission unique des Communautés européennes (traité de fusion).
1er juillet 1967: Entrée en vigueur du traité de fusion.
1er janvier 1973: Le Danemark, l’Irlande et le Royaume-Uni adhèrent aux Communautés européennes.
1er août 1975: Signature à Helsinki de l’Acte final de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe.
18 décembre 1978: Création du système monétaire européen.
7 au 10 juin 1979: Première élection du Parlement européen au suffrage universel direct.
1er janvier 1981: Adhésion de la Grèce aux Communautés européennes.
1er janvier 1985: Retrait du Groenland de la Communauté économique européenne.
14 juin 1985: Accord de Schengen entre la Belgique, l’Allemagne de l’Ouest, la France, le Luxembourg et les Pays-Bas relatif à la suppression progressive des contrôles aux frontières.
1er janvier 1986: Adhésion de l’Espagne et du Portugal aux Communautés européennes.
1er juillet 1987: Entrée en vigueur de l’Acte unique européen.
3 octobre 1990: Adhésion de l’Allemagne de l’Est à la République fédérale d’Allemagne et intégration aux Communautés européennes.
7 février 1992: Signature à Maastricht du traité sur l’Union européenne (traité de Maastricht).
2 mai 1992: Signature à Porto de l’accord sur l’Espace économique européen (accord EEE).
1er janvier 1993: Entrée en vigueur du marché unique européen.
1er novembre 1993: Entrée en vigueur du traité sur l’Union européenne (traité de Maastricht).
1er janvier 1994: Entrée en vigueur de l’accord EEE.
1er janvier 1995: Adhésion à l’Union européenne de l’Autriche, de la Finlande et de la Suède.
1er mars 1995: Entrée en vigueur de la convention de Schengen (nouveaux membres ayant adhéré jusqu’en mars 2001: Danemark, Grèce, Espagne, Italie, Autriche, Portugal, Finlande et Suède).
16 juillet 1997: «Agenda 2000» de la Commission européenne sur l’élargissement de l’Union.
2 octobre 1997: Signature du traité d’Amsterdam.
12 décembre 1997: Lancement du processus d’élargissement de l’Union européenne par le Conseil européen à Luxembourg.
1er octobre 1998: Entrée en vigueur de la convention Europol (coopération policière dans l’Union).
1er janvier 1999: Introduction de la monnaie unique européenne, l’«euro».
1er mai 1999: Entrée en vigueur du traité d’Amsterdam.
24 mars 2000: Adoption de la stratégie de Lisbonne pour le renouveau économique, social et environnemental de l’Union.
8 décembre 2000: Proclamation solennelle de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
26 février 2001: Signature du traité de Nice.
1er janvier 2002: Mise en circulation des billets et pièces en euros comme moyens de paiement.
28 février 2002: Constitution d’Eurojust (depuis 2019, l’Agence de l’Union européenne pour la coopération judiciaire en matière pénale).
1er février 2003: Entrée en vigueur du traité de Nice.
1er mai 2004: Adhésion à l’Union de la Tchéquie, de l’Estonie, de Chypre, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Hongrie, de Malte, de la Pologne, de la Slovénie et de la Slovaquie.
29 octobre 2004: Signature du traité établissant une Constitution pour l’Europe.
Mai-juin 2005: Rejet du traité établissant une Constitution pour l’Europe par référendum en France (54,7 % de «non») et aux Pays-Bas (61,7 % de «non»).
1er janvier 2007: Adhésion à l’Union de la Bulgarie et de la Roumanie.
1er janvier 2007: Introduction de l’euro en Slovénie.
1er mars 2007: Création d’une Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne.
12 décembre 2007: Proclamation solennelle à Strasbourg de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne par le Parlement européen, le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne.
13 décembre 2007: Signature du traité de Lisbonne.
21 décembre 2007: Entrée dans l’espace Schengen de la Tchéquie, de l’Estonie, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Hongrie, de Malte, de la Pologne, de la Slovénie et de la Slovaquie.
1er janvier 2008: Introduction de l’euro à Chypre et à Malte.
12 juin 2008: Premier référendum en Irlande sur le traité de Lisbonne (53,4 % de «non»).
12 décembre 2008: La Suisse rejoint l’espace Schengen.
1er janvier 2009: Introduction de l’euro en Slovaquie.
2 octobre 2009: Deuxième référendum en Irlande sur le traité de Lisbonne (67,1 % de «oui»).
1er décembre 2009: Entrée en vigueur du traité de Lisbonne.
1er décembre 2009: Herman Van Rompuy devient le premier président du Conseil européen; Catherine Ashton devient la première haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.
21 juin 2010: Création du Service européen pour l’action extérieure.
1er janvier 2011: Introduction de l’euro en Estonie.
1er janvier 2011: L’Autorité européenne de surveillance entre en fonction.
25 mars 2011: Adoption du pacte pour l’euro plus pour la coordination des politiques économiques au sein de l’Union économique et monétaire.
19 décembre 2011: Le Liechtenstein rejoint l’espace Schengen.
30 janvier 2012: 25 États membres s’accordent sur un traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire.
2 février 2012: Signature du traité instituant le mécanisme européen de stabilité.
1er juillet 2013: Adhésion de la Croatie à l’Union.
1er janvier 2014: Introduction de l’euro en Lettonie.
18 septembre 2014: Référendum sur l’indépendance de l’Écosse: 55,3 % des voix contre, 44,7 % des voix pour.
1er janvier 2015: Introduction de l’euro en Lituanie.
12 mars 2015: L’Islande retire officiellement sa demande d’adhésion.
23 juin 2016: Référendum sur le retrait du Royaume-Uni (51,9 % des électeurs votent en faveur du retrait).
30 décembre 2016: Entrée en vigueur de l’accord de Paris sur le climat dans l’Union après ratification par les États membres.
29 mars 2017: Notification de la demande de retrait du Royaume-Uni par la Première ministre britannique Theresa May.
31 janvier 2020: Retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne après 47 ans d’appartenance.
9 mai 2020: 70 ans de la déclaration Schuman.
1er janvier 2021: Le Royaume-Uni quitte le marché unique et l’union douanière de l’UE et renonce à toutes les politiques et à tous les accords commerciaux de l’Union au terme de la période de transition. Ils sont remplacés par l’accord de commerce et de coopération entre l’UE et le Royaume-Uni.
10 mars 2021: Signature de la déclaration commune du Parlement, du Conseil et de la Commission sur la conférence sur l’avenir de l’Europe.
28 juin 2021: L’UE adopte sa première loi sur le climat.
1er janvier 2023: Introduction de l’euro en Croatie (20e membre de la zone euro).
1er janvier 2023: La Croatie rejoint l’espace Schengen.
DE PARIS À LISBONNE, EN PASSANT PAR ROME, MAASTRICHT, AMSTERDAM ET NICE
Peu après la fin de la Seconde Guerre mondiale, le fonctionnement de l’État et la vie politique dans nos pays reposaient encore presque exclusivement sur les constitutions et les lois nationales. Celles-ci fixaient dans nos pays démocratiques les règles de conduite que les citoyens et les partis mais également l’État et ses institutions étaient tenus de respecter. Il aura fallu attendre l’effondrement total de l’Europe et le déclin économique et politique du vieux continent pour pouvoir jeter les bases d’un renouveau et relancer l’idée d’un nouvel ordre européen.
Dans leur ensemble, les efforts d’unification européenne d’après-guerre renvoient l’image déconcertante d’une myriade d’organisations complexes et difficiles à cerner. Ainsi coexistent, sans véritable lien entre elles, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), le Conseil de l’Europe et l’Union européenne (UE).
Cette diversité d’institutions européennes n’acquiert une structure que si l’on se penche sur les objectifs concrets des différentes organisations. On peut distinguer trois grands groupes:
Premier groupe: les organisations euro-atlantiques
Les organisations euro-atlantiques sont issues de l’alliance conclue après la Seconde Guerre mondiale entre les États-Unis et l’Europe. Ce n’est donc pas un hasard si la première organisation de l’après-guerre, à savoir l’Organisation européenne de coopération économique (OECE), fondée en 1948, fut créée à l’initiative des États-Unis. George Marshall, le ministre américain des affaires étrangères de l’époque, a invité en 1947 les États européens à unir leurs forces pour la reconstruction économique, leur promettant à cet égard le soutien des États-Unis, soutien qui s’est concrétisé dans le «plan Marshall» et a posé les bases d’une reconstruction rapide de l’Europe occidentale. La mission principale de l’OECE était tout d’abord de libéraliser les échanges entre les États. En 1960, les membres de l’OECE, que venaient de rejoindre le Canada et les États-Unis, sont convenus d’élargir le champ d’action de l’OECE à l’aide aux pays en voie de développement. L’OECE est ensuite devenue l’OCDE, qui compte aujourd’hui 38 membres.
En 1949, l’OTAN a été créée sous la forme d’un pacte militaire avec le Canada et les États-Unis. L’objectif de l’OTAN est la mise en œuvre d’une défense collective, plus particulièrement d’une assistance collective. Elle a été conçue comme un élément d’une ceinture de sécurité à l’échelle mondiale visant à maîtriser l’emprise soviétique, et, à la suite de la chute du «rideau de fer» en 1989 et de l’éclatement de l’Union soviétique qui en a résulté, elle est progressivement devenue une organisation pour la gestion des crises et en faveur de la stabilité. L’OTAN est composée de 31 États, dont 22 États membres de l’Union (à l’exception de l’Irlande, de Chypre, de Malte, de l’Autriche et de la Suède) ainsi que l’Albanie, le Canada, les États-Unis, l’Islande, la Macédoine du Nord, le Monténégro, la Norvège, le Royaume-Uni et la Turquie. L’Union de l’Europe occidentale (UEO) a été instituée en 1954 en vue de renforcer la collaboration en matière de politique de sécurité entre les États européens. Elle a marqué le début du développement d’une politique de sécurité et de défense en Europe. Son rôle n’a toutefois pas été élargi, et la plupart de ses compétences ont été dévolues à d’autres institutions internationales, notamment à l’OTAN, au Conseil de l’Europe et à l’Union européenne. En conséquence, l’UEO a été dissoute le 30 juin 2011.
Deuxième groupe: le Conseil de l’Europe et l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe
Les organisations européennes composant le deuxième groupe se caractérisent par une structure qui permet à un maximum d’États de coopérer en leur sein. Il a été délibérément convenu que ces organisations n’iraient pas au-delà de la coopération traditionnelle entre États.
Dans ce groupe figure le Conseil de l’Europe, organisation politique fondée le 5 mai 1949, qui compte aujourd’hui plus de 46 membres, parmi lesquels l’ensemble des actuels États membres de l’UE. Les statuts du Conseil de l’Europe n’indiquent en rien qu’il vise à une fédération ou à une union, et il ne prévoit ni un transfert ni l’exercice en commun d’éléments de souveraineté nationale. Le Conseil de l’Europe prend ses décisions sur toutes les questions importantes selon le principe de l’unanimité. Tout État peut donc empêcher l’adoption d’une décision en mettant son veto. Le Conseil de l’Europe reste ainsi, dans sa conception, un organisme de coopération internationale.
Il a présidé à la conclusion de nombreuses conventions dans les domaines de l’économie, de la culture, de la politique sociale et du droit. L’exemple le plus important et le plus connu est celui de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH), signée le 4 novembre 1950 et qui a entre-temps été ratifiée par les 46 membres du Conseil de l’Europe. Elle a permis d’établir dans les États membres non seulement un niveau minimal important de protection des droits de l’homme, mais également un système de garanties juridiques habilitant les organes institués par la convention, c’est-à-dire la Commission et la Cour européennes des droits de l’homme de Strasbourg, à condamner, dans le cadre de ses dispositions, les atteintes aux droits de l’homme dans les États membres.
Ce groupe comprend également l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), créée en 1994 et issue de la «Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe». L’OSCE, qui compte actuellement 57 pays, est attachée aux principes et objectifs énoncés dans l’acte de Helsinki de 1975 et dans la charte de Paris de 1990. Au nombre d’entre eux figure, outre la promotion de mesures de confiance entre les États européens, l’établissement d’un «filet de sécurité» destiné à aplanir les conflits par des moyens pacifiques.
Troisième groupe: l’Union européenne
Le troisième groupe d’organisations européennes est formé de l’Union européenne. Par rapport aux organisations classiques d’États, sa nouveauté fondamentale réside dans le fait que ses États membres ont renoncé à une partie de leur souveraineté au profit de l’UE et ont doté cette dernière de pouvoirs propres et indépendants des États membres. Dans l’exercice de ces pouvoirs, l’UE est en mesure d’arrêter des actes juridiques européens dont les effets sont les mêmes que ceux des actes adoptés par les États.
La première pierre de la construction européenne a été posée par le ministre français des affaires étrangères Robert Schuman, avec sa déclaration du 9 mai 1950. Il y présentait le plan qu’il avait élaboré avec Jean Monnet en vue d’unifier l’industrie européenne du charbon et de l’acier en une Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA). C’était une initiative historique en faveur d’une «Europe organisée et vivante», «indispensable» à la civilisation et sans laquelle «la paix mondiale ne saurait être sauvegardée».
Le plan Schuman est devenu réalité le 18 avril 1951 à Paris (traité de Paris), avec la conclusion du traité instituant la CECA par les six pays fondateurs (Belgique, République fédérale d’Allemagne, France, Italie, Luxembourg et Pays-Bas). Le traité est entré en vigueur le 23 juillet 1952. Cette communauté constituée pour 50 ans a été «intégrée» dans la Communauté européenne à l’expiration, le 23 juillet 2002, du traité l’instituant. Quelques années plus tard, les mêmes États ont institué, par les traités de Rome du 25 mars 1957, la Communauté économique européenne (CEE) et la Communauté européenne de l’énergie atomique (CEEA ou Euratom), qui ont commencé leurs activités lors de l’entrée en vigueur des traités, le 1er janvier 1958.
La création de l’Union européenne par le traité de Maastricht a marqué une nouvelle étape dans le processus visant à une union politique européenne. Ce traité, déjà signé le 7 février 1992 à Maastricht, n’a pu entrer en vigueur que le 1er novembre 1993 en raison de plusieurs obstacles rencontrés lors de sa ratification (la population danoise n’a consenti à sa ratification qu’à l’issue d’un second référendum; en Allemagne, un recours constitutionnel a été introduit contre l’approbation du traité par le Parlement). Il se définit lui-même comme une «nouvelle étape dans le processus créant une union sans cesse plus étroite entre les peuples de l’Europe». Il contient l’acte fondateur de l’Union européenne sans pour autant lui apporter la dernière pierre. L’Union européenne n’a donc pas remplacé la Communauté européenne mais a contribué à inscrire celle-ci dans un système commun avec de nouvelles politiques et de nouvelles formes de coopération. En ont résulté trois piliers sur lesquels repose l’UE. Le premier pilier était constitué des Communautés européennes: la CEE [rebaptisée CE (Communauté européenne)], la CECA (jusqu’en 2002) et la CEEA. Le deuxième pilier comprenait la coopération entre les États membres dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune. La coopération entre les États membres en matière de justice et d’affaires intérieures constituait le troisième pilier.
L’UE a franchi une première étape supplémentaire avec les traités d’Amsterdam et de Nice, entrés en vigueur respectivement le 1er mai 1999 et le 1er février 2003. L’objectif de ces réformes des traités était de sauvegarder le pouvoir d’action dans une Union élargie à un grand nombre de nouveaux États membres. Les deux traités ont donc conduit essentiellement à des réformes institutionnelles, la volonté politique d’approfondir l’intégration européenne restant relativement faible par rapport aux réformes précédentes.
Les multiples critiques qui en ont résulté ont donné lieu à l’ouverture d’un débat sur l’avenir de l’UE et de sa structure institutionnelle. Ce débat a abouti à l’approbation d’une déclaration sur l’avenir de l’Union européenne par les chefs d’État ou de gouvernement le 5 décembre 2001, à Laeken en Belgique. L’UE s’y est engagée à devenir plus démocratique, plus transparente et plus efficace et à ouvrir la voie vers une Constitution. Une première étape dans la poursuite de cet objectif a été la rédaction d’une Constitution européenne confiée à la Convention sur l’avenir de l’Europe présidée par l’ancien président de la République française Valéry Giscard d’Estaing. Le 18 juillet 2003, le président du Conseil européen s’est vu remettre officiellement le projet de «traité établissant une Constitution pour l’Europe» élaboré par la Convention, qui a été adopté par les chefs d’État ou de gouvernement les 17 et 18 juillet 2004 à Bruxelles, sous réserve de certaines modifications.
L’Union européenne et la Communauté européenne existantes devaient, avec cette Constitution, se fondre en une nouvelle Union européenne unique, fondée sur un seul traité constitutionnel. Par ailleurs, seule la Communauté européenne de l’énergie atomique devait subsister en tant que communauté indépendante, mais elle devait — comme par le passé — être étroitement associée à la nouvelle Union européenne. Ce projet constitutionnel a toutefois échoué au cours du processus de ratification. Après les premiers votes positifs de 13 des, à l’époque, 25 États membres, le traité constitutionnel de l’UE a été rejeté par des référendums en France (54,7 % de «non», pour un taux de participation de 69,34 %) et aux Pays-Bas (61,7 % de «non», pour un taux de participation de 63 %).
Ce n’est qu’au premier semestre de 2007, à l’issue d’une période de réflexion de près de deux ans, qu’un nouveau paquet de réformes a été mis sur les rails. Ce paquet de réformes a signé très officiellement la fin du projet de Constitution européenne prévoyant l’abrogation de tous les traités existants et leur remplacement par un texte uniforme appelé «traité établissant une Constitution pour l’Europe». Au lieu de cela, c’est un traité réformateur qui a été élaboré et qui, dans le droit fil de la tradition des traités de Maastricht, d’Amsterdam et de Nice, procède à des modifications fondamentales des traités existants de l’UE afin d’augmenter le pouvoir d’action de l’UE à l’intérieur et à l’extérieur, de renforcer la légitimité démocratique et, en général, d’améliorer l’efficacité de l’action de l’UE. Selon la même tradition bien établie, ce traité réformateur a été baptisé traité de Lisbonne. L’élaboration du traité de Lisbonne a été extrêmement rapide. Cela tient notamment au fait que ce sont les chefs d’État ou de gouvernement eux-mêmes qui, lors de la réunion du Conseil européen à Bruxelles, les 21 et 22 juin 2007, ont établi en détail, dans les conclusions, de quelle façon et dans quelle mesure les nouveautés négociées pour le traité constitutionnel devaient être intégrées dans les traités existants. Ils ont procédé à cet égard de manière tout à fait atypique et ne se sont pas limités, comme d’habitude, à des missions générales, devant ensuite être traduites en dispositions concrètes par une Conférence intergouvernementale, mais ils ont eux-mêmes défini la structure et le contenu des modifications à apporter, en fixant même souvent le texte précis d’une disposition.
La plus grande polémique a porté sur la délimitation des compétences entre l’UE et les États membres, le développement de la politique étrangère et de sécurité commune, le nouveau rôle des parlements nationaux dans le processus d’intégration, l’intégration de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne dans le droit de l’Union ainsi que les éventuels progrès dans le domaine de la coopération policière et judiciaire en matière pénale. La Conférence intergouvernementale convoquée en 2007 n’avait donc qu’une faible marge de manœuvre et n’a été habilitée qu’à transposer techniquement les modifications souhaitées. Les travaux de la Conférence ont ainsi pu être terminés dès les 18 et 19 octobre 2007; ils ont été politiquement entérinés lors de la réunion informelle du Conseil européen qui se déroulait en même temps à Lisbonne.
Enfin, le 13 décembre 2007, le traité a été formellement signé à Lisbonne par les chefs d’État ou de gouvernement des États membres de l’UE, alors au nombre de 27 (la Croatie n’a adhéré à l’UE qu’en 2013). Cependant, le processus de ratification de ce traité s’est lui aussi révélé extrêmement difficile. Certes, le traité de Lisbonne, à la différence du traité constitutionnel, a réussi à passer les obstacles de la ratification en France et aux Pays-Bas, mais celle-ci a d’abord échoué en Irlande lors d’un premier référendum organisé le 12 juin 2008 (53,4 % de «non», pour un taux de participation de 53,1 %). Ce n’est qu’après avoir obtenu certaines assurances juridiques concernant la portée (limitée) du nouveau traité que les citoyens irlandais ont été appelés, en octobre 2009, à se prononcer une nouvelle fois sur le traité lors d’un second référendum. Cette fois, la population irlandaise a approuvé le traité à une large majorité (67,1 % de «oui», pour un taux de participation de 59 %). L’issue positive du référendum en Irlande a aussi ouvert le chemin à la ratification du traité de Lisbonne en Pologne et en Tchéquie. En Pologne, le président Kaczyński avait subordonné la signature de l’acte de ratification à l’issue positive du référendum irlandais. Le président tchèque Václav Klaus souhaitait également attendre le résultat du référendum irlandais et a finalement subordonné, lui aussi, la signature de l’instrument de ratification, à la garantie que les «décrets Beneš» de 1945, qui avaient exclu toute revendication territoriale sur les anciens territoires allemands situés en Tchéquie, ne soient pas affectés par le traité de Lisbonne et, en particulier, par la charte des droits fondamentaux que ce dernier introduit dans le traité UE. Après qu’une solution eut été trouvée également pour cette exigence, Václav Klaus a signé l’acte de ratification le 3 novembre 2009. Ainsi, le processus de ratification a pu être mené à bien, de sorte que le traité de Lisbonne a pu entrer en vigueur le 1er décembre 2009.
Par le traité de Lisbonne, l’Union européenne et la Communauté européenne ont fusionné en une seule Union européenne. L’expression «Communauté» a été partout remplacée par celle d’«Union». L’Union s’est substituée à la Communauté européenne dont elle a pris la succession. Le droit de l’Union reste toutefois marqué par les trois traités suivants:
Le traité sur l’Union européenne (traité UE) est divisé en six titres: I) «Dispositions communes», II) «Dispositions relatives aux principes démocratiques», III) «Dispositions relatives aux institutions», IV) «Dispositions sur les coopérations renforcées», V) «Dispositions générales relatives à l’action extérieure de l’Union et dispositions spécifiques concernant la politique étrangère et de sécurité commune» et VI) «Dispositions finales».
Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne
Le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (traité FUE) est issu du traité instituant la Communauté européenne (traité CE). Il suit pour l’essentiel la structure du traité CE. Les modifications principales concernent l’action extérieure de l’UE et l’introduction de nouveaux chapitres, relatifs notamment à la politique énergétique, à la coopération policière et judiciaire en matière pénale, à l’espace, au sport et au tourisme.
Traité instituant la Communauté européenne de l’énergie atomique
Le traité instituant la Communauté européenne de l’énergie atomique (traité CEEA ou Euratom) n’a fait l’objet que de modifications ponctuelles. Les diverses modifications spécifiques ont été opérées dans des protocoles qui ont été ajoutés au traité de Lisbonne.
Le traité UE et le traité FUE ont le même rang juridique et n’ont, par exemple, aucun rapport de subordination. Cette précision juridique explicite est nécessaire puisque le nouveau titre de l’ancien traité CE (traité sur le fonctionnement de l’Union européenne) et la densité réglementaire des deux traités donnent l’impression que le traité UE constitue une sorte de loi fondamentale ou de traité fondateur, alors que le traité FUE serait plutôt conçu comme un traité d’exécution. Le traité UE et le traité FUE n’ont tous les deux aucun caractère constitutionnel. La terminologie utilisée dans l’ensemble des traités reflète cette modification par rapport à l’ancien projet de Constitution: l’expression «Constitution» n’est plus utilisée, le «ministre des affaires étrangères de l’Union» devient le «haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité» et les expressions «loi» et «loi-cadre» sont abandonnées. De même, les traités modifiés ne contiennent aucun article mentionnant les symboles de l’UE tels que le drapeau, l’hymne et la devise. La primauté du droit de l’Union n’est pas fixée par une disposition explicite du traité mais résulte, comme par le passé, de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne à laquelle il est renvoyé à ce propos dans une déclaration.
Le traité de Lisbonne renonce en outre au «modèle des trois piliers» de l’UE. Toutefois, les procédures spéciales dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité commune, y compris la défense européenne, restent en vigueur — les déclarations de la Conférence intergouvernementale jointes au traité soulignent le caractère spécifique et la responsabilité particulière des États membres dans ce domaine politique.
Appartenance à l’UE
Depuis le retrait du Royaume-Uni, l’UE compte 27 États membres. Il s’agit, en premier lieu, des six pays fondateurs de la Communauté économique européenne, à savoir la Belgique, l’Allemagne (élargie, après la réunification des deux États allemands le 3 octobre 1990, au territoire de l’ex-Allemagne de l’Est), la France, l’Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas. Le 1er janvier 1973, le Danemark (limité par la suite au Danemark continental puisque, en février 1982, le Groenland s’est prononcé par référendum à une courte majorité contre le maintien de l’île dans la CE), l’Irlande et le Royaume-Uni (qui a quitté l’UE le 31 janvier 2020) ont rejoint la Communauté. En Norvège, l’adhésion également prévue a été rejetée par un référendum en octobre 1972 (53,5 % de «non»).
L’«élargissement vers le sud» de l’UE a été inauguré par l’adhésion de la Grèce le 1er janvier 1981 et s’est terminé ensuite par l’adhésion de l’Espagne et du Portugal le 1er janvier 1986. Cet élargissement vers le sud a été suivi par l’adhésion à l’UE, le 1er janvier 1995, de l’Autriche, de la Finlande et de la Suède. La Norvège a refusé de nouveau d’adhérer — comme 22 ans auparavant — à une courte majorité, 52,4 % des citoyens s’étant prononcés par référendum contre l’adhésion de leur pays à l’UE. Le 1er mai 2004, les États baltes — l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie —, les pays d’Europe centrale et orientale — la Tchéquie, la Hongrie, la Pologne, la Slovénie et la Slovaquie — ainsi que deux îles méditerranéennes — Chypre et Malte — ont adhéré à l’UE. Un peu plus de deux ans plus tard, l’élargissement vers l’est s’est poursuivi avec l’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie le 1er janvier 2007.
Le dernier membre à avoir rejoint l’UE, le 1er juillet 2013, est la Croatie. La population de l’Union s’élève aujourd’hui à 447 millions d’habitants. Cet élargissement historique de l’UE constitue l’aboutissement d’un long processus qui a permis la réunification des peuples européens séparés pendant plus d’un demi-siècle par le rideau de fer et la guerre froide. Ces élargissements de l’UE marquent donc surtout la volonté d’assurer la paix, la stabilité et le bien-être économique dans un continent européen uni.
L’UE est ouverte à l’entrée d’autres États, pour autant que ceux-ci satisfassent aux critères d’adhésion définis lors du Conseil européen à Copenhague en 1993:
- critères politiques: la présence d’institutions stables, la démocratie, l’état de droit, la garantie des droits de l’homme, le respect des minorités et leur protection;
- critères économiques: une économie de marché viable et la capacité à faire face aux forces du marché et à la pression concurrentielle à l’intérieur de l’UE;
- critères juridiques: l’aptitude à assumer les obligations découlant de l’adhésion et à souscrire aux objectifs de l’union politique ainsi que de l’Union économique et monétaire.
Le processus d’adhésion est constitué de trois étapes soumises à l’approbation de l’ensemble des États membres de l’UE:
- un pays se voit ouvrir la perspective d’une adhésion;
- un pays obtient le statut officiel de pays candidat dès lors qu’il remplit les conditions d’adhésion, ce qui ne signifie pas encore que les négociations formelles sont ouvertes;
- des négociations formelles d’adhésion sont ouvertes avec le pays candidat, durant lesquelles il est convenu des modalités et du processus d’adoption de la législation de l’Union en vigueur.
Une fois les négociations et les réformes qui en découlent fixées à la satisfaction des deux parties, les conclusions et les conditions d’adhésion sont consignées dans un traité d’adhésion. Ce traité d’adhésion doit tout d’abord être approuvé par le Parlement européen à la majorité absolue de ses membres. Il doit ensuite être approuvé à l’unanimité par le Conseil. Les chefs d’État ou de gouvernement de l’UE et du pays adhérent procèdent ensuite à la signature du traité. Tout traité d’adhésion doit ensuite, en vertu des dispositions constitutionnelles, être «ratifié» par les États membres de l’UE et le pays en voie d’adhésion. Le dépôt de l’instrument de ratification marque le terme des négociations d’adhésion et l’entrée en vigueur du traité d’adhésion. Le pays en voie d’adhésion devient alors un État membre.
Des négociations d’adhésion sont en cours avec la Turquie (depuis 2005), le Monténégro (depuis 2012), la Serbie (depuis 2014) ainsi que l’Albanie et la Macédoine du Nord (depuis 2022).
La Turquie a présenté sa demande d’adhésion le 14 avril 1987. Les relations entre l’UE et la Turquie s’inscrivent toutefois dans une histoire bien plus ancienne. Dès 1963, un accord d’association faisant référence à une perspective d’adhésion a été conclu entre la CEE et la Turquie. En 1995, une union douanière a été créée, et, en décembre 1999, le Conseil européen de Helsinki a conféré officiellement à la Turquie le statut de candidat à l’adhésion. Se trouvait ainsi exprimée la conviction que ce pays possède les fondements d’un système démocratique, même si d’énormes progrès sont encore nécessaires en ce qui concerne le respect des droits de l’homme et la protection des minorités. En décembre 2004, sur la base d’une recommandation de la Commission, le Conseil européen a finalement donné son feu vert à l’ouverture des négociations d’adhésion avec la Turquie. Les négociations ont débuté en octobre 2005, mais elles restent difficiles. Cela s’explique en partie par le bilan encore médiocre du pays en matière de respect des droits de l’homme, d’état de droit, de liberté des médias et de lutte contre la corruption. Par ailleurs, huit chapitres ne pourront être ouverts à la négociation et les chapitres déjà négociés ne pourront être provisoirement clôturés qu’une fois que la Turquie aura ratifié le protocole additionnel à l’accord d’association d’Ankara sur Chypre. L’objectif final de ces négociations est l’adhésion. Cependant, aucune garantie n’est donnée quant à la réalisation de cet objectif.
L’Islande a déposé une demande d’adhésion à l’UE le 17 juillet 2009. Les négociations d’adhésion ont officiellement commencé en 2010; elles se sont tout d’abord bien déroulées, puis, à la suite du changement de gouvernement, se sont enlisées, pour finalement cesser complètement après que l’Islande a retiré sa demande d’adhésion le 12 mars 2015.
En 2022, l’UE a accordé le statut de pays candidat à la Bosnie-Herzégovine, à la Moldavie et à l’Ukraine. Le Kosovo (1), tout comme la Géorgie, se sont également vu ouvrir la perspective d’une future adhésion à l’UE.
Le retrait de l’UE est également prévu: le traité UE introduit une clause de retrait (article 50) permettant à un État membre de quitter l’Union. Le retrait n’est lié à aucune condition, il suffit qu’un accord soit conclu entre l’UE et l’État membre concerné sur les modalités du retrait ou, à défaut d’un tel accord, que s’écoule un délai de deux ans à compter de la notification de l’intention de retrait pour que ce dernier prenne effet même sans accord. Il n’existe en revanche pas de disposition prévoyant l’exclusion d’un État membre de l’UE en cas de violations graves et persistantes des traités.
La possibilité de retrait a été utilisée bien plus vite qu’on ne l’aurait imaginé. Le 23 juin 2016, 51,9 % des Britanniques se sont prononcés contre le maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne par référendum (avec un taux de participation de 72,2 %). En conséquence, le Royaume-Uni a, le 29 mars 2017, officiellement communiqué au Conseil européen son intention de se retirer de l’UE et de la Communauté européenne de l’énergie atomique. Trois ans après le référendum britannique, au terme de négociations extrêmement mouvementées sur l’accord de retrait, le départ du Royaume-Uni de l’UE a été définitivement scellé le 31 janvier 2020, 47 ans après son adhésion à l’Union. À l’issue de la période de transition, le 31 décembre 2020, le Royaume-Uni a complètement quitté l’UE le 1er janvier 2021, se retirant ainsi plus particulièrement du marché intérieur européen, de l’union douanière, des politiques et des accords commerciaux de l’UE. Les relations futures de l’UE avec le Royaume-Uni en tant que pays tiers sont définies dans l’accord bilatéral de commerce et de coopération. Celui-ci constitue un élément clé du retrait, avec l’accord de retrait, qui en jetait les bases, et la déclaration politique, qui fournissait le cadre des négociations sur les relations futures entre le Royaume-Uni et l’UE.
Deux aspects de l’accord de retrait méritent une attention particulière:
- Le problème de la frontière irlandaise
Pour éviter le retour d’une frontière tangible entre l’Irlande du Nord et l’Irlande, l’UE exigeait la mise en place d’un filet de sécurité, ou «backstop». Celui-ci aurait néanmoins pratiquement forcé la totalité du Royaume-Uni à demeurer dans une union douanière avec l’UE et menaçait, à ce titre, de rendre tout accord impossible. Un arrangement mutuellement acceptable a finalement pu être trouvé à la dernière minute. Un protocole à l’accord de retrait indique clairement que l’Irlande du Nord fait partie du territoire douanier du Royaume-Uni. Les accords commerciaux que le Royaume-Uni peut conclure après la fin de la période de transition et après avoir quitté l’union douanière de l’UE s’appliquent par conséquent également sans restriction en Irlande du Nord. L’Irlande du Nord aura ainsi une frontière avec l’Irlande et donc avec le marché unique et l’union douanière de l’UE, ce qui, en théorie, nécessiterait également des contrôles des marchandises à cette frontière. Cela est toutefois contraire à l’accord de paix de Belfast de 1998 (également connu sous le nom d’«accord du Vendredi saint»), qui a été conclu après une période de violence de 30 ans en Irlande du Nord, appelée la période des «Troubles». Par conséquent, les parties sont convenues, dans l’accord de retrait, de déplacer la frontière douanière entre le Royaume-Uni et l’UE vers la mer entre le Royaume-Uni et l’Irlande du Nord. L’Irlande du Nord restera donc soumise à toutes les règles douanières et dispositions relatives au marché pertinentes de l’UE, et notamment aux règles commerciales, normes sanitaires, normes de production, modalités de vente de produits agricoles, règles en matière de taxe sur la valeur ajoutée et de droits d’accise et règles de contrôle des aides d’État. Les marchandises produites en Irlande du Nord peuvent ainsi être introduites en Irlande (et de là vers n’importe quel endroit de l’UE) sans contrôle aux frontières. Tous les autres biens et produits importés en Irlande du Nord sont contrôlés par les autorités douanières britanniques dans les ports ou les aéroports. Il convient notamment d’établir si ces marchandises et produits sont destinés uniquement à l’un des marchés britanniques ou s’ils présentent le «risque» d’être introduits sur le marché de l’Union via l’Irlande. Un comité mixte s’efforcera de limiter le «risque» et de prévoir des exceptions sur la base de certains critères (nature et valeur du produit, utilisation pour la consommation directe ou la transformation ultérieure, probabilité d’un abus, etc.). Le traitement tarifaire sera déterminé par l’affectation au territoire douanier respectif: lorsque les marchandises sont destinées au marché de l’Irlande du Nord, le régime douanier du Royaume-Uni s’appliquera intégralement; en revanche, s’il existe un «risque» que ces marchandises se retrouvent sur le marché intérieur de l’UE, la législation douanière de l’Union s’appliquera. À l’issue de la période de transition, le Parlement d’Irlande du Nord pourra décider tous les quatre ans, à la majorité simple, s’il souhaite maintenir l’application des règles européennes. En cas de décision négative, les règles européennes cesseront également de s’appliquer en Irlande du Nord après deux ans. Dans ce cas, une autre solution devra être trouvée dans un délai de deux ans, afin d’éviter la création d’une frontière physique entre l’Irlande du Nord et l’Irlande.
- Droits civils mutuels
Étant donné que 3,2 millions de citoyens de l’UE sont établis au Royaume-Uni et que 1,2 million de citoyens britanniques vivent dans l’UE, la question de la protection mutuelle des droits des citoyens est une priorité absolue. En vertu de l’accord de retrait, les citoyens de l’UE et du Royaume-Uni qui ont exercé leur droit de résider sur leur territoire respectif avant la fin de la période de transition (31 décembre 2020) et qui continuent d’y résider par la suite jouiront à vie de tous les droits qui leur étaient accordés avant le retrait; cela concerne également les membres de leur famille. À l’issue de la période de transition, ils pourront continuer à y vivre, y travailler ou y étudier. Leurs conjoints, enfants ou petits-enfants vivant dans un autre État pourront à tout moment déménager sur le territoire où vit le membre de leur famille. Les ayants droit conservent également tous leurs droits aux prestations de santé et autres prestations de sécurité sociale. La reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles est garantie. Toute discrimination fondée sur la nationalité reste interdite même au-delà de la période de transition. Les citoyens jouissent d’une pleine égalité de traitement, notamment en ce qui concerne l’égalité des droits et des chances en matière d’accès à l’emploi et à la formation. Toutefois, ces droits ne s’appliquent plus automatiquement. Au contraire, les citoyens de l’UE, par exemple, devaient revendiquer leur statut de résident au Royaume-Uni avant juin 2021. Le non-respect du délai est subordonné à l’existence d’un motif valable justifiant la présentation tardive de la demande.
L’accord de commerce et de coopération a été signé le 30 décembre 2020. Il était appliqué à titre provisoire depuis le 1er janvier 2021 et est entré en vigueur à titre définitif le 1er mai 2021.
L’accord de commerce et de coopération établit, entre autres, un partenariat économique global. Celui-ci repose essentiellement sur un accord de libre-échange qui ne prévoit pas de droits de douane ni de contingents et empêche ainsi la création de barrières commerciales importantes. Toutefois, un tel partenariat nécessite également un cadre équitable. C’est pourquoi les deux parties se sont entendues sur des règles détaillées, afin de garantir une concurrence loyale. Celles-ci portent sur les aides d’État et sur les normes dans les domaines de la protection des consommateurs, de la protection des travailleurs, de l’environnement et de la protection du climat. Toutefois, il ne peut y avoir de véritable partenariat économique si les relations futures ne vont pas au-delà des questions commerciales. L’UE et le Royaume-Uni se sont donc mis d’accord sur le cadre de la coopération future dans de nombreux autres domaines: services, qualifications professionnelles, marchés publics, questions environnementales et énergétiques, transport aérien, maritime et ferroviaire de marchandises ainsi que réglementations en matière de sécurité sociale ou de recherche et développement. En vertu de cet accord, le Royaume-Uni continuera de participer à l’avenir à un certain nombre de programmes de l’UE. Afin de tenir compte de la forte interdépendance et de la proximité géographique de l’UE et du Royaume-Uni, l’accord établit également un partenariat étroit en matière de sécurité. Celui-ci permettra une coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures. Concrètement, cela signifie que les deux parties continueront de collaborer étroitement dans la lutte contre la criminalité, par exemple dans le cadre d’Europol (l’Agence de l’Union européenne pour la coopération des services répressifs), et qu’elles se coordonneront dans la lutte contre le blanchiment de capitaux, la criminalité transnationale et le terrorisme. En outre, l’accord régit l’échange mutuel de données, telles que les données des dossiers passagers ou les casiers judiciaires. Contrairement aux souhaits de l’UE, l’accord ne contient aucune disposition sur la coopération en matière de politique étrangère et de sécurité. L’UE et le Royaume-Uni demeurent des partenaires importants au sein de l’OTAN, de l’OSCE ou encore des Nations unies.
LES PRINCIPES FONDAMENTAUX DE L’UNION EUROPÉENNE
Article 2 du traité UE (valeurs de l’Union)
L’Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’État de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. Ces valeurs sont communes aux États membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l’égalité entre les femmes et les hommes.
Article 3 du traité UE (objectifs de l’Union)
- L’Union a pour but de promouvoir la paix, ses valeurs et le bien-être de ses peuples.
- L’Union offre à ses citoyens un espace de liberté, de sécurité et de justice sans frontières intérieures, au sein duquel est assurée la libre circulation des personnes, en liaison avec des mesures appropriées en matière de contrôle des frontières extérieures, d’asile, d’immigration ainsi que de prévention de la criminalité et de lutte contre ce phénomène.
- L’Union établit un marché intérieur. Elle œuvre pour le développement durable de l’Europe fondé sur une croissance économique équilibrée et sur la stabilité des prix, une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social, et un niveau élevé de protection et d’amélioration de la qualité de l’environnement. Elle promeut le progrès scientifique et technique.
Elle combat l’exclusion sociale et les discriminations, et promeut la justice et la protection sociales, l’égalité entre les femmes et les hommes, la solidarité entre les générations et la protection des droits de l’enfant.
Elle promeut la cohésion économique, sociale et territoriale, et la solidarité entre les États membres.
Elle respecte la richesse de sa diversité culturelle et linguistique, et veille à la sauvegarde et au développement du patrimoine culturel européen.
- L’Union établit une union économique et monétaire dont la monnaie est l’euro.
- Dans ses relations avec le reste du monde, l’Union affirme et promeut ses valeurs et ses intérêts et contribue à la protection de ses citoyens. Elle contribue à la paix, à la sécurité, au développement durable de la planète, à la solidarité et au respect mutuel entre les peuples, au commerce libre et équitable, à l’élimination de la pauvreté et à la protection des droits de l’homme, en particulier ceux de l’enfant, ainsi qu’au strict respect et au développement du droit international, notamment au respect des principes de la charte des Nations unies.
[...]
La construction d’une Europe unie repose sur des principes fondamentaux dont se réclament aussi les États membres à l’article 2 du traité UE et dont l’application est confiée aux organes exécutifs de l’UE. Ces valeurs fondamentales sont les suivantes: le respect de la dignité humaine, l’égalité, la liberté et la solidarité. L’UE est explicitement fondée sur le respect de la liberté, de la démocratie et de l’état de droit, principes partagés par tous les États membres, ainsi que sur la protection des droits de l’homme.
Ces valeurs ne constituent pas seulement la ligne directrice pour les États qui comptent adhérer plus tard à l’UE: une violation grave et persistante de ces valeurs et principes par un État membre peut également être sanctionnée, en vertu de l’article 7 du traité UE. Les chefs d’État ou de gouvernement réunis au sein du Conseil européen doivent tout d’abord constater à l’unanimité l’existence d’une violation grave et persistante des valeurs et principes de l’Union, et ce, sur proposition d’un tiers des États membres ou de la Commission et après approbation du Parlement européen. Le Conseil de l’Union européenne peut décider, à la majorité qualifiée, de suspendre certains des droits découlant de l’application du traité UE et du traité FUE à l’État membre en question, y compris les droits de vote du représentant du gouvernement de cet État membre au sein du Conseil. Les obligations qui incombent à l’État membre en question au titre des traités restent en tout état de cause contraignantes pour cet État. Ce faisant, le Conseil tient compte en particulier des conséquences éventuelles sur les droits et obligations des personnes physiques et morales.
L’Union européenne, garante de la paix
Le moteur le plus puissant de l’unification européenne a été la soif de paix (en vertu de l’article 3 du traité UE ). Au cours du siècle dernier, deux guerres mondiales ont opposé des États européens aujourd’hui membres de l’UE. Il n’est donc pas étonnant que politique européenne rime avec politique de paix. La création de l’UE a mis en place un ordre qui empêche toute nouvelle guerre entre ses États membres. Plus de soixante-dix années de paix en Europe en sont la preuve. Cette paix se renforce d’autant plus que le nombre des États européens rejoignant l’UE augmente. C’est en ce sens que les derniers élargissements de l’UE ont apporté une contribution importante au renforcement de la paix en Europe. En 2012, l’UE s’est vu décerner le prix Nobel de la paix en récompense de ses efforts en vue de contribuer à la promotion de la paix, de la réconciliation, de la démocratie et des droits de l’homme.
Toutefois, la paix en Europe ne va pas de soi, comme en témoigne l’agression non provoquée et injustifiée menée par la Russie contre l’Ukraine. Au contraire, il faut que l’Union étende son action pacificatrice au-delà de la zone de paix créée sur son territoire. Elle devrait en avoir davantage la possibilité dans le cadre de la coopération des États membres en matière de politique étrangère et de sécurité.
L’unité et l’égalité comme leitmotivs
L’unité constitue un leitmotiv. Vivre et agir ensemble dans le respect de la diversité est le seul moyen pour les États européens de surmonter leurs problèmes actuels. Beaucoup sont d’avis que la paix en Europe et dans le monde, la démocratie et l’état de droit, la prospérité économique et le bien-être social ne sauraient être assurés à l’avenir sans l’intégration européenne et l’UE. Changement climatique, chômage, croissance insuffisante, sécurité de l’approvisionnement énergétique et pollution: autant de problèmes persistants qui ne peuvent plus être résolus au seul niveau national. Ce n’est que dans le cadre de l’UE que peut être établi un ordre économique stable, et il faut que les Européens unissent leurs efforts pour mener une politique économique internationale améliorant la compétitivité de leur économie et soutenant la réalisation des objectifs climatiques et le renforcement de l’état de droit social. Sans cohésion interne, l’Europe ne saurait être en mesure d’affirmer son indépendance politique et économique vis-à-vis du reste du monde ni retrouver son influence sur la scène internationale et jouer un rôle dans la politique mondiale.
L’unité ne peut exister que si l’égalité est assurée. Aucun citoyen de l’UE ne peut faire l’objet d’une discrimination en raison de sa nationalité. Il faut combattre toute discrimination fondée sur le sexe, la race, l’origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle. La charte des droits fondamentaux ne se limite pas à ces caractéristiques: les discriminations fondées sur la couleur, les caractéristiques génétiques, la langue, les opinions politiques ou toute autre opinion, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune ou la naissance sont également interdites. En outre, tous les citoyens de l’UE sont égaux devant la loi. Quant aux États membres, aucun d’entre eux ne doit bénéficier d’une prééminence et, pour répondre au principe de l’égalité, il convient de ne pas tenir compte des différences naturelles, par exemple en matière de superficie, de nombre d’habitants ou de structures.
Les libertés fondamentales
La paix, l’unité et l’égalité ont pour corollaire la liberté. La création d’un grand espace réunissant à présent 27 États garantit en outre la liberté de circulation par-delà les frontières nationales. Il s’agit avant tout de la libre circulation des travailleurs, de la liberté d’établissement, de la libre prestation des services, de la libre circulation des marchandises et de la libre circulation des capitaux. Autant de libertés fondamentales qui permettent à l’entrepreneur de décider en toute liberté, au travailleur de choisir librement son lieu de travail et au consommateur de disposer d’un éventail des produits les plus variés. La libre concurrence ouvre aux entreprises des débouchés bien plus larges. L’espace constitué par l’UE permet au travailleur de rechercher un emploi ou d’en changer en fonction de ses qualifications et de ses intérêts. La gamme des articles offerts dans un système de concurrence accrue est telle que l’utilisateur peut choisir les moins chers et les meilleurs.
Lors d’une adhésion à l’UE, des dispositions transitoires sont toutefois prévues dans le traité d’adhésion, notamment en ce qui concerne la libre circulation des travailleurs ainsi que la liberté d’établissement et la libre prestation des services, qui permettent aux anciens États membres de réglementer l’application de ces libertés fondamentales aux ressortissants des pays en voie d’adhésion pendant une période maximale de sept ans en vertu du droit national ou des accords bilatéraux en vigueur.
Le principe de solidarité
La liberté exige, en contrepartie, la solidarité; l’abus de liberté se fait toujours au détriment d’autrui. C’est pourquoi un ordre de l’Union, pour être durable, devra toujours reconnaître comme principe fondamental la solidarité de ses membres et répartir uniformément et équitablement les avantages — c’est-à-dire la prospérité — et les charges entre tous les membres.
Le respect de l’identité nationale
L’Union respecte l’identité nationale de ses États membres. Les États membres ne doivent pas se fondre au sein de l’UE, mais se retrouver en elle tout en conservant leurs caractéristiques nationales. C’est dans cette diversité de caractéristiques et d’identités nationales que l’UE puise cette force morale qu’elle met au service de tous.
Le désir de sécurité
Toutes ces valeurs de base sont, en définitive, fonction de la sécurité. En particulier depuis les attentats terroristes du 11 septembre 2001 aux États-Unis et les attaques terroristes toujours plus nombreuses et plus barbares en Europe, la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée est de nouveau au centre des préoccupations de l’Europe. La coopération policière et judiciaire est sans cesse approfondie, la protection des frontières extérieures communes de l’UE est renforcée.
Toutefois, dans le contexte européen, la notion de «sécurité» couvre aussi la sécurité sociale de tous les citoyens vivant dans l’UE, la sécurité de l’emploi ainsi que la sécurité des mesures décidées par les entreprises, qui doivent pouvoir être certaines du cadre économique. Les institutions de l’UE sont donc appelées, sur ce point, à permettre aux citoyens et aux entreprises de maîtriser leur avenir et à les placer dans les conditions adéquates.
Les droits fondamentaux
On ne saurait parler des principes de base et des valeurs primordiales qui sont le fondement de l’UE sans soulever la question des droits fondamentaux de ses citoyens, d’autant que l’histoire de l’Europe a été marquée depuis plus de deux siècles par les efforts constants déployés pour renforcer la protection de ces droits. Depuis les déclarations des droits de l’homme et du citoyen proclamées au XVIIIe siècle, libertés et droits fondamentaux font partie intégrante des constitutions de la plupart des pays civilisés, et particulièrement des États membres de l’UE. Les ordres juridiques de ces derniers reposent sur la sauvegarde du droit ainsi que sur le respect de la dignité, de la liberté et des possibilités d’épanouissement de la personne humaine. Il existe en outre de nombreux accords internationaux en la matière, parmi lesquels la «convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales» (ou convention européenne des droits de l’homme ou CEDH) revêt une importance exceptionnelle.
La protection des droits fondamentaux par un ordre juridique de l’Union a été assurée à travers une jurisprudence constante de la Cour de justice établie relativement tard (en 1969). Auparavant, la Cour de justice avait rejeté toutes les actions concernant les droits fondamentaux au motif que les questions de droit constitutionnel national n’étaient pas de son ressort. Elle a dû revenir sur sa position en raison notamment d’un principe qu’elle avait elle-même établi, à savoir la primauté du droit de l’Union sur le droit national. En effet, cette primauté ne vaut que si le droit de l’Union est en mesure de garantir une protection des droits fondamentaux équivalente à celle des constitutions nationales.
Le point de départ de cette jurisprudence est l’affaire Stauder, dans laquelle le bénéficiaire d’une pension de victime de guerre avait considéré comme une atteinte à sa dignité personnelle et au principe d’égalité le fait de devoir donner son nom pour l’achat de «beurre de Noël». Dans un premier temps, la Cour de justice avait estimé que l’indication du nom n’était pas indispensable, au vu des dispositions de l’Union, et qu’il était donc superflu d’examiner le moyen de la violation d’un droit fondamental; à la fin de son arrêt, elle constatait, néanmoins, que le respect des droits fondamentaux faisait partie des principes généraux de l’ordre de l’Union qu’il lui appartenait de faire respecter. La Cour reconnaissait ainsi pour la première fois l’existence d’un régime des droits fondamentaux dans l’UE.
La Cour de justice a tout d’abord établi les sauvegardes des droits fondamentaux sur la base d’un certain nombre de dispositions des traités. Elle a notamment procédé de la sorte pour les nombreuses interdictions de discrimination, qui sont chacune des émanations de différents aspects du principe général d’égalité. Au nombre d’entre elles figurent l’interdiction de toute discrimination exercée en raison de la nationalité (article 18 du traité FUE), la lutte contre toute discrimination fondée sur le sexe, la race ou l’origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle (article 10 du traité FUE), l’égalité de traitement pour les marchandises et les personnes dans le domaine des quatre libertés fondamentales (libre circulation des marchandises: article 34 du traité FUE; libre circulation des personnes: article 45 du traité FUE; liberté d’établissement: article 49 du traité FUE; libre prestation des services: article 57 du traité FUE), la libre concurrence (articles 101 et suivants du traité FUE) ainsi que l’égalité des rémunérations entre hommes et femmes (article 157 du traité FUE). Sont également explicitement garantis la liberté d’association (article 169 du traité FUE), le droit de pétition (article 24 du traité FUE) et la protection du secret des affaires et du secret professionnel (article 339 du traité FUE).
La Cour de justice a constamment développé les bases de la protection des droits fondamentaux par le droit de l’Union et les a complétées par d’autres droits du même ordre. À cette fin, elle a reconnu des principes juridiques généraux et les a appliqués en s’inspirant des traditions constitutionnelles communes aux États membres, ainsi que des conventions internationales sur la protection des droits de l’homme auxquelles les États membres sont parties. Au premier rang d’entre elles figure la CEDH, qui a permis de déterminer le contenu des droits fondamentaux de l’Union et les mécanismes de sauvegarde. Sur cette base, la Cour a élevé un certain nombre de libertés au rang de droits fondamentaux de l’Union, à savoir: le droit de propriété, la liberté d’exercer une activité professionnelle, l’inviolabilité du domicile, la liberté d’opinion, les droits généraux de la personnalité, la protection de la famille (par exemple le droit au regroupement familial pour les travailleurs migrants), la liberté économique, la liberté de religion ou de croyance, ainsi qu’un certain nombre de droits procéduraux fondamentaux tels que le droit d’être entendu, le principe de la confidentialité de la correspondance entre l’avocat et son client (connu sous le nom de «legal privilege» dans les pays de common law), le principe ne bis in idem ou encore la nécessité de motiver les actes juridiques de l’Union.
Il est un principe qui revêt une importance particulière et est régulièrement invoqué dans les litiges, c’est le principe de l’égalité de traitement. Dans sa définition la plus générale, ce principe pose que des situations comparables ne peuvent être traitées de manière différente, à moins que cette différence ne soit objectivement justifiée. Grâce à la jurisprudence de la Cour de justice, le droit de l’Union dispose également d’un vaste fonds de principes de l’état de droit proches des droits fondamentaux. Dans ce contexte, le principe de proportionnalité revêt une importance pratique considérable. Il comporte l’obligation d’évaluer les divers intérêts en jeu, ce qui implique que soient examinées la nécessité et l’adéquation d’une mesure et exclut tout excès. Au nombre des principes généraux du droit proches des droits fondamentaux, on trouve aussi les principes généraux du droit administratif et du «due process», par exemple le principe de la confiance légitime, la non-rétroactivité des sanctions et l’interdiction de retirer ou de révoquer rétroactivement des actes ayant conféré des droits ou avantages, ou encore le principe des droits de la défense, qui s’applique aussi bien dans les procédures administratives devant la Commission européenne que dans les actions engagées devant la Cour de justice. L’accent est également mis sur l’exigence d’une plus grande transparence, qui implique que les décisions soient prises aussi ouvertement et aussi près des citoyens que possible. Une conséquence importante de cette transparence est que tout citoyen européen et toute personne morale établie dans un État membre a un droit d’accès aux documents du Conseil et de la Commission européenne. En outre, tous les paiements effectués dans le cadre du budget de l’Union à des personnes physiques ou morales doivent être publiés. À cet effet sont créées des bases de données librement accessibles à tous les citoyens de l’UE.
Tout en reconnaissant l’œuvre accomplie par la Cour de justice dans la définition de droits fondamentaux non fixés par écrit, on ne peut toutefois que constater que cette manière d’établir des «droits fondamentaux européens» présente un grave inconvénient: la Cour de justice doit se limiter à des cas d’espèce. Dans ces conditions, elle peut ne pas être en mesure de dégager, dans tous les domaines où il serait nécessaire ou souhaitable de le faire, des droits fondamentaux à partir des principes généraux du droit. Il ne lui sera pas non plus possible de déterminer l’étendue et la limite de la protection des droits fondamentaux en procédant aux généralisations et aux différenciations nécessaires. Cela ne permet pas aux institutions de l’UE d’apprécier avec suffisamment de précision si elles courent le risque de violer ou non un droit fondamental. De même, un citoyen de l’UE ne peut pas juger dans tous les cas s’il y a eu atteinte à un de ses droits fondamentaux.
Une solution envisagée depuis longtemps est l’adhésion de l’UE à la CEDH. Toutefois, dans son avis 2/94, la Cour de justice a précisé que, en l’état du droit de l’Union, l’UE n’avait pas compétence pour adhérer à la convention. À cet égard, la Cour a relevé que, même si le respect des droits de l’homme constituait une condition de la légalité des actes de l’Union, l’adhésion à la convention entraînerait un changement substantiel du régime de l’Union en vigueur, en ce qu’elle comporterait l’insertion de l’UE dans un système institutionnel international distinct ainsi que l’intégration de l’ensemble des dispositions de la convention dans l’ordre juridique de l’Union. De l’avis de la Cour, une telle modification du système de protection des droits de l’homme dans l’UE, dont les implications institutionnelles seraient également fondamentales tant pour l’UE que pour les États membres, revêtirait une envergure constitutionnelle et dépasserait donc, par sa nature, les limites de l’article 352 du traité FUE. Le traité de Lisbonne a pallié ce manquement. L’article 6, paragraphe 2, du traité UE prévoit désormais explicitement l’adhésion de l’UE à la convention européenne des droits de l’homme. Les négociations d’adhésion ont immédiatement repris en 2010. Au début de l’année 2013, le projet de traité d’adhésion a fait l’objet d’un accord. La Commission a transmis ce projet à la Cour de justice de l’Union européenne et l’a saisie d’une demande d’avis quant à la compatibilité de celui-ci avec le droit de l’Union. Dans son avis 2/13, la Cour de justice a conclu que le projet d’accord relatif à l’adhésion de l’UE à la CEDH n’était en l’état pas compatible avec le droit de l’Union, car il risquait de porter atteinte aux caractéristiques spécifiques et à l’autonomie du droit de l’Union à plusieurs égards.
La société de transport Schmidberger a demandé à la République d’Autriche, dont les autorités n’avaient pas interdit le rassemblement, réparation du préjudice résultant du blocage. La Cour de justice a constaté que la non-interdiction du rassemblement constituait une entrave à la libre circulation des marchandises, mais qu’elle était objectivement justifiée. La décision a respecté les droits fondamentaux des manifestants en matière de liberté d’expression et de liberté de réunion, garantis par la Constitution autrichienne et la convention européenne des droits de l’homme. Par conséquent, aucune violation du droit n’a pu être reprochée aux autorités autrichiennes.
Dans ce contexte, une critique importante porte sur le fait que, en cas d’adhésion à la CEDH, la Cour de justice devrait se soumettre aux décisions de la Cour européenne des droits de l’homme et que la politique étrangère et de sécurité commune de l’Union serait également soumise au contrôle de la Cour européenne des droits de l’homme en matière de droits de l’homme, ce que le juge estime contraire aux principes structurels de l’UE. À la suite de cette décision, une adhésion de l’Union européenne à la CEDH reste théoriquement possible mais toutefois exclue jusqu’à nouvel ordre, puisqu’il est préalablement nécessaire de modifier toute une série de détails techniques dans le projet d’adhésion.
Indépendamment de l’adhésion à la CEDH, le traité de Lisbonne a fait un pas supplémentaire primordial pour l’établissement d’un ordre des droits fondamentaux pour l’UE en posant les bases de la protection des droits fondamentaux au sein de l’UE. Conformément à un nouvel article sur les droits fondamentaux (article 6 du traité UE), les actes des institutions de l’UE et des États membres sont soumis, dans la mesure où ils appliquent et exécutent le droit de l’Union, à la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, devenue juridiquement contraignante au niveau de l’UE au moyen d’un renvoi dans ledit article. Cette charte est fondée sur un projet élaboré par une convention composée de 16 représentants des chefs d’État ou de gouvernement ainsi que du président de la Commission européenne, de 16 membres du Parlement européen et de 30 parlementaires nationaux (deux de chacun des 15 États membres de l’époque) sous la présidence de Roman Herzog. Ce projet a été solennellement proclamé «charte des droits fondamentaux de l’Union européenne» par les présidents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission européenne à l’ouverture du Conseil européen de Nice, le 7 décembre 2000. Dans le cadre des consultations relatives à une Constitution européenne, cette charte des droits fondamentaux a été remaniée et est devenue partie intégrante du traité constitutionnel du 29 octobre 2004. Après l’échec de ce traité constitutionnel, la charte a une nouvelle fois été reconnue comme acte juridique autonome et proclamée solennellement «charte des droits fondamentaux de l’Union européenne» par les présidents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission européenne le 12 décembre 2007 à Strasbourg. C’est à cette version de la charte que le traité UE renvoie désormais de manière contraignante. C’est ainsi que cette charte des droits fondamentaux acquiert sa force juridique et détermine en même temps le champ d’application des droits fondamentaux dans le droit de l’Union. Cela ne vaut toutefois pas pour la Pologne, qui n’a pas voulu se soumettre au régime des droits fondamentaux de la charte, craignant, du fait de la validité des droits fondamentaux établis par la charte, de devoir abandonner ou, à tout le moins, modifier certaines positions nationales concernant, par exemple, les questions religieuses ou de croyance. Pour la Pologne, l’engagement vis-à-vis des droits fondamentaux résulte donc non pas de la charte mais, comme par le passé, de la jurisprudence de la Cour de justice en matière de droits fondamentaux.
LA CONSTRUCTION EUROPÉENNE EN PRATIQUE
La construction européenne est marquée par deux conceptions totalement différentes de la coopération entre les États européens. Elles se caractérisent par les notions de coopération et d’intégration. En outre, est apparue la méthode de la «coopération renforcée».
La coopération des États
L’essence même de la coopération réside dans le fait que les États-nations sont effectivement prêts à coopérer par-delà les frontières nationales avec d’autres États, et ce, uniquement à condition que leur souveraineté nationale soit maintenue. L’effort de conciliation fondé sur une coopération n’est donc pas axé sur la création d’une nouvelle administration publique, mais se limite à rassembler les États souverains en une fédération d’États au sein de laquelle les structures nationales sont préservées (confédération). Le fonctionnement du Conseil de l’Europe et de l’OCDE répond au principe de coopération.
Le concept de l’intégration
Le concept de l’intégration rompt avec la traditionnelle cohabitation des États-nations. Cette vision archaïque de l’inviolabilité et de l’indivisibilité de la souveraineté des États diffère de la conviction selon laquelle l’ordre imparfait de la cohabitation de l’homme et de l’État, les propres carences du système national et les nombreux cas de domination d’un État sur un autre (hégémonie) dont regorge l’histoire européenne ne peuvent être surmontés que si les souverainetés nationales individuelles se regroupent pour former une souveraineté commune et, à un échelon supérieur, donnent lieu à une communauté supranationale (fédération).
L’UE découle de ce concept de l’intégration, sans qu’il y ait eu de fusion de la souveraineté nationale. Les États membres n’étaient notamment pas prêts à renoncer, au profit d’un État fédéral européen, à la structure de leur État-nation récemment retrouvée et consolidée après la Seconde Guerre mondiale. Il fallait donc de nouveau parvenir à un compromis qui, sans devoir ériger un État fédéral européen, allait plus loin qu’une simple coopération entre États. La solution consistait à combler progressivement le fossé entre la préservation de l’autonomie nationale et l’État fédéral européen. Les États membres ne devaient pas complètement renoncer à leur souveraineté mais seulement au dogme de leur indivisibilité. En outre, il s’agissait également d’identifier les domaines dans lesquels les États membres étaient prêts à renoncer volontairement à une partie de leur souveraineté en faveur d’une communauté qui leur était supérieure. Le résultat de ces efforts se reflète dans les trois traités fondateurs de la C(E)E, de la CECA et de la CEEA.
Dans ces derniers et dans les traités actuels de l’UE sont détaillés les domaines auxquels s’appliquent les droits souverains de l’UE. À cet égard, aucune compétence générale pour l’adoption de mesures visant la réalisation des objectifs des traités n’est conférée à l’UE et à ses institutions, mais la nature et l’étendue des pouvoirs ressortent des dispositions concernées des traités (principe des compétences d’attribution). Ainsi, les États membres gardent une vue d’ensemble et exercent un contrôle sur le transfert de leurs propres pouvoirs.
La coopération renforcée
L’instrument de la coopération renforcée pose les bases nécessaires à la mise en œuvre de l’idée de l’intégration à plusieurs vitesses. Il convient également de permettre à des petits cercles d’États membres de progresser dans l’intégration d’un domaine déterminé qui relève de la compétence de l’UE, sans en être empêchés par des États membres hésitants ou hostiles.
Après avoir fait l’objet de conditions et de modalités très strictes (traité d’Amsterdam), le recours à cet instrument a été facilité en vue de l’élargissement de l’UE (traité de Nice). Le traité de Lisbonne rassemble les dispositions en vigueur de la coopération renforcée à l’article 20 du traité UE (cadre) et aux articles 326 à 334 du traité FUE (conditions complémentaires, adhésion, procédures, modalités de vote).
Les règles pour une coopération renforcée peuvent être synthétisées comme suit:
- on ne peut avoir recours à une telle coopération que dans le cadre des compétences de l’UE, et celle-ci doit favoriser la réalisation des objectifs de l’Union et renforcer son processus d’intégration (article 20 du traité UE). Par conséquent, elle n’est pas de nature à combler les lacunes de l’Union économique et monétaire établies dans l’architecture des traités. La coopération renforcée ne peut porter atteinte au marché intérieur ni à la cohésion économique et sociale de l’UE. En outre, elle ne peut constituer ni une entrave ni une discrimination aux échanges entre les États membres ni provoquer de distorsions de concurrence entre ceux-ci (article 326 du traité FUE). La coopération renforcée respecte les compétences, les droits, les obligations et les intérêts des États membres qui n’y participent pas (article 327 du traité FUE);
- la coopération renforcée doit être ouverte à tous les États membres. En outre, les États membres doivent pouvoir participer à la coopération à tout moment, sous réserve de respecter les actes déjà adoptés dans le cadre de la coopération renforcée. La Commission et les États membres veillent à promouvoir la participation du plus grand nombre possible d’États membres à la coopération renforcée (article 328 du traité FUE);
- une coopération renforcée ne peut être accordée en dernier ressort que si le Conseil établit que les objectifs visés par celle-ci ne peuvent être atteints en recourant aux dispositions pertinentes des traités dans un délai raisonnable. Au moins neuf États membres doivent prendre part à une coopération renforcée (article 20, paragraphe 2, du traité UE);
- les actes juridiques adoptés dans le cadre de la coopération renforcée ne font pas partie de l’acquis de l’UE. Ces actes ne lient que les États membres participant au processus de décision (article 20, paragraphe 4, du traité UE). Les États membres ne participant pas au processus n’entravent toutefois pas la mise en œuvre de ces actes;
- les dépenses résultant d’une coopération renforcée, autres que les coûts administratifs, sont supportées par les États membres qui y participent, à moins que le Conseil, statuant à l’unanimité de tous ses membres, après consultation du Parlement européen, n’en décide autrement (article 332 du traité FUE);
- le Conseil et la Commission assurent la cohérence des actions entreprises dans le cadre d’une coopération renforcée avec les autres actions politiques de l’Union (article 334 du traité FUE).
Dans la pratique, cet instrument est de plus en plus utilisé. Pour la première fois dans l’histoire de l’UE, les États membres ont eu recours à la procédure de coopération renforcée pour instaurer un règlement visant à déterminer la loi à appliquer dans le cas d’un divorce entre deux conjoints de nationalités différentes. Une proposition correspondante soumise par la Commission en 2006 n’ayant pas obtenu la majorité requise au Conseil, celui-ci a accordé l’autorisation de mise en œuvre de la coopération renforcée par décision du 12 juillet 2010. Sur la base d’une nouvelle proposition de la Commission, 14 États membres (la Belgique, la Bulgarie, l’Allemagne, l’Espagne, la France, l’Italie, la Lettonie, le Luxembourg, la Hongrie, Malte, l’Autriche, le Portugal, la Roumanie et la Slovénie) se sont initialement entendus au sujet des dispositions relatives à la séparation ou au divorce de conjoints de nationalités différentes. La Lituanie (2014), la Grèce (2015) et l’Estonie (2018) ont adhéré ultérieurement à cet accord. Le résultat est consigné dans le règlement (UE) nº 1259/2010 mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la loi applicable au divorce et à la séparation de corps. Cette coopération renforcée a été élargie en 2016 par le règlement (UE) 2016/1103 mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la compétence, de la loi applicable, de la reconnaissance et de l’exécution des décisions en matière de régimes matrimoniaux.
Une autre application concerne la protection par brevet en Europe. Sans l’Espagne ni la Croatie mais avec la participation postérieure de l’Italie, 25 États membres ont mis en œuvre une coopération renforcée en vue de la création d’une protection par brevet unitaire. Le règlement (UE) nº 1257/2012 mettant en œuvre la coopération renforcée dans le domaine de la création d’une protection unitaire conférée par un brevet ainsi que le règlement (UE) nº 1260/2012 relatif aux modalités applicables en matière de traduction sont entrés en vigueur le 20 janvier 2013. Toutefois, l’application de ces règlements passe d’abord par l’entrée en vigueur de l’accord relatif à une juridiction unifiée du brevet. Pour ce faire, au moins 13 États membres doivent avoir ratifié l’accord.
Enfin, la mise en place du Parquet européen a également été rendue possible grâce à une coopération renforcée. Le traité de Lisbonne a conféré à l’UE le pouvoir de créer ce parquet par un règlement adopté par le Conseil, statuant à l’unanimité après approbation du Parlement européen (article 86 du traité FUE). Le Conseil a finalement fait usage de cette compétence dans le cadre d’une coopération renforcée, par l’intermédiaire du règlement (UE) 2017/1939 mettant en œuvre une coopération renforcée concernant la création du Parquet européen, étant donné que l’unanimité requise au sein du Conseil n’a pas pu être atteinte. À ce jour, 22 États membres se sont associés à cette coopération renforcée.
LA «CONSTITUTION» DE L’UNION EUROPÉENNE
Toute société a une Constitution qui définit la structure de son système politique: elle établit les rapports des membres de la société entre eux et vis-à-vis de l’ensemble, fixe les objectifs communs et détermine les règles à suivre pour prendre des décisions contraignantes. L’UE étant une «société» d’États à laquelle des tâches et fonctions très précises ont été transférées, sa «Constitution» doit être en mesure de répondre aux mêmes questions qu’une Constitution nationale.
Les ensembles étatiques sont dominés par deux principes supérieurs: l’état de droit et la démocratie. Tout ce que l’UE entreprend doit donc, si elle veut se conformer aux exigences fondamentales du droit et de la démocratie, être légitimé tant juridiquement que démocratiquement: fondation, construction, compétences, fonctionnement, position des États membres et de leurs institutions, position du citoyen.
Contrairement à la plupart des constitutions des États membres, la «Constitution» de l’UE, après l’échec du traité établissant une Constitution pour l’Europe du 29 octobre 2004, n’est toujours pas fixée dans un texte constitutionnel d’un seul tenant. Elle est la somme de dispositions et de valeurs fondamentales que les responsables respectent de manière contraignante. Ces normes figurent en partie dans les traités européens, dans les actes juridiques posés par les institutions de l’UE ou dans la jurisprudence de la Cour de justice, mais elles se traduisent également en partie dans la coutume.
La nature juridique de l’Union européenne
La détermination de la nature juridique de l’UE consiste à examiner la constitution juridique générale d’une organisation à la lumière de ses caractéristiques. Cette nature juridique a été établie dans deux arrêts fondamentaux rendus en 1963 et 1964 par la Cour de justice de la Communauté économique européenne et concernant la CEE d’alors, mais leurs conclusions restent valables pour l’Union européenne dans sa configuration actuelle.
L’affaire Van Gend & Loos
Dans cette affaire, l’entreprise de transport néerlandaise Van Gend & Loos avait introduit devant un tribunal des Pays-Bas une action contre l’administration des douanes néerlandaises, au motif que celle-ci avait perçu un droit de douane majoré à l’importation d’un produit chimique en provenance de la République fédérale d’Allemagne. L’entreprise estimait qu’il y avait là une violation de l’ancien article 12 du traité instituant la Communauté économique européenne (traité CEE), qui interdisait aux États membres d’introduire de nouveaux droits de douane ou d’augmenter des droits de douane existants dans le marché commun. La juridiction néerlandaise a suspendu la procédure et a saisi la Cour de justice en lui demandant de clarifier la portée et l’interprétation juridique de l’article invoqué du traité CEE.
Cette affaire a donné à la Cour de justice l’occasion d’établir certains aspects fondamentaux de la nature juridique de la Communauté économique européenne. Dans son arrêt, la Cour a déclaré ce qui suit:
[…] attendu que l’objectif du traité CEE qui est d’instituer un marché commun dont le fonctionnement concerne directement les justiciables de la Communauté, implique que ce traité constitue plus qu’un accord qui ne créerait que des obligations mutuelles entre les États contractants;
que cette conception se trouve confirmée par le préambule du traité qui, au-delà des gouvernements, vise les peuples, et de façon plus concrète par la création d’organes qui institutionnalisent des droits souverains dont l’exercice affecte aussi bien les États membres que leurs citoyens;
[…]
qu’il faut conclure de cet état de choses que la Communauté constitue un nouvel ordre juridique de droit international, au profit duquel les États ont limité, bien que dans des domaines restreints, leurs droits souverains, et dont les sujets sont non seulement les États membres mais également leurs ressortissants; [...]»
L’affaire Costa/ENEL
À peine un an plus tard, l’affaire 6/64, Costa/ENEL, devait permettre à la Cour de justice d’approfondir encore davantage son analyse. Cette affaire reposait sur les faits suivants: en 1962, l’Italie avait nationalisé la production et la distribution de l’électricité et avait transféré le patrimoine des entreprises électriques à la société ENEL. En tant qu’actionnaire de la société Edison Volta, touchée par la nationalisation, M. Costa s’était vu privé de dividendes lui revenant et avait donc refusé de payer une facture d’électricité de 1 926 lires italiennes. Devant le giudice consigliatore de Milan, M. Costa avait justifié sa conduite en faisant valoir, entre autres, que la loi de nationalisation violait toute une série de dispositions du traité CEE. Le tribunal italien avait alors soumis plusieurs questions à la Cour de justice sur l’interprétation de diverses dispositions du traité CEE. Dans son arrêt, la Cour de justice a déclaré au sujet de la nature juridique de la CEE:
[...] à la différence des traités internationaux ordinaires, le traité de la CEE a institué un ordre juridique propre, intégré au système juridique des États membres […] et qui s’impose à leurs juridictions;
[...] en instituant une Communauté de durée illimitée, dotée d’institutions propres, de la personnalité, de la capacité juridique, d’une capacité de représentation internationale et plus particulièrement de pouvoirs réels issus d’une limitation de compétence ou d’un transfert d’attributions des États à la Communauté, ceux-ci ont limité leurs droits souverains et créé ainsi un corps de droit applicable à leurs ressortissants et à eux-mêmes; [...]»
Sur la base de ces observations détaillées, la Cour de justice a conclu comme suit:
[A]ttendu qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments, qu’issu d’une source autonome, le droit né du traité ne pourrait donc, en raison de sa nature spécifique originale, se voir judiciairement opposer un texte interne quel qu’il soit, sans perdre son caractère communautaire et sans que soit mise en cause la base juridique de la Communauté elle-même;
que le transfert opéré par les États, de leur ordre juridique interne au profit de l’ordre juridique communautaire, des droits et obligations correspondant aux dispositions du traité, entraîne donc une limitation définitive de leurs droits souverains contre laquelle ne saurait prévaloir un acte unilatéral ultérieur incompatible avec la notion de Communauté; [...]»
À la lumière de ces deux arrêts fondamentaux de la Cour de justice, les caractéristiques de la nature juridique de l’UE sont les suivantes:
- la structure institutionnelle, qui garantit que la formation de volonté dans l’UE est également empreinte ou influencée par l’intérêt général de l’Europe, c’est-à-dire les intérêts de l’UE établis par les objectifs;
- le transfert de compétences aux institutions de l’UE, qui est plus important que dans les autres organisations internationales et qui atteint des proportions considérables dans des domaines dans lesquels les États conservent généralement leur souveraineté;
- l’établissement de son propre ordre juridique indépendant des ordres juridiques des États membres;
- l’applicabilité directe du droit de l’Union, qui garantit la mise en œuvre complète et uniforme des dispositions de l’Union dans tous les États membres et établit des droits et des obligations pour les États membres et leurs ressortissants;
- la primauté du droit de l’Union, qui exclut toute révocation ou modification du droit de l’Union par le droit national et assure que, en cas de conflit avec le droit national, le droit de l’Union prime.
L’UE constitue donc une entité autonome dotée de droits souverains et d’un ordre juridique indépendant des États membres, qui s’impose tant aux États membres qu’à leurs ressortissants dans les domaines relevant de la compétence de l’Union.
Les caractéristiques de l’UE révèlent également ses points communs et ses différences par rapport aux organisations internationales classiques et aux structures fédérales.
Loin d’être déjà une structure finie, l’UE s’apparente davantage à un «système en devenir» dont l’aspect final est encore flou.
Le seul point commun entre les organisations internationales traditionnelles et l’UE est qu’elle est également née d’un traité international. Toutefois, l’UE s’est déjà considérablement éloignée de ces racines du droit international. Les actes fondateurs de l’UE ont en effet abouti à la création d’une Union autonome dotée de droits souverains et de compétences propres. Les États membres ont renoncé à une partie de leur souveraineté au profit de cette Union et ont délégué celle-ci à l’UE en vue d’une appropriation commune.
Ces différences entre les organisations internationales traditionnelles et l’UE la rapprochent d’une structure étatique. Le fait que les États membres ont renoncé à une partie de leur souveraineté au profit de l’UE permet de conclure que sa structure s’apparente à celle d’un État fédéral. Toutefois, ce point de vue ne tient pas compte du fait que les compétences des institutions de l’UE sont limitées à certains domaines et aux objectifs fixés par les traités. Ces institutions ne sont donc pas libres de fixer leurs objectifs comme le ferait un État, ni de relever tous les défis auxquels un État moderne est confronté. L’UE ne dispose ni de la toute-puissance qui caractérise un État ni de la capacité de se doter de nouvelles compétences (principe de la compétence pour statuer sur sa propre compétence).
C’est pourquoi l’UE n’est ni une organisation internationale classique ni une association d’États, mais une entité qui se situe à la croisée de ces formes traditionnelles d’association entre États. En termes juridiques, on parle d’une «organisation supranationale».
Les tâches de l’Union européenne
La liste des tâches confiées à l’UE est analogue à celle d’un ordre constitutionnel étatique. Il ne s’agit pas, contrairement à la plupart des autres organisations internationales, de tâches techniques précises, mais de domaines d’activité touchant à l’essence même des États.
La liste des tâches de l’UE est très variée: elle englobe des tâches économiques, sociales et politiques.
Tâches économiques
Au cœur des tâches économiques figure la création d’un marché commun qui réunit en son sein les «marchés nationaux» des États membres, sur lequel les biens et les services peuvent être offerts et vendus aux mêmes conditions que sur un marché intérieur et auquel tous les citoyens de l’UE ont un accès égal et libre. Le concept de création d’un marché commun a été essentiellement réalisé jusqu’en 1992 par le programme d’achèvement du marché intérieur lancé par Jacques Delors, alors président de la Commission européenne, et adopté par les chefs d’État ou de gouvernement. Les institutions de l’UE ont réussi à tracer le cadre juridique d’un marché intérieur opérationnel. Depuis lors, ce cadre a été largement complété par des mesures nationales de transposition, de sorte que le marché intérieur est déjà devenu réalité. Ce marché intérieur est également visible dans la vie de tous les jours, notamment lors des déplacements à l’intérieur de l’UE, qui ne sont plus interrompus par des contrôles des personnes et des marchandises aux frontières nationales.
Le marché intérieur s’accompagne de l’Union économique et monétaire. Dans le domaine de la politique économique, la tâche de l’UE n’est pas de définir et de gérer une politique économique européenne, mais de coordonner les politiques nationales de telle sorte que les décisions d’un ou de plusieurs États membres dans ce domaine n’aient pas d’effets négatifs sur le fonctionnement du marché intérieur. À cette fin, il a été décidé d’un pacte de stabilité et de croissance, qui fixe aux États membres les critères détaillés sur la base desquels ils doivent orienter leurs décisions de politique budgétaire. À défaut, la Commission européenne peut prononcer des avertissements et, en cas de déficit budgétaire excessif, le Conseil peut même infliger des sanctions.
Dans le contexte de la crise financière et économique mondiale, la coopération en matière de politique économique européenne a été davantage renforcée en 2010-2012. La coordination de la politique économique au niveau de l’UE a été complétée par un mécanisme de crise permanent, qui comporte notamment les éléments suivants: rôle accru de la Commission, instauration de nouveaux automatismes d’ajustements, ancrage de la coordination de la politique économique au plus haut niveau politique, coordination harmonisée dans le cadre du Semestre européen avec des obligations renforcées de rapport pour les États membres, rôle accru des parlements nationaux et du Parlement européen et engagements à ancrer dans le droit national.
Le Semestre européen est au cœur de ce nouveau mécanisme de crise. Le Semestre européen est un cycle au cours duquel les États membres coordonnent leurs politiques économiques et budgétaires. Il s’étend essentiellement sur les six premiers mois de l’année, d’où la dénomination «semestre». Pendant le Semestre européen, les États membres alignent leur politique économique et budgétaire sur les objectifs et les règles adoptés au niveau de l’UE. Le Semestre européen devrait ainsi contribuer à garantir des finances publiques saines, à favoriser la croissance économique et à prévenir les déséquilibres macroéconomiques excessifs dans l’UE.
La mission de l’UE dans le cadre de la politique monétaire était et restera d’introduire une monnaie unique dans l’UE et de traiter les questions monétaires de manière centralisée. Ce domaine a déjà remporté un premier succès partiel. Le 1er janvier 1999, l’euro a été introduit comme monnaie européenne unique dans les États membres qui respectaient déjà les critères de convergence fixés à cet effet (taux d’inflation: 1,5 %, déficit budgétaire = nouvel endettement annuel: 3 %, dette publique: 60 %, taux d’intérêt à long terme: 2 %). Il s’agissait de la Belgique, de l’Allemagne, de l’Irlande, de l’Espagne, de la France, de l’Italie, du Luxembourg, des Pays-Bas, de l’Autriche, du Portugal et de la Finlande. Le 1er janvier 2002, les monnaies nationales ont été remplacées, dans ces pays, par des billets et des pièces libellés en euros. Depuis cette date, tous les paiements et toutes les transactions monétaires ne sont plus réalisés que dans une seule monnaie: l’euro. Par la suite, un nombre croissant d’États membres ont satisfait aux critères d’introduction de l’euro: la Grèce (1er janvier 2001), la Slovénie (1er janvier 2007), Chypre (1er janvier 2008), Malte (1er janvier 2008), la Slovaquie (1er janvier 2009), l’Estonie (1er janvier 2011), la Lettonie (1er janvier 2014), la Lituanie (1er janvier 2015) et, enfin, la Croatie (1er janvier 2023). La «zone euro», dans laquelle l’euro est utilisé comme monnaie, compte donc actuellement 20 États membres.
Les États membres restants sont en principe eux aussi obligés d’accepter l’euro comme monnaie nationale dès lors qu’ils remplissent les critères de convergence. Le Danemark fait toutefois figure d’exception à cette règle, puisque ce pays s’est réservé une clause d’exemption, qui lui permet de décider lui-même de l’éventualité et de la date d’une procédure d’examen en vue d’une participation à la monnaie unique. La Suède constitue un cas particulier car elle ne dispose pas d’une clause d’exemption. L’adhésion de la Suède à l’euro est plutôt tributaire du fait que la Commission et la Banque centrale européenne (BCE) recommandent au Conseil une participation de la Suède. Si une telle recommandation est formulée et si le Conseil la valide, la Suède n’a alors aucune possibilité de décliner cette participation.
Malgré toutes les inquiétudes, l’euro est devenu une monnaie forte et reconnue à l’échelle internationale, qui constitue en même temps un lien solide entre les États membres de la zone euro. La crise de la dette souveraine qui a commencé en 2010 n’y a rien changé. Bien au contraire: en réponse à cette crise, l’UE a instauré des plans de sauvetage temporaires, qui ont été remplacés de façon permanente par le Mécanisme européen de stabilité (MES) en 2013. En tant qu’outil de gestion de crise, le MES fournit aux États membres de la zone euro une aide financière extérieure, pour laquelle une capacité de prêt effective de 500 milliards d’euros est disponible. Les États membres de la zone euro ne peuvent bénéficier de cette aide financière que sous conditions strictes, qui ont pour objectif l’assainissement rigoureux des finances publiques et qui se reflètent dans un programme d’ajustement économique élaboré avec la Commission et le Fonds monétaire international en étroite collaboration avec la BCE. Ces mécanismes donnent à l’UE la capacité de défendre l’euro, même dans les situations de crise les plus graves. Ils sont l’expression concrète de l’intérêt commun et de la solidarité des États membres de la zone euro, ainsi que de la responsabilité de chacun d’entre eux devant les autres membres de l’UE.
Outre le domaine de la politique économique et monétaire, l’UE assume des tâches dans toute une série d’autres secteurs de la politique économique. Il s’agit surtout de la politique climatique et énergétique, de la politique agricole et de la pêche, de la politique des transports, de la politique des consommateurs, de la politique structurelle et de cohésion, de la politique de la recherche et du développement, de la politique spatiale, de la politique de l’environnement, de la politique de la santé, de la politique commerciale et de la politique énergétique.
Tâches sociales
Sur le plan de la politique sociale, l’UE a également pour tâche de gérer le marché intérieur dans sa dimension sociale et de veiller à ce que les avantages de l’intégration économique ne bénéficient pas uniquement aux personnes économiquement actives. Un premier pas dans ce sens est l’introduction d’un système de sécurité sociale pour les travailleurs migrants. Ce système garantit qu’aucun travailleur ayant, au cours de sa carrière professionnelle, travaillé dans plusieurs États membres et ayant été soumis à ce titre à différents systèmes d’assurance sociale, n’en subit des inconvénients au niveau de sa protection sociale (pension de vieillesse, rente d’invalidité, prestations de santé, prestations familiales, prestations de chômage). Un autre pas important et urgent de la tâche politico-sociale est, compte tenu du chômage inquiétant qui perdure dans l’UE depuis des années, la mise au point d’une stratégie européenne en matière d’emploi. Les États membres et l’UE sont invités à élaborer une stratégie pour l’emploi et à promouvoir surtout la qualification, la formation et la flexibilité des travailleurs; en outre, il convient d’adapter les marchés de l’emploi aux exigences de l’évolution économique. La promotion de l’emploi est considérée comme un domaine d’intérêt commun. Cela exige des États membres une concertation de leurs actions nationales au sein du Conseil. L’UE doit contribuer à un haut niveau d’emploi en promouvant la coopération entre les États membres, en appuyant leurs mesures et, le cas échéant, en les complétant — tout en respectant les compétences des États membres.
Tâches politiques
Dans le domaine politique au sens strict, les tâches de l’UE résultent des questions liées à la lutte contre le changement climatique, à la citoyenneté de l’UE, à la politique de la coopération judiciaire en matière pénale ainsi qu’à la politique étrangère et de sécurité commune.
L’UE lutte contre le changement climatique au moyen de politiques ambitieuses à l’intérieur de ses propres frontières et d’une coopération étroite avec ses partenaires internationaux. L’action pour le climat est au cœur du pacte vert pour l’Europe, un train de mesures ambitieux qui va de la réduction significative des émissions de gaz à effet de serre à la préservation de l’environnement naturel de l’Europe en passant par des investissements dans la recherche de pointe et l’innovation. Les premières initiatives en faveur du climat dans le cadre du pacte vert sont les suivantes:
- la loi européenne sur le climat, qui vise à inscrire l’objectif de neutralité climatique dans le droit de l’Union d’ici à 2050;
- le pacte européen pour le climat, qui cherche à associer les citoyens et tous les secteurs de la société à l’action en faveur du climat;
- le plan cible en matière de climat à l’horizon 2030, qui vise à porter l’objectif de réduction des émissions nettes de gaz à effet de serre à au moins 55 % d’ici à 2030;
- la nouvelle stratégie de l’UE en matière d’adaptation au changement climatique, qui a pour ambition de faire de l’Europe une société résiliente au changement climatique, pleinement adaptée aux conséquences inévitables du changement climatique d’ici à 2050.
Par la citoyenneté de l’UE, les droits et les intérêts des ressortissants des États membres sur le territoire de l’UE ont été renforcés davantage. Ils bénéficient de la libre circulation au sein de l’UE (article 21 du traité FUE), du droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales (article 22 du traité FUE), de la protection diplomatique et consulaire de la part de tous les États membres dans les pays tiers (article 23 du traité FUE), du droit de pétition devant le Parlement européen (article 24 du traité FUE) ainsi que, en rapport avec l’interdiction générale de la discrimination, du droit d’être traités dans chaque État membre comme cet État membre traite ses propres ressortissants (article 20, paragraphe 2, en liaison avec l’article 18 du traité FUE).
Dans le domaine de la coopération judiciaire en matière pénale, il s’agit essentiellement d’assumer les tâches de l’UE qui relèvent de l’intérêt européen commun. Cela concerne en particulier la lutte contre la criminalité organisée et la traite des êtres humains, ainsi que les poursuites pénales. Il est impossible d’agir contre la criminalité organisée au seul niveau national; il faut pour cela une action commune au niveau de l’UE. Deux premières mesures très prometteuses ont d’ores et déjà été prises avec la directive sur la lutte contre le blanchiment d’argent et la création de l’Office européen de police Europol (article 88 du traité FUE), opérationnel depuis 1998. Europol est une agence de l’UE depuis 2010 et est désormais connue sous le nom d’Agence de l’Union européenne pour la coopération des services répressifs. Par ailleurs, il s’agit dans ce domaine de faciliter et d’accélérer les procédures judiciaires et l’exécution des décisions, de faciliter l’extradition entre États membres, d’instaurer des règles minimales relatives aux éléments constitutifs des infractions pénales et aux sanctions applicables dans les domaines de la criminalité organisée, du terrorisme, de la traite des êtres humains et de l’exploitation sexuelle des femmes et des enfants, du trafic illicite de drogues, du trafic illicite d’armes, du blanchiment d’argent et de la corruption (article 83 du traité FUE).
L’une des avancées les plus significatives en matière de coopération judiciaire dans l’UE est la création du Parquet européen. Il a été créé par le Conseil, avec l’approbation du Parlement européen, au moyen du règlement (UE) 2017/1939 dans le cadre d’une coopération renforcée avec 22 États membres. En juin 2021, trois ans après l’entrée en vigueur du règlement instituant le Parquet européen, celui-ci a pris ses fonctions à la suite d’une décision de la Commission fondée sur une proposition du chef du Parquet européen. Le siège du Parquet européen est établi à Luxembourg. Le Parquet européen est organisé à un double niveau: central et décentralisé. Le niveau central est constitué du bureau central, qui se compose du collège, des chambres permanentes, du chef du Parquet européen, de ses adjoints, des procureurs européens et du directeur administratif. Le niveau décentralisé est constitué par les procureurs européens délégués, qui sont affectés dans les États membres. Le Parquet européen est chargé de rechercher, de poursuivre et de traduire en justice les auteurs et complices d’infractions pénales portant atteinte aux intérêts financiers de l’UE. À cette fin, le Parquet européen diligente des enquêtes, engage des poursuites et exerce l’action publique devant les juridictions compétentes des États membres jusqu’à ce que l’affaire ait été définitivement jugée. Le Parquet européen veille à ce que ses activités respectent les droits consacrés par la charte des droits fondamentaux. Dans toutes ses activités, il est lié par les principes d’état de droit et de proportionnalité. Le Parquet européen mène ses enquêtes de façon impartiale et recueille tous les éléments de preuve pertinents, aussi bien à charge qu’à décharge.
Un autre progrès est le mandat d’arrêt européen en vigueur dans l’ensemble de l’UE depuis janvier 2004. Ce mandat d’arrêt peut être délivré lorsqu’il s’agit d’une infraction pénale punie d’une peine de plus d’un an d’emprisonnement. Le mandat d’arrêt européen a remplacé les longues procédures d’extradition.
La politique étrangère et de sécurité commune de l’UE poursuit principalement les objectifs suivants: la sauvegarde des valeurs communes, des intérêts fondamentaux et de l’indépendance de l’UE, le renforcement de la sécurité de l’UE et de ses États membres, la préservation de la paix et le renforcement de la sécurité internationale, la promotion de la coopération internationale, la consolidation et le soutien de la démocratie et de l’état de droit, le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que la mise en place d’une défense commune.
L’UE n’étant pas une entité étatique, la réalisation de ces tâches ne peut être que progressive. La politique étrangère et surtout la politique de sécurité appartiennent traditionnellement à un domaine dans lequel les États membres sont particulièrement attentifs au respect de leur souveraineté nationale. Les intérêts communs dans ce domaine sont difficiles à définir étant donné que, dans l’UE, seule la France possède encore l’arme nucléaire. Un autre problème réside dans le fait que tous les États membres de l’UE n’appartiennent pas à l’organisation de défense qu’est l’OTAN. C’est pourquoi les décisions en matière de «politique étrangère et de sécurité commune» sont aujourd’hui encore prises essentiellement dans le cadre de la coopération internationale. Toutefois, des moyens d’action autonomes se sont développés et ont donné des contours juridiquement précis à la coopération internationale.
À la lumière de l’évolution du cadre de sécurité, la stratégie globale pour la politique étrangère et de sécurité de l’Union européenne a lancé un processus en vue d’une coopération plus étroite dans le domaine de la sécurité et de la défense. Les États membres sont convenus d’élargir l’action de l’UE dans ce domaine et ont reconnu qu’il était indispensable, pour ce faire, de renforcer la coordination et d’accroître les investissements dans la défense et la coopération aux fins du renforcement des capacités de défense. Tel est l’objectif principal de la coopération structurée permanente (CSP) dans le domaine de la sécurité et de la défense, prévue à l’article 42, paragraphe 6, et à l’article 46 du traité UE et dans son protocole nº 10. La CSP permettra aux États membres de relever plus efficacement les défis en matière de sécurité et de mieux intégrer et renforcer la coopération en matière de défense dans le cadre de l’UE. Le 11 décembre 2017, le Conseil a adopté la décision établissant la CSP et fixant la liste de ses participants, faisant ainsi un pas en avant historique. Au total, 25 États membres ont décidé de participer à la CSP: la Belgique, la Bulgarie, la Tchéquie, l’Allemagne, l’Estonie, l’Irlande, la Grèce, l’Espagne, la France, la Croatie, l’Italie, Chypre, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, la Hongrie, les Pays-Bas, l’Autriche, la Pologne, le Portugal, la Roumanie, la Slovénie, la Slovaquie, la Finlande et la Suède.
Les pouvoirs de l’Union européenne
Les traités instituant l’Union européenne n’ont attribué aux institutions de l’UE aucune compétence générale pour prendre toutes les mesures nécessaires à la réalisation des objectifs des traités: les traités se bornent, dans les divers chapitres, à déterminer l’étendue des pouvoirs d’action conférés. Le principe qui s’applique est que l’UE et ses institutions ne peuvent pas décider elles-mêmes de leurs bases juridiques et de leurs compétences. Le principe d’attribution des compétences (article 2 du traité FUE) continue en outre de s’appliquer. Les États membres ont choisi cette solution pour pouvoir garder une vue d’ensemble et exercer un contrôle sur le transfert de leurs propres pouvoirs.
Le champ matériel des compétences attribuées est plus ou moins largement défini, en fonction de la nature des domaines de compétence transférés à l’UE. Aussi longtemps que des compétences n’ont pas été transférées à l’UE, elles restent de la compétence exclusive des États membres. Le traité UE prévoit explicitement que les questions de la «sécurité nationale» restent de la compétence exclusive des États membres.
Cela pose naturellement la question de la délimitation des compétences de l’UE par rapport à celles des États membres. La délimitation intervient sur la base de trois catégories de compétences:
- compétence exclusive de l’UE (article 3 du traité FUE) dans les domaines dans lesquels il est présumé qu’une mesure au niveau de l’UE est plus efficace qu’une mesure non coordonnée d’un quelconque État membre. Ces domaines sont délimités avec précision et englobent l’union douanière, l’établissement des règles de concurrence nécessaires au fonctionnement du marché intérieur, la politique monétaire des États dont la monnaie est l’euro, la politique commerciale commune et certaines parties de la politique commune de la pêche. Dans ces domaines d’action, seule l’Union européenne peut légiférer et adopter des actes juridiquement contraignants. Les États membres ne peuvent le faire par eux-mêmes que s’ils sont habilités par l’UE, ou pour mettre en œuvre les actes de l’Union (article 2, paragraphe 1, du traité FUE);
- compétence partagée entre l’UE et les États membres (article 4 du traité FUE) dans les domaines où l’action de l’UE apporte une plus-value par rapport à une action des États membres. Une telle compétence partagée est prévue pour les réglementations du marché intérieur, la cohésion économique, sociale et territoriale, l’agriculture et la pêche, l’environnement, les transports, les réseaux transeuropéens, l’énergie ainsi que l’espace de liberté, de sécurité et de justice. La compétence partagée est également prévue pour les enjeux communs de sécurité en matière de santé publique, la recherche et le développement technologique, l’espace, la coopération au développement et l’aide humanitaire. Dans tous ces domaines, l’UE dispose d’un privilège d’exercice de la compétence qui, du reste, ne porte que sur les éléments régis par l’acte juridique concerné de l’Union européenne et non sur l’ensemble du domaine politique. Les États membres exercent leur compétence dans la mesure où l’UE n’exerce pas la sienne ou a décidé de cesser de l’exercer (article 2, paragraphe 2, du traité FUE). Ce dernier cas se présente lorsque les institutions concernées de l’UE décident d’abroger un acte législatif en particulier pour satisfaire aux principes de subsidiarité et de proportionnalité. Le Conseil peut également inviter la Commission, à l’initiative d’un ou de plusieurs de ses membres, à présenter des propositions pour l’abrogation d’un acte juridique;
- compétences d’appui (article 6 du traité FUE): dans l’exercice des compétences d’appui, l’UE intervient exclusivement pour coordonner ou compléter l’action des États membres; elle ne peut en aucun cas harmoniser les dispositions de droit national dans les domaines soumis à la compétence d’appui (article 2, paragraphe 5, du traité FUE). La responsabilité de l’aménagement juridique reste donc acquise aux États membres, qui, à cet égard, disposent d’un degré élevé de liberté d’action. Cette catégorie de compétences comprend la protection et l’amélioration de la santé humaine, l’industrie, la culture, le tourisme, l’éducation, la jeunesse, le sport, la formation professionnelle, la protection civile et la coopération administrative. Dans les domaines de la politique économique et de l’emploi, les États membres reconnaissent explicitement que leurs mesures nationales doivent être coordonnées au sein de l’UE.
Au-delà de ces compétences d’action spécifiques, les traités de l’UE accordent également aux institutions un pouvoir d’action lorsque cela est indispensable à la réalisation et au fonctionnement du marché intérieur ainsi que pour assurer une concurrence non faussée (article 352 du traité FUE — clause de flexibilité). Cela ne donne toutefois pas aux institutions de compétence générale leur permettant d’assumer des tâches qui dépassent les objectifs tracés par les traités. De même, les institutions de l’UE ne peuvent pas, en se référant à cette compétence d’action, élargir leurs propres compétences aux dépens des États membres. Dans la pratique, il a souvent été fait usage par le passé de la possibilité de cette délégation, étant donné que l’UE s’est au fil du temps sans cesse trouvée confrontée à de nouvelles tâches qui n’étaient pas encore prévues lors de la conclusion des traités fondateurs et pour lesquelles les délégations individuelles correspondantes manquaient donc dans les traités. Il convient de signaler surtout les domaines de la protection de l’environnement et des consommateurs ou l’établissement du Fonds européen de développement régional dont l’objectif est de combler l’écart entre les régions développées et les régions en retard de développement dans l’UE. Pour les domaines signalés, des délégations spéciales ont toutefois été prévues entre-temps. Du fait de ces réglementations explicites, l’importance pratique de la clause de flexibilité a nettement diminué. L’exercice de cette compétence nécessite l’accord du Parlement européen.
Enfin, il existe d’autres compétences pour l’adoption de mesures nécessaires à l’exécution efficace et appropriée de compétences d’ores et déjà explicitement reconnues (compétences implicites). Ces compétences revêtent une importance particulière pour la gestion des relations extérieures. Dans ce contexte, l’UE peut également s’engager vis-à-vis de pays tiers ou d’autres organisations internationales dans des domaines visés par la liste des tâches de l’UE. Un exemple explicite est celui des affaires jointes Kramer e.a., dont la Cour de justice a eu à connaître. Il s’agissait de la compétence de l’UE pour collaborer avec des organisations internationales de droit maritime afin de fixer les quotas de la pêche maritime et de prendre, le cas échéant, des engagements de droit international. À défaut d’une réglementation explicite du traité UE, la Cour de justice a dérivé la compétence extérieure de l’UE de sa compétence interne pour la politique de la pêche dans le cadre de la politique agricole commune.
Dans l’exercice de ses compétences, l’UE est soumise au principe de subsidiarité, inspiré de la doctrine sociale catholique, et qui, par son ancrage dans le traité UE (article 5, paragraphe 3), a rang constitutionnel. Ce principe comporte deux volets, un côté positif et un côté négatif: le côté positif, à savoir le côté qui stimule la compétence pour l’UE, prévoit que l’UE doit agir lorsque les objectifs visés peuvent être mieux atteints au niveau de l’Union; le côté négatif, à savoir le côté qui s’oppose à la compétence, indique que l’UE ne doit pas intervenir lorsque l’action individuelle des États membres suffit pour atteindre l’objectif. Dans les domaines de compétence exclusive de l’UE, il est automatiquement présumé que c’est le cas, si bien qu’il n’est pas nécessaire de procéder à un contrôle de subsidiarité dans ces domaines. Pour tous les autres domaines de compétence, cela signifie que, dans la pratique, toutes les institutions de l’UE, mais surtout la Commission, doivent prouver qu’une réglementation et une action à l’échelle de l’Union sont nécessaires. Pour paraphraser Montesquieu, on peut dire que, s’il n’est pas nécessaire de prendre une réglementation de l’UE, il est nécessaire de ne pas en prendre. Si la nécessité d’une réglementation se confirme au niveau de l’UE, il faut alors poser la question de l’intensité et de la nature de la mesure de l’Union. La réponse à cette question réside dans le principe de proportionnalité, qui est énoncé à l’article 5, paragraphe 4, du traité UE en relation avec les règles de compétence. Par la suite, il faudra examiner en détail si un instrument juridique est nécessaire et si d’autres moyens d’action ne seraient pas suffisamment efficaces. Cela signifie avant tout que les régimes d’encadrement, les règles minimales et les règles de reconnaissance mutuelle de dispositions nationales doivent avoir la préférence et qu’il convient d’éviter des dispositions juridiques excessivement détaillées.
Le respect des principes de subsidiarité et de proportionnalité peut désormais être également contrôlé par les parlements nationaux. Un système d’alerte rapide a été institué à cet effet: il permet aux parlements nationaux, dans un délai de huit semaines à compter de la transmission d’une proposition législative, d’émettre un avis motivé qui expose pourquoi la proposition législative en question n’est pas conforme aux exigences de subsidiarité et de proportionnalité. Si cet avis motivé est accepté par au moins un tiers des voix attribuées aux parlements nationaux (chaque parlement national disposant de deux voix; en cas de système bicaméral, une voix par chambre), la proposition législative doit une nouvelle fois être examinée par son auteur (en principe la Commission européenne). Sur la base de cet examen, la proposition peut être maintenue, modifiée ou retirée. Si la Commission opte pour le maintien du projet, elle doit justifier dans un avis motivé pourquoi le projet est à son avis conforme au principe de subsidiarité. Cet avis motivé est transmis en même temps que les avis motivés des parlements nationaux au législateur de l’UE afin qu’il en tienne compte dans la procédure législative. Si, en vertu d’une majorité de 55 % des membres du Conseil ou d’une majorité des suffrages exprimés au Parlement européen, le législateur de l’UE est d’avis que la proposition n’est pas compatible avec le principe de subsidiarité, l’examen de la proposition législative n’est pas poursuivi.
Les institutions et organes de l’Union européenne
Article 13 du traité UE (cadre institutionnel)
- L’Union dispose d’un cadre institutionnel visant à promouvoir ses valeurs, poursuivre ses objectifs, servir ses intérêts, ceux de ses citoyens, et ceux des États membres, ainsi qu’à assurer la cohérence, l’efficacité et la continuité de ses politiques et de ses actions.
Les institutions de l’Union sont:
- le Parlement européen,
- le Conseil européen,
- le Conseil,
- la Commission européenne […],
- la Cour de justice de l’Union européenne,
- la Banque centrale européenne,
- la Cour des comptes.
- Chaque institution agit dans les limites des attributions qui lui sont conférées dans les traités, conformément aux procédures, conditions et fins prévues par ceux-ci. Les institutions pratiquent entre elles une coopération loyale.
- Les dispositions relatives à la Banque centrale européenne et à la Cour des comptes, ainsi que des dispositions détaillées sur les autres institutions, figurent dans le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
- Le Parlement européen, le Conseil et la Commission sont assistés d’un Comité économique et social et d’un Comité des régions exerçant des fonctions consultatives.
Un autre volet lié à la «Constitution» de l’UE concerne son organisation: quelles sont les institutions de l’UE? Étant donné que l’UE assume des fonctions qui, sinon, incomberaient aux États, dispose-t-elle d’un gouvernement, d’un parlement et d’autorités administratives et juridiques comme il en existe dans nos pays? C’est délibérément que la réalisation des tâches assignées à l’UE et la gestion du processus d’intégration n’ont pas été laissées exclusivement à l’initiative des États membres ou de la coopération internationale. Au contraire, l’UE dispose d’un système institutionnel qui la met à même de donner de nouvelles impulsions et de nouveaux objectifs à l’intégration européenne ainsi que d’adopter, dans les domaines relevant de sa compétence, un droit également contraignant pour tous les États membres.
Les principaux acteurs de ce système sont les institutions de l’UE, notamment le Parlement européen, le Conseil européen, le Conseil de l’Union européenne, la Commission européenne, la Cour de justice de l’Union européenne, la Banque centrale européenne et la Cour des comptes européenne. Le système institutionnel de l’UE est complété par trois organes auxiliaires: la Banque européenne d’investissement, le Comité économique et social européen et le Comité européen des régions.
Les institutions
Le Parlement européen (article 14 du traité UE)
Le Parlement européen représente les citoyennes et les citoyens de l’UE. Il est né de la fusion de l’assemblée commune de la CECA, de l’assemblée de la CEE et de l’assemblée de la CEEA en une «Assemblée» unique, prévue par la convention relative à certaines institutions communes aux Communautés de 1957 (premier traité de fusion). Le Parlement européen n’a acquis sa dénomination actuelle que par le traité UE (traité de Maastricht), qui n’a cependant fait que confirmer un usage courant qui remontait à 1958, date à laquelle l’Assemblée avait, de son propre chef, opté pour le nom de «Parlement européen».
Composition et élection
STRUCTURE DU PARLEMENT EUROPÉEN 2019-2024
- PRÉSIDENT
- 14 vice-présidents
- 5 questeurs (fonction consultative)
Le président du Parlement européen, les vice-présidents et les questeurs (membres du Parlement européen responsables des questions administratives et financières) forment le Bureau du Parlement européen, qui est élu par le Parlement pour une période de deux ans et demi. En outre, le président et les présidents des groupes politiques constituent une conférence des présidents qui est compétente pour les questions afférentes à l’organisation interne du Parlement européen et aux relations interinstitutionnelles ainsi que pour les relations avec les institutions extérieures à l’UE.
État membre | Nombre de sièges au Parlement européen |
---|---|
Allemagne | 96 |
France | 79 |
Italie | 76 |
Espagne | 59 |
Pologne | 52 |
Roumanie | 33 |
Pays-Bas | 29 |
Belgique | 21 |
Tchéquie | 21 |
Grèce | 21 |
Hongrie | 21 |
Portugal | 21 |
Suède | 21 |
Autriche | 19 |
Bulgarie | 17 |
Danemark | 14 |
Slovaquie | 14 |
Finlande | 14 |
Irlande | 13 |
Croatie | 12 |
Lituanie | 11 |
Lettonie | 8 |
Slovénie | 8 |
Estonie | 7 |
Chypre | 6 |
Luxembourg | 6 |
Malte | 6 |
Jusqu’en 1979, les députés européens étaient des membres des parlements nationaux, nommés par leurs pairs pour être envoyés au Parlement européen. L’élection des députés européens par la population des États membres au suffrage universel direct, déjà prévue par les traités, n’est devenue réalité qu’en 1979, après plusieurs tentatives infructueuses. Les élections ont désormais lieu tous les cinq ans, ce qui correspond à une «législature». Le système électoral de l’Union n’a été introduit qu’après des décennies d’efforts par l’acte portant élection des représentants à l’Assemblée au suffrage universel direct adopté en 1976 et profondément modifié en 2002 au moyen de l’acte sur l’élection au suffrage universel direct. Selon les termes de cet acte, chaque État membre continue de déterminer sa propre procédure électorale, mais applique les mêmes principes démocratiques fondamentaux:
- suffrage universel direct;
- scrutin proportionnel;
- élections libres au scrutin secret;
- âge minimal (18 ans dans tous les États membres pour le droit de vote, à l’exception de Malte et de l’Autriche, où l’âge minimal pour voter est de 16 ans, et de la Grèce, où il est de 17 ans);
- mandat renouvelable de cinq ans;
- incompatibilités (les députés européens ne peuvent pas exercer simultanément certaines autres fonctions, comme celles de magistrat, procureur ou ministre; ils sont en outre soumis aux lois de leur pays qui peuvent limiter encore le cumul des mandats ou des fonctions);
- date de l’élection; et
- égalité entre les hommes et les femmes.
Dans certains pays, le vote est obligatoire (Belgique, Grèce et Luxembourg).
Par ailleurs, un statut unique des députés européens, qui rend leurs conditions de travail plus transparentes et contient des règles claires, est entré en vigueur en 2009. Il introduit en outre une rémunération uniforme pour tous les députés, qui est financée sur le budget de l’Union.
Le suffrage direct confère une légitimité démocratique au Parlement européen, qui peut affirmer avec raison qu’il représente les citoyennes et les citoyens de l’UE. L’existence d’un Parlement élu au suffrage direct ne peut toutefois répondre, à elle seule, à l’exigence fondamentale d’une Constitution démocratique, selon laquelle tous les pouvoirs doivent émaner du peuple. Sont également nécessaires, outre la transparence du processus de décision et la représentativité des organes de décision, le contrôle parlementaire et la légitimité des institutions de l’UE participant au processus de décision. À cet égard, des progrès très importants ont été réalisés au cours des dernières années. Ainsi, non seulement les droits du Parlement européen ont été sans cesse élargis, mais, par le traité de Lisbonne, les méthodes de travail de l’UE dans leur ensemble ont été explicitement soumises au respect du principe de la démocratie représentative. Selon ce principe, tous les citoyens de l’Union européenne sont directement représentés au sein du Parlement européen et ont le droit de participer activement à la vie démocratique de l’UE. Cela est destiné à garantir que les décisions au niveau de l’UE sont prises aussi ouvertement et aussi près des citoyens que possible. Les partis politiques au niveau de l’UE ont pour mission de contribuer à la formation d’une conscience européenne et d’exprimer la volonté des citoyens de l’UE. La seule lacune que l’on pourrait encore reprocher à l’ordre démocratique actuel de l’UE est le fait que le Parlement européen, contrairement à ce qui se fait dans le modèle étatique de la démocratie parlementaire, n’élit pas un gouvernement qui est responsable envers lui.
Article 10 du traité UE (démocratie représentative)
- Le fonctionnement de l’Union est fondé sur la démocratie représentative.
- Les citoyens sont directement représentés, au niveau de l’Union, au Parlement européen.
Les États membres sont représentés au Conseil européen par leur chef d’État ou de gouvernement et au Conseil par leurs gouvernements, eux-mêmes démocratiquement responsables, soit devant leurs parlements nationaux, soit devant leurs citoyens.
- Tout citoyen a le droit de participer à la vie démocratique de l’Union. Les décisions sont prises aussi ouvertement et aussi près que possible des citoyens.
- Les partis politiques au niveau européen contribuent à la formation de la conscience politique européenne et à l’expression de la volonté des citoyens de l’Union.
Cette «lacune» s’explique cependant par le simple fait que l’UE ne dispose pas de gouvernement au sens propre du terme. En fait, les fonctions comparables à celles d’un gouvernement que les traités de l’UE établissent sont exercées par le Conseil et la Commission, selon un partage des tâches. Le Parlement européen s’est toutefois vu reconnaître dernièrement par le traité de Lisbonne des compétences élargies lors de l’investiture de la Commission européenne, qui vont de l’élection du président de la Commission par le Parlement européen sur proposition du Conseil européen au vote d’approbation du Parlement européen sur la Commission en tant que collège («droit d’investiture»). En revanche, le Parlement européen n’a pas d’influence semblable sur la composition du Conseil. Ce dernier n’est soumis à un contrôle parlementaire que dans la mesure où chacun de ses membres est, en tant que ministre national, soumis au contrôle de son parlement national.
Le rôle du Parlement européen a été considérablement renforcé dans le processus législatif de l’UE. La procédure de codécision étant devenue la procédure législative ordinaire de l’UE, le Parlement européen est quasiment devenu un «colégislateur» aux côtés du Conseil. Dans le cadre de la procédure législative ordinaire, le Parlement européen peut modifier les actes législatifs, au moyen de plusieurs lectures, et, dans certaines limites, les faire avaliser par le Conseil. Sans accord entre le Parlement européen et le Conseil, aucun acte juridique de l’UE ne peut voir le jour.
Traditionnellement, le Parlement européen joue un rôle très important dans la procédure budgétaire. Avec le traité de Lisbonne, les compétences budgétaires du Parlement européen ont encore été renforcées en ce sens qu’il doit approuver le plan financier pluriannuel et exerce un pouvoir de codécision sur toutes les dépenses.
Le Parlement européen dispose d’un droit d’approbation de tous les accords internationaux importants, concernant un domaine soumis à la codécision, ainsi que des traités d’adhésion qui sont conclus avec de nouveaux États membres et qui fixent les conditions de l’adhésion.
Au fil du temps, les fonctions de contrôle du Parlement européen se sont aussi considérablement élargies. Les contrôles résident essentiellement dans le fait que la Commission doit répondre aux questions du Parlement européen, défendre ses positions dans des débats pléniers publics et présenter chaque année au Parlement européen un rapport général sur l’activité de l’Union européenne en vue d’en discuter. Le Parlement européen peut voter la censure contre la Commission européenne à une majorité des deux tiers et la forcer ainsi à démissionner (article 234 du traité FUE). Jusqu’à présent, plusieurs motions de censure ont été déposées au Parlement européen, mais aucune n’a encore obtenu la majorité nécessaire (2). Comme, dans la pratique de l’UE, le Conseil répond lui aussi aux questions du Parlement européen, ce dernier dispose donc d’une possibilité de discussion politique directe avec deux organes constitutionnels importants de l’UE.
Ces possibilités de contrôle politique du Parlement européen ont encore été renforcées par d’autres mécanismes de contrôle. Les violations ou les dysfonctionnements au sein de l’UE peuvent faire l’objet de commissions d’enquête spécialement instituées par le Parlement européen. Une telle commission a, par exemple, été constituée en juin 2016 à la suite de la fuite de documents confidentiels, les «Panama Papers», révélant l’existence d’entreprises offshore et de leurs propriétaires dont les noms sont tenus secrets. Elle devait enquêter sur les éventuelles violations du droit de l’Union portant sur le blanchiment d’argent ainsi que sur la fraude et l’évasion fiscales. Une autre commission d’enquête, également créée en 2016, s’est penchée sur le scandale des gaz d’échappement des voitures particulières. Enfin, en juin 2020, le Parlement européen a mis en place une commission d’enquête sur le transport d’animaux dans l’UE afin d’enquêter sur les violations du règlement de l’UE sur le transport d’animaux vivants [règlement (CE) nº 1/2005]. Par ailleurs, chaque citoyen ou personne morale dispose du droit, reconnu par les traités, d’adresser des pétitions au Parlement européen, qui sont traitées par la commission des pétitions. Enfin, le Parlement européen a fait usage de la possibilité qui lui a été octroyée et a désigné un Médiateur européen qui recueille les plaintes concernant les dysfonctionnements de l’action des institutions, à l’exception de la Cour de justice. Le Médiateur peut procéder à des enquêtes et saisir l’institution concernée. Il présente au Parlement européen un rapport sur ses activités.
Siège
Le Parlement européen a son siège à Strasbourg, où se tiennent les 12 périodes de sessions plénières mensuelles, y compris la session budgétaire. Des sessions additionnelles se tiennent à Bruxelles, où se réunissent également les commissions. Le secrétariat général du Parlement européen, en revanche, est établi à Luxembourg. La décision du Conseil européen de 1992 sur ces emplacements a été confirmée dans le protocole nº 6 du traité de Lisbonne. Le résultat de cette décision est que les députés du Parlement européen ainsi qu’une partie de ses fonctionnaires et agents doivent se déplacer entre Strasbourg, Bruxelles et Luxembourg, une «transhumance» très coûteuse.
Le Conseil européen (article 15 du traité UE)
Les chefs d’État ou de gouvernement des États membres et les présidents du Conseil européen et de la Commission européenne se réunissent au moins deux fois par semestre à Bruxelles au sein du Conseil européen.
Composition et missions
COMPOSITION DU CONSEIL EUROPÉEN
- Chefs d’État ou de gouvernement des États membres
- Président du Conseil européen
- Président de la Commission européenne
- Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité
MISSIONS
Déterminer les orientations et priorités politiques générales
Le traité de Lisbonne a institué le président du Conseil européen. Celui-ci dispose, contrairement aux présidences, d’un mandat européen et non pas national, exercé à temps plein et d’une durée de deux ans et demi. Le président est une personnalité éminente, il est élu au terme d’un vote à la majorité qualifiée des membres du Conseil européen et peut être réélu une seule fois. Il a pour mission de préparer et de suivre les réunions du Conseil européen; il représente en outre l’UE dans les sommets internationaux consacrés à la politique étrangère et de sécurité.
Le Conseil européen ne peut pas légiférer. Sa fonction est de déterminer les orientations politiques générales de l’action de l’UE. Cela s’effectue au moyen de «conclusions» adoptées par consensus et comprenant des décisions politiques de fond ou la formulation de directives et de mandats à l’intention du Conseil ou de la Commission. Ainsi, le Conseil européen est, par exemple, à l’origine de l’Union économique et monétaire, du système monétaire européen, de l’élection du Parlement européen au suffrage universel direct, de certaines activités de politique sociale et des adhésions.
Le Conseil de l’Union européenne (article 16 du traité UE)
Composition et présidence
Le Conseil de l’Union européenne rassemble les représentants des États membres. Chacun des 27 États membres y envoie un représentant. Ce sont généralement, mais pas nécessairement, les ministres ou les secrétaires d’État responsables des sujets à l’ordre du jour. L’essentiel est que le représentant soit compétent pour agir au nom de l’État membre. Les diverses possibilités de représentation des gouvernements prouvent qu’il n’existe pas de membres permanents du Conseil; celui-ci se réunit au contraire en 10 formations qui se différencient par les sujets traités et les personnes concernées.
LES DIX FORMATIONS DU CONSEIL DE L’UE
Un représentant du gouvernement de chaque État membre au niveau ministériel, la composition du Conseil étant variable selon le sujet traité
Sous la présidence du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité:
- Affaires étrangères
Sous la présidence de l’État membre assurant la présidence du Conseil:
- Affaires générales
- Affaires économiques et financières
- Justice et affaires intérieures
- Emploi, politique sociale, santé et consommateurs
- Compétitivité
- Transports, télécommunications et énergie
- Agriculture et pêche
- Environnement
- Éducation, jeunesse, culture et sport
Le Conseil des affaires étrangères élabore l’action extérieure de l’UE selon les lignes stratégiques fixées par le Conseil européen et assure la cohérence de l’action de l’UE. Le Conseil des affaires générales veille à la cohérence des travaux des différentes formations du Conseil et prépare, avec le président du Conseil européen et la Commission, les réunions du Conseil européen. À l’exception du Conseil des affaires étrangères, qui est présidé par le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, les États membres exercent la présidence du Conseil à tour de rôle pour une durée de six mois, selon un ordre fixé par le Conseil, statuant à l’unanimité. Le changement de présidence a lieu le 1er janvier et le 1er juillet de chaque année (2020: Croatie, Allemagne; 2021: Portugal, Slovénie; 2022: France, Tchéquie; 2023: Suède, Espagne). Compte tenu de la rotation relativement rapide de la présidence, on procède sur la base d’un programme de travail qui est établi en concertation avec les deux présidences suivantes et couvre donc une période de dix-huit mois («présidence partagée»). La présidence du Conseil est avant tout chargée d’orienter les travaux du Conseil et de ses comités. Elle revêt également une importance politique dans la mesure où l’État membre concerné joue un rôle majeur sur la scène internationale, ce qui permet notamment aux «petits» États membres de se mesurer aux «grands» sur le plan politique et de s’affirmer dans la politique européenne.
Un large éventail d’instances préparatoires (comités et groupes de travail), qui réunissent les représentants des États membres, ont pour tâche la préparation des travaux du Conseil. L’instance préparatoire la plus importante est le Comité des représentants permanents des gouvernements des États membres («Coreper I et II»), qui se réunit généralement au moins une fois par semaine.
Le Conseil est assisté d’un secrétariat général, placé sous la responsabilité d’un secrétaire général nommé par le Conseil.
Le Conseil a son siège à Bruxelles.
Missions
Le Conseil de l’UE a cinq grandes fonctions:
- le Conseil est avant tout un organe législatif, rôle qu’il partage avec le Parlement européen dans le cadre de la procédure législative ordinaire;
- le Conseil doit, en outre, assurer la coordination des politiques économiques des États membres;
- il élabore la politique étrangère et de sécurité commune de l’UE sur la base des orientations définies par le Conseil européen;
- le Conseil décide de la conclusion des accords entre, d’une part, l’Union européenne et, d’autre part, les pays tiers ou les organisations internationales;
- il établit également, sur la base d’un projet présenté par la Commission européenne, le budget, qui doit toutefois être approuvé ultérieurement par le Parlement européen. C’est lui aussi qui recommande au Parlement européen de donner décharge à la Commission sur l’exécution du budget.
En outre, le Conseil nomme les membres de la Cour des comptes européenne, du Comité économique et social européen et du Comité européen des régions.
Délibération et prise de décision au sein du Conseil
C’est lors des délibérations du Conseil que se réalise l’équilibre entre les intérêts particuliers des États membres et l’intérêt de l’UE. Même si ce sont surtout les intérêts des pays qui sont défendus au Conseil, ses membres sont toutefois tenus de veiller simultanément aux objectifs et aux besoins de l’ensemble de l’Union européenne. Le Conseil est une institution de l’UE et non une Conférence intergouvernementale. C’est pourquoi ses délibérations visent non pas le plus petit dénominateur commun entre les États membres, mais l’équilibre optimal entre l’intérêt de l’UE et celui des différents États membres.
Le Conseil délibère et statue uniquement lorsque les documents et projets sont disponibles dans les 24 langues officielles (allemand, anglais, bulgare, croate, danois, espagnol, estonien, finnois, français, grec, hongrois, irlandais, italien, letton, lituanien, maltais, néerlandais, polonais, portugais, roumain, slovaque, slovène, suédois et tchèque). En cas d’urgence, il peut être dérogé à ce régime linguistique à l’unanimité. Cela vaut également pour les propositions de modification présentées et examinées au cours des sessions du Conseil.
Pour les votes du Conseil, les traités de l’UE prévoient en principe la règle de la majorité: la règle générale est celle de la majorité qualifiée (article 16, paragraphe 3, du traité UE). Dans quelques cas seulement (notamment pour les questions procédurales), la majorité simple suffit, chaque État disposant alors d’une voix (avec 27 États membres, la majorité simple est atteinte avec 14 voix).
Le système de la double majorité prévoit que la majorité qualifiée est acquise si au moins 55 % des membres du Conseil, comprenant au moins 15 États membres et représentant au moins 65 % de la population de l’UE, soutiennent la proposition de la Commission (article 16, paragraphe 4, du traité UE) (3).
Pour éviter qu’un petit nombre d’États membres à forte population puissent empêcher l’adoption d’une décision, il est prévu qu’une minorité de blocage doit être composée d’au moins quatre États membres, représentant au moins 35 % de la population de l’UE. Le système comporte encore un mécanisme supplémentaire: à défaut de minorité de blocage, le processus de décision peut être suspendu. Le Conseil ne procède pas dans ce cas au vote, mais poursuit les négociations pour une «durée appropriée» si des membres du Conseil représentant au moins 75 % de la population ou au moins 75 % du nombre d’États membres nécessaires pour la formation d’une minorité de blocage l’exigent.
Pour les décisions concernant des domaines politiques particulièrement sensibles, les traités prévoient un vote à l’unanimité. Toutefois, les abstentions ne peuvent empêcher l’adoption d’une décision. La règle de l’unanimité s’applique aux questions de fiscalité, aux règlements relatifs à la sécurité sociale et à la protection sociale des travailleurs, à la constatation de la violation des principes de l’Union par un État membre ainsi qu’à la détermination des principes et de la mise en œuvre de la politique étrangère et de sécurité commune ou à certaines décisions dans le domaine de la coopération policière et judiciaire en matière pénale.
Le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (article 18 du traité UE)
Le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité n’est pas, comme prévu par le projet de Constitution, devenu un ministre des affaires étrangères; son rôle dans les rouages institutionnels a cependant été nettement renforcé et élargi. Le haut représentant est donc à la fois membre du Conseil de l’UE, dont il préside le Conseil des affaires étrangères, et de la Commission européenne, dont il est le vice- président chargé des affaires étrangères. Le haut représentant est nommé par le Conseil européen à la majorité qualifiée avec l’accord du président de la Commission européenne. Il est assisté par un nouveau Service européen pour l’action extérieure, fondé en 2011 par la fusion des services chargés de la politique étrangère du Conseil et de la Commission et la participation des diplomates détachés des services diplomatiques nationaux.
La Commission européenne (article 17 du traité UE)
COMPOSITION
27 membres dont
- Président
- 3 vice-présidents exécutifs
- Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité
- 4 autres vice-présidents
- 18 commissaires
MISSIONS
- Initiative en matière de législation de l’Union
- Contrôle du respect et de l’application correcte du droit de l’Union
- Administration et application des dispositions de l’Union
- Représentation de l’UE dans les organisations internationales
Composition
La Commission européenne est composée de 27 membres, un par État membre. En d’autres termes, la Commission compte actuellement 27 commissaires ayant des fonctions différentes (article 17, paragraphe 4, du traité UE). La clause de l’article 17, paragraphe 5, du traité UE prévoyant une réduction de la Commission aux deux tiers du nombre d’États membres à partir du 1er novembre 2014 n’a pas été activée en raison d’une décision du Conseil européen.
La Commission est dirigée par un président qui jouit d’une position de force au sein du collège. Il n’est plus seulement primus inter pares, mais occupe une position privilégiée dans la mesure où il définit les orientations dans le cadre desquelles la Commission exerce sa mission et décide de l’organisation interne de la Commission [article 17, paragraphe 6, points a) et b), du traité UE]. Le président dispose ainsi d’un pouvoir d’orientation et d’organisation interne. Fort de ces compétences, le président est chargé de garantir la cohérence et l’efficacité de l’action de la Commission et le respect du principe de collégialité, qui s’exprime particulièrement dans la prise de décision collégiale (article 250, premier alinéa, du traité FUE). Il structure et répartit les domaines de responsabilités de la Commission entre ses membres, étant entendu qu’il peut remanier la répartition de ces responsabilités en cours de mandat (article 248 du traité FUE). Le président nomme les vice-présidents exécutifs et les autres vice-présidents, à l’exception du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité qui, au titre de cette fonction, est également vice-président de la Commission. En outre, il est explicitement prévu qu’un membre de la Commission doit démissionner si le président le lui demande (article 17, paragraphe 6, deuxième alinéa, du traité UE). Enfin, la position prédominante du président se traduit par son droit d’être entendu lors de l’élection des autres membres de la Commission et par sa qualité de membre du Conseil européen. Depuis décembre 2019, la Commission européenne est dirigée pour la première fois par une présidente, Ursula von der Leyen.
Il existe six équipes de commissaires, placées sous la direction d’un vice- président, qui, nonobstant le principe de collégialité, sont chargées de suivre et de faire progresser les travaux sur les grandes priorités politiques:
- pacte vert pour l’Europe, sous la responsabilité du vice-président exécutif Frans Timmermans;
- une Europe adaptée à l’ère du numérique, sous la responsabilité de la vice-présidente exécutive Margrethe Vestager;
- une économie au service des personnes, sous la responsabilité du vice-président exécutif Valdis Dombrovskis;
- une Europe plus forte sur la scène internationale, sous la responsabilité du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité Josep Borrell Fontelles;
- promotion de notre mode de vie européen, sous la responsabilité du vice-président Margaritis Schinas;
- un nouvel élan pour la démocratie européenne, sous la responsabilité de la vice-présidente Vĕra Jourová.
Le président et les membres de la Commission sont nommés pour cinq ans. À cet égard, la procédure d’investiture s’applique. Celle-ci a fait l’objet d’une nouvelle réglementation dans le cadre du traité de Lisbonne, à l’article 17, paragraphe 7, du traité UE. Il s’agit d’une procédure en plusieurs étapes. Il faut tout d’abord nommer le président; ensuite, les personnalités qui devraient être élues membres de la Commission sont choisies. Lors de la troisième étape, le président de la Commission, le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité ainsi que les autres membres de la Commission sont officiellement nommés.
Le Conseil européen, après avoir procédé aux consultations appropriées, statuant à la majorité qualifiée, propose au Parlement européen un candidat à la fonction de président de la Commission. Lors de la sélection des candidats pour la fonction de président, le résultat des élections au Parlement européen doit être pris en compte. Cette nouvelle exigence marque une plus grande politisation de la Commission. En définitive, cela revient à donner aux groupes politiques du Parlement européen qui détiennent la majorité un pouvoir considérable lors de la nomination du président.
Après l’élection du président, le Conseil européen adopte «par consensus» la liste des autres personnalités qu’il envisage de nommer membres de la Commission, établie sur proposition de chaque État membre (article 15, paragraphe 4, du traité UE). Pour ce faire, les personnalités sont sélectionnées en raison de leurs compétences générales et de leur engagement pour l’Europe, et offrent par ailleurs toutes les garanties d’indépendance. Pour la nomination du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, la majorité qualifiée du Conseil européen suffit (article 18, paragraphe 1, du traité UE). Le Conseil européen et le président élu à la tête de la Commission doivent parvenir à un consensus en ce qui concerne les candidats. La nomination du haut représentant est soumise à l’approbation explicite du président désigné de la Commission. Si le président de la Commission oppose son veto, il n’est pas possible de procéder à la nomination des autres membres de la Commission.
Après l’élection du président et la nomination du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et des autres membres de la Commission, le collège est soumis au vote d’approbation du Parlement européen. Les membres désignés de la Commission doivent toutefois d’abord se soumettre aux questions des parlementaires lors d’une «audition», portant généralement sur la responsabilité visée ainsi que sur les orientations personnelles quant à l’avenir de l’UE. Après consentement du Parlement européen, pour lequel une majorité simple suffit, le Conseil européen nomme le président et les autres membres de la Commission à la majorité qualifiée. La Commission prend ses fonctions dès la nomination de ses membres.
Le siège de la Commission est à Bruxelles.
Missions
La Commission est, d’abord, le moteur de la politique de l’UE. Elle est à l’origine de toute action de l’Union européenne, puisque c’est à elle qu’il incombe de présenter au Conseil des propositions de normes juridiques de l’UE («droit d’initiative» de la Commission). La Commission n’accomplit pas cette tâche comme bon lui semble: elle est tenue d’agir lorsque l’intérêt de l’UE l’exige. Le Parlement européen (article 225 du traité FUE), le Conseil (article 241 du traité FUE) ainsi que, dans le cadre d’une initiative citoyenne, un groupe de citoyens de l’UE (article 11, paragraphe 4, du traité UE) peuvent aussi inviter la Commission à élaborer une proposition. Les compétences législatives légales dont la Commission dispose (par exemple en matière de budget de l’Union, de Fonds structurels, de lutte contre la discrimination fiscale, de subventions et de clauses de sauvegarde) sont ponctuelles. Bien plus vastes sont, en revanche, les compétences législatives déléguées à la Commission par le Conseil et le Parlement européen pour l’exécution des règles qu’ils établissent (article 290 du traité FUE).
La Commission est également la «gardienne des traités», et donc du droit de l’Union. Elle veille au respect et à l’application du droit primaire et du droit dérivé de l’Union par les États membres. En cas de violation d’une règle de l’Union, elle entame une procédure en manquement (article 258 du traité FUE) et, le cas échéant, saisit la Cour de justice. La Commission intervient également si des personnes physiques ou morales portent atteinte au droit de l’Union, notamment au droit de la concurrence, et peut leur infliger de lourdes sanctions. Au cours des dernières années, la lutte contre les violations des règles de l’UE est devenue l’une des principales activités de la Commission.
La Commission représente les intérêts de l’UE, rôle étroitement lié à celui de gardienne des traités. Elle ne peut, en principe, poursuivre aucun autre objectif que ceux relevant de l’intérêt de l’UE. Elle doit toujours s’efforcer, lors de négociations souvent difficiles au sein du Conseil, de faire valoir l’intérêt de l’UE et de trouver des compromis qui en tiennent compte. C’est donc un rôle d’intermédiaire entre les États membres, auquel sa neutralité la destine tout particulièrement.
La Commission est, enfin, un organe exécutif, du moins dans certaines limites. Cette compétence se reflète surtout dans le domaine du droit de la concurrence, où la Commission exerce les fonctions d’une autorité administrative classique: elle examine des faits, accorde des autorisations ou formule des interdictions et, le cas échéant, inflige des sanctions. Les compétences administratives de la Commission sont également très étendues dans le domaine des Fonds structurels et de l’exécution du budget de l’Union. Généralement, ce sont toutefois les États membres eux-mêmes qui doivent veiller à l’application des règles de l’UE au cas par cas. Cette solution, retenue par les traités de l’UE, présente l’avantage de rapprocher des citoyens la réalité de l’ordre européen — qui reste encore «étranger» pour eux — en le plaçant sous l’autorité et dans le cadre familier de l’ordre national.
STRUCTURE ADMINISTRATIVE DE LA COMMISSION EUROPÉENNE
- Commission (27 membres)
DIRECTIONS GÉNÉRALES ET SERVICES
- Secrétariat général
- Service juridique
- Direction générale de la communication
- IDEA — Inspirer, débattre, engager et accélérer l’action
- Direction générale du budget
- Direction générale des ressources humaines et de la sécurité
- Direction générale de l’informatique
- Service d’audit interne
- Office européen de lutte antifraude
- Direction générale des affaires économiques et financières
- Direction générale du marché intérieur, de l’industrie, de l’entrepreneuriat et des PME
- Direction générale de l’industrie de la défense et de l’espace
- Direction générale de la concurrence
- Direction générale de l’emploi, des affaires sociales et de l’inclusion
- Direction générale de l’agriculture et du développement rural
- Direction générale de la mobilité et des transports
- Direction générale de l’énergie
- Direction générale de l’environnement
- Direction générale de l’action pour le climat
- Direction générale de la recherche et de l’innovation
- Direction générale des réseaux de communication, du contenu et des technologies
- Centre commun de recherche
- Direction générale des affaires maritimes et de la pêche
- Direction générale de la stabilité financière, des services financiers et de l’union des marchés des capitaux
- Direction générale de la politique régionale et urbaine
- Direction générale de l’appui aux réformes structurelles
- Direction générale de la fiscalité et de l’union douanière
- Direction générale de l’éducation, de la jeunesse, du sport et de la culture
- Direction générale de la santé et de la sécurité alimentaire
- Autorité de préparation et de réaction en cas d’urgence sanitaire
- Direction générale de la migration et des affaires intérieures
- Direction générale de la justice et des consommateurs
- Direction générale du commerce
- Direction générale du voisinage et des négociations d’élargissement
- Direction générale des partenariats internationaux
- Direction générale de la protection civile et des opérations d’aide humanitaire européennes (ECHO)
- Eurostat
- Direction générale de l’interprétation
- Direction générale de la traduction
- Office des publications de l’Union européenne
- Service des instruments de politique étrangère
- Office de gestion et de liquidation des droits individuels
- Office pour les infrastructures et la logistique à Bruxelles
- Office pour les infrastructures et la logistique à Luxembourg
- Office européen de sélection du personnel
AUTRES SERVICES
- Délégué à la protection des données
- Bibliothèque de la Commission européenne
- École européenne d’administration
- Service des archives historiques
- Task-force pour la reprise et la résilience
- Service du porte-parole
La Cour de justice de l’Union européenne (article 19 du traité UE)
Tout ordre ne peut subsister que si ses règles sont contrôlées par une autorité indépendante. Dans une communauté d’États, les règles communes risqueraient, si elles étaient surveillées par des juridictions nationales, d’être interprétées et appliquées différemment selon les pays. Le droit de l’Union pourrait donc ne pas être appliqué uniformément dans tous les États membres. C’est la raison qui a conduit, dès la création de la première Communauté (CECA) en 1952, à l’institution d’une Cour de justice, qui est aussi devenue, en 1957, l’organe juridictionnel pour les deux autres Communautés [C(E)E et CEEA]. La Cour de justice de l’Union européenne a son siège à Luxembourg.
Il s’agit aujourd’hui de l’organe juridictionnel de l’UE. Les fonctions juridictionnelles sont exercées à deux niveaux:
- par la Cour de justice en tant que juridiction suprême de la juridiction de l’UE (article 253 du traité FUE); et
- par le Tribunal (article 254 du traité FUE).
En vue de décharger la Cour de justice et de renforcer le contrôle juridictionnel au sein de l’UE, le Conseil avait adjoint au Tribunal en 2004 le Tribunal de la fonction publique (article 257 du traité FUE). En 2015, le législateur de l’UE a toutefois décidé d’augmenter progressivement le nombre de juges au Tribunal (54 en 2020) et de transférer au Tribunal les compétences du Tribunal de la fonction publique. En contrepartie, le Tribunal de la fonction publique a été dissous le 1er septembre 2016.
COMPOSITION DE LA COUR DE JUSTICE
27 juges
et
11 avocats généraux
nommés pour six ans à l’unanimité par les gouvernements des États membres
TYPES DE PROCÉDURES
- Infractions: Commission contre un État membre (article 258 du traité FUE); État membre contre un autre État membre (article 259 du traité FUE)
- Recours en annulation ou en carence introduit par une institution de l’UE ou un État membre (contre le Parlement européen et/ou le Conseil) à l’encontre d’actes juridiques illégaux ou d’une inaction (articles 263 et 265 du traité FUE)
- Renvoi préjudiciel sur l’interprétation et la validité du droit de l’Union à l’initiative des juridictions nationales (article 267 du traité FUE)
- Pourvoi contre les décisions du Tribunal (article 256 du traité FUE)
La Cour de justice est la juridiction suprême pour toutes les questions relevant du droit de l’Union. D’une manière générale, elle est chargée d’assurer «le respect du droit dans l’interprétation et l’application des traités».
Cette description générale des tâches recouvre trois domaines fondamentaux:
- le contrôle du respect du droit de l’Union, pour ce qui est tant du comportement des institutions de l’UE dans le cadre de l’application des dispositions des traités que du respect, par les États membres et les particuliers, des obligations découlant pour eux du droit de l’Union;
- l’interprétation du droit de l’Union; et
- le développement du droit de l’Union.
La Cour de justice assume ces tâches à travers des activités de consultation juridique et de jurisprudence. La consultation juridique prend la forme d’avis contraignants sur des accords que l’Union souhaite conclure avec des pays tiers ou des organisations internationales. Son rôle d’organe juridictionnel est cependant bien plus important. Dans le cadre de cette mission, la Cour de justice remplit des fonctions qui, dans le système juridique des États membres, sont réparties entre différentes juridictions: c’est ainsi que la Cour de justice statue en tant que juridiction constitutionnelle lors de litiges entre les institutions de l’UE et lors du contrôle de la légalité du droit de l’Union, en tant que juridiction administrative pour vérifier les actes administratifs adoptés par la Commission européenne ou, indirectement, par les autorités des États membres (sur la base du droit de l’Union), en tant que juridiction sociale et juridiction du travail pour les questions concernant la libre circulation et la sécurité sociale des travailleurs ainsi que l’égalité de traitement entre hommes et femmes dans le monde du travail, en tant que juridiction financière pour les questions de validité et d’interprétation des dispositions des directives concernant le droit fiscal ou douanier, et en tant que juridiction civile dans les cas de plaintes en dommages-intérêts et lors de l’interprétation des dispositions concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale.
Le Tribunal
Le nombre de procédures devant la Cour de justice n’a cessé d’augmenter au fil des années. Cette tendance se maintiendra forcément: il suffit de penser au potentiel de conflits que représentent les multiples directives adoptées dans le cadre du marché unique et transposées en droit national. D’autres questions litigieuses en rapport avec le traité UE, qui devront en définitive être tranchées par la Cour de justice, se profilent déjà aujourd’hui. C’est pourquoi, dès 1988, un tribunal supplémentaire a été institué afin d’alléger la charge de travail de la Cour de justice.
COMPOSITION DU TRIBUNAL
54 juges
chaque État membre désignant deux juges nommés pour six ans à l’unanimité par les gouvernements des États membres
TYPES DE PROCÉDURES
- Recours en annulation et en carence formés par des personnes physiques ou morales contre des actes de l’Union illégaux ou pour inaction; recours des États membres contre le Conseil et/ou la Commission dans les domines des subventions, des pratiques antidumping et des compétences d’exécution (articles 263 et 265 du traité FUE)
- Recours en indemnité pour responsabilité contractuelle ou non contractuelle (article 268 et article 340, premier et deuxième alinéas, du traité FUE)
Le Tribunal n’est pas une nouvelle institution de l’UE, mais un organe de la Cour de justice. Il est toutefois autonome et doté de sa propre organisation. Il dispose de son greffe et de son règlement de procédure. Dans un souci de clarté, les affaires sont désignées par la lettre «T» pour le Tribunal (par exemple T-1/20) et par la lettre «C» pour la Cour de justice (par exemple C-1/20).
À l’origine, les compétences du Tribunal étaient limitées à un nombre restreint d’affaires. Aujourd’hui, ses compétences sont les suivantes:
- en première instance, c’est-à-dire sous le contrôle juridique de la Cour de justice, le Tribunal est compétent pour les recours en annulation et en carence des personnes physiques ou morales contre une institution de l’UE, pour les recours des États membres contre le Conseil et/ou la Commission dans les domaines des subventions, des pratiques antidumping et des compétences d’exécution, pour les décisions fondées sur une clause compromissoire figurant dans un traité conclu par l’UE ou pour son compte, ainsi que pour les recours en indemnité dirigés contre l’UE;
- en outre, il est prévu que le Tribunal puisse se voir déléguer, dans certains domaines, la compétence pour les procédures préjudicielles; il n’a cependant pas encore été fait usage de cette possibilité.
La Banque centrale européenne (articles 129 et 130 du traité FUE)
La Banque centrale européenne, dont le siège est à Francfort, est au cœur de l’Union économique et monétaire. Elle est responsable de la stabilité de la monnaie de l’Union européenne, l’euro, dont elle est chargée de déterminer le volume des émissions (article 128 du traité FUE).
Pour permettre à la BCE de mener cette mission à bien, nombre de dispositions garantissent son indépendance. Ni la BCE ni une banque centrale nationale ne peuvent solliciter ni accepter des instructions des institutions de l’UE, des gouvernements des États membres ou de tout autre organisme. Les institutions de l’UE ainsi que les gouvernements des États membres s’engagent à ne pas chercher à influencer la BCE (article 130 du traité FUE).
Le Système européen de banques centrales est composé de la BCE et des banques centrales de tous les États membres (article 129 du traité FUE). Il définit et met en œuvre la politique monétaire de l’UE; lui seul peut autoriser l’émission de billets et de pièces au sein de l’Union. Il est en outre chargé de gérer les réserves officielles de change des États membres et de veiller au bon fonctionnement des systèmes de paiement dans l’Union (article 127, paragraphe 2, du traité FUE).
La Cour des comptes européenne (articles 285 et 286 du traité FUE)
La Cour des comptes européenne a été instituée le 22 juillet 1975 et est entrée en fonction en octobre 1977 à Luxembourg. Elle a acquis entre-temps le statut d’institution de l’UE (article 13 du traité UE). Elle se compose actuellement de 27 membres, le même nombre que les États membres, nommés pour six ans par le Conseil qui, à la majorité qualifiée, adopte, après consultation du Parlement européen, la liste des membres établie conformément aux propositions faites par chaque État membre (article 286, paragraphe 2, du traité FUE). Les membres de la Cour des comptes désignent parmi eux, pour trois ans, le président de la Cour des comptes; le mandat de celui-ci est renouvelable.
La Cour des comptes a pour mission d’examiner la légalité et la régularité des recettes et dépenses de l’UE, et doit également s’assurer de la bonne gestion financière. La véritable arme de la Cour des comptes est sa visibilité. Après la clôture de chaque exercice, les résultats de ses activités sont consignés dans un rapport annuel, qui est publié au Journal officiel de l’Union européenne et est ainsi mis à la disposition de l’opinion publique européenne. La Cour des comptes peut également prendre position sur des questions particulières, à tout moment, dans des rapports spéciaux qui sont aussi publiés au Journal officiel.
Les organes consultatifs
Le Comité économique et social européen (article 301 du traité FUE)
Le Comité économique et social européen (CESE) veille à la représentation institutionnelle au sein de l’UE des différentes catégories de la vie économique et sociale, notamment les employeurs et les travailleurs, les agriculteurs, les transporteurs, les négociants, les artisans, les professions libérales et les dirigeants de petites et moyennes entreprises. Les consommateurs, les groupes de protection de l’environnement et les associations sont également représentés au sein du Comité.
Le CESE se compose d’un maximum de 350 membres (actuellement, ils sont 326) issus des organisations les plus représentatives des États membres. Ces membres sont nommés pour cinq ans par le Conseil, qui adopte la liste des membres établie conformément aux propositions faites par chaque État membre.
La répartition des sièges entre les États membres est la suivante: | |
---|---|
Allemagne, France, Italie | 24 |
Espagne, Pologne | 21 |
Roumanie | 15 |
Belgique, Bulgarie, Tchéquie, Grèce, Hongrie, Pays-Bas, Autriche, Portugal, Suède | 12 |
Danemark, Irlande, Croatie, Lituanie, Slovaquie, Finlande | 9 |
Lettonie, Slovénie | 7 |
Estonie | 6 |
Chypre, Luxembourg, Malte | 5 |
Les membres sont organisés en trois groupes (employeurs, travailleurs, représentants de la société civile). Les avis destinés à être adoptés par l’assemblée plénière sont préparés par des «groupes de travail». En outre, le CESE coopère étroitement avec les commissions et les groupes de travail du Parlement européen.
Dans certains cas, le CESE doit être consulté dans le cadre de la procédure législative. Il peut également émettre des avis de sa propre initiative. Ces avis constituent une synthèse de points de vue quelquefois très différents et très utiles pour le Conseil et la Commission, dans la mesure où ils leur permettent de connaître les ajustements souhaités par les groupes directement concernés par une proposition.
Le siège du CESE est établi à Bruxelles.
Le Comité européen des régions (article 305 du traité FUE)
Un organe consultatif supplémentaire a été adjoint au CESE par le traité UE (traité de Maastricht): il s’agit du Comité européen des régions. À l’instar du CESE, ce comité n’est pas une institution de l’UE au sens propre du terme puisqu’il n’exerce que des fonctions consultatives. Il n’est pas chargé d’exécuter des tâches confiées à l’Union de manière juridiquement contraignante, à la différence des institutions de l’UE (Parlement européen, Conseil européen, Conseil de l’UE, Commission européenne, Cour de justice, BCE, Cour des comptes).
Comme le CESE, le Comité européen des régions est constitué d’un maximum de 350 membres (ils sont actuellement 329). Il est composé de représentants des collectivités régionales et locales des États membres qui sont soit titulaires d’un mandat électoral au sein d’une collectivité régionale ou locale, soit politiquement responsables devant une assemblée élue.
La répartition des sièges entre les États membres est la suivante: | |
---|---|
Allemagne, France, Italie | 24 |
Espagne, Pologne | 21 |
Roumanie | 15 |
Belgique, Bulgarie, Tchéquie, Grèce, Hongrie, Pays-Bas, Autriche, Portugal, Suède | 12 |
Danemark, Irlande, Croatie, Lituanie, Slovaquie, Finlande | 9 |
Estonie, Lettonie, Slovénie | 7 |
Chypre, Luxembourg | 6 |
Malte | 5 |
Sa consultation par le Conseil ou la Commission est obligatoire dans certains cas («consultation obligatoire»), à savoir notamment dans les domaines de l’éducation, de la culture, de la santé publique, des réseaux transeuropéens, de l’infrastructure des transports, des télécommunications et de l’énergie, de la cohésion économique et sociale, de la politique de l’emploi et de la législation sociale. En outre, le Conseil consulte régulièrement le Comité européen des régions sur divers projets législatifs, sans aucune obligation juridique («consultation facultative»).
Le Comité européen des régions a lui aussi son siège à Bruxelles.
La Banque européenne d’investissement (article 308 du traité FUE)
L’UE dispose, pour son «développement équilibré et sans heurts», d’un établissement financier, la Banque européenne d’investissement, dont le siège est à Luxembourg. La Banque a pour mission d’octroyer, dans tous les secteurs économiques, des prêts et des garanties pour la mise en valeur des régions sous-développées, la modernisation ou la conversion d’entreprises, la création d’emplois ou le développement de projets qui sont dans l’intérêt de plusieurs États membres.
L’ORDRE JURIDIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE
Cette «Constitution» de l’UE qui vient d’être décrite et, en particulier, ses valeurs fondamentales restent encore très abstraites et doivent être davantage concrétisées dans le droit de l’Union. L’UE est ainsi, d’un double point de vue, un véritable phénomène du droit: elle est une création du droit et une union par le droit.
L’Union européenne en tant que création du droit et union par le droit
La principale innovation de l’UE par rapport aux tentatives précédentes réside dans le fait qu’elle n’utilise pas la violence ou la soumission pour unifier l’Europe, mais la force du droit. Seule une unification reposant sur un libre consentement a, en effet, des chances de durer, pour autant qu’elle soit bâtie sur des valeurs fondamentales, comme la liberté et l’égalité, et préservée et réalisée par le droit. C’est sur cette base qu’ont été établis les traités instituant l’Union européenne.
De fait, l’UE n’est pas seulement une création du droit, mais elle poursuit ses objectifs en utilisant exclusivement le droit. En d’autres termes, c’est une union par le droit. Les rapports entre les populations des États membres ne sont pas régis par la force, mais par le droit de l’Union, qui est à la base du système institutionnel. Il régit les rapports entre les institutions de l’UE et définit leurs procédures décisionnelles. Il leur donne le pouvoir d’agir par des règlements, des directives et des décisions, qui peuvent avoir des effets contraignants à l’égard des États membres et de leurs ressortissants. Chaque citoyen devient ainsi un protagoniste de l’UE, tandis que l’ordre juridique de celle-ci influe de plus en plus directement sur sa vie quotidienne. Il se voit conférer des droits et imposer des obligations, étant soumis, en sa qualité de ressortissant d’un État membre et de citoyen de l’UE, à des ordres juridiques de niveaux différents, comme dans un régime fédéral constitutionnel. À l’instar de tout ordre juridique, l’ordre juridique de l’Union comporte également un système clos de contrôle juridictionnel lorsque le droit de l’Union est contesté et qu’il s’agit de le faire appliquer. Le droit de l’Union détermine également les rapports entre l’UE et ses États membres; ces derniers doivent prendre toutes les mesures appropriées pour satisfaire aux obligations qui leur incombent en vertu des traités ou des actes des institutions de l’UE. Il leur appartient d’aider l’UE à mener à bien sa mission et de s’abstenir de toute mesure susceptible de mettre en péril la réalisation des objectifs des traités. Les États membres sont responsables de tous les préjudices causés aux citoyens de l’UE par la violation du droit de l’Union.
Les sources du droit de l’Union européenne
La notion de «source du droit» a une double acception. Au sens premier du terme, il s’agit de la raison qui a motivé l’émergence du droit. Selon cette définition, la source du droit de l’Union est la volonté de préserver la paix et de créer une Europe meilleure par des liens économiques plus étroits, deux pierres angulaires de la construction européenne. En langage juridique en revanche, on entend par «source du droit» l’origine et la fixation du droit.
Les traités fondateurs de l’Union européenne, droit primaire de l’Union
La première source du droit de l’Union est constituée des traités instituant l’UE, y compris les annexes, les appendices et les protocoles qui leur sont joints ainsi que leurs compléments et modifications ultérieurs. Ces traités fondateurs, ainsi que leurs compléments et modifications, qui sont surtout les traités de Maastricht, d’Amsterdam, de Nice et de Lisbonne et les différents traités d’adhésion, contiennent à la fois des règles juridiques de base relatives aux objectifs, à l’organisation et au fonctionnement de l’UE et certains éléments du droit économique et financier. Cela vaut également pour la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui a la même valeur juridique depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne (article 6, paragraphe 1, du traité UE). Ils forment ainsi le cadre constitutionnel de l’Union, que les institutions de l’UE doivent ensuite remplir dans l’intérêt de l’Union grâce aux pouvoirs législatifs et administratifs dont elles ont été dotées à cette fin. En tant que droit directement créé par les États membres, ces règles sont qualifiées, dans le langage juridique, de droit primaire de l’Union.
Les actes juridiques de l’Union européenne, droit dérivé de l’Union
Le droit créé dans l’exercice des compétences conférées aux institutions de l’UE est appelé droit dérivé, qui est la deuxième source principale du droit de l’Union.
Il comprend les actes juridiques à caractère législatif («actes législatifs»), les actes juridiques n’ayant pas un caractère législatif (actes simples, actes délégués, actes d’exécution), les actes juridiques non contraignants (avis, recommandations), ainsi que d’autres actes, qui ne sont pas des actes juridiques (par exemple les accords interinstitutionnels, les résolutions, les déclarations et les programmes d’action). Les «actes législatifs» (article 289 du traité FUE) sont des actes juridiques adoptés dans le cadre de la procédure législative ordinaire ou de la procédure législative spéciale. Les «actes délégués» (article 290 du traité FUE) sont des actes juridiques qui n’ont pas un caractère législatif, mais qui ont une portée générale et obligatoire et par lesquels certains éléments non essentiels d’un acte législatif peuvent être modifiés ou complétés. Ils sont adoptés par la Commission, qui doit être explicitement habilitée à cet effet dans un acte législatif. Lorsqu’il faut fixer des conditions uniformes d’exécution des actes juridiquement contraignants de l’UE, cela est fait au moyen d’actes d’exécution, qui sont adoptés en principe par la Commission, exceptionnellement aussi par le Conseil de l’UE (article 291 du traité FUE). Les institutions de l’UE peuvent émettre des recommandations et des avis, qui sont des actes juridiques non contraignants. Il existe enfin toute une série d’«actes qui ne sont pas des actes juridiques», qui permettent aux institutions de l’UE de publier des avis et des déclarations non contraignants ou qui règlent la vie interne de l’UE ou de ses institutions, comme c’est le cas des règles adoptées d’un commun accord, des accords interinstitutionnels ou des règlements intérieurs des institutions.
Les actes juridiques ayant ou non un caractère législatif peuvent prendre des formes diverses. Les principaux types d’actes sont recensés et définis dans un catalogue (article 288 du traité FUE). Dans ce catalogue figurent les règlements, les directives et les décisions, qui sont des actes contraignants. On y trouve également les recommandations et les avis, qui sont pour leur part des actes non contraignants. Il ne s’agit toutefois pas d’un catalogue exhaustif. Il existe en effet toute une série d’autres types d’actes qui ne rentrent pas dans ce catalogue. Il s’agit par exemple des résolutions, des déclarations, des programmes d’action et des livres blancs ou verts. Tous les types d’actes diffèrent sensiblement par leur procédure d’adoption, leurs effets juridiques et leurs cercles de destinataires; ces différences sont abordées dans un chapitre ultérieur, intitulé «Les instruments dont dispose l’Union européenne».
ACTES JURIDIQUEMENT CONTRAIGNANTS
- Règlements
- Directives
- Décisions
ACTES JURIDIQUES à CARACTèRE LéGISLATIF
= actes adoptés selon la procédure législative ordinaire
ACTES SIMPLES
= actes juridiques qui ne sont pas adoptés dans le cadre de la procédure législative
ACTES DéLéGUéS
Article 290 du traité FUE
ACTES D’EXéCUTION
Article 291 du traité FUE
ACTES JURIDIQUES NON CONTRAIGNANTS
- Recommandations
- Avis
AUTRES FORMES D’ACTION QUI NE SONT PAS DES ACTES JURIDIQUES
- Résolutions
- Déclarations
- Communications de la Commission
- Programmes d’action
- Livres blancs
- Livres verts
La création du droit dérivé de l’Union est un processus progressif et continu. L’adoption du droit dérivé donne vie au droit primaire, qui est constitué des traités de l’UE, et concrétise et complète petit à petit l’ordre juridique européen.
Les accords internationaux de l’Union européenne
Cette troisième source du droit est liée au rôle de l’UE à l’échelle internationale. Étant l’un des pôles du monde, l’Europe ne peut se borner à ne prendre en main que ses propres affaires intérieures. Elle doit également s’efforcer de développer ses relations économiques, sociales et politiques avec les autres pays de la planète. C’est dans ce but que l’UE conclut avec les pays non membres de l’UE (les «pays tiers») et d’autres organisations internationales des accords internationaux, parmi lesquels les accords suivants méritent d’être mentionnés.
Accords d’association
L’association va bien au-delà des règles purement commerciales et vise une coopération économique étroite combinée à un important soutien financier de l’UE en faveur du partenaire concerné (article 217 du traité FUE). Il existe trois types d’accords d’association:
Les accords destinés à maintenir les liens particuliers de certains États membres de l’UE avec des pays tiers
L’instrument d’association a été créé, notamment, pour les pays et territoires non européens qui, en raison de leur ancien statut de colonies, entretenaient des relations économiques étroites avec le Danemark, la France, les Pays-Bas et le Royaume-Uni. Comme l’instauration d’un tarif douanier extérieur commun dans l’UE aurait considérablement perturbé les échanges commerciaux avec ces pays et territoires, il était nécessaire de prévoir des régimes spéciaux. Les objectifs de l’association sont donc la promotion du développement économique et social de ces pays et territoires et l’établissement de relations économiques étroites entre eux et l’UE dans son ensemble (article 198 du traité FUE). Il existe ainsi toute une série de régimes préférentiels qui autorisent les importations de marchandises de ces pays et territoires à un tarif douanier réduit ou nul. L’aide financière et technique de l’UE est apportée à travers le Fonds européen de développement. La convention de loin la plus importante dans la pratique est l’accord de partenariat UE-ACP qui lie l’Union à 70 États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP). Cet accord est actuellement transposé dans des accords de partenariat économique classés par région, qui fournissent progressivement aux pays ACP un libre accès au marché intérieur européen.
Les accords visant à préparer une adhésion possible à l’Union européenne et à créer une union douanière
L’association a aussi pour objet de préparer une éventuelle adhésion d’un pays à l’UE. Elle est, pour ainsi dire, une phase préparatoire à l’adhésion qui vise à permettre au candidat de rapprocher ses conditions économiques de celles de l’UE. Cette stratégie s’applique actuellement aux pays de l’ouest des Balkans (Bosnie-Herzégovine, Kosovo, Monténégro, Serbie). Dans ce cas, le processus d’adhésion est assorti d’un processus de stabilisation et d’association (PSA) élargi, qui constitue le cadre général dans lequel les pays de l’ouest des Balkans doivent se rapprocher de l’UE, jusqu’à la future adhésion. Le PSA poursuit trois objectifs: 1) stabilisation et transition rapide vers une économie de marché viable, 2) promotion de la coopération régionale et 3) perspective d’une adhésion à l’UE. Le PSA est fondé sur un partenariat progressif, dans le cadre duquel l’UE offre des concessions commerciales, un soutien économique et financier, ainsi qu’un engagement contractuel sous la forme d’accords de stabilisation et d’association. Chaque pays doit accomplir des progrès concrets dans le cadre du PSA et satisfaire aux exigences requises pour une éventuelle adhésion. Les progrès accomplis par les pays de l’ouest des Balkans en vue d’une possible adhésion à l’UE sont évalués dans des rapports annuels.
L’accord sur l’Espace économique européen (EEE)
L’accord EEE ouvre aux membres restants de l’Association européenne de libre-échange (Islande, Liechtenstein et Norvège) l’accès au marché intérieur et pose de solides fondements pour une adhésion ultérieure éventuelle de ces pays à l’UE en les obligeant à reprendre presque deux tiers du droit de l’Union. L’objectif est de réaliser la libre circulation des marchandises, des personnes et des capitaux et la libre prestation des services au sein de l’EEE, de créer un régime uniforme de concurrence et de subventions et d’approfondir la coopération dans les politiques horizontales et d’accompagnement (par exemple dans les domaines de la protection de l’environnement, de la recherche et du développement ou de l’éducation), sur la base du droit primaire et dérivé de l’Union existant (l’«acquis juridique de l’Union»).
Accords de coopération
Les accords de coopération n’ont pas la même portée que les accords d’association, dans la mesure où ils visent uniquement une coopération économique intensive. De tels accords lient l’UE avec les États du Maghreb (Algérie, Maroc et Tunisie), les États du Machrek (Égypte, Jordanie, Liban et Syrie) et Israël, entre autres.
Accords commerciaux
Enfin, nombre d’accords commerciaux ont été conclus en matière de politique douanière et commerciale avec des pays tiers, des groupes de pays tiers ou dans le cadre d’organisations commerciales internationales. Les accords commerciaux internationaux les plus importants sont l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce et les accords commerciaux multilatéraux conclus dans ce cadre, notamment: l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT de 1994), les accords sur les mesures antidumping et sur les subventions et mesures compensatoires, l’accord général sur le commerce des services, l’accord relatif aux aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce et le mémorandum d’accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends. À côté de cela, les accords de libre-échange bilatéraux gagnent de plus en plus de terrain au détriment des accords multilatéraux. En raison des difficultés considérables pour conclure des accords de libre-échange multilatéraux dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce par exemple, les grandes nations commerciales, y compris l’UE, ont recours aux accords de libre-échange bilatéraux. Parmi les exemples les plus récents figurent la réussite finale des négociations commerciales avec le Canada, le Chili, la Corée du Sud, le Japon, le Mexique, Singapour, le Viêt Nam, les pays du Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay et Uruguay) et la Nouvelle-Zélande, ainsi que la conclusion d’un accord de partenariat entre l’UE et l’Organisation des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (OEACP, anciennement les pays ACP). D’autres négociations commerciales sont en cours, en particulier avec l’Australie, l’Inde et l’Indonésie.
Les sources du droit non écrites
Le point commun entre toutes les sources du droit de l’Union recensées jusqu’ici réside dans le fait qu’il s’agit de droit écrit. Toutefois, comme tout ordre juridique, celui de l’UE ne peut se limiter à des normes écrites, car tout ordre juridique présente des lacunes qui doivent être comblées par le droit non écrit.
Les principes généraux du droit
Les sources non écrites du droit de l’Union sont tout d’abord les principes généraux du droit. Il s’agit de normes qui traduisent les conceptions essentielles du droit et de la justice auxquelles obéit tout ordre juridique. Le droit écrit de l’Union, qui ne régit pour l’essentiel que des situations économiques et sociales, ne peut satisfaire que partiellement à cette obligation, de sorte que les principes généraux du droit représentent l’une des principales sources du droit de l’Union. Ils permettent de combler les lacunes existantes ou de développer le droit établi grâce à une interprétation respectant le principe de la conformité au droit.
Les principes du droit sont mis en œuvre dans le cadre de l’application du droit, notamment par l’activité jurisprudentielle que la Cour de justice développe dans le cadre de la mission qui lui est assignée, à savoir «assure[r] le respect du droit dans l’interprétation et l’application des traités». Les principes généraux du droit sont déterminés en prenant comme référence privilégiée les principes communs du droit des ordres juridiques des États membres. Ces derniers fournissent la base conceptuelle qui permet de dégager, au niveau de l’UE, la règle de droit nécessaire pour résoudre le problème.
Parmi ces principes généraux du droit figurent non seulement les principes d’autonomie, d’applicabilité directe et de primauté du droit de l’Union, mais aussi la protection des droits fondamentaux (du moins pour la Pologne, qui n’est pas soumise à la charte des droits fondamentaux en raison d’une clause d’exemption), le principe de proportionnalité (qui a toutefois été consacré entre-temps dans une disposition de droit positif, à savoir l’article 5, paragraphe 4, du traité UE), la protection de la confiance légitime, le droit d’être entendu ou encore le principe de la responsabilité des États membres en cas de violation du droit de l’Union.
Le droit coutumier
Le droit coutumier figure également au nombre des sources non écrites du droit de l’Union. On entend par là un droit né d’une pratique et de la conviction intime de son caractère obligatoire, qui complète ou modifie le droit primaire ou dérivé. La possibilité qu’un tel droit existe au niveau de l’UE est reconnue en principe. Toutefois, dans la pratique, le développement d’un droit coutumier se heurte à des obstacles considérables au niveau du droit de l’Union. Un premier obstacle est l’existence d’une procédure spéciale pour la révision des traités (article 48 du traité UE). Cette disposition n’exclut certes pas l’établissement d’un droit coutumier, mais elle accroît la difficulté de satisfaire aux critères d’une pratique constante et de la conviction intime de son caractère obligatoire. Un autre obstacle à l’établissement d’un droit coutumier par les institutions de l’UE est le fait que tout acte d’une institution ne peut tirer sa validité que des traités et non de son comportement réel et de la volonté correspondante de créer une obligation juridique. Par conséquent, le droit coutumier ne peut en aucun cas être consacré dans les traités par les institutions de l’UE, mais éventuellement uniquement par les États membres, et ce, en surmontant la difficulté accrue du respect des critères susmentionnés. Les pratiques des institutions de l’UE et leur conviction intime du caractère obligatoire de ces pratiques peuvent cependant être invoquées lors de l’interprétation des règles juridiques qu’elles ont établies, ce qui peut modifier la portée juridique et réelle de l’acte juridique concerné. Toutefois, les conditions et limites prévues par le droit primaire de l’Union s’imposent également dans ce cas.
Les accords et conventions entre les États membres de l’UE
La dernière source du droit de l’Union est constituée d’accords entre les États membres. Il s’agit, d’une part, d’accords conclus pour réglementer des questions qui ont un lien étroit avec les activités de l’UE, mais pour lesquelles aucune compétence n’a été conférée aux institutions de l’UE (par exemple le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire de 2012, également appelé «pacte budgétaire», conclu sans la Tchéquie). Il existe également de véritables accords internationaux entre les États membres, qui visent à surmonter la limitation territoriale de dispositions nationales et à créer un droit uniforme dans toute l’UE. Ils revêtent avant tout une importance dans le domaine du droit international privé [par exemple la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles (1980)].
Les instruments dont dispose l’Union européenne
La réalisation des objectifs poursuivis par l’UE exige que ses institutions prennent des mesures pour niveler les conditions différentes et inégales existant dans les États membres, sur le plan économique, social et même environnemental. Le droit de l’Union doit donc fournir une panoplie d’actes juridiques, tels ceux dont ont besoin et dont se dotent les institutions des États pour s’acquitter de leurs tâches à l’échelle nationale.
Toutefois, il ne pouvait être question, même si cela aurait pu sembler être une évidence, d’avoir recours aux instruments traditionnels des États membres, ne fût-ce que parce que ces derniers ont des modes d’action différents à l’échelle nationale et que l’application pure et simple du modèle d’un État membre donné n’aurait pas permis de répondre aux besoins et aux intérêts de l’UE. La tâche ardue consistant à concevoir un ensemble d’instruments adaptés aux structures et aux tâches de la Communauté est donc apparue dès la création de la CEE. La question centrale qui se posait alors était de définir la nature et l’effet de ces actes. Les aspects à prendre en compte étaient, d’une part, le fait que les institutions devaient pouvoir niveler efficacement — c’est-à-dire sans dépendre de la bonne volonté des États membres — les conditions différentes et inégales existant dans les États membres sur le plan économique, social et même environnemental, l’objectif étant de placer tous les citoyens de l’UE dans les meilleures conditions de vie possibles, et, d’autre part, le fait qu’elles ne devaient pas intervenir plus que nécessaire dans les ordres juridiques nationaux. L’ensemble du système normatif de l’UE obéit donc au principe suivant: les dispositions nationales doivent être remplacées par un acte de l’Union lorsqu’un texte détaillé commun à tous les États membres est nécessaire; dans le cas contraire, il faut dûment tenir compte des ordres juridiques nationaux.
C’est dans ce contexte qu’ont été développés les instruments qui permettent aux institutions de l’UE d’influer à des degrés divers sur les ordres juridiques nationaux. Le cas extrême est celui où les mesures nationales sont remplacées par des normes de l’UE. Il existe ensuite des dispositions de l’Union qui permettent à ses institutions d’agir indirectement sur les ordres juridiques des États membres. Il est aussi possible, pour régler un cas concret, de prendre des mesures s’adressant à une personne désignée ou identifiable. Enfin, certains actes juridiques ne contiennent aucune disposition contraignante à l’égard des États membres ou des citoyens de l’UE.
Du point de vue de leurs destinataires et des effets qu’ils produisent dans les États membres, les différents actes juridiques de l’UE au titre de l’article 288 du traité FUE peuvent être représentés comme suit:
Les règlements, «lois» de l’Union européenne
Les actes juridiques par lesquels les institutions de l’UE interviennent le plus profondément dans les ordres juridiques nationaux sont les règlements. Ils se distinguent par deux propriétés tout à fait inhabituelles en droit international:
- leur caractère propre à l’UE, c’est-à-dire leur particularité de créer un même droit dans toute l’UE sans tenir compte des frontières et d’être valables uniformément et intégralement dans tous les États membres. C’est ainsi qu’il est interdit aux États membres d’appliquer de manière incomplète les dispositions d’un règlement ou de procéder à une sélection parmi celles-ci afin d’éliminer des règles auxquelles ils se sont déjà opposés au cours de la procédure décisionnelle ou qui sont contraires à certains intérêts nationaux. L’État membre ne peut pas non plus se soustraire au caractère contraignant des dispositions des règlements en se référant aux dispositions et pratiques du droit national;
- leur applicabilité directe, c’est-à-dire le fait que les règlements créent un même droit sans que les États membres aient à adopter une mesure d’application particulière, en conférant des droits directs aux citoyens de l’UE ou en leur imposant directement des obligations. Les États membres, leurs institutions, juridictions et administrations ainsi que toutes les personnes relevant du champ d’application personnel du règlement sont directement liés par le droit de l’Union et sont tenus de le respecter au même titre que le droit national.
Les ressemblances entre ces actes et les lois nationales sont manifestes. Lorsqu’ils sont adoptés conjointement par le Parlement européen et le Conseil (dans la procédure législative ordinaire, voir le chapitre intitulé «La procédure d’adoption des actes de l’Union européenne»), ils sont qualifiés d’«actes législatifs». En revanche, les règlements qui ne sont arrêtés que par le Conseil ou la Commission européenne ne bénéficient pas de la sanction parlementaire et ne présentent donc pas — du moins formellement — les caractéristiques essentielles d’une loi.
Les directives
La directive est l’un des deux instruments les plus importants à la disposition de l’UE, avec le règlement. Elle cherche à concilier la recherche de l’indispensable unité du droit de l’Union et la préservation de la diversité des particularités nationales. Contrairement au règlement, le principal objectif de la directive n’est donc pas l’harmonisation juridique, mais le rapprochement des législations. Ce dernier permettra d’éliminer peu à peu les contradictions et les différences entre les législations nationales jusqu’à ce que, dans chaque État membre, les conditions soient aussi similaires que possible sur le fond. La directive est donc l’un des instruments de base de la réalisation du marché intérieur.
La directive ne lie les États membres que quant au résultat à atteindre. Elle leur laisse le choix de la forme et des moyens qu’ils adopteront pour réaliser les objectifs de l’Union dans le cadre de leur ordre juridique interne. Cette façon de lier les États membres est le reflet d’une volonté d’atténuer les interventions de l’Union dans les systèmes juridiques et administratifs nationaux. Les États membres peuvent ainsi tenir compte des spécificités nationales lors de la mise en œuvre des règles de l’UE. Les dispositions d’une directive ne remplacent pas automatiquement les règles juridiques nationales, mais elles imposent aux États membres l’obligation d’adapter leur droit national aux dispositions de l’Union. En général, cela nécessite une procédure législative en deux étapes.
Lors de la première étape, le résultat que la directive cherche à atteindre est fixé, au niveau de l’UE, de manière contraignante pour le destinataire désigné — c’est-à-dire pour une partie ou la totalité des États membres — qui doit l’atteindre dans un délai donné. Les institutions de l’UE peuvent définir ce résultat de manière si précise qu’il ne reste plus aux États membres la moindre marge de manœuvre pour apporter des adaptations sur le fond. Cette possibilité est essentiellement utilisée pour les normes techniques et la protection de l’environnement.
Lors de la deuxième étape, au niveau national, le résultat à atteindre tel qu’il a été fixé au niveau de l’UE est traduit, quant au fond, dans la législation des États membres. Même si les États membres sont, en principe, libres quant à la forme et aux moyens de la transposition, ce sont les critères de l’UE qui sont appliqués pour juger de sa conformité avec le droit de l’Union. La règle veut que la transposition crée une situation juridique permettant de reconnaître, de manière suffisamment claire et précise, les droits et les obligations découlant des dispositions d’une directive, afin que le citoyen de l’UE ait la possibilité de s’en prévaloir ou de s’y opposer devant les tribunaux nationaux. En général, il est nécessaire d’adopter des actes juridiques nationaux contraignants ou encore d’annuler ou de modifier des dispositions législatives, réglementaires et/ou administratives existantes. Une simple pratique administrative ne suffit pas, étant donné qu’elle peut, par nature, être modifiée à volonté par les autorités concernées et qu’elle ne bénéficie pas d’une publicité suffisante.
La directive ne crée pas de droits ou d’obligations directs pour les citoyens de l’UE; les États membres sont expressément désignés comme ses seuls destinataires. C’est seulement la mise en œuvre de la directive par les autorités compétentes des États membres qui confère des droits ou impose des obligations aux citoyens. Tant que les États membres satisfont aux obligations qui leur incombent en vertu des actes juridiques de l’Union, cela ne présente aucune importance pour les citoyens de l’UE. Les citoyens de l’UE sont toutefois lésés si les actes nationaux d’application requis n’ont pas été adoptés ou ne l’ont été que d’une façon incomplète, alors que la réalisation de l’objectif fixé dans la directive aurait été à leur avantage. Afin de pallier ces inconvénients, la Cour de justice a décidé, selon une jurisprudence constante, que, dans certaines circonstances, le citoyen de l’UE peut invoquer directement les dispositions d’une directive ou d’une recommandation et donc se prévaloir des droits qu’elle lui ouvre et, le cas échéant, les faire reconnaître par les tribunaux nationaux. La Cour de justice a fixé les conditions de cet effet direct, à savoir:
- les dispositions de la directive doivent déterminer les droits des citoyens ou entreprises de l’UE de manière suffisamment claire et précise;
- l’invocation de ce droit ne doit être liée à aucune condition ou obligation;
- le législateur national ne doit avoir aucune marge d’appréciation pour l’établissement du droit quant au fond;
- le délai de transposition de la directive doit déjà être écoulé.
La jurisprudence de la Cour de justice au sujet de l’effet direct des directives repose, pour l’essentiel, sur la considération qu’un État membre agit de manière contradictoire et abusive lorsqu’il applique son droit alors qu’il aurait dû l’adapter conformément aux exigences des directives. Cette application inacceptable du droit par l’État est contrecarrée par la reconnaissance de l’effet direct d’une disposition d’une directive, puisque l’on évite ainsi que l’État membre ne retire le moindre profit de son non-respect du droit de l’Union. En ce sens, un caractère répressif est conféré à l’effet direct des directives. Il est donc logique que, jusqu’à présent, la Cour de justice n’ait reconnu un effet direct aux directives que dans les relations entre les citoyens de l’UE et les États membres, et cela uniquement lorsque l’effet direct est en faveur du citoyen de l’UE et non à son détriment, c’est-à-dire seulement dans les cas où le droit de l’Union comporte une réglementation plus favorable pour le citoyen que le droit national non adapté («effet direct vertical»).
L’effet direct des directives sur les relations entre particuliers («effet direct horizontal») a, en revanche, été rejeté par la Cour de justice. Le caractère répressif de l’effet direct a amené la Cour de justice à conclure que cet effet ne pouvait intervenir entre les personnes privées, parce que celles-ci ne peuvent être tenues pour responsables des manquements des États membres. Au contraire, elles peuvent s’appuyer sur le principe de la sécurité juridique et de la confiance légitime. Les citoyens de l’UE doivent être certains que les effets d’une directive ne peuvent leur être opposés que dans la limite des mesures nationales de transposition. La Cour de justice a néanmoins établi un principe de droit primaire, selon lequel le contenu d’une directive, dans la mesure où il concrétise l’interdiction générale de discrimination, s’applique également aux situations de droit privé. La construction de la Cour de justice va au-delà de l’interdiction de discrimination qui, telle que concrétisée dans la directive en question, oblige les services publics, et particulièrement les tribunaux étatiques, dans le cadre de leurs compétences, à garantir pour chaque personne le bénéfice du contrôle juridictionnel découlant du droit de l’Union et à garantir le plein effet de ce droit, en laissant au besoin inappliquée toute disposition de la réglementation nationale contraire à ce principe. En raison de la primauté du droit de l’Union, l’interdiction de discrimination telle que conçue par la directive concernée prime donc les dispositions nationales contraires. Ainsi, la Cour de justice ne remet pas en cause sa jurisprudence relative à l’absence d’effet horizontal des directives, mais arrive, dans les faits, au même résultat pour ce qui est de l’interdiction de discrimination dans tous les cas où cette dernière est concrétisée par une directive. Jusqu’ici, la Cour de justice a reconnu une telle concrétisation pour les directives qui avaient pour objet les discriminations classiques fondées sur la nationalité, le sexe ou l’âge. Il devrait toutefois en être de même pour toutes les directives qui sont adoptées en vue de lutter contre les motifs de discrimination énumérés à l’article 19 du traité FUE.
L’effet direct d’une directive n’implique pas nécessairement qu’une disposition de la directive confère des droits au particulier. En effet, les dispositions d’une directive ont un effet direct dans la mesure où elles ont un effet de droit objectif. La reconnaissance de cet effet est soumise aux mêmes conditions que la reconnaissance de l’effet direct, à la seule différence qu’un engagement clair et précis des États membres est fixé en lieu et place d’un droit clair et précis d’un citoyen ou d’une entreprise de l’UE. Si c’est le cas, toutes les instances, c’est-à-dire le législateur, l’administration et les juridictions des États membres, sont liées par la directive et doivent d’office en tenir compte et l’appliquer comme du droit de l’Union prééminent. Concrètement, il en résulte également l’obligation d’interpréter le droit national conformément aux directives («interprétation conforme à la directive») ou de concéder à la disposition de la directive en cause la priorité d’application par rapport à une disposition contraire du droit national. En outre, les directives ont à l’égard des États membres certains effets de blocage même avant l’expiration du délai de transposition. Compte tenu du caractère obligatoire d’une directive par rapport à ses buts et en vertu du principe de loyauté envers l’UE (article 4 du traité UE), les États membres sont tenus de s’abstenir, avant même l’expiration du délai de transposition, de toute mesure susceptible de mettre en péril la réalisation du but de la directive.
Enfin, dans ses arrêts dans les affaires jointes C-6/90 et C-9/90 (Francovich et Bonifaci) en 1991, la Cour de justice a déclaré que les États membres étaient tenus de réparer les dommages subis du fait de la non-transposition ou de la transposition incorrecte de directives. La question posée dans ces affaires concernait la responsabilité de l’État italien pour la transposition tardive de la directive 80/987/CEE du Conseil relative à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur. Cette directive garantit aux travailleurs le droit de percevoir un salaire pendant une certaine période précédant l’insolvabilité de l’employeur ou le licenciement pour cette raison. Il fallait donc créer des institutions de garantie inaccessibles pour les autres créanciers de l’employeur et dont le financement devait être assuré par les employeurs et/ou par les pouvoirs publics. La Cour de justice devait résoudre le problème suivant: cette directive visait, certes, à ouvrir un droit subjectif aux travailleurs de continuer à percevoir leur salaire grâce aux fonds de l’institution de garantie devant être créée, mais ce droit ne pouvait être directement applicable et, donc, invoqué devant les tribunaux nationaux, puisque, en raison de la non-transposition de cette directive, l’institution de garantie n’avait pas été créée et le débiteur chargé de verser l’indemnité du travailleur n’avait pu être déterminé. Dans son arrêt, la Cour de justice a estimé que, en ne transposant pas la directive, l’État italien avait privé les travailleurs d’un droit que leur conférait la directive et avait donc une obligation de réparation envers eux. Selon la Cour de justice, l’obligation de réparer, bien qu’elle ne soit pas expressément prévue dans le droit de l’Union, fait partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union, puisque sa pleine efficacité serait restreinte et que la protection des droits qu’elle crée serait réduite si le citoyen de l’UE n’avait pas la possibilité d’obtenir un dédommagement lorsque ses droits sont violés par une action des États membres qui est contraire au droit de l’Union (4).
Les décisions
Avec les «décisions», le traité de Lisbonne compte une nouvelle forme d’actes juridiques. Il existe deux catégories de décisions: les décisions adressées à des destinataires particuliers et les décisions générales, qui ne sont pas adressées à des destinataires particuliers (article 288, quatrième alinéa, du traité FUE). Alors que les décisions qui sont adressées à des destinataires particuliers remplacent les anciennes «décisions» utilisées pour le règlement de cas particuliers, les décisions générales, qui ne sont pas adressées à des destinataires précis, regroupent de nombreux types de normes, qui ont en commun le fait de ne pas viser des cas particuliers. Cette dénomination identique pour deux notions juridiques totalement différentes est regrettable, car une grande insécurité juridique découle des problèmes inévitables de différenciation. Il eût été plus judicieux de garder, pour les mesures régissant les cas d’espèce et ayant un effet juridique extérieur, le terme «décision» qui était en usage et d’introduire le nouveau terme «ordonnance» pour les autres actes juridiquement contraignants.
Les décisions qui ont des destinataires particuliers constituent l’acte juridique caractéristique par lequel les institutions de l’UE, en particulier le Conseil et la Commission, accomplissent leur fonction exécutive. Une telle décision peut exiger d’un État membre, d’une entreprise ou d’un citoyen qu’il agisse ou s’abstienne d’agir, lui conférer des droits ou lui imposer des obligations. Il en va exactement de même dans les ordres juridiques nationaux, où les administrations nationales fixent de manière contraignante pour les citoyens les conditions d’application d’une loi à un cas particulier.
Une décision de ce type a les caractéristiques structurelles suivantes:
- elle a une validité individuelle, ce qui la distingue du règlement. Les destinataires d’une décision doivent être individuellement désignés et ne sont liés que de manière individuelle. Il suffit pour cela que la catégorie de personnes concernées soit déterminable au moment de l’adoption de la décision et ne puisse être étendue ultérieurement. Le contenu de la décision, notamment, est décisif dans ce contexte: il doit en effet pouvoir influer, de manière individuelle et directe, sur la situation des sujets de droit. Il peut donc arriver que des tiers soient également concernés de manière individuelle par une décision, par exemple en raison de caractéristiques personnelles particulières ou de circonstances spéciales les distinguant de toutes les autres personnes, et deviennent ainsi identifiables comme le destinataire lui-même;
- elle est obligatoire dans tous ses éléments, ce qui la différencie des directives, qui ne sont obligatoires que quant au résultat à atteindre;
- elle lie directement ses destinataires. En outre, une décision adressée à un État membre peut aussi, dans les mêmes conditions qu’une directive, avoir un effet direct sur les citoyens de l’UE.
Les décisions d’ordre général, qui n’ont pas de destinataires particuliers, sont obligatoires dans tous leurs éléments, sans qu’il soit précisé à qui s’applique l’obligation. Ce n’est qu’en examinant le contenu de la décision que l’on peut déterminer qui elle lie. Parmi les décisions d’ordre général, on distingue les types de décisions suivants:
- décisions portant modification de dispositions des traités: ces décisions s’appliquent de manière générale et abstraite, c’est-à-dire qu’elles lient toutes les institutions, tous les organes et tous les organismes de l’UE ainsi que les États membres. Parmi celles-ci figurent les décisions visant à simplifier les procédures d’adoption [article 81, paragraphe 3, et article 192, paragraphe 2, point c), du traité FUE] ou celles visant à faciliter les exigences en matière de majorité qualifiée (article 312, paragraphe 2, et article 333, paragraphe 1, du traité FUE);
- décisions visant la concrétisation du droit des conventions: ces décisions ont un effet juridique contraignant pour l’ensemble de l’UE ou pour les institutions, les organes et les organismes de l’UE concernés, en cas de décision relative à leur composition; elles n’ont aucun effet externe pour les particuliers;
- décisions relatives au droit interne aux institutions ou au droit interinstitutionnel: ces décisions lient les institutions, les organes et les organismes de l’UE concernés. Par exemple, les règlements intérieurs des institutions de l’UE (droit interne aux institutions) et les accords interinstitutionnels conclus entre les institutions de l’UE (droit interinstitutionnel);
- décisions dans le cadre du pouvoir d’organisation: ces décisions (par exemple nominations, rémunérations) lient les agents ou les membres des organes administratifs concernés;
- décisions de gouvernance: ces décisions entrent en concurrence avec les règlements et les directives, mais ne visent pas un effet juridique contraignant externe pour les particuliers. En principe, l’effet contraignant se limite aux institutions participant au processus d’adoption, notamment lorsqu’il s’agit des orientations ou des lignes directrices des futures politiques. Exceptionnellement, elles peuvent avoir des effets juridiques généraux et abstraits ou des effets financiers;
- décisions dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune: ces décisions sont contraignantes pour l’UE. L’effet contraignant envers les États membres est limité par des dispositions spéciales (par exemple, article 28, paragraphes 2 et 5, et article 31, paragraphe 1, du traité UE). Elles ne sont pas soumises à la juridiction de la Cour de justice.
Les recommandations et les avis
Les recommandations et les avis constituent une dernière catégorie d’actes juridiques, expressément prévue par les traités de l’UE. Ces actes permettent aux institutions de l’UE de se prononcer de manière non contraignante — c’est-à-dire sans obligation juridique pour les destinataires — à l’égard des États membres et, dans certains cas, également des citoyens de l’UE.
Les recommandations suggèrent aux destinataires un comportement donné sans pour autant leur imposer d’obligation légale. Ainsi, lorsqu’il y a lieu de craindre que l’adoption ou la modification d’une disposition législative, réglementaire ou administrative d’un État membre ne fausse les conditions de concurrence sur le marché intérieur, la Commission européenne peut recommander à l’État intéressé les mesures appropriées pour éviter la distorsion en cause (article 117, paragraphe 1, deuxième phrase, du traité FUE).
En revanche, les avis sont émis par les institutions de l’UE lorsqu’il y a lieu d’apprécier une situation actuelle ou certains événements dans l’UE ou dans les États membres. Dans certains cas, ils créent également les conditions préalables à de futurs actes juridiquement contraignants ou constituent une condition pour introduire un recours auprès de la Cour de justice (articles 258 et 259 du traité FUE).
L’importance fondamentale des recommandations et des avis est avant tout politique et morale. En prévoyant ces actes, les auteurs des traités espéraient que les intéressés se conformeraient volontairement à un conseil qui leur serait donné ou tireraient les conséquences de l’appréciation d’une situation, étant donné la considération dont jouissent les institutions de l’UE et le fait qu’elles disposent d’une vue d’ensemble et d’une expertise très large, qui dépasse le cadre national. Nonobstant, les recommandations et les avis peuvent avoir des effets juridiques indirects s’ils créent les conditions préalables à de futurs actes juridiques contraignants ou si l’institution de l’UE en question se lie elle-même, ce qui peut, dans certaines conditions, engendrer une situation de confiance légitime.
Les résolutions, les déclarations, les programmes d’action
Outre les actes juridiques prévus par les traités, les institutions de l’UE disposent également de divers autres moyens d’action pour façonner l’ordre juridique de l’Union. Dans la pratique, les instruments les plus importants sont notamment les résolutions, les déclarations et les programmes d’action.
Les résolutions: elles peuvent émaner du Parlement européen, du Conseil européen et du Conseil. Les résolutions exposent les conceptions et intentions communes sur le processus général d’intégration et sur des tâches spécifiques à l’intérieur et à l’extérieur de l’UE. Les résolutions relatives aux affaires intérieures de l’UE peuvent porter sur des aspects fondamentaux de l’union politique, sur la politique régionale, la politique de l’énergie et l’Union économique et monétaire, notamment la mise en place du système monétaire européen. L’importance politique de ces résolutions réside surtout dans l’orientation qu’elles donnent aux travaux futurs du Conseil. En tant que manifestations de la volonté politique commune, elles facilitent considérablement la recherche de terrains d’entente au sein du Conseil. En outre, ces résolutions garantissent un minimum de concordance entre le niveau décisionnel de l’UE et celui des autorités des États membres. Toute appréciation juridique doit également tenir compte de cette dernière fonction, ce qui signifie que la résolution doit rester un instrument flexible, qui n’est pas trop grevé par des directives et des obligations juridiques.
Les déclarations: elles peuvent être de deux types: lorsqu’elles concernent le développement de l’UE, à l’instar des déclarations relatives à l’UE, à la démocratie ou aux droits et libertés fondamentaux, elles correspondent essentiellement aux résolutions, de par leur signification. Ces déclarations permettent surtout de s’adresser à un vaste public ou à un groupe spécifique de destinataires. D’autres déclarations sont établies dans le cadre du processus de décision du Conseil. Par ces déclarations, les membres du Conseil expriment des avis conjoints ou individuels sur l’interprétation des décisions prises en son sein. Ces déclarations interprétatives sont monnaie courante au Conseil et jouent un rôle essentiel dans la recherche des compromis. La portée juridique de ces déclarations doit être évaluée à l’aune des principes généraux d’interprétation, selon lesquels l’interprétation d’une disposition dépend en grande partie de l’intention de son auteur. Toutefois, ce principe ne vaut que si les déclarations bénéficient de la publicité nécessaire, étant donné que l’on ne saurait, par exemple, limiter le droit dérivé de l’Union, qui reconnaît des droits directs au citoyen, par des accords parallèles qui n’auraient pas été rendus publics.
Les programmes d’action: ils sont établis par le Conseil et la Commission de leur propre initiative ou à la demande du Conseil européen et visent à réaliser les programmes législatifs et les objectifs généraux établis dans les traités. Lorsque ces programmes sont expressément prévus par les traités, les institutions de l’UE sont tenues de respecter le contenu de la planification. En revanche, d’autres programmes sont considérés, dans la pratique, comme de simples orientations dénuées de tout effet juridique contraignant. Toutefois, ils témoignent de la volonté des institutions de l’UE d’agir conformément à leur contenu.
En outre, dans la pratique de l’Union, les «livres blancs» et les «livres verts» revêtent une importance particulière. Les «livres blancs» publiés par la Commission contiennent des propositions de mesures concrètes de l’UE dans un domaine politique particulier. Lorsqu’un livre blanc est perçu positivement par le Conseil, il peut constituer le fondement d’un programme d’action de l’UE. Les livres blancs sur l’avenir de l’Europe (2017) et sur l’intelligence artificielle (2020) en sont des exemples. Les «livres verts» sont des documents dont le but est de stimuler une réflexion au niveau de l’UE sur un sujet particulier et constituent la base d’un processus de consultation et de débat publics sur la thématique qu’ils traitent. Ils sont parfois à l’origine de l’élaboration de normes juridiques, qui sont alors exposées dans des livres blancs.
Publication et communication
Les actes législatifs et les actes juridiquement contraignants de l’Union sont publiés au Journal officiel de l’Union européenne, dans la série L (Législation). Ils entrent en vigueur à la date qu’ils fixent ou, à défaut, le vingtième jour suivant leur publication.
Les actes juridiques non contraignants ne sont soumis à aucune obligation de publication ou de communication. Ils sont toutefois également publiés en principe au Journal officiel de l’Union européenne, dans la série C (Communications et informations). Par ailleurs, tous les documents officiels des institutions, organes et agences de l’UE sont publiés dans la série C.
Les actes juridiques adressés à des destinataires particuliers sont communiqués à ces derniers et prennent effet par cette communication.
La procédure d’adoption des actes de l’Union européenne
Contrairement à la formation de volonté au niveau national, qui se fait au parlement, la formation de volonté au niveau de l’UE a longtemps été influencée de manière déterminante par les représentants des gouvernements réunis au sein du Conseil. La raison en est simple: l’UE n’est pas née d’un «peuple européen», mais doit son existence et sa structure aux États membres. Or, ceux-ci n’ont pas transféré sans difficulté des parties de leur souveraineté à l’UE et n’ont, en fait, osé franchir le pas qu’au vu de leur position de force dans la procédure décisionnelle de l’UE. Néanmoins, au cours de l’évolution et du renforcement de l’ordre juridique de l’Union, cette répartition des compétences dans le processus décisionnel, d’abord très axée sur les intérêts des États membres, a cédé la place à un système décisionnel beaucoup plus équilibré grâce à une amélioration constante de la position du Parlement européen. C’est ainsi que l’on est passé d’une simple consultation du Parlement européen à une collaboration entre le Parlement et le Conseil, puis à une codécision du Parlement européen dans le processus législatif de l’UE.
Le traité de Lisbonne a réaménagé et redéfini la procédure d’adoption des actes de l’Union. Il convient d’opérer une distinction entre les cas suivants:
- pour l’adoption des actes législatifs, la procédure législative ordinaire (article 289, paragraphe 1, du traité FUE), qui correspond en substance à la procédure antérieure de codécision et constitue la règle générale en matière de législation au niveau de l’UE, et la procédure législative spéciale (article 289, paragraphe 2, du traité FUE), dans laquelle l’adoption de l’acte législatif incombe soit au Parlement européen avec la participation du Conseil, soit à ce dernier avec la participation du Parlement européen;
- certains actes juridiques doivent être soumis à une procédure d’approbation par le Parlement européen avant d’entrer en vigueur;
- les actes juridiques n’ayant pas un caractère législatif sont adoptés dans le cadre d’une procédure simplifiée;
- les actes délégués et les actes d’exécution sont adoptés dans le cadre de procédures spéciales.
Déroulement de la procédure
Phase d’élaboration d’une proposition
La procédure est engagée en principe par la Commission européenne, qui élabore une proposition de mesure à prendre («droit d’initiative»). C’est le service de la Commission compétent pour le domaine en question qui s’en charge, le service consultant souvent aussi des experts nationaux. La discussion avec les experts nationaux intervient en partie dans le cadre de comités spécialement institués à cet effet ou encore sous la forme d’une consultation d’experts ad hoc réalisée par les services de la Commission. La Commission n’est toutefois pas liée par les résultats des consultations des experts nationaux au stade de l’élaboration de ses propositions. Le projet élaboré par la Commission, qui définit la teneur et la forme des mesures à prendre dans tous les détails, est débattu par les membres de la Commission et adopté à la majorité simple. En tant que «proposition de la Commission», il est transmis simultanément au Parlement et au Conseil ainsi que, le cas échéant, au Comité économique et social européen et au Comité européen des régions s’ils doivent être entendus, accompagné d’un exposé détaillé des motifs.
Première lecture au Parlement européen et au Conseil
Le président du Parlement européen attribue la proposition à une commission parlementaire compétente au fond pour qu’elle l’étudie. Le résultat des discussions de la commission est examiné en session plénière du Parlement européen et fait l’objet d’un avis tendant à approuver ou à rejeter la proposition ou contenant des propositions d’amendements. Le Parlement européen transmet ensuite sa position au Conseil.
Le Conseil peut désormais procéder également comme suit en première lecture:
- si le Conseil approuve la position du Parlement européen, l’acte concerné est adopté dans la formulation qui correspond à la position du Parlement européen; la procédure législative est ainsi close. Dans la pratique, il est devenu d’usage que la procédure législative prenne effectivement fin en première lecture. Pour ce faire, on a recours au «trilogue informel», au cours duquel des représentants du Parlement européen, du Conseil et de la Commission sont assis autour d’une table et parviennent déjà à un compromis à ce stade précoce. Dans la plupart des cas, ces trilogues sont couronnés de succès, de sorte que seules les propositions législatives très controversées passent par l’ensemble de la procédure législative ordinaire;
- si le Conseil n’approuve pas la position du Parlement européen, il adopte sa position en première lecture et la transmet au Parlement.
Le Conseil informe pleinement le Parlement européen des raisons qui l’ont conduit à arrêter sa position. La Commission informe pleinement le Parlement européen de sa position.
Deuxième lecture au Parlement européen et au Conseil
Dans un délai de trois mois après la transmission de la position du Conseil, le Parlement européen a, en deuxième lecture, trois possibilités:
- il peut approuver la position du Conseil ou ne pas se prononcer: l’acte concerné est alors réputé adopté dans la formulation qui correspond à la position du Conseil;
- il peut rejeter, à la majorité des membres qui le composent, la position du Conseil: l’acte proposé est alors réputé non adopté et la procédure législative est close;
- il peut proposer, à la majorité des membres qui le composent, des amendements à la position du Conseil: le texte ainsi amendé est alors transmis au Conseil et à la Commission, qui émet un avis sur ces amendements.
Le Conseil délibère sur la position amendée et a, dans un délai de trois mois après réception des amendements du Parlement européen, deux possibilités:
- le Conseil peut approuver tous les amendements du Parlement: l’acte concerné est alors réputé adopté. La majorité qualifiée suffit si la Commission est également d’accord avec les amendements du Parlement européen; si ce n’est pas le cas, le Conseil doit approuver les amendements du Parlement européen à l’unanimité;
- le Conseil n’approuve pas tous les amendements du Parlement européen ou ne parvient pas à réunir la majorité nécessaire: la procédure de conciliation est alors engagée.
Procédure de conciliation
La procédure de conciliation est engagée par le président du Conseil, en accord avec le président du Parlement européen. Il convoque à cet effet un comité de conciliation, qui réunit actuellement 27 représentants du Conseil et 27 représentants du Parlement européen. Ce comité de conciliation a pour mission d’aboutir à un accord sur un projet commun à la majorité qualifiée dans un délai de six semaines à partir de sa convocation, sur la base des positions du Parlement européen et du Conseil en deuxième lecture. Il s’agit en l’occurrence d’un compromis, qui doit être trouvé sur la base d’un «examen approfondi de tous les aspects [du] désaccord». Il s’agit toujours d’un compromis entre les deux points de vue divergents du Parlement européen et du Conseil. Il est également possible de recourir à de nouveaux éléments facilitant le compromis, pour autant qu’ils s’intègrent dans le résultat global de la deuxième lecture. Il n’est pas possible, en revanche, d’intégrer des amendements qui n’ont pas obtenu la majorité requise en deuxième lecture.
La Commission participe aux travaux du comité de conciliation et prend toute initiative nécessaire en vue de promouvoir un rapprochement des positions du Parlement européen et du Conseil.
Si, dans un délai de six semaines après sa convocation, le comité de conciliation n’approuve pas de projet commun, l’acte proposé est réputé non adopté.
Troisième lecture au Parlement européen et au Conseil
Si, dans ce délai de six semaines, le comité de conciliation approuve un projet commun, le Parlement européen et le Conseil disposent chacun d’un délai de six semaines à compter de cette approbation pour adopter l’acte concerné conformément à ce projet, le Parlement européen statuant à la majorité des suffrages exprimés et le Conseil à la majorité qualifiée. À défaut, l’acte proposé est alors réputé non adopté et la procédure législative est close.
Publication
L’acte adopté est rédigé sous sa forme définitive dans les 24 langues officielles actuelles — à savoir allemand, anglais, bulgare, croate, danois, espagnol, estonien, finnois, français, grec, hongrois, irlandais, italien, letton, lituanien, maltais, néerlandais, polonais, portugais, roumain, slovaque, slovène, suédois et tchèque —, signé par les présidents du Parlement européen et du Conseil, puis publié au Journal officiel de l’Union européenne.
L’instauration de la procédure de codécision constitue à la fois un défi et une chance pour le Parlement européen. Cette procédure ne pourra certes fonctionner efficacement que si le comité de conciliation parvient à un accord, mais elle modifie néanmoins fondamentalement les rapports entre le Parlement européen et le Conseil. Ces deux institutions sont sur un pied d’égalité dans la procédure législative. Il appartient maintenant au Parlement européen et au Conseil de prouver leur aptitude à trouver des compromis politiques et à s’entendre, au sein du comité de conciliation, sur un projet commun.
La procédure législative spéciale
La procédure législative spéciale signifie en principe que le Conseil statue à l’unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen (par exemple article 308 du traité FUE: statuts de la Banque européenne d’investissement) ou que le Parlement européen adopte un acte juridique après approbation du Conseil (par exemple article 226, troisième alinéa, du traité FUE: exercice du droit d’enquête par une commission d’enquête du Parlement; article 228, paragraphe 4, du traité FUE: conditions d’exercice des fonctions du Médiateur).
En outre, il existe d’autres systèmes qui ne relèvent pas de la règle générale mais qui peuvent toutefois être considérés comme des procédures législatives spéciales:
- décision concernant le budget (article 314 du traité FUE): la procédure est réglementée et suit en grande partie la procédure législative ordinaire;
- le Conseil statue à la majorité sur proposition de la Commission après consultation du Parlement européen (éventuellement encore d’autres institutions de l’UE et organes consultatifs). Il s’agit de la procédure de consultation initiale, qui constituait au départ la procédure standard pour l’adoption de la législation au niveau de l’UE, mais qui n’est désormais appliquée que ponctuellement, en tant que procédure législative spéciale (par exemple article 140, paragraphe 2, du traité FUE: dérogations dans le cadre de l’Union économique et monétaire; article 128, paragraphe 2, du traité FUE: émission de pièces de monnaie en euros);
- le Conseil statue sans intervention du Parlement européen. Il s’agit toutefois d’une exception qui n’est utilisée que très rarement, hormis dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité commune, pour lequel le Parlement européen est informé des décisions du Conseil (article 36 du traité UE) (par exemple article 31 du traité FUE: fixation du tarif douanier commun; article 301, deuxième alinéa, du traité FUE: composition du Comité économique et social européen).
Les domaines politiques pour lesquels une procédure législative spéciale est prévue peuvent être transférés dans la procédure législative ordinaire au moyen de «clauses passerelles», ou la majorité qualifiée peut remplacer l’approbation du Conseil. Il existe deux types de clauses passerelles: 1) la clause passerelle générale, qui s’applique à tous les domaines politiques et dont l’application requiert une décision unanime du Conseil européen, et 2) les clauses passerelles spéciales, qui s’appliquent à des domaines politiques particuliers (par exemple le cadre financier pluriannuel: article 312 du traité FUE; la coopération judiciaire en droit familial: article 81, paragraphe 3, du traité FUE; la coopération renforcée: article 333 du traité FUE; le domaine social: article 153 du traité FUE; et le domaine de l’environnement: article 192 du traité FUE). Ces clauses se distinguent des clauses passerelles générales en ce que les parlements nationaux ne disposent généralement pas d’un droit de veto et la décision peut être également adoptée par le Conseil et pas nécessairement par le Conseil européen.
La procédure d’approbation
Dans la procédure d’approbation, le Parlement européen participe tout aussi largement à la procédure législative de l’UE. Selon cette procédure, un acte législatif doit d’abord être approuvé par le Parlement européen pour pouvoir être adopté. Toutefois, cette procédure ne permet pas au Parlement européen d’agir directement sur la teneur des actes. À titre d’exemple, le Parlement ne peut pas proposer ou imposer d’amendement dans le cadre de la procédure d’approbation, son rôle consiste uniquement à approuver ou à rejeter l’acte proposé. Cette procédure s’applique dans le cadre de la conclusion d’accords internationaux [article 218, paragraphe 6, point a), du traité FUE], de la coopération renforcée (article 329, paragraphe 1, du traité FUE) ou de l’exercice de la compétence supplétive prévue par le traité (article 352, paragraphe 1, du traité FUE). La procédure d’approbation peut faire partie intégrante aussi bien d’une procédure législative spéciale en vue de l’adoption d’actes législatifs que d’une simple procédure d’adoption d’actes juridiquement contraignants mais dépourvus de caractère législatif.
Procédure d’adoption des actes juridiques n’ayant pas de caractère législatif
Les actes juridiques n’ayant pas de caractère législatif sont adoptés au moyen d’une simple procédure au cours de laquelle une institution de l’UE ou un autre organe adopte un acte juridique sous sa propre responsabilité. La compétence à cet effet découle du socle de compétences des traités de l’UE.
Cette procédure s’applique tout d’abord aux actes juridiques (ordinaires) contraignants adoptés par une institution de l’UE sous sa propre responsabilité (par exemple décision de la Commission concernant une aide d’État, article 108, paragraphe 2, du traité FUE).
Cette procédure est également utilisée pour l’adoption d’actes juridiques non contraignants, tels que des recommandations et des avis des institutions de l’UE et des organes consultatifs.
Procédure d’adoption des actes délégués et des actes d’exécution
La délégation des compétences législatives et d’exécution à la Commission par le Parlement européen et le Conseil est une pratique courante depuis des années. L’exercice des compétences déléguées s’effectuait en recourant aux comités de comitologie, au sein desquels on pouvait distinguer l’influence du Parlement européen, du Conseil, de la Commission ainsi que des États membres. Toutefois, il manquait une séparation distincte entre la délégation des compétences législatives (pouvoir législatif) et celle des compétences d’exécution (pouvoir exécutif). Grâce au traité de Lisbonne, cette distinction tant attendue entre l’exécution des tâches législatives et exécutives a été réalisée en droit primaire (articles 290 et 291 du traité FUE).
L’adoption des actes délégués s’effectue par l’intermédiaire de la Commission sur la base d’une autorisation spéciale au moyen d’un acte législatif voté par le Parlement européen et le Conseil (article 290 du traité FUE). Seule la modification de dispositions particulières et non essentielles d’un acte législatif peut faire l’objet d’une délégation; les aspects essentiels d’un domaine sont exclus de la délégation de compétences. Cela signifie que les règles fondamentales relèvent du pouvoir législatif lui-même et ne peuvent être déléguées au pouvoir exécutif, répondant ainsi aux principes de démocratie et de séparation des pouvoirs. Le Parlement européen et le Conseil doivent toujours directement s’acquitter eux-mêmes de leur responsabilité de législateur lorsqu’il s’agit de décisions revêtant une importance politique et de portée significative. Cela s’applique en particulier aux objectifs politiques de l’action législative, au choix des instruments permettant d’atteindre ces objectifs, ainsi qu’aux effets potentiels des réglementations sur les personnes physiques et morales. De plus, les actes délégués ne peuvent que modifier ou compléter un acte législatif et ne peuvent en aucun cas porter préjudice à sa finalité. Enfin, les dispositions qu’il convient de modifier ou compléter doivent être clairement définies dans l’acte législatif. Par conséquent, les actes délégués sont utilisés pour procéder à des ajustements législatifs aux futures évolutions, tels que les modifications de l’état de la technique, les adaptations aux modifications prévisibles d’autres dispositions juridiques ou l’application des dispositions d’un acte législatif même en cas de circonstances particulières ou d’acquisition de nouvelles connaissances. La délégation des compétences peut avoir une durée limitée ou être révoquée si sa durée est indéterminée. Outre la possibilité de révocation de la délégation de compétences, le Parlement européen et le Conseil peuvent également prévoir une possibilité de recours contre l’entrée en vigueur d’actes délégués de la Commission. Si le Parlement européen et le Conseil ont délégué la compétence législative à la Commission, cette dernière peut adopter les actes juridiques concernés. La participation d’autres institutions n’est pas obligatoire en droit primaire. Toutefois, la Commission est notamment autorisée à consulter des experts nationaux, ce qui est d’usage dans la pratique.
L’adoption des actes d’exécution par la Commission (article 291 du traité FUE) est prévue comme une exception au principe de la compétence des États membres en matière d’exécution administrative du droit de l’Union (article 197 du traité FUE) et reste par conséquent sous le contrôle des États membres. Cela diverge fortement de la situation juridique antérieure, dans laquelle le Parlement européen et le Conseil avaient le droit de participer à la procédure de comitologie lors de l’adoption de mesures d’exécution. Cette évolution s’explique par le fait que, en raison de la séparation distincte entre les actes délégués et les actes d’exécution, il convenait de réaffecter les droits de contrôle et les droits de participation: alors que le Parlement européen et le Conseil, en tant que législateur de l’Union, ont accès aux actes délégués, ce sont les États membres qui ont ce pouvoir en ce qui concerne les actes d’exécution, en vertu de leur compétence initiale en matière d’exécution administrative du droit de l’Union. Le législateur de l’UE (c’est-à-dire le Parlement européen et le Conseil) a fixé, en vertu de son mandat législatif, les règles et les principes généraux en matière d’exercice du contrôle de l’exécution dans le règlement (UE) nº 182/2011 (le «règlement de comitologie»). Ce règlement réduit le nombre de procédures de comitologie à deux: la procédure consultative et la procédure d’examen, pour le choix desquelles des critères précis sont définis.
Dans le cadre de la procédure consultative, un comité consultatif émet des avis à la majorité simple, qui sont consignés dans un procès-verbal. La Commission peut en tenir compte mais n’y est pas obligée.
Dans le cadre de la procédure d’examen, le comité de comitologie, constitué de représentants des États membres, statue à la majorité qualifiée sur le projet des mesures d’exécution émis par la Commission. En cas d’approbation, la Commission est tenue d’adopter les mesures telles que présentées. Si le quorum n’est pas atteint et que le comité n’a pas pu statuer, la Commission peut en principe adopter son projet. En cas de rejet par le comité ou d’absence d’approbation, la Commission peut présenter un nouveau projet au comité d’examen ou saisir un comité d’appel pour le projet initial.
Le comité d’appel est la deuxième instance dans la procédure d’examen. La saisine du comité d’appel vise à trouver un compromis entre la Commission et les représentants des États membres lorsque le comité d’examen n’a obtenu aucun résultat satisfaisant. Si le comité d’appel émet un avis favorable, la Commission adopte l’acte d’exécution. Elle peut également le faire si le comité d’appel n’émet aucun avis.
Le système de protection juridictionnelle de l’Union européenne
Une Union qui s’entend comme une communauté de droit doit mettre à la disposition des justiciables un système de protection juridictionnelle complet et effectif. Le système de protection juridictionnelle de l’UE répond à cette exigence. Il reconnaît le droit des particuliers à bénéficier d’une protection juridictionnelle effective des droits tirés de l’ordre juridique de l’Union. Cette protection, codifiée dans l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, appartient aux principes généraux de droit qui résultent des traditions constitutionnelles des États membres et de la CEDH (articles 6 et 13). Elle est garantie par la juridiction de l’UE (avec la Cour de justice et le Tribunal — article 19, paragraphe 1, du traité UE). À cet effet, il existe toute une série de procédures qui sont brièvement décrites ci-après.
La procédure d’infraction (article 258 du traité FUE)
Cette procédure permet de déterminer si un État membre a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du droit de l’Union. Elle est du seul ressort de la Cour de justice de l’Union européenne. En fonction de la gravité du grief, la saisine de la Cour de justice est précédée d’une procédure préalable donnant à l’État membre en question l’occasion de répondre aux accusations dont il fait l’objet. Si cette procédure ne suffit pas à clarifier les questions litigieuses, un recours pour violation du traité peut être introduit auprès de la Cour de justice, soit par la Commission (article 258 du traité FUE) soit par un État membre (article 259 du traité FUE). Dans la pratique, l’initiative revient généralement à la Commission. La Cour de justice prend connaissance du litige et constate s’il y a ou non violation du traité. Si tel est le cas, l’État membre est tenu de mettre fin sans délai au manquement constaté. S’il ne se conforme pas à l’arrêt, la Commission peut engager une deuxième procédure en vue d’infliger à l’État membre qui n’a pas pris les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt de la Cour le paiement d’une somme forfaitaire ou d’une astreinte (article 260 du traité FUE). L’inexécution persistante d’un arrêt de la Cour de justice constatant une infraction aux traités a donc des répercussions financières considérables pour l’État membre en infraction.
Le recours en annulation (article 263 du traité FUE)
Le recours en annulation (également appelé «recours en nullité») permet un contrôle juridictionnel objectif des actes des institutions de l’UE (contrôle abstrait des normes) et ouvre à tous les justiciables, sous certaines réserves, accès à la justice de l’UE (garantie de la protection juridictionnelle individuelle).
Les actes susceptibles d’être attaqués comprennent toutes les mesures prises par les institutions de l’UE produisant des effets juridiques contraignants qui restreignent les intérêts du requérant par une atteinte à sa situation juridique. Outre les États membres, peuvent être requérants le Parlement européen, le Conseil et la Commission européenne, tout comme la Cour des comptes européenne, la BCE et le Comité européen des régions dans la mesure où ils invoquent la violation des droits qui leur sont reconnus.
En revanche, les citoyens et les entreprises de l’UE peuvent uniquement introduire des recours en annulation contre des décisions qui ont été adoptées à leur encontre ou qui, bien qu’adressées à d’autres personnes, les concernent directement et individuellement. Selon la jurisprudence de la Cour de justice, une personne ne saurait être concernée directement et individuellement que si elle est individualisée d’une manière qui la distingue de tous les autres acteurs économiques. Ce critère du «caractère direct» doit permettre de s’assurer que seules sont soumises à la Cour de justice ou au Tribunal les affaires dans lesquelles la nature et la réalisation du préjudice porté à la situation juridique du requérant sont clairement établies. Le critère de l’«individualité» permet, quant à lui, de prévenir les actions dites «populaires».
À cet égard, le traité de Lisbonne a instauré une catégorie supplémentaire d’actes contre lesquels même des personnes physiques et morales peuvent directement introduire un recours en annulation. En outre, toute personne physique ou morale peut former un recours contre les «actes réglementaires», pour autant que ces actes la «concernent directement et […] ne comportent pas de mesures d’exécution». Cette nouvelle catégorie permet de combler une «lacune du système de protection juridictionnelle» déjà démontrée par le Tribunal dans l’affaire Jégo-Quéré, puisque auparavant la protection juridictionnelle n’était pas garantie dans les cas où un opérateur économique était directement concerné par un acte juridique de l’UE dont la légalité ne pouvait pas être vérifiée au moyen des voies de recours disponibles: la contestation dans le cadre d’un recours en annulation (article 263 du traité FUE) a failli, en raison de l’absence d’affectation individuelle; la procédure préjudicielle (article 267 du traité FUE) n’était pas applicable en raison de l’absence d’une mesure d’exécution nationale (à l’exception d’une éventuelle procédure pénale pour non-respect des obligations du droit de l’Union par l’opérateur économique, ce qui doit être écarté car on ne peut exiger de ce dernier de procéder à la vérification de la légalité d’un acte en agissant de manière illégale); enfin, l’action en réparation ne pourrait de toute façon pas apporter une solution satisfaisante pour les intérêts du justiciable, puisque même cette procédure ne peut éliminer un acte illégal de l’ordre juridique de l’Union.
Ainsi, le fait que l’article 263, quatrième alinéa, du traité FUE renonce à l’«affectation individuelle» pour l’annulation des actes juridiques à caractère réglementaire et n’exige qu’une affectation directe et l’absence de mesures d’exécution nationales a permis de combler une partie de cette lacune.
Cependant, il est problématique de définir ce qu’on entend par «actes juridiques à caractère réglementaire». Selon une interprétation stricte du terme, ils comprennent uniquement les actes de portée générale, qui ne sont pas des actes législatifs, mais au sens large du terme, ils englobent tous les actes juridiques de portée générale, même les actes législatifs. Le Tribunal s’est penché sur ces deux approches dans son arrêt dans l’affaire Inuit Tapiriit Kanatami et, sur la base d’une interprétation grammaticale, historique et téléologique, il en a conclu que les «actes réglementaires» désignent uniquement les actes juridiques de portée générale qui ne sont pas des actes législatifs. Relèvent de cette catégorie, outre les actes délégués (article 290 du traité FUE) et les actes d’exécution (article 291 du traité FUE), les directives, pour autant qu’elles soient directement applicables en vertu de la jurisprudence, ainsi que les décisions générales et abstraites, dans la mesure où elles ne sont pas adoptées dans le cadre d’une procédure législative. Le Tribunal se base donc clairement sur une interprétation étroite du caractère réglementaire. La Cour a confirmé ce résultat dans son arrêt en pourvoi de 2013. Cela est regrettable du point de vue de la garantie de la protection juridictionnelle effective, étant donné que la lacune démontrée en matière de protection juridictionnelle ne peut être que partiellement comblée avec cette approche restrictive.
Même les actes des organes et des organismes de l’UE, notamment ceux des nombreuses agences, peuvent dorénavant faire l’objet d’un recours (article 263, cinquième alinéa, du traité FUE). Ainsi, une lacune en matière de protection juridictionnelle, qui n’avait été comblée que sommairement grâce à la jurisprudence, a pu être éliminée. Compte tenu du fait que, en droit primaire, ces organes se sont vu partiellement confier des compétences leur permettant d’adopter des actes qui créent des effets juridiques vis-à-vis des tiers, une voie de recours doit également être ouverte à l’encontre de ces actes dans l’intérêt d’un régime de protection juridictionnelle complet.
Si le recours est fondé, la Cour ou le Tribunal annulent l’acte en cause avec effet rétroactif. Dans des cas dûment justifiés, la Cour ou le Tribunal peuvent limiter l’effet de la nullité à la période postérieure au prononcé de l’arrêt. Afin de garantir les droits et les intérêts des parties requérantes, ceux-ci sont cependant exclus de la limitation des effets d’un arrêt en annulation.
Le recours en carence (article 265 du traité FUE)
Ce recours complète la protection juridictionnelle vis-à-vis du Parlement européen, du Conseil européen, du Conseil, de la Commission européenne et de la BCE. Une procédure préalable est mise en place, au cours de laquelle la partie requérante doit inviter l’institution de l’UE en question à agir. L’objet d’un recours introduit par les institutions est de faire constater que l’organe en question s’est abstenu, en violation du traité, d’adopter un acte. Dans le cas des citoyens et des entreprises de l’UE, l’objet du recours en carence se limite à demander qu’il soit constaté que, en violation du traité, une institution de l’UE a omis d’adresser un acte juridique — une décision — à la partie requérante. L’arrêt final se borne à constater l’illégalité de l’omission. En revanche, la Cour de justice et le Tribunal ne sont pas compétents pour ordonner l’adoption des mesures nécessaires. La partie qui succombe est uniquement tenue de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt (article 266 du traité FUE).
L’action en réparation (article 268 et article 340, deuxième alinéa, du traité FUE)
Ce recours donne non seulement aux citoyens et aux entreprises de l’UE, mais aussi aux États membres qui ont subi un préjudice du fait d’une erreur commise par l’un des agents de l’UE, la possibilité de demander réparation de ce préjudice à la Cour de justice. Les traités ne règlent que partiellement les conditions de la responsabilité de l’UE; pour le reste, celle-ci dépend des principes généraux de droit communs aux ordres juridiques des États membres. Ces principes ont été développés par la jurisprudence de la Cour de justice, selon laquelle l’obligation de réparation de l’UE intervient dans les conditions suivantes:
- action illégale d’une institution de l’UE ou d’un agent de l’UE dans l’exercice de ses fonctions. Il y a action illégale en cas de violation caractérisée d’une norme de droit de l’Union qui reconnaît des droits à un particulier, à une entreprise ou à un État membre ou qui a été édictée pour les protéger. Le caractère de règle de protection est surtout reconnu aux droits fondamentaux et aux libertés fondamentales du marché intérieur ou aux principes de protection de la confiance légitime et de proportionnalité, mais également à toute autre règle juridique directement applicable accordant des droits subjectifs aux citoyens de l’UE. La violation est suffisamment caractérisée lorsque l’institution de l’UE a manifestement et gravement outrepassé ses compétences. La Cour de justice se fonde notamment sur le nombre limité des personnes concernées par la mesure illégale et sur la portée du préjudice subi, qui doit excéder les risques économiques normaux pour le secteur économique en question;
- réalité du dommage;
- existence d’un lien de causalité entre le dommage subi et l’action de l’Union;
- il n’est pas nécessaire que l’institution de l’UE ait commis une faute.
Le contentieux de la fonction publique (article 270 du traité FUE)
Les litiges naissant dans le cadre de la relation de travail entre l’UE et ses fonctionnaires ou leurs ayants droit peuvent eux aussi être portés devant la Cour de justice. Le Tribunal est compétent pour statuer sur ces recours.
La procédure de pourvoi (article 256 du traité FUE)
Les relations entre la Cour de justice et le Tribunal sont réglées de telle sorte que toutes les décisions du Tribunal sont susceptibles de faire l’objet d’un pourvoi devant la Cour de justice, limité aux questions de droit. Ce pourvoi peut être motivé par l’incompétence du Tribunal, une irrégularité de procédure lésant les intérêts du requérant ou une violation du droit de l’Union par le Tribunal. Si le pourvoi est recevable et fondé, la Cour de justice annule la décision du Tribunal. Si l’affaire est en état d’être jugée, la Cour de justice peut rendre un arrêt. Dans le cas contraire, elle doit renvoyer l’affaire au Tribunal, qui est lié par la décision juridique de la Cour de justice.
La protection juridictionnelle provisoire (article 278 et article 279 du traité FUE)
Les recours formés devant la Cour de justice ou le Tribunal ainsi que les pourvois formés contre des décisions du Tribunal devant la Cour de justice n’ont pas d’effet suspensif. Il est néanmoins possible de demander à la Cour de justice ou au Tribunal d’ordonner le sursis à l’exécution de l’acte attaqué (article 278 du traité FUE) ou de prescrire les mesures provisoires nécessaires (article 279 du traité FUE).
Dans la pratique, le bien-fondé d’une demande de prescription de mesures provisoires est déterminé à la lumière des trois critères suivants:
- les chances de réussite sur le fond (fumus boni juris): l’instance évalue ces chances dans le cadre d’un examen préalable sommaire des arguments du requérant;
- l’urgence de la mesure: celle-ci dépend de la question de savoir si l’ordre sollicité est destiné à éviter au requérant un dommage grave et irréparable. Les critères appliqués sont la nature et le degré de gravité de l’infraction ainsi que le préjudice concret et définitif sur la propriété ou d’autres biens du requérant bénéficiant d’une protection juridictionnelle. Pour qu’une perte financière soit réputée grave et irréparable, elle doit obligatoirement ne pas être recouvrable dans son intégralité même si le requérant obtient gain de cause au principal;
- la mise en balance des intérêts: les inconvénients qui menacent le requérant en cas de refus de la mesure provisoire sont mis en balance avec l’intérêt de l’UE à mettre en œuvre immédiatement la mesure et avec les préjudices pour les tiers en cas de prescription de la mesure provisoire.
Le renvoi préjudiciel (article 267 du traité FUE)
Les juridictions nationales peuvent faire appel à la Cour de justice dans le cadre de la procédure préjudicielle. Lorsqu’une juridiction nationale doit appliquer des dispositions du droit de l’Union dans un litige dont elle est saisie, elle peut suspendre la procédure et demander à la Cour de justice si l’acte adopté par les institutions de l’UE est valable et/ou comment cet acte et les traités de l’UE doivent être interprétés. La Cour de justice répond par un arrêt, et non, par exemple, par un simple avis, afin de souligner ainsi, y compris par la forme, le caractère contraignant de sa décision. Malgré cela, la procédure préjudicielle n’est pas une procédure contentieuse destinée à régler un litige comme les autres procédures décrites ici, elle ne représente qu’une étape dans une procédure globale qui commence et s’achève devant une juridiction nationale.
L’objectif de cette procédure est de garantir une interprétation uniforme du droit de l’Union et, donc, l’unité de l’ordre juridique de l’Union. Outre cette dernière fonction, cette procédure joue également un rôle dans la protection des droits individuels. Pour que les juridictions nationales puissent s’assurer de la conformité entre le droit national et le droit de l’Union et, en cas d’incompatibilité, appliquer le droit de l’Union, qui prime et qui est directement applicable, le contenu et la portée des dispositions de l’Union doivent être clairement définis. En règle générale, seul un renvoi préjudiciel peut garantir cette clarté, de sorte que cette procédure permet également au citoyen de l’UE de s’opposer à des actions de son pays qui sont contraires au droit de l’Union et d’obtenir l’application du droit de l’Union devant les juridictions nationales. Cette double fonction du renvoi préjudiciel compense d’une certaine manière les maigres possibilités de recours directs des particuliers auprès de la Cour de justice et revêt donc une importance cruciale pour la protection juridictionnelle des justiciables. Toutefois, pour que cette procédure remplisse son rôle, les juges et juridictions nationales doivent être «disposés» à soumettre l’affaire à une autorité supérieure.
L’objet de la demande de décision préjudicielle: la Cour de justice statue sur l’interprétation du droit de l’Union et contrôle la validité des actes juridiques des institutions de l’UE. Les dispositions de droit national ne peuvent faire l’objet d’un renvoi préjudiciel. Dans le cadre de cette procédure, la Cour de justice n’est pas compétente pour interpréter le droit national ni pour statuer sur sa conformité avec le droit de l’Union. Cet aspect est souvent négligé dans les demandes préjudicielles adressées à la Cour de justice. Nombreuses sont les questions axées sur la conformité d’une disposition nationale avec une disposition de l’UE ou sur l’applicabilité d’une disposition de l’UE spécifique à une procédure engagée auprès d’une juridiction nationale. Bien que ces demandes ne soient pas recevables, la Cour de justice ne se contente pas de les renvoyer à la juridiction nationale, mais elle les examine au même titre qu’une demande formulée par le tribunal national en vue de déterminer les critères fondamentaux ou essentiels d’interprétation des dispositions de l’Union concernées, ce qui permet au tribunal national d’évaluer lui-même la compatibilité entre le droit national et celui de l’Union. À cette fin, la Cour de justice relève dans la documentation fournie, notamment dans les motifs du recours, les éléments de droit de l’Union qui doivent être interprétés dans le cadre du litige.
Le droit d’introduire une demande préjudicielle: sont autorisées à introduire une demande préjudicielle toutes les «juridictions des États membres». La notion de juridiction doit être interprétée dans le sens du droit de l’Union et ne porte pas sur la dénomination, mais sur la fonction et la place occupée par une instance judiciaire dans le système de protection juridictionnelle de l’État membre. Par «juridiction», il faut donc entendre toutes les institutions indépendantes, donc non liées par des instructions, qui sont compétentes pour le règlement des litiges dans un État de droit. Par conséquent, les cours constitutionnelles des États membres ainsi que les autorités de règlement des litiges ne relevant pas du système judiciaire étatique — à l’exception des tribunaux d’arbitrage privés — sont également autorisées à introduire des demandes préjudicielles. Un juge national usera de son droit d’introduire une demande préjudicielle en fonction de la pertinence des questions de droit de l’Union pour trancher le litige au principal, pertinence dont le juge national décide seul. Les parties au litige ne peuvent que formuler des propositions. La Cour de justice n’examine la pertinence de ces questions pour la décision finale qu’en vue de s’assurer de leur recevabilité: elles doivent porter sur l’interprétation des traités de l’UE ou sur la validité d’un acte d’une institution de l’UE, ou sur un véritable litige juridique (les points sur lesquels la Cour de justice doit se prononcer à titre préjudiciel ne doivent pas être purement hypothétiques ou construits de toutes pièces). Il est rare que la Cour de justice refuse d’examiner une demande pour ces motifs car, compte tenu de l’importance particulière de la coopération entre les autorités judiciaires, la Cour de justice fait preuve de modération lorsqu’il s’agit d’appliquer ces critères. Toutefois, la jurisprudence récente de la Cour de justice prouve qu’elle est devenue plus stricte en matière de recevabilité de ce type de recours, dans la mesure où elle applique à la lettre l’exigence déjà mentionnée selon laquelle la demande préjudicielle doit comporter une description suffisamment claire et détaillée des points de fait et de droit de la procédure initiale. Si ces informations font défaut, elle se déclare dans l’incapacité de donner une interprétation convenable du droit de l’Union et déclare la demande irrecevable.
L’obligation d’introduire une demande préjudicielle: toute juridiction dont la décision n’est plus susceptible d’un recours juridictionnel de droit national est tenue d’introduire une demande préjudicielle. Par «recours», il faut entendre toute voie de droit permettant de contrôler les points de fait ou de droit (appel) ou seulement de droit (cassation). Toutefois, cette notion n’inclut pas les voies ordinaires ayant des effets limités ou spécifiques (révision, plainte constitutionnelle). Une juridiction tenue d’introduire une demande ne peut se soustraire à cette obligation que si la question préjudicielle n’est pas importante pour la solution du litige, si elle a déjà fait l’objet d’un arrêt de la Cour de justice ou s’il ne peut y avoir aucun doute raisonnable sur l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union. En revanche, si une juridiction nationale veut invoquer l’invalidité d’un acte de l’Union, elle a l’obligation absolue d’introduire une demande préjudicielle. À cet égard, la Cour de justice a clairement établi qu’elle est seule compétente pour rejeter les dispositions de l’Union frappées d’invalidité. Par conséquent, les juridictions nationales doivent appliquer et respecter les dispositions de l’Union tant que la Cour de justice n’a pas reconnu leur invalidité. Une exception a été introduite pour les tribunaux dans le cadre d’une procédure de protection juridictionnelle provisoire. Selon la jurisprudence récente de la Cour de justice, ces tribunaux peuvent, sous certaines conditions, suspendre la mise en œuvre d’actes administratifs nationaux découlant d’un règlement de l’Union ou prendre des mesures provisoires afin de statuer préalablement sur des situations ou relations juridiques litigieuses sans tenir compte d’une disposition juridique de l’Union.
Toute violation de l’obligation d’introduire une demande préjudicielle implique en même temps une violation des traités de l’UE et peut entraîner l’ouverture d’une procédure d’infraction. En pratique, les conséquences d’une telle action restent cependant très limitées dans la mesure où le gouvernement de l’État membre concerné ne saurait appliquer une condamnation éventuelle par la Cour de justice, l’indépendance du pouvoir judiciaire et le principe de la séparation des pouvoirs lui interdisant de donner des instructions aux juridictions nationales. Les chances d’aboutir sont cependant plus importantes depuis qu’a été reconnu le principe de la responsabilité des États membres au titre du droit de l’Union en cas de violation de celui-ci (voir le chapitre intitulé «La responsabilité des États membres du fait de violations du droit de l’Union»), qui permet aux personnes d’introduire une action en réparation pour des dommages susceptibles de découler du non-respect, par l’État membre, de son obligation d’introduire une demande préjudicielle.
Les effets d’une décision préjudicielle: la décision préjudicielle, qui prend la forme d’un arrêt, lie la juridiction ayant présenté la question ainsi que les autres juridictions concernées par le litige. En outre, dans la pratique, les décisions préjudicielles ont souvent valeur de précédents pour des procédures similaires.
La responsabilité des États membres du fait de violations du droit de l’Union
Le principe de la responsabilité des États membres pour des dommages causés aux particuliers par des violations du droit de l’Union a été reconnu par la Cour de justice dans son arrêt du 5 mars 1996 dans les affaires jointes C-46/93, Brasserie du pêcheur, et C-48/93, Factortame. Cet arrêt de principe s’inscrit dans le prolongement des arrêts antérieurs de la Cour de justice sur la primauté du droit de l’Union, l’applicabilité directe des dispositions de l’Union et la reconnaissance des droits fondamentaux propres à l’UE. Comme l’a relevé la Cour de justice, le droit à réparation constitue le «corollaire nécessaire de l’effet direct reconnu aux dispositions communautaires dont la violation est à l’origine du dommage causé» et renforce considérablement les possibilités offertes aux particuliers d’obliger les autorités nationales (tant exécutives que législatives ou judiciaires) à respecter et à appliquer le droit de l’Union. La Cour de justice a ainsi développé la jurisprudence déjà introduite dans les affaires jointes C-6/90 et C-9/90, Francovich et Bonifaci. Alors que les premiers arrêts avaient limité la responsabilité des États membres aux dommages occasionnés à des particuliers en raison d’une transposition tardive d’une directive leur accordant des droits subjectifs, mais qui ne leur était pas directement adressée, cet arrêt a établi le principe de la responsabilité générale incluant toutes les violations du droit de l’Union imputables à l’État membre.
La responsabilité des États membres dans le cadre de violations du droit de l’Union est reconnue dès lors que trois conditions sont réunies, conditions nettement analogues à celles applicables à l’UE dans une situation comparable, à savoir:
- la règle violée du droit de l’Union doit avoir pour objet de conférer des droits aux particuliers;
- la violation doit être suffisamment caractérisée, le critère décisif pour considérer qu’elle est constituée étant celui de la méconnaissance manifeste et grave, par un État membre, des limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation. Cette appréciation revient aux juridictions nationales, seules compétentes pour établir les faits des affaires au principal et pour caractériser les violations du droit de l’Union en cause. Dans son arrêt dans l’affaire Brasserie du pêcheur, la Cour de justice fournit également des orientations fondamentales aux juridictions nationales, comme suit:
[...] parmi les éléments que la juridiction compétente peut être amenée à prendre en considération, il y a lieu de relever le degré de clarté et de précision de la règle violée, l’étendue de la marge d’appréciation que la règle enfreinte laisse aux autorités nationales ou [de l’Union], le caractère intentionnel ou involontaire du manquement commis ou du préjudice causé, le caractère excusable ou inexcusable d’une éventuelle erreur de droit, la circonstance que les attitudes prises par une institution [de l’Union] ont pu contribuer à l’omission, l’adoption ou au maintien de mesures ou de pratiques nationales contraires au droit [de l’Union]. En tout état de cause, une violation du droit [de l’Union] est manifestement caractérisée lorsqu’elle a perduré malgré le prononcé d’un arrêt constatant le manquement reproché, d’un arrêt préjudiciel ou d’une jurisprudence bien établie de la Cour en la matière, desquels résulte le caractère infractionnel du comportement en cause»;
- il doit exister un lien de causalité direct entre la violation de l’obligation qui incombe à l’État et le dommage subi par les personnes lésées. Une faute (intentionnelle ou due à la négligence) allant au-delà de la violation suffisamment caractérisée du droit de l’Union n’est pas requise.
La Cour de justice a clairement établi que les principes de responsabilité s’appliquent également au troisième pouvoir, à savoir le pouvoir judiciaire. Ses arrêts ne sont plus seulement susceptibles d’être réexaminés par les différentes instances d’appel, ils le sont aussi — dans la mesure où ils ont été rendus en méconnaissance ou en violation de normes de l’Union — dans le cadre d’une action en réparation introduite auprès des juridictions compétentes des États membres. Lors de l’établissement des faits constitutifs de la violation du droit de l’Union par un arrêt, il faut également réexaminer les questions matérielles liées au droit de l’Union, sans que la juridiction compétente puisse invoquer un quelconque effet contraignant de la décision rendue par la juridiction spécialisée. Encore une fois, l’instance à laquelle les juridictions nationales compétentes pourraient recourir pour toute question d’interprétation et/ou de validité des dispositions de l’Union ou de compatibilité entre les réglementations nationales en matière de responsabilité et le droit de l’Union est la Cour de justice, qui peut être saisie dans le cadre d’un renvoi préjudiciel (article 267 du traité FUE). La responsabilité du fait de violations par le pouvoir judiciaire restera toutefois l’exception. Compte tenu de conditions strictes en matière de responsabilité, une responsabilité n’entre finalement en ligne de compte que si une juridiction viole délibérément le droit de l’Union en vigueur et, comme dans l’affaire C-224/01, Köbler, donne force obligatoire à une décision défavorable au particulier sans avoir demandé au préalable à la Cour de justice de préciser la situation en droit de l’Union nécessaire à la décision. Dans ce dernier cas, la protection des droits du citoyen de l’UE qui invoque le droit de l’Union exige obligatoirement la réparation du préjudice subi par ce citoyen du fait d’une juridiction statuant en dernier ressort.
LA PLACE DU DROIT DE L’UNION EUROPÉENNE DANS L’ENSEMBLE DU SYSTÈME JURIDIQUE
Compte tenu de tout ce que nous venons de voir sur la structure de l’UE et son ordre juridique, il n’est pas simple de déterminer la place du droit de l’Union dans l’ensemble du système juridique et d’en délimiter les limites par rapport aux autres droits. Deux tentatives de classement sont à rejeter a priori: le droit de l’Union ne peut être considéré ni comme un simple faisceau d’accords entre États, ni comme une partie ou un appendice de systèmes juridiques nationaux.
L’autonomie de l’ordre juridique de l’Union européenne
En instituant l’UE, les États membres ont limité leurs pouvoirs législatifs souverains et créé un ensemble juridique autonome qui les lie, tout comme leurs ressortissants, et doit être appliqué par leurs tribunaux.
La Cour de justice a déjà fait ces mêmes constatations dans une affaire célèbre de 1964, à laquelle nous avons déjà fait référence: l’affaire 6/64, Costa/ENEL. M. Costa s’était opposé à la nationalisation de la production et de la distribution de l’électricité en Italie et au transfert du patrimoine des entreprises électriques à la société ENEL.
L’autonomie de l’ordre juridique de l’Union est fondamentale pour l’UE, car c’est elle qui empêche que le droit national ne vide le droit de l’Union de sa substance et qui permet son application uniforme dans tous les États membres. C’est ainsi que, grâce à l’autonomie de l’ordre juridique de l’Union, les notions juridiques sont toujours définies en fonction des nécessités du droit de l’Union et des objectifs de l’Union. Cette définition des concepts spécifique à l’UE est indispensable, car les droits garantis par l’ordre juridique de l’Union seraient compromis si chaque État membre pouvait finalement déterminer, par sa propre définition, le champ d’application des libertés garanties par l’UE. Prenons l’exemple du mot «travailleur», qui est déterminant pour la portée du droit de libre circulation. Le terme «travailleur», avec tout ce qu’il recouvre au niveau de l’UE, peut avoir une définition tout à fait différente de celle qui est utilisée et connue dans les systèmes nationaux. En outre, les actes de l’Union sont exclusivement évalués à l’aune du droit de l’Union et non du droit national ou constitutionnel.
Étant donné cette autonomie de l’ordre juridique de l’Union, comment décrire le rapport entre le droit de l’Union et le droit national?
Même si le droit de l’Union constitue un ordre juridique autonome par rapport aux ordres juridiques des États membres, il ne faudrait toutefois pas croire que le premier et les seconds se superposent les uns aux autres. Deux arguments militent contre une vue aussi limitée des choses: d’une part, ces droits concernent les mêmes individus, chacun étant à la fois citoyen d’un État et citoyen de l’UE; d’autre part, il faut garder à l’esprit que le droit de l’Union ne peut exister que s’il est accepté dans les ordres juridiques nationaux. En fait, les ordres juridiques de l’Union et des États membres sont interdépendants et imbriqués les uns dans les autres.
L’interaction entre le droit de l’Union européenne et le droit national
Cet aspect du rapport entre le droit de l’Union et le droit national couvre les liens qui ont été établis entre le droit de l’Union et le droit national afin qu’ils se complètent mutuellement. L’article 4, paragraphe 3, du traité UE illustre bien cette relation:
«En vertu du principe de coopération loyale, l’Union et les États membres se respectent et s’assistent mutuellement dans l’accomplissement des missions découlant des traités.
Les États membres prennent toute mesure générale ou particulière propre à assurer l’exécution des obligations découlant des traités ou résultant des actes des institutions de l’Union.
Les États membres facilitent l’accomplissement par l’Union de sa mission et s’abstiennent de toute mesure susceptible de mettre en péril la réalisation des objectifs de l’Union.»
Ce principe général de la coopération loyale a été posé parce que l’on avait conscience du fait que, à lui seul, l’ordre juridique de l’Union n’était pas à même d’atteindre les objectifs visés par la création de l’UE. Contrairement aux systèmes juridiques nationaux, le système de l’Union n’est pas fermé. Il a besoin, pour être appliqué, de l’appui des ordres juridiques nationaux. Toutes les institutions des États membres — pouvoir législatif, exécutif et judiciaire — doivent donc admettre que l’ordre juridique de l’Union ne leur est pas «extérieur» ou «étranger», mais que les États membres et les institutions de l’UE forment un ensemble indissociable et solidaire pour réaliser les objectifs communs. L’UE n’est donc pas uniquement une communauté d’intérêts, mais aussi et surtout une communauté de solidarité. Il s’ensuit que les États membres doivent non seulement respecter les traités de l’UE et le droit dérivé, mais aussi les appliquer et leur donner une existence concrète. Cette interaction du droit de l’Union et du droit national est si variée que l’on devra se contenter de quelques exemples importants pour l’illustrer ici.
Le mécanisme de la directive, que nous avons déjà évoqué dans le contexte des actes normatifs, reflète mieux que tout autre l’étroite relation et la complémentarité qui existent entre l’ordre juridique de l’Union et les ordres juridiques nationaux. La directive n’impose qu’un résultat aux États membres, le choix de la forme et des moyens pour atteindre ce résultat étant laissé à la compétence des autorités nationales, c’est-à-dire du droit national. Dans le domaine juridictionnel, c’est la procédure préjudicielle de l’article 267 du traité FUE qui crée ce lien. Dans cette procédure, les juridictions nationales peuvent (doivent) soumettre à la Cour de justice des questions préjudicielles sur l’interprétation et la validité du droit de l’Union, qui peuvent être essentielles pour statuer dans l’affaire dont elles sont saisies. La procédure de décision préjudicielle prouve, d’une part, que les tribunaux des États membres doivent également respecter et appliquer le droit de l’Union et, d’autre part, que l’interprétation et le jugement sur la validité du droit de l’Union relèvent de la compétence exclusive de la Cour de justice. La dépendance mutuelle de l’ordre juridique de l’Union et des systèmes nationaux apparaît enfin également lorsqu’il s’agit de combler certaines lacunes de l’ordre juridique de l’Union. Pour ce faire, le droit de l’Union peut, par exemple, pour compléter ses propres règles, renvoyer aux dispositions existant dans les systèmes juridiques des États membres. Le destin d’une règle de droit de l’Union dépend donc, à partir d’un certain moment, des règles nationales. D’une manière générale, cela vaut également pour toute l’exécution du droit de l’Union, dans la mesure où celui-ci n’a pas défini ses propres règles en la matière. Dans tous ces cas, les autorités nationales appliquent les règles de l’Union selon les dispositions du droit national. Naturellement, ce principe ne s’applique que dans la mesure où il est aussi tenu compte des nécessités de l’application uniforme du droit de l’Union, puisqu’il faut à tout prix éviter que les opérateurs économiques ne soient traités selon des critères différents, et donc inéquitables.
Le conflit entre le droit de l’Union européenne et le droit national
Les rapports entre le droit de l’Union et le droit national se caractérisent également par le fait que l’ordre juridique de l’Union et ceux des États membres se «heurtent» quelquefois. C’est toujours le cas lorsqu’une disposition du droit de l’Union crée pour les citoyens des droits ou obligations directs en contradiction avec une norme du droit national, problème apparemment simple, qui pose néanmoins deux questions fondamentales sur l’organisation de l’UE, mettant en cause l’existence même de son ordre juridique: l’applicabilité directe du droit de l’Union et la primauté du droit de l’Union sur le droit national qui lui est contraire.
L’applicabilité directe du droit de l’Union européenne dans le droit national
L’applicabilité directe du droit de l’Union signifie d’abord que celui-ci confère directement des droits et impose directement des obligations non seulement aux institutions de l’UE et aux États membres, mais aussi aux citoyens de l’UE.
C’est un des grands mérites de la Cour de justice que d’avoir reconnu l’applicabilité directe des dispositions du droit de l’Union, en dépit de la résistance initiale de certains États membres, et d’avoir ainsi garanti l’existence de l’ordre juridique de l’Union. Le point de départ de cette jurisprudence est l’affaire que nous avons déjà mentionnée de l’entreprise de transport néerlandaise Van Gend & Loos, qui avait introduit devant une juridiction des Pays-Bas une action contre l’administration des douanes néerlandaises, au motif que celle-ci avait perçu un droit de douane majoré à l’importation d’un produit chimique en provenance de l’Allemagne de l’Ouest. L’issue du litige dépendait en dernier ressort de la question de savoir si un particulier pouvait se prévaloir de l’article 12 du traité CEE qui interdisait expressément aux États membres d’introduire de nouveaux droits de douane ou d’augmenter des droits de douane existants dans le marché commun. Contre l’avis de nombreux gouvernements et de son avocat général, la Cour de justice s’est prononcée pour l’applicabilité directe des dispositions de l’Union eu égard à la nature et aux objectifs de l’Union. Dans ses motifs, elle a déclaré:
[...] la Communauté constitue un nouvel ordre juridique […] dont les sujets sont non seulement les États membres, mais également leurs ressortissants;
[…] partant, le droit communautaire, indépendant de la législation des États membres, de même qu’il crée des charges dans le chef des particuliers, est aussi destiné à engendrer des droits qui entrent dans leur patrimoine juridique;
[…] ceux-ci naissent non seulement lorsqu’une attribution explicite en est faite par le traité, mais aussi en raison d’obligations que le traité impose d’une manière bien définie tant aux particuliers qu’aux États membres et aux institutions communautaires; [...]»
Voilà qui ne nous avance guère, puisqu’il reste à savoir quelles sont les dispositions du droit de l’Union qui sont directement applicables. Dans un premier temps, la Cour de justice a examiné cette question sous l’angle des dispositions du droit primaire de l’Union et a établi que toutes les règles des traités de l’UE pouvaient être directement applicables aux ressortissants des États membres lorsque: elles sont formulées sans réserves; elles sont complètes en elles-mêmes et juridiquement parfaites, en d’autres termes; elles ne nécessitent pas, pour leur exécution ou leur efficacité, d’autres actes des États membres ou des institutions de l’UE.
C’est ce que la Cour de justice a reconnu pour l’article 12 du traité CEE, l’entreprise Van Gend & Loos pouvant ainsi, sur la base de cet article, faire valoir ses droits que la juridiction néerlandaise se devait de sauvegarder. En conséquence, celle-ci a déclaré que le droit de douane perçu contrairement au traité n’était pas licite. La Cour de justice a développé ultérieurement cette jurisprudence pour d’autres dispositions du traité qui revêtent, pour le citoyen de l’UE, une importance beaucoup plus grande que l’article 12 du traité CEE. À cet égard, il convient de souligner l’importance des arrêts portant sur l’applicabilité directe de la libre circulation (article 45 du traité FUE), de la liberté d’établissement (article 49 du traité FUE) et de la libre prestation des services (article 56 du traité FUE).
En ce qui concerne les garanties de la liberté de circulation, la Cour s’est prononcée en faveur de leur applicabilité directe dans l’affaire 41/74, van Duyn. Cette affaire reposait sur les faits suivants: en mai 1973, Mlle van Duyn, ressortissante néerlandaise, s’était vu refuser l’autorisation d’entrer au Royaume-Uni, à l’époque encore membre de l’Union européenne, pour occuper un emploi de secrétaire de l’«église de scientologie», une organisation dont le ministère britannique de l’intérieur estimait qu’elle constituait un «danger social». Invoquant les dispositions du droit de l’Union sur la libre circulation des travailleurs, Mlle van Duyn a demandé à la High Court de constater qu’elle avait le droit de séjourner au Royaume-Uni afin d’y exercer un emploi et devait donc être autorisée à y entrer. Saisie d’une demande de décision préjudicielle par la High Court, la Cour de justice a répondu que l’article 48 du traité CEE (article 45 du traité FUE) était directement applicable et engendrait en faveur des particuliers des droits qu’ils peuvent faire valoir en justice dans un État membre.
La Cour de justice a été saisie de la question de l’applicabilité directe de la liberté d’établissement par le Conseil d’État belge. Celui-ci avait été appelé à se prononcer sur une action introduite par un avocat néerlandais, J. Reyners, qui invoquait ses droits au titre de l’article 52 du traité CEE (article 49 du traité FUE). Cet avocat avait été amené à introduire une action en justice après s’être vu refuser l’exercice de la profession d’avocat en Belgique en raison de sa nationalité, bien qu’il ait passé avec succès les examens nécessaires en Belgique. Dans son arrêt du 21 juin 1974, la Cour de justice a dit pour droit qu’une inégalité de traitement entre étrangers et ressortissants ne saurait être maintenue en matière d’établissement, étant donné que l’article 52 du traité CEE était applicable depuis l’expiration de la période de transition et qu’il conférait aux citoyens de l’UE le droit d’accéder à une profession et de l’exercer dans un autre État membre au même titre que les ressortissants. Me Reyners a été admis au barreau belge sur la base de cet arrêt.
La Cour de justice a eu l’occasion, dans l’affaire 33/74, van Binsbergen, de constater également l’applicabilité directe du droit à la libre prestation des services. Il s’agissait, notamment, de savoir si une disposition néerlandaise, en vertu de laquelle seule une personne établie aux Pays-Bas pouvait agir en tant que mandataire ad litem devant une juridiction d’appel, était compatible avec les dispositions du droit de l’Union en matière de libre prestation des services. La Cour de justice a répondu par la négative au motif que toutes les restrictions auxquelles un citoyen de l’UE est soumis en raison de sa nationalité ou de sa résidence sont contraires à l’article 59 du traité CEE (article 56 du traité FUE) et, donc, nulles et non avenues.
Enfin, il faut également souligner la grande importance pratique de la reconnaissance de l’applicabilité directe de la libre circulation des marchandises (article 26 du traité FUE), du principe de l’égalité des rémunérations entre hommes et femmes (article 157 du traité FUE), de l’interdiction de toute discrimination (article 45 du traité FUE) et de la libre concurrence (article 101 du traité FUE).
Dans le domaine du droit dérivé, la question de l’applicabilité directe ne se pose que pour les directives et les décisions adressées aux États membres, étant donné que les règlements et les décisions adressées à des personnes tirent déjà leur applicabilité directe des traités (article 288, deuxième et quatrième alinéas, du traité FUE). Depuis 1970, la Cour de justice a encore étendu le principe de l’applicabilité directe aux dispositions des directives et aux décisions adressées aux États membres.
On ne soulignera jamais assez l’importance pratique de l’applicabilité directe du droit de l’Union, telle qu’elle a été reconnue et développée par la Cour de justice: elle améliore la position du citoyen en faisant des libertés prévues par le marché intérieur des droits qui peuvent être invoqués par les citoyens devant les juridictions nationales, et constitue, dès lors, un des piliers de l’ordre juridique de l’Union.
La primauté du droit de l’Union européenne sur le droit national
L’applicabilité directe d’une disposition du droit de l’Union pose une autre question tout aussi fondamentale: que se passe-t-il lorsqu’une disposition du droit de l’Union crée en faveur des citoyens de l’UE des droits et obligations directs, alors que son contenu est en contradiction avec le droit national?
Ce conflit entre le droit de l’Union et le droit national ne peut être résolu que si l’un des deux ordres juridiques s’efface devant l’autre. Le droit de l’Union écrit ne contient aucune réglementation expresse à cet égard. Aucun des traités de l’UE ne stipule, par exemple, que le droit de l’Union prime le droit national ou que le droit national lui est supérieur. Pourtant, le conflit entre droit de l’Union et droit national ne peut être résolu qu’en reconnaissant la primauté du premier sur le second, le droit de l’Union se substituant donc, dans les ordres juridiques des États membres, aux dispositions nationales qui s’écartent d’une disposition de l’Union. Que resterait-il, en effet, de l’ordre juridique de l’Union si l’on voulait le subordonner au droit national? Pratiquement rien! Les dispositions du droit de l’Union pourraient être rendues caduques par n’importe quelle loi nationale. L’application uniforme du droit de l’Union dans tous les États membres serait exclue. Il serait également impossible à l’UE de remplir les missions qui lui ont été confiées par les États membres. Le fonctionnement de l’UE serait compromis et la construction d’une communauté juridique européenne, porteuse de grands espoirs, serait minée.
Ce problème ne se pose pas dans les rapports entre droit international et droit national. Étant donné que le droit international doit avoir été intégré ou transposé dans la législation interne d’un pays pour faire partie intégrante de son ordre juridique, la question de la primauté est tranchée sur la seule base du droit national. Selon le rang que le droit national reconnaît au droit international, ce dernier peut primer le droit constitutionnel, être placé entre le droit constitutionnel et le droit commun ou au même niveau que le droit commun. Les rapports entre la législation internationale intégrée ou transposée et la législation nationale sont déterminés par la règle de la primauté des dispositions les plus récentes sur les plus anciennes (lex posterior derogat legi priori). Ces règles nationales relatives aux conflits de lois ne sont cependant pas applicables aux rapports avec la législation de l’Union, car celle-ci ne fait pas partie intégrante des législations nationales. Par conséquent, tout conflit entre le droit de l’Union et le droit national doit être résolu sur la base de l’ordre juridique de l’Union.
C’est à nouveau la Cour de justice qui, eu égard à ces conséquences, a reconnu, malgré l’avis de certains États membres, le principe de la primauté du droit de l’Union, sans lequel il n’y aurait pas d’ordre juridique de l’Union. Après l’applicabilité directe, elle a donc fondé l’ordre juridique de l’Union sur un deuxième pilier en lui donnant ainsi une assise définitive.
Dans l’affaire déjà citée Costa/ENEL, la Cour de justice a établi deux constatations importantes pour les rapports entre le droit de l’Union et le droit national.
Premièrement, les États membres ont transféré définitivement des droits souverains à une communauté qu’ils ont créée, et des mesures unilatérales ultérieures seraient donc incompatibles avec le concept du droit de l’Union.
Deuxièmement, le traité pose en principe qu’un État membre ne peut porter atteinte à la particularité du droit de l’Union, qui est de s’appliquer uniformément et complètement dans l’ensemble de l’UE.
Il résulte de toutes ces considérations que le droit de l’Union, créé en vertu des pouvoirs prévus par les traités, prime toute disposition de l’ordre juridique des États membres qui lui serait contraire. Cela vaut pour les législations nationales qui lui sont antérieures, mais également pour les législations ultérieures.
En définitive, la Cour de justice n’a pas mis en cause, par son arrêt dans l’affaire Costa/ENEL, la nationalisation du secteur italien de l’électricité, mais a constaté sans détour la primauté du droit de l’Union sur le droit national.
La conséquence juridique de cette règle de la primauté est que, en cas de conflit de lois, la disposition nationale contraire à la disposition de l’Union cesse d’être applicable et qu’aucune autre disposition législative nationale ne peut être introduite si elle n’est pas conforme au droit de l’Union.
La Cour de justice s’en est, depuis lors, constamment tenue à cette constatation dans sa jurisprudence. Elle a, en outre, développé celle-ci sur un point. Alors que, dans l’arrêt susmentionné, elle avait été appelée à se prononcer uniquement sur la question de la primauté du droit de l’Union sur les lois nationales, elle a confirmé le principe de la primauté du droit de l’Union également dans les rapports entre celui-ci et le droit constitutionnel national. Les juridictions nationales se sont rangées, en général, à l’avis de la Cour de justice après avoir hésité un premier temps. Aux Pays-Bas, où la Constitution reconnaît expressément la primauté du droit de l’Union sur le droit national (articles 65 à 67), il ne pouvait y avoir aucune difficulté. Dans les autres États membres, les juridictions nationales ont également reconnu le principe de la primauté du droit de l’Union sur les lois nationales ordinaires. En revanche, les Cours constitutionnelles d’Allemagne et d’Italie n’ont pas accepté, au début, la primauté du droit de l’Union sur le droit constitutionnel national et, en particulier, sur les garanties nationales en matière de droits fondamentaux. Elles n’ont admis cette primauté que lorsque la protection des droits fondamentaux dans l’ordre juridique de l’Union a atteint un niveau correspondant, pour l’essentiel, à celui des constitutions nationales. Néanmoins, la Cour constitutionnelle fédérale allemande a maintenu ses réserves à l’égard d’une intégration croissante, comme elle l’a clairement formulé notamment dans ses arrêts concernant le traité de Maastricht et, plus récemment, le traité de Lisbonne, sous la forme d’un «contrôle ultra vires». En d’autres termes, la Cour constitutionnelle fédérale se réserve le droit d’examiner si les actes juridiques des institutions et organes de l’UE, y compris les arrêts de la Cour de justice, s’inscrivent dans les limites des compétences dévolues à l’Union ou si l’interprétation des traités livrée par la juridiction de l’Union équivaut à une modification autonome inacceptable de ceux-ci. Par la suite, la Cour constitutionnelle fédérale a placé ce contrôle ultra vires sous le commandement de la «prudence». En d’autres termes, ce contrôle ne pourrait être exercé que par la Cour constitutionnelle fédérale (et non par d’autres tribunaux nationaux) et seulement avec modération et dans le respect du droit de l’Union. Cela suppose:
- notamment que la Cour constitutionnelle fédérale doit considérer, par principe, les décisions de la Cour de justice comme une interprétation contraignante du droit de l’Union;
- qu’avant l’adoption d’un acte ultra vires, la Cour de justice doit avoir la possibilité d’interpréter le traité et de se prononcer sur la validité et l’interprétation de l’acte en question dans le cadre d’une procédure préjudicielle (article 267 du traité FUE); et enfin
- qu’un contrôle ne peut être envisagé que s’il apparaît que les mesures prises par les institutions de l’UE l’ont été en dehors des compétences qui leur sont déléguées.
Cet ensemble de conditions strictes pourrait donner à penser que la probabilité d’un tel acte ultra vires serait plutôt théorique. Or, la réalité nous a enseigné le contraire. Dans son arrêt sur le programme d’achat d’obligations de la BCE du 5 mai 2020, la Cour constitutionnelle fédérale a jugé les achats d’obligations d’État par la BCE non conformes aux compétences européennes et contraires à la loi fondamentale allemande. La Cour constitutionnelle avait précédemment sollicité auprès de la Cour de justice un arrêt sur la légalité européenne du programme d’achat d’obligations par voie de décision préjudicielle, arrêt qu’elle a estimé «ne tout bonnement plus être compréhensible» au regard du contrôle de la proportionnalité des actes juridiques émis pour la mise en œuvre du programme d’achat et qu’elle a donc rejeté. Par cet arrêt, la Cour constitutionnelle fédérale prend manifestement le chemin de la confrontation avec la Cour de justice, tout en précisant qu’elle entend examiner au cas par cas la primauté du droit de l’Union sur le droit national, qu’elle a elle-même jugée indispensable au fonctionnement de l’UE dans une décision antérieure, et qu’elle n’hésitera pas à passer outre un arrêt de la Cour de justice en la matière. Il faut espérer que les deux juridictions pourront rapidement combler le fossé qu’a creusé l’arrêt de la Cour constitutionnelle fédérale et revenir à une coopération loyale et au respect mutuel, d’autant que la Cour constitutionnelle fédérale ne remet pas fondamentalement en question la primauté du droit de l’Union sur le droit constitutionnel national, mais se réserve un droit de réexamen final dans certains cas très rares. Les choses sont toutefois très différentes avec l’arrêt de la Cour constitutionnelle polonaise du 7 octobre 2021, qui déclarait certains pans du droit de l’Union incompatibles avec la Constitution polonaise. Selon la Cour constitutionnelle polonaise, la tentative de la Cour de justice de s’ingérer dans le système judiciaire polonais viole la règle de la suprématie constitutionnelle et la souveraineté de la Pologne. La Cour de justice avait estimé en mars 2021 que le droit de l’Union pouvait contraindre les États membres à ne pas tenir compte de certaines dispositions du droit national, même si elles étaient constitutionnelles. Plus précisément, les juges de l’UE craignaient que la procédure de nomination des juges à la Cour suprême en Pologne n’aille à l’encontre du droit de l’Union. La Cour de justice pourrait donc contraindre la Pologne à abolir certains éléments de la réforme controversée. À la suite de cet arrêt, la Commission européenne a immédiatement précisé que les principes fondamentaux de l’ordre juridique de l’Union n’étaient pas laissés à la discrétion des juridictions nationales, y compris des juridictions constitutionnelles: le droit de l’Union l’emporte sur le droit national, y compris le droit constitutionnel national. La Commission s’est laissé toute latitude d’utiliser les pouvoirs qui lui sont conférés par les traités et de garantir l’application uniforme et l’intégrité du droit de l’Union.
L’interprétation du droit national en conformité avec le droit de l’Union européenne
Afin d’éviter un conflit entre le droit de l’Union et le droit national qui doit être résolu en appliquant le principe de la primauté, toutes les institutions étatiques qui appliquent ou disent le droit doivent recourir à l’interprétation du droit national en conformité avec le droit de l’Union.
Ce n’est qu’assez tardivement que le concept d’interprétation conforme au droit de l’Union a été reconnu par la Cour de justice et introduit dans l’ordre juridique de l’Union. Ce n’est, dans un premier temps, qu’à la demande de juridictions nationales que la Cour de justice a jugé utile de garantir une interprétation uniforme des dispositions nationales dans le champ d’application d’une directive, et il a fallu attendre 1984 pour que soit déterminée, dans l’affaire 14/83, von Colson et Kamann, une obligation d’interprétation conforme à la directive. Il s’agissait dans ce cas de la détermination du montant d’une indemnité en cas de discrimination à l’embauche à l’égard des femmes. Alors que la réglementation allemande ne prévoyait à cet égard que la réparation du préjudice de confiance (en particulier les seuls frais occasionnés par la candidature), la directive 76/207/CEE disposait que, en droit national, pour faire appliquer l’égalité des chances à l’accès à l’emploi, des sanctions effectives devaient être prononcées. Comme la sanction n’était pas plus amplement précisée, la directive ne pouvait pas être déclarée directement applicable sur ce point, ce qui faisait planer la menace d’un arrêt constatant certes l’illégalité de la loi nationale par rapport au droit de l’Union, sans toutefois laisser à la juridiction nationale la faculté d’ignorer la disposition nationale. C’est pourquoi la Cour de justice a décidé que les juridictions nationales étaient tenues d’interpréter les dispositions nationales de droit civil de telle sorte qu’une sanction effective d’une discrimination fondée sur le sexe soit garantie. Une indemnisation purement symbolique n’est pas conforme aux exigences d’une transposition efficace de la directive.
La Cour de justice considère que le principe de coopération loyale (article 4, paragraphe 3, du traité UE) constitue la base juridique de l’interprétation conforme au droit de l’Union. Selon ce principe, les États membres sont tenus de prendre toute mesure générale ou particulière propre à assurer l’exécution des obligations découlant des traités ou résultant des actes des institutions de l’UE. Ce principe signifie également que les instances nationales doivent orienter l’application et l’interprétation du droit national, auquel se superposent les dispositions de l’Union, selon les termes et la finalité du droit de l’Union (obligation de loyauté vis-à-vis de l’Union — affaires jointes C-397/01 à C-403/01, Pfeiffer e.a.). Pour les juridictions nationales, cela reflète également leur rôle de juridictions européennes au sens de garantes de l’application correcte et du respect du droit de l’Union.
Une forme particulière de l’interprétation conforme au droit de l’Union est l’interprétation conforme à la directive. Suivant ce principe, les États membres sont tenus de transposer les directives. Les praticiens du droit et les juridictions doivent, à travers l’interprétation conforme aux directives, contribuer à ce que cet engagement soit pleinement respecté par l’État membre en question. L’interprétation conforme à la directive vise à obtenir la conformité à la directive sur la base de l’application du droit et à garantir l’interprétation et l’application uniformes, dans tous les États membres, des dispositions nationales adoptées pour mettre en œuvre les directives. Il convient de ne pas s’écarter au niveau national de ce qui a été harmonisé par la directive au niveau de l’UE.
L’interprétation conforme au droit de l’Union se heurte à des limites lorsqu’une disposition nationale interdit clairement toute interprétation; même au titre de l’obligation d’une interprétation conforme au droit de l’Union prévue par celui-ci, le droit national ne peut pas être interprété contra legem. Cela vaut également en cas de refus explicite du législateur national de transposer une directive en droit national. Le conflit qui en résulte entre le droit de l’Union et le droit national ne peut être résolu que par la procédure d’infraction (articles 258 et 259 du traité FUE).
CONCLUSION
Que faut-il retenir de l’ordre juridique de l’Union européenne?
L’ordre juridique de l’Union est le véritable fondement de l’UE et confère à celle-ci le caractère de communauté de droit. Seules la création et la préservation d’un droit nouveau peuvent permettre d’atteindre les objectifs qui ont présidé à la création de l’UE. L’ordre juridique de l’Union y a d’ores et déjà largement contribué. C’est notamment grâce à lui que 447 millions de personnes vivent désormais le marché intérieur européen comme une réalité quotidienne à travers une série de réalisations, telles que l’ouverture plus large des frontières, le développement des échanges de marchandises et de services, la libre circulation des travailleurs et la multiplication des associations d’entreprises par-delà les frontières. Une autre caractéristique de l’ordre juridique de l’Union est sa contribution à la paix, qui a marqué l’histoire de l’Europe. L’objectif de l’ordre juridique étant de préserver la paix et la liberté, il se substitue à la force quand il s’agit de résoudre des conflits, ses règles de droit liant tant les citoyens que les États membres dans une communauté solidaire. Il contribue ainsi largement à établir et à sauvegarder la paix.
Pour que cet ordre juridique survive — tout comme la communauté de droit qu’il sous-tend —, il faut que son respect et sa sécurité soient garantis. C’est ce qu’assurent deux piliers de l’ordre juridique de l’Union: l’applicabilité directe du droit de l’Union et sa primauté sur le droit national. Ces deux principes, pour l’existence et le maintien desquels la Cour de justice est résolument intervenue, garantissent l’application uniforme et prioritaire du droit de l’Union dans tous les États membres.
En dépit des lacunes qu’il présente, l’ordre juridique de l’Union peut contribuer à résoudre des problèmes politiques, économiques et sociaux qui se posent aux États membres de l’Union européenne. À ce titre, sa valeur est inestimable.
JURISPRUDENCE CITÉE
L’ensemble des décisions de la Cour de justice de l’Union européenne est disponible en ligne à l’adresse suivante: www.eur-lex.europa.eu. En outre, EUR-Lex vous permet d’accéder gratuitement et dans les 24 langues officielles de l’UE:
- au droit de l’Union (traités de l’UE, règlements, directives, décisions, dispositions consolidées, etc.);
- aux travaux préparatoires (propositions législatives, rapports, livres verts et blancs, etc.);
- aux conventions internationales;
- aux synthèses de la législation de l’Union permettant de situer les actes juridiques dans leur contexte politique.
Nature juridique et primauté du droit de l’Union
Affaire 26/62, Van Gend & Loos, Recueil 1963, p. 3 (nature juridique du droit de l’Union, droits et obligations des particuliers).
Affaire 6/64, Costa/ENEL, Recueil 1964, p. 1141 (nature juridique du droit de l’Union, applicabilité directe, primauté du droit de l’Union).
Affaire 14/83, von Colson et Kamann, Recueil 1984, p. 1891 (interprétation du droit national conforme au droit de l’Union).
Affaire C-213/89, Factortame, Recueil 1990, p. I-2433 (applicabilité directe et primauté du droit de l’Union).
Affaires jointes C-6/90, Francovich, et C-9/90, Bonifaci, Recueil 1991, p. I-5357 (efficacité du droit de l’Union, responsabilité des États membres pour violation du droit de l’Union, ici: non-transposition d’une directive).
Affaires jointes C-46/93, Brasserie du pêcheur, et C-48/93, Factortame, Recueil 1996, p. I-1029 (efficacité du droit de l’Union, responsabilité des États membres du fait d’une violation du droit de l’Union).
Affaires jointes C-397/01 à C-403/01, Pfeiffer e.a., Recueil 2004, p. I-8835 (interprétation du droit national conforme au droit de l’Union).
Compétence de l’UE
Affaires jointes 3/76, 4/76 et 6/76, Kramer e.a., Recueil 1976, p. 1279 (relations extérieures, engagements internationaux, compétence de l’UE).
Avis 2/91, Recueil 1993, p. I-1061 (répartition des compétences entre l’UE et les États membres).
Avis 2/94, Recueil 1996, p. I-1759 (adhésion de la CE à la CEDH, absence de compétence).
Avis 2/13, ECLI:EU:C:2014:2454 (incompatibilité du projet d’adhésion de l’UE à la CEDH avec le droit de l’Union).
Effets des actes juridiques
Affaire 2/74, Reyners, Recueil 1974, p. 631 (applicabilité directe, liberté d’établissement).
Affaire 33/74, van Binsbergen, Recueil 1974, p. 1299 (applicabilité directe, libre prestation des services).
Affaire 41/74, van Duyn, Recueil 1974, p. 1337 (applicabilité directe, libre circulation).
Droits fondamentaux
Affaire 29/69, Stauder, Recueil 1969, p. 419 (droits fondamentaux, principes généraux du droit).
Affaire C-112/00, Eugen Schmidberger, Recueil 2003, p. I-5659 (libre circulation des marchandises, droits fondamentaux).
Protection juridictionnelle
Affaire T-177/01, Jégo-Quéré & Cie/Commission, Recueil 2002, p. II-2365 (lacune en matière de protection juridictionnelle dans les actes juridiques ayant un effet direct mais n’ayant pas d’affectation individuelle); différent de la position de la Cour de justice dans son arrêt en pourvoi du 1er avril 2004 dans l’affaire C-263/02 P, Commission/Jégo-Quéré & Cie, Recueil 2004, p. I-3425.
Affaire T-18/10, Inuit Tapiriit Kanatami, Recueil 2010, p. II-5599 (définition d’un «acte réglementaire»); confirmé par la Cour de justice dans son arrêt en pourvoi du 3 octobre 2013 dans l’affaire C-583/11 P.
NOTES
(1)Cette désignation est sans préjudice des positions sur le statut et est conforme à la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité des Nations unies ainsi qu’à l’avis de la Cour internationale du justice sur la déclaration d’indépendance du Kosovo.
(2) La démission de la «Commission Santer» en 1999 a été provoquée par le refus d’accorder la décharge budgétaire; la motion de censure déposée à cette occasion a échoué, mais de justesse.
(3) Les chiffres de la population et le calcul peuvent être consultés via l’hyperlien suivant: https://www.consilium.europa.eu/fr/council-eu/voting-system/voting-calculator/
(4) Pour plus de détails, voir le chapitre «La responsabilité des États membres du fait de violations du droit de l’Union».
À PROPOS DE CETTE PUBLICATION
La publication L’ABC du droit de l’Union européenne est disponible sur l’internet à l’adresse https://op.europa.eu/fr/web/general-publications/publications
Commission européenne
Direction générale de la communication
Service «Rédaction et communication ciblée»
1049 Bruxelles
BELGIQUE
Manuscrit achevé en mars 2023
Luxembourg: Office des publications de l’Union européenne, 2023
Le contenu de la présente publication ne reflète pas nécessairement la position officielle de l’Union européenne. L’auteur est seul responsable des informations qui y figurent et des opinions qui y sont exprimées.
ISBN 978-92-76-10144-4 | doi:10.2775/91839 | NA-03-19-655-FR-C | |
ISBN 978-92-76-10156-7 | doi:10.2775/556587 | NA-03-19-655-FR-N | |
HTML | ISBN 978-92-76-11143-6 | doi:10.2775/41013 | NA-03-19-655-FR-Q |
© Union européenne, 2023
La politique de réutilisation des documents de la Commission européenne est mise en œuvre sur la base de la décision 2011/833/UE de la Commission du 12 décembre 2011 relative à la réutilisation des documents de la Commission (JO L 330 du 14.12.2011, p. 39). Sauf mention contraire, la réutilisation du présent document est autorisée dans le cadre d’une licence Creative Commons Attribution 4.0 International (CC BY 4.0) (https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/). Cela signifie que la réutilisation est autorisée moyennant citation appropriée de la source et indication de toute modification.
Reproduction autorisée, moyennant mention de la source. Pour toute utilisation ou reproduction d’éléments qui ne sont pas la propriété de l’Union européenne, il peut être nécessaire de demander l’autorisation directement auprès des titulaires de droits respectifs.
L’ABC du droit de l’Union européenne
L’ordre juridique qui sous-tend l’Union européenne (UE) imprègne la réalité politique et sociale européenne. Les citoyens européens ne sont plus uniquement citoyens de leur pays, de leur ville ou de leur commune, mais ils sont également citoyens de l’UE.
L’ABC du droit de l’Union européenne, rédigé par Klaus-Dieter Borchardt, nous fait remonter aux origines de la construction européenne et décrit l’évolution de celle-ci en tant qu’ordre juridique.
Il s’impose comme un ouvrage de référence sur le sujet et s’adresse à tous les lecteurs souhaitant se familiariser avec la construction de l’UE et les piliers de l’ordre juridique européen.